nous vous annonçons la paix

Photo Alina Reyes

 

Il n’est d’existence que celle qui danse, poussière, dans la lumière.

La contemplation est ma béatitude, ma nourriture d’abondance.

Il n’y a que la vie. J’aime les vivants et la vie à la folie.

Le mur était long, peint en bleu jusqu’à mi-hauteur, puis blanc jusqu’au plafond. La pièce était rectangulaire, bordée de banquettes alignées contre ses murs bleus et blancs. Je restais là sans bouger, en silence, à regarder cette splendeur inouïe, cette paix absolue, cette pauvreté radieuse, dans la ligne de rencontre du bleu et du blanc.

Nous avions vingt-deux ans, J-Y et moi. Nous voyagions en 2CV fourgonnette avec notre fils de deux ans et notre chienne de berger. Nous avions une bassine pour la toilette et la vaisselle, un réchaud de camping pour la cuisine, et nous dormions dans la voiture. C’était l’automne. Ce soir-là, nous nous sommes arrêtés au bord d’une route déserte de l’Atlas. Le phare d’un vélomoteur est apparu en tremblotant, se dirigeant vers nous. L’homme s’est arrêté à notre hauteur et nous a invités par gestes à le suivre Nous avons eu confiance, nous avons redémarré, nous l’avons suivi au pas, longtemps, en cahotant sur des pistes rouges, noyées dans la nuit.

Finalement nous sommes arrivés à sa maison. Nous sommes entrés avec lui dans la pièce commune, où plusieurs autres personnes se sont mises à apparaître aussi. Nous avons été invités à nous asseoir par terre sur les tapis et nous avons partagé leur repas, oeufs durs, légumes, pain, oranges, à la lueur des flammes. Quelqu’un est allé chercher le fils du chef du village, parce qu’il parlait français. Nous avons tous conversé très doucement. Puis nos hôtes nous ont laissé la pièce pour nous seuls, où nous avons dormi sur les tapis. Je me suis levée à l’aube, je suis sortie, j’ai vu se révéler la pauvre maison de terre rouge où nous étions, semblable à toutes les autres du village.

Ils nous ont fait visiter l’immense orangeraie où ils travaillaient. Nous avons répondu aux invitations des uns et des autres, chacun nous offrant l’hospitalité. Pas question de sortir un seul dirham de notre poche, ils tenaient à tout nous offrir. À la fin nous avons dormi chez le chef du village, c’est lui qui avait cette maison un peu plus élaborée, avec des banquettes et des murs bleus et blancs. Avant de nous laisser partir, il a écrit l’adresse de ses cousins de Marrakech, en nous disant d’y aller de sa part. Les villageois nous ont fait don d’une grande corbeille en osier, remplie d’oranges et de petits cadeaux faits à la main.

À Marrakech, des enfants dans la rue se sont débrouillés pour faire déchiffrer l’adresse et nous y conduire. Les cousins avaient une belle maison traditionnelle. Les femmes, qui ne parlaient que l’arabe, nous ont fait asseoir dans le patio, nous ont servi du thé et des gâteaux, ne pouvant comprendre d’où nous venions. Puis les hommes sont rentrés du travail, nous avons pu expliquer. Nous avons été reçus comme des rois, encore. Elles ont organisé une petite fête, m’ont habillée d’une belle robe traditionnelle, m’ont fait chanter et danser avec elles. Le lendemain était férié, nous nous sommes entassés à je ne sais combien dans leur voiture et ils nous ont emmené voir les avions à l’aéroport. Puis nous avons poursuivi notre voyage, nous ne voulions pas abuser de leur hospitalité divine. C’était en 1978.

 

Le Ciel

Photo Alina Reyes

 

J’ai fait un cauchemar atroce. J’étais à l’église, la messe commençait, normalement. Puis la liturgie devenait de plus en plus païenne. Les chants, les mouvements, tout… Je ne disais rien mais je souffrais de plus en plus, le ciel se déchirait et souffrait, à la fin je me mettais à interpeller tout le monde, je criais pourquoi faites-vous ça, et le Christ ? et Dieu ? Vous ne vous en souvenez pas ? C’était terrible et cela m’a réveillée, avec une migraine atroce. J’ai dû prendre des cachets à la codéine que m’a donnés mon fils et rester sans bouger dans l’ombre, et maintenant tout va bien et je suis bienheureuse de lire cet article.

 

air pur

Photo Alina Reyes

 

Échangé quelques mots avec des SDF. J’ai toujours l’impression que ces gars-là sont mes amis, c’est pourquoi souvent je ne m’arrête pas, car ensuite j’ai un peu de peine à les quitter. J’ai eu envie de leur dire picolez pas trop les gars, faites attention à vous, et de parler plus avec eux, mais je n’en ai rien fait, peut-être une autre fois je le ferai. En tout cas ils étaient bien joyeux, on s’est bien souri.
Je cherche du boulot, j’épluche les petites annonces, hier matin j’ai déjà envoyé une candidature spontanée, ça ne me déplait pas, ce qui m’attire le plus ce sont les plus petits boulots, je voudrais bien en trouver un même si c’est bien mal payé. Lire une offre d’emploi c’est comme lire une recette de cuisine ou même lire un livre, cela projette dans quelque chose, un moment (celui de préparer le plat, puis de le servir et de le manger) ou tout un pan de vie, le travail, son atmosphère… Faire un travail humble a quelque chose de libérateur justement à cause de l’humilité du travail, on ne le fait pas dans le but de servir une quelconque ambition, mais seulement parce qu’il faut bien gagner sa vie et celle de sa famille. Cela suffit, c’est très beau, surtout si le travail est d’utilité publique, comme faire le ménage dans une entreprise ou soigner des gens, ou les servir.
D’autres choses suivront, dans ma vie personnelle et dans ma vie pour tous. Nous donnerons témoignage de la vie claire.
Je fais confiance au ciel parfaitement, je travaille avec lui, c’est pour tous même si cela n’en a pas l’air, et je suis bienheureuse.

 

Notre voyage sans fin

à Soulac-sur-mer. Photo Alina Reyes

 

J’ai confiance en vous, vivants qui vivez sous le ciel. Avec vous mon peuple comme je suis avec les miens dans notre maison d’amour où règne, si proche et plein, le ciel, vous écoutant comme j’écoute la voix de mes enfants, j’ai foi en vous, vivants, vous qui êtes Sa gloire et marchez dans mes veines en cortège vers la lumière qu’il nous donne en partage.

Je viens à vous, vivants, je viens en vous, je vous rends grâce dans votre immense gloire, vous qui pouvez vous mettre nus, venez, je suis l’océan et ses vagues qui vous aiment, je suis le sable où vous êtes mes lettres, je suis le ciel dressé pour vous comme une table.

Éternel est notre amour.