Enchanteresse, l’exposition « Le rêveur de la forêt » au musée Zadkine

Il y avait longtemps que je n’étais retournée au musée Zadkine, lieu enchanteur par lui-même, atelier et jardin du sculpteur. Cette exposition m’y a appelée, avec son intitulé (inspiré de Zadkine) et ses artistes annoncés. Et je n’ai pas été déçue : un moment de grâce dans ce petit espace légèrement retiré, auquel je vous convie par ces quelques images d’œuvres (il y en a d’autres) à contempler sur place si vous pouvez y aller, ou du moins ici.

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le reveur de la foret 1-minDans la première pièce, la forêt des silhouettes de Zadkine

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le reveur de la foret 33-min Hier au musée Zadkine, photos Alina Reyes

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Voir la présentation de l’exposition sur le site du musée

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« douce, pesante et tendre ». Marcel Brion, « La Ville de sable » (extrait)

J’ai passé mon enfance dans une ville « ressuscitée d’entre les sables » – c’est sa devise. C’est aussi à ce titre que le roman de Marcel Brion, dont j’ai donné un premier extrait il y a quelques jours, me parle – comme me parle Le livre de sable de Borges. J’ai fini de le lire à l’hôpital, ainsi que de relire Le Manuscrit trouvé à Saragosse, dont j’espère reparler. D’ici là, voici un extrait de La Ville de sable, que je donne dans la série « L’amour en livres ».

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Victor Brauner, "À la découverte de la conscience", 1956

Victor Brauner, « À la découverte de la conscience », 1956

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« Les tâtonnements de deux corps qui s’ajustent l’un à l’autre comme les deux moitiés d’un être divisé qui, depuis longtemps, aspiraient à se rejoindre, se mêlaient à la houle nocturne. Il fallait retrouver la respiration même de la terre, connaître le secret du grand serpent qui soulève les vagues de la mer en déroulant ses anneaux, nager avec le vent, se reposer sur les nuages, se balancer à la manière des arbres. S’oublier soi-même, et faire appel à toutes les puissances mystérieuses qui habitent entre le monde souterrain des métaux et le plan des étoiles. Consentir à n’être plus individu ni volonté, flotter vers les cimes des peupliers, tomber avec les cascades, glisser le long des canaux de la sève dans le tronc d’un jeune arbre, bondir hors du ciel comme une étoile filante. Se tenir nu, sur le rivage de la nuit, à la pointe d’un promontoire qui surplombe l’éternité ou le néant. Attendre, humble et vigilant, la montée des bras qui sortiront des ténèbres pour m’étreindre.

Elle s’est couchée près de moi, silencieuse, sans trouble. Lourde comme la terre, mouvante comme une fumée. J’attendais une parole, un chuchotement, pour renoncer aux songes ; on eût dit que son silence même respectait les plis de ce vêtement de rêves que la nuit avait jeté sur moi. Elle était venue non pour détruire la nuit, mais pour l’accomplir, pour la conduire à sa plus haute cime, pour m’aider à trouver la lumière qui va poindre au-delà des extrêmes ténèbres. Je me taisais, maîtrisant les bonds de mon cœur, et bientôt, conquis par cette quiétude d’ombre, je me calmai, je laissai s’élargir ce sombre bonheur qui montait de l’invisible, cette caresse qui était l’haleine de la terre et l’évidence de l’éternité.

Mes mains cherchèrent des formes dans la nuit. Elles allaient au-devant des signes qui devaient venir. Elles demandaient à l’espace les masses mouvantes d’un corps. J’avais eu, tout à coup, besoin d’une certitude charnelle. Il fallait enfermer dans un seul contour cette immense joie que la nuit – j’en avais eu la terrible angoisse – allait peut-être ramener vers elle, me laissant solitaire et désespéré, comme un naufragé que la dernière vague lance sur le sable. Mes bras se refermèrent autour d’un être invisible qui sentait l’herbe fraîche, la mousse, les fleurs naïves, la terre ouverte par la charrue. Une haleine étrangère se posa sur ma bouche, des cheveux coulaient leurs grappes fruitées le long de mes joues. Ce corps étroit et souple devint tout à coup très lourd, s’immobilisa, pareil à un jeune arbre que saisit l’appréhension de l’orage, ramena mon corps vers la terre et l’y enfonça. Ce fut comme si la nuit s’était aplanie sur moi, douce, pesante et tendre, comme si le ciel s’arquait au-dessus de mon corps, pour s’y enfoncer. J’écoutai encore le clapotement des peupliers dans le jardin, jusqu’au moment où le halètement d’une grande joie me fit trembler ; ce visage frais me brûlait, cette poitrine m’écrasait et m’attirait en même temps vers les espaces immenses. Il me sembla que notre vertige allait féconder des astres et lancer des nébuleuses nouvelles à travers un ciel non nommé.

