Frontal

Image trouvée dans un article de La République des Pyrénées

 

En voyant Patrick, le marchand de journaux de Barèges, répondre à un journaliste de la télé qui lui demande en substance à quoi il s’attend, cette phrase merveilleuse :

« C’est ce qui est là-haut, tu sais, celle qui vient du Bon Dieu, celle dont nous avons tous besoin, la neige ! »,

je me rappelle un jour où mes fils encore petits m’ayant réclamé chez lui un magazine qu’il vendait mais qu’il jugeait scandaleusement cher, il nous en avait sorti un de derrière ses fagots, un magazine pour enfants aussi, mais tout à fait bon marché. Malheureusement il n’intéressait pas les gars, et je leur avais pris celui qu’ils voulaient. En encaissant il avait continué à critiquer son prix abusif et avait ajouté pour conclure, tout à fait sérieux : « Remarque, s’il y a des parents assez cons pour l’acheter… »

Je m’étais retenue de rire. J’adore le caractère frontal de ces gens de la montagne, j’avais adoré le retrouver, aussi, quand j’ai écrit un livre sur elle, dans la petite Bernadette Soubirous. Son nom signifie Souverains, ce n’est pas pour rien. (Et si le mien signifie Rois c’est que je les aime bien). Une souveraineté immensément humble, qui n’a rien à voir avec une quelconque velléité de domination. Bien au contraire. Ils savent que de même que ce que tu possèdes te possède, ce que tu domines ou veux dominer, te domine. Je le répète, ce sont des gens de la montagne.

Je les aime profondément, et je suis avec eux de tout cœur en ces jours où la neige les ensevelit. Qu’ils sachent que c’est à la fois une robe blanche et une lampe frontale inextinguible qui leur vient, pour leur résurrection dans la vie éternelle.

*

 

Il neige

à la grotte puis à la grange, le matin du 11 février 2010

 

Une petite neige volette à ma fenêtre, en ce moment même, ici à Paris.

Il y a trois ans, les 9 et 10 février, j’étais à Lourdes. Au petit salon du Livre des Sanctuaires, en l’honneur de la première Apparition à ma petite soeur Bernadette, avec mon livre sur cet événement, paru deux ans plus tôt. Le 11 au matin, jour de l’Apparition, il neigeait. Je suis allée encore une fois à la grotte, avant de prendre le car pour retourner à la grange, là-haut dans la montagne,  où je suis ensuite restée seule pendant sept mois. Qui avait décidé de salir cette date en la choisissant pour m’annoncer l’injustice ? La neige au contraire lui fit une robe digne d’entrer dans la Résurrection.

Un passage de Voyage l’évoque :

 

Je suis montée entre les hauts congères, par la route complètement blanchie, conduisant avec une vive attention ma voiture dépourvue de chaînes. Au lieu nommé Le Caillou, je l’ai garée, derrière le gros rocher. J’ai marché une demi-heure dans la tempête de neige, traînant mon bagage, parfois m’enfonçant jusqu’aux genoux. À la lisière de la forêt ma grange est apparue, féérique dans son épais manteau immaculé.

J’avais chaud, d’avoir marché jusque là avec mon sac à dos, déneigé à la pelle devant la porte pour pouvoir entrer, transporté les bûches depuis l’abri à bois. Mais quand la voix de maître Human, par le téléphone, m’a vrillé au creux des os, il s’est mis à faire froid à pierre fendre. Après tout ce que j’ai traversé, je ne sais pas comment je suis encore vivante, et avec toute ma raison dans la folie. Le lendemain matin, de nouveau bienheureuse dans ma parfaite solitude, j’ai trouvé le nom de cette grange : Dieu sauve.

 

 

Limpide

« Ephèse, près de Smyrne, où eut lieu l’Assomption, est un lieu de pélerinage où la Vierge opère des miracles pour les musulmans aussi bien que pour les chrétiens ». Frithjof Schuon

 

Aujourd’hui, je l’ignorais, est la fête d’Anne Catherine Emmerich, qui découvrit dans une vision la maison de Marie à Éphèse. Benoît XVI s’y est rendu le 29 novembre 2006 (jour d’anniversaire de mon troisième fils) et y a déclaré : « Ici à Éphèse, ville bénie par la présence de la Très Sainte Marie – dont nous savons qu’elle est aussi aimée et vénérée par les musulmans – élevons vers le Seigneur une prière spéciale pour la paix entre les peuples. »

Nous y sommes allés avec O et nos fils, mes deux derniers, en juillet 2007. Un peu plus tôt le même jour, le matin, mon troisième fils avait trouvé dans les ruines de l’église où eut lieu le concile d’Éphèse une mue de serpent, qu’il m’avait aussitôt remise.

Anne Catherine Emmerich est morte en 1824. 18 et 24 sont les clés qui me sont venues ce matin à la première heure pour comprendre le sens de mon voyage dans le Coran. Tout cela peut paraître étrange mais pour ce qui est du Coran Voyage l’éclaircira, et pour le reste en vérité c’est limpide. Heureux temps à tous !

 

Cellule

image Alina Reyes

 

J’ai bien fait de jeter « par inadvertance » mon travail de décembre sur Voyage. J’avais recomposé le livre de façon trop peu naturelle. Je vais tout simplement suivre le cours du temps de la parole. (J’ai bien fait de jeter « par inadvertance » signifie bien sûr : Dieu m’a fait jeter ce qui n’était pas bon, et bien évidemment Il a eu raison).

