Sourate 20, TaHa, « Au puits de ma béatitude » (1)

au Jardin des Plantes, photo Alina Reyes

 

Nous continuons à tourner autour du Coran et à l’intérieur du Coran à partir de ce centre qu’est la sourate Al-Kahf – tout en nous rappelant avoir dit que le centre du Coran est partout dans le texte, où sans cesse sont repris et déclinés les mêmes thèmes, lesquels peuvent se résumer en un thème unique, le thème eschatologique de la source et de la fin dernière, du but de l’homme, de son passage ici-bas.

Commençons cette fois par resituer la descente du Coran dans son contexte anthropologique, en citant ce passage du livre de Jacqueline Chabbi, Le Seigneur des tribus, à propos du ‘ilm, le « savoir tribal » :

« Étymologiquement, le ‘ilm tribal est centré autour de la recherche des marques et des traces. Alam, de même racine (‘LM), désigne d’ailleurs ce « signe de piste ». Le savoir tribal est avant tout une science du déplacement. La connaissance, très prisée dans ces milieux, des généalogies et des alliances est aussi de cet ordre. Elle porte sur les relations et sur les réseaux. Comme la science de la piste, elle mobilise la mémoire et prépare à l’action. Il en va de même de ce que l’on pourrait appeler le « pistage du destin », c’est-à-dire du ghayb. »

Nous sommes ici dans le même type de savoir que celui des premiers Hébreux, nomades, ou des Aborigènes d’Australie, nomades aussi, dont Bruce Chatwin a décrit dans Le Chant des pistes la pensée complexe, si étrangère à la pensée des sédentaires. Un système de pensée où l’essence du monde est en quelque sorte semblable aux circonvolutions du cerveau, et qui atteint son but dans le monothéisme juif des origines, lui-même transcendé dans le monothéisme coranique, comme nous allons continuer d’essayer de le montrer, ou de le faire apercevoir.

Citons encore, en guise de mise en route, ce splendide passage d’une traduction par Jacqueline Chabbi, du « récit authentique, Khabar, mis sous le nom de Wahb (Ta’rîkh, I, 130-131) » :

« J’ai placé le premier bayt qui ait été édifié pour les hommes au creux du val de la Mekke, lieu béni (…) ils y viendront, des pieds à la tête couverts de la poudre des pistes, montés sur des chamelles efflanquées (tant ils seront venus de loin), par les gorges les plus profondes ; tout tressaillants de dire sans relâche : me voici venu ! me voici venu !, laissant sans discontinuer couler leurs larmes et rouler dans les gorges comme d’un grondement ininterrompu, le nom de Ma Grandeur. »

En notant que le mot Khabar, qui désigne les « récits authentiques » autour du Coran, est apparenté au nom qui désigne une « dépression toujours humide qui permet la pousse et la survie permanente des jujubiers » – arbres que l’on retrouve au paradis, et dépression qui rappelle celle où est bâtie la Kaaba, autour de laquelle les pèlerins tournent, comme nous autour de La Caverne, Al-Kahf.

Pourquoi certaines sourates commencent-elles par une succession de lettres qui ne veulent apparemment rien dire ?  Le Coran, Livre révélé, jongle avec la lettre à la vitesse de l’éclair. Génie de la langue, proche de celui dans laquelle s’écrivit la Bible, et où déjà, par-delà les deux dimensions visibles de l’Écriture, la littérale et la spirituelle, s’ouvrent secrètement d’autres dimensions, ouvrant sur d’autres sens, d’autres univers (où nous nous sommes aventurés dans Voyage). Nous avons vu que tel était le cas de la sourate Maryam, inaugurée par cinq lettres dont nous avons discerné un sens. La particularité de la sourate Ta-Ha est de porter en titre les deux lettres qui forment son premier verset. Comme dans Maryam, il s’avère que ces lettres indiquent quelque chose de capital qui est voilé par pudeur.

