Féminisme, symbolique et diabolique

Au nom du féminisme, on est arrivé à cette aberration : fabriquer des poupées à l’effigie de femmes réelles, jugées exemplaires, comme Frida Kahlo ou Malala Yousafzai, cette jeune fille instrumentalisée depuis des années, à peine sortie de l’enfance, pour la bonne cause – ce qui constitue déjà une aberration. Ainsi donc des petites filles pourront apprendre à quoi sont bonnes les femmes données en exemple : à être transformées en jouets, bonnes à manipuler, et à jeter quand elles seront abîmées. Jamais on n’a eu l’idée de transformer des hommes exemplaires en poupées, ni pour les garçons ni pour les filles. Les hommes, eux, sont des êtres humains, des êtres qui méritent le respect. Les femmes peuvent être maltraitées et assassinées, leurs assassins seront souvent mieux considérés qu’elles, et s’ils sont pris, éviteront souvent le châtiment réservé aux assassins d’hommes blancs – et plus ils seront des notables de la société, sportifs, chanteurs, intellectuels, politiciens et autres, moins ils seront châtiés. Pour que ce beau résultat se perpétue, il ne faut pas lésiner sur les moyens symboliques, mais de façon hypocrite. Dans une société qui prêche le féminisme, il faut parvenir à maintenir la soumission des femmes, mais sans le dire, ou mieux, en prétendant œuvrer à leur libération. Ainsi en est-il de cette entreprise de poupées : la conceptrice n’y a pas vu le mal, ceux qui ne réfléchissent pas ne l’y voient pas non plus, mais depuis Baudelaire où la ruse du diable était de faire croire qu’il n’existait pas, le diable a progressé en ruse et se fait maintenant passer pour un bon samaritain. Tentation du bien, comme dit Todorov. Si la militance ne s’appuie pas sur une pensée profonde, elle se tire des balles dans les pieds, dans le cœur, dans la tête.

L’exact contraire du symbolique est le diabolique. Les deux mots ont pour radical bol, du verbe grec ballein, qui signifie lancer, jeter, porter. Et sont opposés par leur préfixe : sun- (sym) signifie ensemble ; dia- indique ce qui sépare, ce qui divise. Le symbole est la réunion, par leurs porteurs, de deux parties d’un même objet, faisant foi d’une parole tenue. Interpréter à contresens un symbole, ou fabriquer délibérément des symboles trompeurs, cela est diabolique : au service de la division et du mal.

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La Fiac au Jardin des Plantes + un peu de pumpkin art + un peu de street art

1Je commence par ma préférée : Rosa Luxemburg par Nicolas Milhe

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…pour le reste, disons que je l’ai photographié pour information, en attendant que ces machins soient retirés et ne défigurent plus le jardin

2L’objet du doute, par Virginie Yassef (polystyrène)

*3Sans titre, par Vincent Mauger (tubes de PVC)

*4Seat of Grandeur at Villeperdue, par Haegue Yang

*5installation d’une oeuvre de Sean Raspet

*6Sans titre, par Benjamin Sabatier (bois et ciment)

*7Malini, par Sam Moyer (bronze et marbre)

*8Structure 1, par Benjamin Sabatier (bois et béton)

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Il n’est pas interdit de préférer les oeuvres en citrouilles des jardiniers9

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et quelques inscriptions et peintures dans les rues11

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aujourd’hui à Paris 5e, photos Alina Reyes

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Attila Jozsef, Cœur pur

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tout à l’heure à la Sorbonne, où l’on m’a donné ce poème

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Je n’ai ni père, ni mère,
Ni dieu, ni foyer,
Ni berceau, ni bière,
Ni amante, ni baiser.

 
Trois jours déjà sans manger,
Ni bombance, ni bouchée.
Mon empire, c’est mes vingt ans.
Mes vingt ans, je vous les vends.

 
Et si nul n’en veut, ma foi,
Le diable, lui, me les prendra.
Le cœur pur, j’irai voler,
S’il le faut, assassiner.

 
On m’arrêtera, me pendra,
En terre chrétienne m’enterrera,
Et une ivraie homicide
Croîtra sur mon cœur splendide.

 
In Ni père ni mère, trad. Guillaume Métayer, Sillage, 2010

(en fait en hongrois le prénom se place après le nom, comme en japonais)

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Marcel Proust, Le Temps retrouvé

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ma table bureau-atelier, ce midi

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« Mais enfin je pourrais à la rigueur, dans la transcription plus exacte que je m’efforcerais de donner, ne pas changer la place des sons, m’abstenir de les détacher de leur cause à côté de laquelle l’intelligence les situe après coup, bien que faire chanter doucement la pluie au milieu de la chambre et tomber en déluge dans la cour l’ébullition de notre tisane ne dût pas être en somme plus déconcertant que ce qu’ont fait si souvent les peintres quand ils peignent, très près ou très loin de nous, selon que les lois de la perspective, l’intensité des couleurs et la première illusion du regard nous les font apparaître, une voile ou un pic que le raisonnement déplacera ensuite de distances quelquefois énormes. »

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Joie de la marche qui écrit

c

mon Bailly

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« Le poème court ». Ce sont les premiers mots d’un titre à l’instant vu sur un marque-page portant une publicité pour un livre de haïkus. Mais je n’ai pas lu le mot court comme un adjectif, je l’ai lu comme un verbe, voyant le poème courir. En même temps m’est revenu mon rêve de la nuit dernière, où je marchais à travers ville et divers espaces d’un pas bondissant et dansant de joie. Je venais de faire des versions grecques et latines pendant trois jours du matin à la nuit comme une forçate, me rendant compte du travail qu’il me reste à faire pour récupérer un niveau suffisamment correct si je veux passer l’agreg – on ne peut pas dire que c’était entièrement agréable, mais malgré tout voilà l’effet des mots, ils vous mettent en marche et en joie.

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