Nous étions heureux comme si nous avions pris place parmi les constellations. Nos corps unis dérivaient, pareils à des nageurs qui s’enlacent ensemble pour descendre les grands rapides. Le même courant nous portait d’une rive à l’autre, nous roulait dans le même torrent. J’avais dans mes oreilles le bruit des cascades qui tombent des roches très hautes. L’embouchure du fleuve était proche, avec la mer plate et mouvante comme une prairie. Le vent soufflait, bousculant de larges vols d’oiseaux blancs.

L’aube vint. Alana dormait, la tête posée contre mon épaule. Son bras était étendu en travers de ma poitrine, l’étoile appuyée sur mon cœur. Son sommeil avait pris je ne sais quelle grâce enfantine. Quand l’aurore descendrait des arbres apaisés, pénétrerait dans notre chambre, il n’y aurait plus qu’une très jeune fille dont la lente respiration me faisait frissonner. Elle était entrée avec le jusant des astres, la chute des météores, la fuite des étoiles filantes. Les métaux ardents qui tombent du ciel se refroidissent lentement dans la bonne terre ; ainsi se tranquillisait-elle, maintenant, bercée par cette confiance puérile qui ignore les périls de la nuit et les trahisons du jour. Je n’éprouvais aucune surprise à retrouver cette étrangère blottie contre moi ; sans doute avait-elle été là, de toute éternité, sûre et fraîche comme un arbre en fleurs. »

Marcel Brion, La Ville de sable, Albin Michel 1959

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Joan Miro, "Femme, étoiles", 1944

Joan Miro, « Femme, étoiles », 1944

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Le sonneil rêve

peniche

« Le sonneil a rêvé ». Je repense à ce lapsus que je fis un jour en lisant deux phrases de Walter Benjamin, l’une située vers le début de son article sur le surréalisme, l’autre à la fin :

peniche,

Quand vers le matin il s’allonge pour dormir, Saint-Pol Roux accroche à sa porte un écriteau : « Le poète travaille ».

cab

Un par un, ils échangent leurs mimiques contre le cadran d’un réveil qui sonne chaque minute pendant soixante secondes.

shakespeare&cy

Le fait est que les poètes, les yeux fermés aussi bien qu’ouverts, écoutent à chaque instant le réveil qui sonne, le sonneil qui rêve.

sorbonne

Dans le même article (in Œuvres II, Folio Essais), Benjamin dit aussi :

Aucun visage n’est aussi surréaliste que le vrai visage d’une ville. Aucun tableau de Chirico ou de Max Ernst ne saurait rivaliser avec l’épure précise de sa forteresse intérieure.

cab,aujourd’hui sous la pluie à Paris 5e, photos Alina Reyes

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Vu dans les rues du jour, lu dans la lecture en cours

street art 1ce graff fleurit sur les trottoirs (ici à Paris 13e) ces jours-ci

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il y a de nouvelles œuvres de street art toutes fraîches dans le 5e

street art 2

street art 3et là, entre deux Space Invaders : street art 4

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rue d’Ulm, autour de l’ENS :street art 5*

dans la même rue, sur le mur de l’EnsAD (Arts décoratifs)street art 6

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devant le Panthéon, des têtes et des signes par terrestreet art 8

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en face, l’Hôtel des Grands Hommesstreet art 10

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rue Lhomond, un minuscule square fermé, espace de nature sauvage au cœur du 5estreet art 12*

toujours en marchant

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ici une œuvre de street art a été effacée ; le mur ne reçoit plus que l’ombre de la vitrine d’en face :street art 15

au coin de la rue Mouffetardstreet art 16

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street art 22ce matin à Paris 5e, photos Alina Reyes

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« Les rimes au bout des vers lèchent la terre des mots comme l’écume autour de l’île »

Aragon, Blanche ou l’oubli

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Paysanne de Paris (de rues en brocante)

« Là où l’homme a vécu commence la légende, là où il vit. » Aragon, Le Paysan de Paris

Comme une paysanne, je récolte et je sème, je sème et je récolte la poésie ; je recueille et je redistribue la grâce. J’étais dans le 67, en route pour l’une des rencontres sur le surréalisme qui ont lieu chaque mois à la Halle Saint Pierre, à Montmartre. Mais le bus s’est arrêté à l’Institut du monde arabe : la Gay Pride arrivant, il n’allait pas plus loin. Ayant déjà photographié ce défilé à plusieurs reprises, et n’ayant pas envie de descendre dans le métro pour encore un long trajet, j’ai changé de destination, décidé de rentrer en faisant une balade surréaliste comme je les aime. À la rencontre du « merveilleux quotidien » et de « l’image pour elle-même », j’ai fait quelques photos depuis le pont, dans les rues et sur la place Monge où se tenait une brocante. Les voici.

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paysanne de paris 8rue Rollin

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paysanne de paris 12des livres et une peinture à l’huile à prendre ; j’ai pris la peinture

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paysanne de paris 19et voici la brocante

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paysanne de paris 34aujourd’hui à Paris 5e, photos Alina Reyes

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