Cette sourate de 135 versets commence par le rappel de la Souveraineté de Dieu, qui « connaît le secret et même ce qui est encore plus caché » (v.7). Pour sa plus grande partie elle reprend l’histoire de Moïse, conclue par une méditation sur la Révélation (v. 9-114). Enfin, introduite par un rappel de l’histoire d’Adam, elle ouvre sur l’appel à suivre la juste voie en vue du Jour de la résurrection et de la rétribution.

« Ôte tes sandales, car tu es dans le val sacré de Tuwa », dit Allah à Moïse quand il s’approche du buisson ardent, au verset 12. Nul ne sait d’où vient ce nom, Tuwa. Mais il est certain que ce nom, placé en cet endroit absolument essentiel de la Révélation, fait signe. Et pénétrer dans ce signe, c’est rejoindre aussi les deux lettres initiales qui donnent à la sourate son nom. Pour cela il nous faut nous aussi ôter nos sandales, et entrer pieds nus dans le lieu immaculé de la langue. Ici ce n’est plus nous qui nous servons d’elle pour communiquer, mais elle qui vit, indépendante de nous, sans besoin de nous, souveraine et ne se laissant approcher que de ceux qui se sont dépouillés de toute protection et de toute prétention sur eux-mêmes et sur elle.

Avançons-nous comme des nouveau-nés dans les profondeurs de la langue, où elle palpite et évolue dans la lumière. Tuwa s’y trouve entre Tawa et Tuba. Nous y voyons Tawa désigner tout ce qui est plié ou qui se ploie, un rouleau ; un mouvement de va-et-vient ;  la maçonnerie intérieure d’un puits. Et Tuba, qui est aussi le nom d’un arbre du paradis, exprimer la béatitude.

D’autant plus qu’il est question de Moïse, nous nous rappelons que pour les juifs, la béatitude consiste à lire le rouleau de la Torah. Nous nous rappelons que nous avons vécu cette béatitude, que nous retrouvons en lisant le Coran, aussi près de sa langue que nous le pouvons. Et nous comprenons que le nom Tuwa exprime plus que cela encore. Le Ta initial de la sourate est aussi la lettre initiale de Tuwa (et de Tawa, et de Tuba). Quant à la deuxième lettre, le Ha, elle sert d’affixe pronominal. Sans fatha (accent-voyelle a), comme ici, elle indique le génitif ou le datif. Si bien qu’il nous est possible d’entendre, dans ce TaHa : « De mon T », ou « À mon T », T pouvant signifier le confluent de la béatitude et tout à la fois, comme nous allons maintenant le voir, des plis et du rouleau, du va-et-vient, du puits.

Rappelons-nous ce que nous avons indiqué, au début, de la pensée nomade. Je ne ferai pas ici l’analyse détaillée du contenu de la sourate, ce serait trop long et nous y reviendrons plus tard. Mais tout un chacun peut la lire en y notant le thème constant du déplacement, des allées et venues, tant dans l’espace physique, géographique, que dans l’espace mental et spirituel. Le texte arpente les pistes de l’existence et leurs replis, et c’est pour guider l’homme, lui éviter les égarements.

Au verset 39, Dieu explique à Moïse qu’il l’a sauvé des eaux, nouveau-né, afin qu’il soit élevé « sous mon œil », dit-il. Le mot Ayin, qui signifie en hébreu à la fois œil et source, signifie en arabe œil ; personne ; essence. Et encore, entre autres : pluie qui tombe plusieurs jours de suite. Ou : tourbillon d’eau dans un puits. Par où nous revenons à la source, à l’œil, au puits de Laaï Roï, « Le Vivant qui me voit » où Agar entendit l’Ange lui annoncer la naissance de son fils Ismaël. Voici comment nous commentions cet épisode dans Voyage :

« C’est là que l’Ange du Seigneur la trouve, à la source. La source se dit en hébreu : l’œil. Ici il est question de « l’œil des eaux ». Agar pleure, sans doute. Agar est révoltée par le traitement qui lui est fait. À l’œil des eaux, au lieu de désespérer, elle voit Dieu. L’Ange du Seigneur lui indique la voie du salut : voir plus loin. Plus loin que la tribulation immédiate, sa vie perpétuée dans une immense descendance – en laquelle se reconnaîtront les Arabes. »

Enroulement et déroulement vertigineux du sens dans le texte.

