Crète : Chora Sfakion, célébration (en images, et avec Odysseas Elytis)

« Le voyage d’Odysseus, dont il m’a été donné de porter le nom, semble ne devoir jamais s’achever. Et c’est heureux. (…) En me consacrant, à mon tour, pendant plus de quarante ans, à la poésie, je n’ai rien fait d’autre. Je parcours des mers fabuleuses, je m’instruis en diverses haltes. »

« Oui le paradis n’est pas une nostalgie, encore moins une récompense. Le paradis est simplement un droit. »

Odysseas Elytis

J’ai préparé cette note en écoutant l’oratorio Axion Esti composé par Mikis Theodorakis sur les vers d’Odysseas Elytis (deux génies d’origine crétoise), oratorio que je connais par cœur (du moins pour la musique) depuis mon adolescence. Le titre de ce vaste poème païen vient d’une hymne à la Vierge Marie dans la religion orthodoxe.

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crete chora sfakion 1-minLundi, un arc-en-ciel nous a accompagnés, du bus pris à La Canée, jusqu’à l’arrivée à Chora Sfakion.

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Un village sans doute trop touristique en été, mais en ce mois de janvier nous y sommes apparemment les seuls venus d’ailleurs nous reposer ici. L’hôtel où nous avons loué une suite est fermé, nous y profitons d’une paix royale.crete chora sfakion 3-min

Première balade au coucher du soleilcrete chora sfakion 4-min

Et le lendemain matin, tandis que O part dans les montagnes à VTT, je monte voir une petite église bâtie dans une grottecrete chora sfakion 5-min

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  La vue en redescendant est toujours aussi splendidecrete chora sfakion 9-min

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crete chora sfakion 11-minEt je rencontre d’autres petites églises en chemin, il y en a vraiment partout

Le lendemain, je marche encore un moment avec O

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puis il part à VTT et je continue la balade à pied.

Ici on l’aperçoit sur le chemin, juste à l’aplomb de la première ruche :

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Je redescends par un autre chemin. Toujours des églises…

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et des oliviers

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et des oratoirescrete chora sfakion 18-min

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Un monument en hommage aux Crétois de Chora Sfakion exécutés par les nazis pour avoir aidé les soldats néo-zélandais à quitter la Crète en 1941. Des dizaines de noms y sont gravés, et derrière la vitre, en bas, ont été déposés des crânes.

crete chora sfakion 22-minà Chora Sfakion, photos Alina Reyes

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« Je considère la poésie comme une source d’innocence emplie de forces révolutionnaires. Ma mission est de concentrer ces forces sur un monde que ne peut admettre ma conscience, de telle manière qu’au moyen de métamorphoses successives, je porte ce monde à l’exacte harmonie de mes rêves. Je me réfère à une sorte de magie moderne dont la mécanique nous conduit à la découverte de notre vérité profonde. C’est pourquoi je crois, par idéalisme, que j’évolue vers une direction encore jamais atteinte. »

N’ayant pas les livres sous la main, j’ai trouvé les citations d’Odysseas Elytis ici. Pour d’autres évocations du poète sur ce blog, voir mot-clé Odysseas Elytis.

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à suivre !

OXI : encore non à la dictature

 

Ce chant de Théodorakis, sur des paroles d’Odysseas Elytis, je l’écoute et le chante depuis mes quinze ans. Après la dictature des colonels, la Grèce continue de lutter pour la démocratie, et c’est beau. Comme cette autre stature géante, Maïakovski, Théodorakis accompagne l’histoire en marche. Le dieu de la musique et de la poésie est du côté de la lumière.

 

Justice intelligible ô soleil mental
Et toi fervent myrte de la gloire
non je vous en supplie non
ah n’oubliez pas ma patrie!

Aquilin son profil est fait de monts altiers
de volcans aux flancs de vignes striés
de maisons plus blanches d’être
au voisinage du ciel bleu !

(…)

Mes mains irritées des orties de la Foudre
je les replonge en arrière du Temps
j’appelle aux anciens amis
armés de terreurs et de sang !
Odysseus Elytis, Axion Esti, Gallimard, 1996,  trad. par Xavier Bordes et Robert Longuevil

Une terre lointaine

« J’ai continué à marcher, malgré mon barbelé dans la cuisse. Il faisait si froid. Si je m’arrêtais, j’allais m’endormir, mourir sur place. J’avançais, et il y avait juste une idée dans ma tête : le jardin, la ménagerie. Là-bas il ferait chaud, à cause du souffle des animaux endormis. » (Je finis de taper L’Exclue, paru en 2000 et dont je n’ai plus le manuscrit, qui sera l’un des livres reproposés ici dans quelques jours sous forme numérique).

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 » … Et l’homme ultime prononcera sa première parole, afin que poussent les herbes, et que la femme comme un rayon de soleil apparaisse à son côté. Et de nouveau il adorera la femme et la couchera sur l’herbe ainsi qu’il a été ordonné. Et les rêves obtiendront vengeance, et ils sèmeront des générations dans les siècles des siècles !

 

Vers une terre lointaine et sans péché désormais je m’avance.

Désormais me suivent des créatures légères

avec aux cheveux les irisations du pôle

et sur la peau le doux scintillement de l’or.

Étrave mon genou, je progresse parmi les herbes

et mon haleine rejette de la face de la terre

les ultimes pelotes du sommeil.

Et les arbres cheminent à mon côté, contre le vent.

Je vois de grands mystères singuliers et étranges :

Fontaine la caverne d’Hélène.

Trident avec dauphin la forme de la Croix.

Porte blanche le barbelé sacrilège.

Par là glorieux je passerai.

Les paroles qui m’ont trahi et les gifles seront

devenues myrtes et palmes :

Hosanna annonceront-elles, Hosanna à celui qui vient !

Je vois dans la privation la jouissance du fruit.

Oliviers obliques avec un peu de bleu entre les doigts

ces temps de la colère derrière les barreaux.

Et plages sans fin, humides du désir ensorcelant des yeux,

les profondeurs de Marina.

Là chaste je marcherai.

Les larmes qui m’ont trahi et les humiliations

seront devenues souffles et chants infinis d’oiseaux :

Hosanna annonceront-elles, Hosanna à celui qui vient !

Vers une terre lointaine et sans péché désormais je m’avance. »

 

Odysseas Élytis, Prophétie

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