La petite culotte rouge du jour de l’an

« Les Italiens ont une délicieuse coutume : offrir à leur douce, pour chaque passage à la nouvelle année, une petite culotte rouge. Joyeux étendard à brandir en ce mois des bonnes résolutions, et jolie façon d’entrer en la matière ! À l’heure du bientôt-tout-virtuel, soyons concrets ! Que peut bien vouloir dire une petite culotte rouge, sinon qu’elle veut être enlevée ? »

Extrait de mon recueil d’articles Politique de l’amour, paru chez Zulma en 2005.

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Joyeuses fêtes !

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Des prépuces et des lettres

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 Genèse 1, 17 (ma traduction, puis mon commentaire)

23. Abraham prit Ismaël son fils, tous les esclaves nés dans sa maison, tous ceux acquis par l’argent, tous les mâles des gens de la maison d’Abraham, et il circoncit la chair de leur prépuce, dans l’os de ce jour, comme le lui avait dit Dieu. 24. Abraham était âgé de quatre-vingt dix-neuf ans quand lui fut circoncise la chair de son prépuce, 25. et Ismaël son fils avait treize ans quand lui fut circoncise la chair de son prépuce. 26. Dans l’os de ce jour furent circoncis Abraham et Ismaël son fils, 27. et tous les hommes de sa maison, esclaves nés dans la maison ou achetés de fils d’étranger, furent circoncis avec lui.

Nous voici dans le vif du sujet. Chair pour chair, sang pour sang, promesse pour promesse. Dieu donne l’immense descendance, il demande la dîme. Tout en prescrivant la circoncision de tous les mâles de la maison dans toutes les générations, il accomplit lui-même la première circoncision, celle de… Saraï. Saraï devient Sarah : voilà son nom, et donc son être dans la logique hébraïque, circoncis d’une lettre. Ce petit iod au bout de son nom, le voici coupé. Sarah est l’unique circoncise, et uniquement par Dieu, et premièrement avant une multitude de mâles dans les générations des générations.

Saraï n’a pas eu d’enfants, Sarah aura un fils. Abram, lui, a gagné une lettre, il devient Abraham, pour correspondre, par une assonnance un peu vague, à son nouveau statut de père d’une multitude. Un au sein de son nom comme un signe de sa perpétuelle grossesse. Sarah est circoncise, Abraham est enceint, c’est l’humour et le monde de Dieu, le monde de la Langue, dont la chair n’est qu’un miroir où l’on voit confusément la Vérité.

Dieu est pédagogue, il instruit les hommes progressivement. La circoncision sera comme un moyen mnémotechnique, inscrit dans leur chair, aux fins dernières de leur chair : qu’ils n’oublient pas qu’ils sont liés à Lui, à sa Parole. Et que la vie qu’ils donnent par la chair, en vérité vient de Lui. Peut-être aussi a-t-il constaté, Dieu, qu’il était nécessaire de rendre plus conscient l’usage de leur corps et du corps d’autrui que faisaient les hommes, comme Abram et Saraï. Ces derniers n’ont-ils pas, quelques années plus tôt, usé des charmes de Saraï pour la faire entrer au gynécée de Pharaon et profiter ainsi de ses largesses ? (Ils vont refaire le coup avec un autre roi, Abimélek, quelques temps après la circoncision : ne pas prendre à la lettre leur âge canonique). N’ont-ils pas utilisé l’une de leurs esclaves comme mère porteuse, pour pallier la stérilité de Saraï ? N’est-il pas nécessaire de faire comprendre aux êtres humains que leur corps n’est pas une chose à leur disposition, mais appartient à Dieu ? La circoncision n’était-elle pas un moyen de le rappeler aux hommes comme aux femmes ?

La circoncision est une défloration de l’être opérée par Dieu. En Dieu, les ouvertures du corps correspondent, la bouche est œil et oreille et réciproquement (cf l’Épître aux Hébreux et Agar au puits). Incirconcis, l’homme est bouché, au propre comme au figuré : un cœur incirconcis est en hébreu une intelligence bornée. Le prépuce est comme une paupière sur l’œil, le couper c’est pratiquer un geste d’éveil.

Ainsi coupés, les hommes paradoxalement conserveraient mieux leur intégrité, et éviteraient d’être « coupés » de leur peuple (cf v.14). Du point de vue du rapport entre les sexes, le fait que les hommes soient déflorés « par » et pour Dieu retire aux femmes de leur éventuelle prétention sur le corps des hommes, voire un brin de fantaisie. Voilà aussi, peut-être, la petite chose qui est retirée à Sarah avec la dernière lettre de son nom. Moyennant quoi, on peut passer aux choses sérieuses : la procréation.