Je m’arrête là pour aujourd’hui, je reçois tous mes fils ce soir, j’ai à préparer. Lis ! Et sois bienheureux.

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À la maison dans la Bible, l’Évangile et le Coran

Jardin des Plantes, photo Alina Reyes

 

Le mot bayit en hébreu, bayt en arabe, désigne un contenant, une demeure : maison, tente, cimetière, temple, et aussi famille avec descendance – non limitée aux liens de sang. En arabe, au pluriel, il a un sens supplémentaire : vers. Le dictionnaire Kasimirski indique : « De même que le vers est homonyme de tente, de même chaque partie dont un vers se compose répond à quelque partie de la tente, comme pieu, etc. » Avant d’être appelé Allah, Dieu est nommé dans le Coran Rabb al-Bayt, Seigneur de la Maison. Cette maison est la Kaaba, élevée à La Mecque par Abraham (sourate II, 127).

Bayit, qui prend souvent la forme beyt en hébreu, en raison de sa forme, dit le dictionnaire de Sander et Trenel,  a donné son nom à la deuxième lettre de l’alphabet hébreu : beth. Cette lettre est la première de la Bible. Lorsque Jacob s’endort, la tête sur une pierre, et voit en rêve les anges descendre et monter à l’échelle entre terre et ciel, puis entend Dieu lui annoncer sa descendance, il s’exclame en se réveillant que c’est ici « la maison de Dieu, la porte du ciel ». Il dresse la pierre sur laquelle sa tête a reposé, en fait une stèle, qu’il appelle Béthel, « maison de Dieu » – bétyle (Genèse 28, 10-19), en promettant que si Dieu le garde dans son voyage et lui donne du pain et lui permet de rentrer à la maison, il sera son Dieu.

Bethléem, « Maison du pain », est le lieu où naquit Jésus-Christ, « le pain de la vie », au creux d’un rocher, d’une grotte qui est aussi un mot. Béthel, où Abraham éleva aussi un autel (Genèse 12, v.8) est considéré comme le village nommé autrement Emmaüs (par déformation d’un nom contenant Luz, ancien nom du lieu renommé Béthel par Jacob), où les compagnons rencontrèrent, au soir du premier dimanche, le Christ ressuscité – qu’ils reconnaissent quand il leur partage le pain et leur explique les Écritures.

La lettre B, en arabe comme en hébreu, signifie dans. De nouveau l’idée de demeure. Elle est la première lettre de la Bible et aussi du Coran, avec ce sens. Dans la Bible, littéralement : « Dans le commencement », et dans le Coran : « Dans le nom » (de Dieu). Ce B est en quelque sorte un bétyle. Que nous dit-il, d’entrée ? Que dans la lettre est Dieu. La première lettre est en quelque sorte la maison d’où jaillit, comme en Big Bang, la parole de Dieu, à la fois source, pain et nom.

Les vêtements liturgiques et le pectoral d’Aaron seront couverts de pierres précieuses (Exode 39), comme la Jérusalem céleste (Apocalypse 21). Le Temple de Jérusalem est le béthel, la maison de Dieu. Dans la Kaaba est enchâssé le bétyle. Le Christ renomme l’apôtre à qui il confie de fonder son église, il l’appelle Pierre. La pierre est à la fois le lien entre la terre et le ciel, et la maison où demeure le ciel descendu sur terre. Une maison tout à la fois aussi concrète qu’une pierre et aussi spirituelle qu’une lettre. Comme le dit Al-Fatiha, L’Ouvrante, la première sourate, Dieu est le « Maître de l’univers », « Maître des mondes ». En Lui les mondes se répondent et communient, aussi étrangement parfois que la pierre et la lettre. En lui les mondes, et la terre et le ciel, forment une unique maison, famille, descendance et poésie, Sa demeure, dont la porte est ouvrante.