En me lavant la tête commençant soudain à répéter sous la douche la prière du cœur en russe, puis continuant pendant des dizaines de minutes, je me dis : tout, pour ce qui me concerne, est dans Forêt profonde. Comme aussi dans mes autres livres depuis le tout premier et avant le premier. Il fallait le dire et je l’ai dit, c’est passé. « Ô les croyants! Quand vous contractez une dette à échéance déterminée, mettez-la en écrit ; et qu´un scribe l´écrive, entre vous, en toute justice ; un scribe n´a pas à refuser d´écrire selon ce que Dieu lui a enseigné ; qu´il écrive donc, et que dicte le débiteur : qu´il craigne Dieu son Seigneur, et se garde d´en rien diminuer. » (Coran 2, 282)

Nous devons à Dieu la vie, et c’est pourquoi, scribe, j’écris pour nous.

Ce qui me concerne concerne encore les hommes mais ne me concerne plus. Je pourrais finir musulmane de culte musulman au cœur du monde, ou musulmane compagne de Bouddha sur une montagne ou une route, ou musulmane de rite chrétien retirée dans un monastère russe de barbus à longs cheveux, ou bien encore musulmane cellule invisible gorgée de chants au bord de toute rivière, tout océan, tout ciel. Ce que je suis déjà.

Où vous autres serez, peut-être. Ou d’autres furent, sont et seront.

*

Déplaçant les montagnes

"la Grange", la "grotte" où fut écrit en grande part Voyage, image Alina Reyes

 

Déplaçant dans mes 1400 pages de Voyage d’énormes blocs de texte, les réajustant, les retravaillant. Plus d’une semaine de travail du mois de décembre, qui ne se trouvait que sur une clé usb, par erreur je l’ai perdue – la prenant pour une ancienne version je l’ai supprimée. Ça ne fait rien je recommence, toujours aussi bienheureuse à déplacer les montagnes et à y grimper, avec toute la vie qui les anime. Les bras pleins de mots bruissants de joie, et qui courent devant eux comme de jeunes poulains dans l’herbe fraîche dès que je les ouvre.

Comment cela se fera-t-il, demandait Marie, puisque je n’ai laissé aucun homme mettre la main sur moi ? Je ne sais comment cela se fera, mais je ne le demande pas car je sais que cela se fera, ce que Dieu veut, plus que jamais je le sais. Parce que cela n’a pas été sali, justement.

 

Si le chameau suit le fil assez longtemps…

image Alina Reyes : "Si le chameau suit le fil assez longtemps, il arrivera si petit à l'horizon qu'il pourra passer par le chas du temps."

 

Musulmans, il nous faut, selon la voie que nous a montrée notre Prophète, la prière et la paix soient sur lui, assumer la foi des juifs et la foi des chrétiens. Cela ne signifie pas suivre les judaïsmes ni les christianismes, mais mieux connaître ce qui leur vint de leurs prophètes. Car c’est la fondation même de notre maison, l’islam. Nous n’avons certes pas fait le tour de notre demeure, le Coran, mais nous y habiterons mieux si nous savons où nous habitons, sur quel rocher, dans quel paysage elle est bâtie. Nous saurons mieux où nous allons si nous savons d’où est parti notre chemin.

Où nous allons, c’est chaque jour que nous le trouvons. Les jours où je jeûne, je suis semblable à l’aube toute la journée. Je n’avais pas touché le piano depuis des mois, et là, en passant dans la chambre du jeune homme, mon fils, soudain je m’y suis mise, j’ai joué la Vieille chanson française de Tchaïkovski, de mémoire, à plusieurs reprises, en variant un peu les accords quand je les ai oubliés. Je suis une poupée russe, comme me l’a dit un jour O : toujours une autre et encore une autre à l’intérieur de celle qu’on voit, et toujours une autre, invisible, autour et au-dessus de la dernière visible. N’en est-il pas ainsi de chaque homme, et de toute la Création ? La Création est en nous, de l’infiniment grand à l’infiniment petit et de l’infiniment petit à l’infiniment grand, et les anges en nous montent et descendent le long de l’échelle de Jacob.

Être reconvertie à l’islam ne signifie pas que je vais devoir renoncer à jouer la Vieille chanson française de Tchaïkovski, même si les rigoristes de cette religion n’aiment pas la musique. Ni que je vais devoir renoncer à chantonner et chanter tout au long du jour, ni que je vais devoir renoncer à danser quand j’entends une musique qui m’appelle à danser. L’islam n’interdit pas de vivre. Je me rappelle avoir lu ceci :

Le Commandeur des Croyants et Ali Ibn Abi Talib (que la Paix soit sur eux deux) ont dit : « Quand notre Qa’im réapparaîtra, les cieux feront descendre leur pluie, la Terre élèvera ses productions, la haine disparaîtra des cœurs des serviteurs, les bêtes et animaux sauvages vivront en paix les uns avec les autres et ne s’enfuiront pas affolés, et si une femme souhaite marcher d’Irak vers Sham (Syrie), chacun de ses pas se posera sur de l’herbe verte et dense, et elle pourra exhiber ses ornements (bijoux etc) – aucun animal ne l’attaquera, de même elle n’aura aucune crainte. »
(Biharoul Anwar, volume 52, page 316 ; al-Khissal)

Al-Qa’im, qui est une façon d’évoquer le Mahdi, signifie : « celui qui se lève ; qui est debout ». C’est au temps de cet homme que je vis. Au temps du retour du Mahdi et de Jésus, en ce temps déjà venu, ou si proche de vous que vous pouvez le saisir, si vous voulez.