Sérieuses, vraiment ? Oui, si le sérieux est dans la grâce. Abraham rit, comme Sarah le fera aussi à la même annonce, et le prénom prévu par Dieu pour leur fils porte la marque de ces rires : Isaac, c’est « Ari ». Leurs rires sont la réaction de qui n’ose y croire et pourtant en exulte déjà. Ces rires sont l’entaille de joie que fait la parole de Dieu dans la chair de la raison. Ce sont rires de délivrance et de libération.

Circoncire le iod du nom de la femme d’Abraham, ce iod qui disait « ma », est un signe de son non-assujettissement à l’homme. Elle n’est plus « Ma princesse », elle est « Princesse ». Sarah n’est plus sienne à la façon dont Ève l’était d’Adam, os de ses os et chair de sa chair, elle est qui elle est en Dieu – grâce à quoi elle devient féconde. Son fils sera non celui de la chair, mais celui de la promesse (cf Galates 4, 22-23 : Il est écrit en effet qu’Abraham eut deux fils, un de la servante, un de la femme libre. Mais celui de la servante était né en descendant de la chair, et celui de la femme libre via la promesse). Abraham et Sarah ne sont plus assujettis l’un à l’autre, mais à Dieu. Le iod perdu, de valeur 10, est remplacé par deux de valeur 5, un dans le nom d’Abraham, l’autre dans celui de Sarah : rien n’est perdu, tout est redistribué.

Ce est la marque de Dieu dans leur nom, petite lettre donnée en partage de même que les hommes vont donner une petite part de chair comme alliance avec Dieu, et avec les autres hommes institués par ce signe peuple de Dieu, à la fois dans l’espace (de leurs pérégrinations) et dans le temps (de leur descendance).

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Extrait de mon livre Voyage

Voir aussi, extrait du même livre : Une lecture de la sourate Al-Kahf, La Caverne

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Cumbia Sobre el Mar, Bal sur la mer (traduction des paroles)


(Une cumbia ou cumbiamba est un bal populaire de Colombie)

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Un jour je suis resté dormir là sur la plage

Et là j’ai rêvé que du ciel descendait

Un essaim d’étoiles et la lune argentée

Les vagues de la mer éclaboussées de sa lumière

Sur la mer je vis, je vis une cumbiamba

Qui au son des tambours tournoyait sur l’eau

Les couples d’étoiles en attendant portaient

Un carrousel de couleurs comme d’une cumbiamba.

Et soudain a surgi une reine attendue

C’était Marta, la reine, que mon esprit rêvait

À ses pieds je vis la lune, la bouillie des étoiles,

Et les palmiers chantaient une hymne de fête

Ayy amor…

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(ma traduction, de l’espagnol, du texte du mystérieux Rafael Mejia, dont on peut lire l’histoire et entendre ici la version originale de sa chanson)

Yves Bonnefoy, « Du mouvement et de l’immobilité de Douve »

Ce recueil est au programme de l’agrégation. Pour toute préparation, j’ai décidé de le recopier (sur le livre emprunté à la bibliothèque), et c’est ce que je suis en train de faire. C’est beau comme la Marche funèbre. J’en suis à ces poèmes de la première partie, intitulée Théâtre.

(P.S. Finalement, un peu plus tard, j’ai écrit aussi un article : Yves Bonnefoy, poète empirique)

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XV

O douée d’un profil où s’acharne la terre

Je te vois disparaître.

L’herbe nue sur tes lèvres et l’éclat du silex

Inventent ton dernier sourire,

Science profonde où se calcine

Le vieux bestiaire cérébral.

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XVI

Demeure d’un feu sombre où convergent nos pentes ! Sous ses voûtes je te vois luire, Douve immobile, prise dans le filet vertical de la mort.

Douve géniale, renversée : au pas des soleils dans l’espace funèbre, elle accède lentement aux étages inférieurs.

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XVII

Le ravin pénètre dans la bouche maintenant,

Les cinq doigts se dispersent en hasard de forêt maintenant,

La tête première coule entre les herbes maintenant,

La gorge se farde de neige et de loups maintenant,

Les yeux ventent sur quels passagers de la mort et c’est nous dans ce vent dans cette eau dans ce froid maintenant.

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