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Des partouzes, du voile, du mot antisémitisme et des boiteux


photo Ricardo Moraes/Reuters

 

L’Islam sans gêne, titre en une Le Point de cette semaine. S’ils nous trouvent sans gêne, c’est peut-être parce qu’eux sont tout empêtrés dans leur gêne face à l’islam. Sur leur site, le jour de la sortie de ce numéro, à la rubrique anniversaire, ils évoquaient une partouze organisée au Vatican par le pape et le clan des Borgia. Façon de dire : voilà qui nous sommes, nous. Le lendemain, jour anniversaire de la guerre d’indépendance algérienne, ils ont mis : « 1er novembre 1925. Plutôt mort que cocu. Max Linder entraîne sa jeune épouse dans le suicide. » C’est ça, ils se sentent cocus. Comme Longuet avec l’Algérie. Et comme dans les pièces de théâtre, les cocus deviennent vite ridicules, avec leur suspicion, leur égarement, leur rancoeur.

Ils ont dû laisser leurs colonies, alors ensuite c’est le peuple de métropole qu’ils se sont mis à coloniser. Ce peuple formé de beaucoup d’immigrés et enfants d’immigrés, mais aussi du peuple de toujours et de sa jeunesse, de tous ceux qui n’ont pas pour but dans la vie de dominer et exploiter autrui. Mais au fond les colonisés sont déjà plus libres que les colons, prisonniers de ce besoin de coloniser sans lequel ils ont peur de ne pouvoir survivre.

« L’islam sans gêne ». Cette couverture d’une jeune femme voilée avec de bien beaux yeux. Il y a quand même quelque chose de louche, si je puis dire, dans l’obsession de ces gens contre l’islam. Comme un désir refoulé. Le désir de Dieu. Ils essaient de se rattraper en brandissant leur sexe apeuré, mais cela ne suffira jamais. Car c’est pire qu’un désir sexuel refoulé pour ceux qui voient des gens aimer Dieu alors qu’eux ne le peuvent pas, à cause de leur culture. « Venez à la félicité ! », appelle le muezzin. Se tenir debout, s’incliner, se prosterner devant Dieu, rien n’est meilleur à vivre et ils se sont condamnés à ne jamais le connaître.

 

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« Nulle contrainte en religion » dit le Coran (II, 256). Dieu libère. Une religion qui se mettrait à dire le contraire irait vers sa mort. Mais parmi mes frères en islam, ils sont nombreux aussi à avoir quelque problème avec la femme. Le premier des cinq piliers de l’islam est l’attestation de foi selon laquelle « il n’est de dieu que Dieu, et Mohammed est son messager ». Ceci, nous le répétons plusieurs fois par jour, afin de nous prémunir contre l’idolâtrie, et de nous rappeler que la parole que nous devons suivre, c’est celle qu’a transmise Mohammed, lui-même recommandant aussi celle des autres prophètes. Dans le Coran il demande aux femmes la pudeur, de rabattre leur habit sur leur poitrine. Rien de plus. Il n’est jamais question de cheveux ni de hidjab, sauf pour tout autre chose que la tête de la femme (nous en avons parlé à propos des sourates Al-Khaf et Marie). Les historiens relatent que Mohammed a fait cette recommandation de pudeur aux femmes parce que les messieurs de Médine visiblement ne savaient pas se tenir, et voulaient se les échanger comme des chameaux. Ils rappellent aussi que le voile n’a jamais été imposé aux femmes en islam, qu’il n’a pas été porté pendant les siècles de splendeur de son règne et n’est devenu à la mode qu’à partir de sa décadence. À méditer.

