Lion

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Retrouver ces écrits de jeunesse m’a remise sur la voie de l’écriture romanesque. J’ai commencé trois romans, dont l’un, celui dont je viens à l’instant d’écrire les trois premières phrases, pourrait être terminé dans quelques semaines.

Le Verbe est notre roi.

Ayez foi.

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L’Ange du Grand Conseil

Avant de m’endormir, les yeux fermés, j’ai vu un ruisseau humble et splendide qui traversait tout le jardin, tout droit, parsemé de lumières et de couleurs, comme si l’eau était en fleur. Une petite enfant arrivait perpendiculairement et l’enjambait aisément, bien qu’il fût pourtant large pour sa taille, quoique sa tête fût au ciel.

Saint Augustin (il faut citer ses sources), dans un même paragraphe de son sermon sur Moïse et le buisson ardent, a appelé le Christ piscine de l’Envoyé (Siloé), et, d’après Isaïe (« un enfant nous est né »), l’Ange du grand conseil. Et nous, ses humbles Pèlerins, ses anges de la terre, nous nous rappelons que plus nous nous rapprochons du point où se croisent la terre et le ciel, plus les anges et archanges, avec les âmes, avec les éléments, sont proches les uns des autres et de l’Unique, en lequel ils se fondent en communion.

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Venue

L’été au lever du soleil, la rumeur de la ville semblable à celle de l’océan les petits matins calmes, par la fenêtre ouverte l’air doux comme un jardin plein de lilas, bruissement parfumé des anges, murmure de leurs ailes tandis qu’ils remontent et redescendent parmi les peuples du ciel et de la terre, cœur gonflé de la prière que nous venons de faire, que des hommes et des femmes de toutes religions viennent comme à chaque aube de faire – et il est toujours en quelque lieu l’aube sur la terre, et l’heure des anges du seul Dieu, qui s’y répandent et soutiennent les âmes, celles qui y restent et celles qu’il leur faut emporter. Bonjour mes sœurs, bonjour mes frères, bonjour à vous, tous mes enfants, que la joie vous vienne, que la paix soit avec vous, que l’amour avec ses ailes vous sorte de vous-mêmes.

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Aid moubarak ! Prière de rue et croissant de lune

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tout à l’heure après la prière de l’Aid, photo Alina Reyes

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Quand je suis arrivée, le peuple des croyants débordait largement dans la rue. J’ai contourné les rangs des hommes, j’ai sorti de mon sac mon foulard supplémentaire, je l’ai mis par terre – mais ma jeune voisine de prière s’est serrée pour me laisser une place sur son tapis. Tout le monde s’était fait beau, tout le monde était joyeux, le soleil matinal était radieux. Je suis revenue par un autre chemin, comme Dieu aime mieux, je me suis arrêtée dans une boulangerie, j’ai échangé quelques mots avec des musulmans bienheureux, dedans et dehors, j’ai donné quelque chose à un petit mendiant, je suis rentrée à la maison avec des croissants pour tout le monde.

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Pour les siècles des siècles

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peinture Alina Reyes (4 août 2012)

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Tant que j’assiste au combat des deux monstres dans la clairière, je ne peux y être moi-même. Ils sont les anges qui gardent l’entrée de l’Eden. Si mon regard ne meut pas mes pieds, c’est que j’ai laissé le serpent me piquer au talon. Pénétrer dans le cercle, c’est écraser sa tête : les combattants s’évanouissent, le combat s’involue en jouissance. Pénétrant dans la clairière, je la féconde : de notre union naîtra un nouvel être. Me voici au cœur du secret, protégée par le cercle des arbres, et sur le lieu de la révélation, ouvert sur le ciel ; grâce à ce dévoilement, l’être jeté nu dans un placard sombre peut revoir le jour, et rené, se laisser envelopper dans la douceur des voiles allégés de son été.

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Demain dernière journée de Ramadan. La nuit qui vient est encore une nuit d’Al Qadr en puissance, mais elles le sont toutes. Du premier croissant de lune au nouveau premier croissant de lune, veillant beaucoup j’aurai perdu le confort qu’il faut perdre, jeûnant j’aurai perdu un peu de poids physiquement aussi, car ce n’est qu’allégé que l’on peut croître en vérité et force de paix. Ramadan est une retraite, un temps dans la grotte face au ciel, comme pour Mohammed, comme aussi pour les hommes de la préhistoire qui peignaient sur les parois, dans les ténèbres, leurs animales constellations, traversant la pierre, rejoignant l’invisible. Ce qui était devenu mort ayant été détaché du vivant, au bout de cette maturation, vitalité décuplée, dans l’histoire pour les siècles des siècles.

Je reviens bientôt avec une nouvelle série, « De la Pitié à la Mosquée », et peut-être une autre aussi, rappel autobiographique, « Le sang de l’amour ».

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