Pour les prescriptions, plusieurs hadiths montrent que le Prophète était en fait un homme très souple et très compréhensif des différentes situations des êtres humains. Autant que je sache, il n’a jamais dit qu’une femme non voilée irait en enfer, alors qu’il l’a beaucoup dit pour les hypocrites.

Mais parmi nos frères (surtout) et nos sœurs, beaucoup semblent vouer une idolâtrie à cette question tout à fait secondaire, qui n’est en rien l’un des piliers de l’islam, et qu’ils sacralisent pourtant. Se retrouvant ainsi à faire le même jeu que ceux qui ont peur d’eux. Car c’est la peur aussi qui les fait se raccrocher au voile comme à la jupe de leur maman. Non mes frères vous ne perdrez pas votre virilité si vos femmes vont tête nue. Non mes sœurs vous ne serez pas assurées d’être plus saintes si vous êtes voilées. Je comprends le choix du voile d’autant mieux que depuis longtemps je suis moine dans l’âme et pratique beaucoup la contemplation et la méditation avec une capuche sur la tête. Je prie voilée, et je prie selon les temps et la règle de l’islam. Mais pour le reste du temps il faut que cela demeure un choix, un choix ni contraint ni forcément définitif. Et j’aime aussi sortir cheveux au vent, qu’il me parle librement aux oreilles. Dieu y souffle, et il est d’accord pour que je l’écoute.

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Houria Bouteldja, porte-parole des Indigènes de la République, est traitée par le Crif de « démon antisémite » pour avoir rappelé dans une émission télévisée que le problème de l’antisémitisme était lié à l’antisionisme, lui-même généré par les crimes commis par l’État d’Israël. Ah ! antisémitisme ! Le mot sert aux sionistes, juifs ou autres, de Vade retro Veritas ! Il est parfaitement vrai que le problème israëlien est crucial pour la paix sociale hors d’Israël et pour la paix dans le monde, mais comme ils ne veulent pas l’admettre ils sont prêts à toutes les dénégations. Ils ne sont évidemment pas les seuls à fonctionner ainsi, mais ils se trouvent malheureusement au coeur d’une question particulièrement aiguë, qui rend le déni de plus en plus invivable pour tout le monde.

Il ne s’agit pas de faire de l’État juif le bouc émissaire de tous les maux, mais de reconnaître ce qui est. À savoir que cet État viole chaque jour un peu plus le droit international, et ceci avec la complicité de pays occidentaux impérialistes qui perpétuent ainsi sous une autre forme le colonialisme des Blancs au détriment d’Arabes. L’antisémitisme est évidemment injustifiable, mais on ne peut le combattre sans agir aussi contre l’injustice énorme perpétrée par l’État juif, sans s’en désolidariser. Ces gars se contredisent allègrement, étant mystiques quand ça les arrange (le droit à leur terre sacrée) et ne l’étant plus quand il s’agit de voir comment le mal, à partir d’un point crucial, peut empoisonner le reste du monde.

Pour autant ils ne sont pas les seuls, loin de là, à boiter gravement. Citons aussi les anti-colonialistes collabos. Les féministes sans pensée. Les religieux sans Dieu. Les élites porcines. Les auteurs tortureurs de verbe… La fosse éternelle, les boiteux sont toujours tout près d’y tomber. Ils ont beau fermer les yeux, un jour ou l’autre ça finit par arriver. Allez hop, sortez de là !

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D’un château l’autre

Jardin des Plantes, photo Alina Reyes

 

« la trouille, le gniouf ! leur hantise !… Mauriac, Achille, Gœbbels, Tartre !… ça que vous les voyez si nerveux, si alcooliques, d’un cocktail l’autre, d’une confession l’autre, d’un train l’autre, d’un mensonge l’autre ! » Louis-Ferdinand Céline, D’un château l’autre

 

L’Occident a une peur bleue de l’islam. Mais ce n’est pas la faute de l’islam si les églises se vident tandis que les mosquées poussent. Au lieu de montrer la grosse paille dans l’oeil du voisin, considérons la poutre dans le nôtre, qui nous aveugle.

Les imbéciles qui ont lancé une fatwa sur Rushdie lui ont permis de devenir célèbre et d’avoir toutes les faveurs de l’Occident, qui s’y prend plus discrètement et bien plus efficacement pour empêcher de parler les porteurs d’une parole dérangeante. Reconnaissons que nous, « démocrates », sommes en fait beaucoup plus fort en coups tordus et coercition. Les pays arabes l’ont appris à leurs dépens depuis assez longtemps.

Mais ils sont jeunes, et nous sommes vieux. Ils ont la vie devant eux, et nous pouvons la trouver avec eux, si seulement nous voulons bien nous défaire de ce regard épouvanté que nous posons sur eux.

« L’antisémitisme est un terrible fléau et sa résurgence ne peut pas être dissimulée » dit-il. Le Coran est sémite et l’antisémitisme frappe ses lecteurs comme ceux de la Torah. Mais Valls et compagnie sont aussi ignorants de l’esprit et du coeur que ceux dont ils dénoncent l’obscurantisme – quand ils ne le font pas à tort. »

Si toute religion a sa part d’intégrisme, a ajouté M. Valls, c’est aujourd’hui dans l’islam que cette part suscite la crainte. » J’entends bien, mais ce qui est plus inquiétant en vérité, c’est cette crainte dont parle M. Valls, cette peur massive, obsessionnelle, qui gagne l’Occident. De quoi a-t-il vraiment peur ? De l’islam ? Pourquoi ? Parce qu’il représente un monde en devenir ? Alors que le soleil est en train de décliner à l’Ouest ? Comment se fait-il que des hommes de culture chrétienne n’aient pas encore appris qu’il ne faut pas s’accrocher au « vieil homme » ? Le soleil se couche, la nuit passe, le soleil se lève, c’est ainsi.

Dans l’expression « le vieil homme », il faut entendre son sens biblique : l’homme enfermé dans le système de son monde. Qui prèfère sacrifier les générations suivantes plutôt que l’animal en lui, centré sur lui-même. L’homme des temps modernes, quoi.

Le père de Salman Rushdie rêvait, paraît-il, de « remettre en ordre les sourates du Coran ». Et pourquoi pas de remettre en ordre les étoiles dans le ciel ?

Voilà ce qu’est l’antisémitisme : la peur du Verbe, de la liberté du Verbe, et le désir de le contrôler. Exactement comme l’Occidental s’acharne à vouloir contrôler le vivant, le trafiquer, l’exploiter, et pour finir le polluer et le détruire.

L’expression « faux-cul » est parfaite. Le mien est vrai, comme celui de tous les prophètes, du plus petit au plus grand. C’est pourquoi les faux-culs, tout en se flattant leur faux les uns les autres, sont si obsédés par le vrai des vrais.

Le hijeb d’accord, mais à part pour les Targuis, exposés aux tempêtes de sable, porter un voile intégral ne me semble pas faire preuve d’ouverture envers ses semblables. Pourquoi Dieu nous a-t-il fait un visage, si ce n’est pour que nous puissions nous reconnaître les uns les autres comme des frères humains ?

Le paternalisme se porte bien, tant chez les colons que chez les abuseurs en tous genres, les pédophiles et leurs amis très compréhensifs. Tous ces gens grincent des dents quand ils entendent dire Dieu, et l’on entend crisser le verre du miroir qu’ils ont jeté.

Leurs guerres de connards, je les prends sur moi, ça les rapproche.

Traîtres à leur peuple et lâches, ceux qui l’appellent à laisser faire et grandir l’injure, l’injustice et la haine. Quel discours stupide, que celui qui consiste à répéter que tous les prophètes ont été insultés et n’ont pas pour autant réagi, considérant cela comme faisant partie de leur épreuve. Quel discours mensonger et trompeur. Qu’ont fait tous les prophètes, que n’ont-ils obstinément cessé de faire, face au mal, face au mensonge ? Sinon de le dénoncer avec puissance, de le combattre par leur parole et par l’exemple de leur vie mise au service de leur peuple ?

Cessez de trafiquer la vérité tout en prêchant le « travail sur soi », comme disent les magazines féminins et autres machins. Dieu, en tous Ses Noms et Attributs, doit être affirmé sans cesse, avec intelligence, amour et raison, y compris face aux mécréants, aux dénégateurs de Ce qui est Tout-Miséricorde et Souverain – ce que fait le Coran. Quant à l’insulte faite au Prophète et à ses amis, voici l’une des façons légitimes d’y répondre, indiquée par Lui-même :

« Celui qui t’insulte, c’est lui qui est châtré » (Sourate 108, Al-Kawthar).

Ne pas répondre est souvent pire que répondre, dans le sens où ignorer l’autre peut être non seulement une lâcheté et un aveuglement, mais aussi un déni de l’autre. Lui répondre, même vigoureusement, c’est reconnaître son humanité et, par le simple fait de répondre, donc de susciter son attention sur son propre comportement, l’inciter à se sortir du mauvais chemin, comme le fait aussi sans cesse le Coran.

Le terme « châtré » est la traduction au plus près du mot, ce n’est pas moi qui l’invente. J.Chabbi, professeur d’études arabes à l’Université Paris VIII-Saint-Denis, explique dans son livre « Le Seigneur des tribus – L’islam de Mahomet »(CNRS éd) que les traductions habituelles euphémisent le verbe arabe par une sorte de pudeur, mais qu’on se trouve bien dans ce verset  « en présence de ce que l’on pourrait appeler un renvoi d’injure » et qu’il importe « de faire ressortir la violence de la situation pour ne pas se méprendre sur la nature des propos échangés. » Aller au dictionnaire !

Il ne s’agit en aucun cas de châtrer par vengeance, mais bien de répondre à l’injure par une autre violence verbale, qui a par ailleurs, si l’on y pense,aussi un sens spirituel : celui qui insulte profère un mensonge, il est donc  en quelque sorte châtré de la langue, sa langue est coupée, coupée de la vérité et donc de la possibilité de faire un don de vie.

La loi du talion, rappelons-nous qu’elle est  adoucie par cette parole du Coran : « quiconque y renonce par charité, cela lui vaudra une expiation » (V, 45). C’est au départ une loi pour empêcher les vendettas sans fin, les vengeances démesurées : oui, plutôt que la démesure, mieux vaut la loi du talion,  œil pour œil , dent pour dent, mais pas plus. Et plutôt que la loi du talion, chaque fois que c’est possible, mieux vaut la loi du cœur, si  elle ne met pas en danger d’autres personnes.

Je me rappelle la rugosité des cornes du taureau Espoir dans mes paumes. À la fin, il s’est couché devant ma porte. Son souffle sortant de ses naseaux autour du lourd anneau de fer déposait sur la vitre de grandes buées qui s’évanouissaient vite.

 

Jardin des Plantes, photo Alina Reyes

 

La pensée de Mohammed, comme celle de Jésus, comme celle de tous les prophètes, quel que soit le stade de pensée auquel ils atteignent, est parfaitement, absolument claire et nette. Que ceux qui ont le cerveau en marmelade, gavés qu’ils sont de graisses et de sucreries intellectuelles, n’y comprennent rien, cela est aussi normal que les obèses ne sont pas aptes à la course ni au saut. Un seul remède : l’ascèse. Chercher la simplicité est la seule voie qui conduise à la vision claire et bienheureuse de l’infiniment complexe d’équations rapides comme l’éclair.

Pour vous guider, si vous n’entendez pas Dieu, du moins tout ce que les djinns chuchotent, rejetez-le.

Celui qui connaît Dieu ne confond pas Sa voix ni Sa parole avec celles des insinueurs. La langue de la mort, rien de ce qu’elle insinue, elle ne l’aura.

Ils ont besoin d’un bouc émissaire, c’est classique… mais de là à ne pas pouvoir s’en passer… après avoir supprimé d’Europe des millions de juifs, ils se sont très bien passé de ne plus en avoir chez eux… Disons qu’ils ne peuvent pas se passer de nous tant que leur haine n’a pas abouti à notre destruction. C’est un problème difficile. Certains peuvent reculer dans leur pulsion et la laisser tomber, d’autres ne le peuvent pas du tout, ils continuent en dépit de tout. Ne pas se laisser faire et continuer à avancer sur le chemin de la vie, nous n’avons pas d’autre choix, je crois.

L’idée que se font les hommes de Dieu change d’une religion à l’autre, mais aussi d’un être humain à l’autre dans une même religion. Mais Dieu, il est unique. Sinon, il ne serait pas. Il ne serait que l’idée qu’on s’en fait. Or Il est, en Lui-même. Orientez le miroir de telle ou telle façon en direction de Sa face, vous aurez telle ou telle représentation de lui. Chacune sera vraie, et pourtant différente. Il faut arriver à s’élever par-dessus les miroirs pour Le voir, à travers tous les miroirs et sans miroir, directement, face à face.

Faire les ablutions dans un petit récipient d’eau parce que la salle de bains est prise, faire la prière, vaquer, songer à Dieu, puis remplir de nouveau un petit récipient d’eau pour commencer à peindre.

Ceux qui considèrent l’islam comme une reprise de la Bible pleine d’erreurs devraient se demander aussi quelles furent les références de la Bible. Elles sont moins connues parce que plus lointaines dans le temps, mais elles existent, et à partir d’elles le texte biblique a donné une parole différente, une parole de Dieu, comme le Coran a repris la parole biblique pour la transposer sur un autre plan. Il faut seulement s’en approcher avec respect pour le comprendre. L’islam est vrai, et vraiment bon.

« Faut-il y voir un lien avec la visite en France de Benyamin Nétanyahou? » se demande Le Figaro. La droite avait renoncé à expulser ce vieillard malade père et grand-père, qui ne prêchait quasiment plus. La gauche le fait, le flic Valls, « lié de manière éternelle à Israël » selon ses propres dires, se paie un coup d’éclat minable à offrir sur un plateau d’argent à un chef d’État qui bafoue chaque jour un peu plus le droit international, invite les juifs de France à venir s’installer en Israël donc à venir occuper toujours plus de territoires qui ne leur appartiennent pas en spoliant, expulsant et enfermant les Palestiniens. Saleté.

La présence de l’islam nous rappelle que ce vers quoi nous devons aller aujourd’hui, c’est une résurrection, plutôt qu’une renaissance. C’est-à-dire, un renouveau par la spiritualité. En elle la civilisation se trouve aussi bien dans la cité que dans le nomadisme. Abraham n’était-il pas un nomade ? Et nous sommes ses enfants, musulmans, chrétiens, juifs. De lui viennent de grandes civilisations, de lui d’abord de grandes religions. Une spiritualité dont la source demeure représentée dans le nomadisme tel que nous le connaissons au désert, tel que nous avons à le réinventer, comme la civilisation figurée par l’architecture des cités. Le mal du colonialisme trouve dans le temps son bienfait en retour, l’importation de l’islam en Europe. L’Europe par elle-même sait inventer des renaissances, mais pas des résurrections. Toutes ses religions lui viennent de l’Orient. L’islam vient rafraîchir sa spiritualité fatiguée, il est une chance de réveil pour les autres religions aussi. Tout à la fois une grande chance et un grand risque évidemment, c’est pourquoi il nous faut naviguer attentivement, en Europe et en Orient, à la bonne Étoile, celle du ciel ! Une étoile nommée Vérité, à chercher et à suivre.

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