Mes élections européennes

 

Aujourd’hui je ne me servirai pas de ma carte d’électeur. Car j’ai déjà voté : voilà mon Europe et quelques-uns de ses élus. Voilà un vote sensé, utile, élevé, contrairement à celui auquel nous sommes appelés aujourd’hui. Voilà une élection qui demande du travail, de l’engagement, de la réflexion, contrairement à celle à laquelle nous sommes appelés aujourd’hui pour cautionner bureaucraties et lobbies. Il m’a fallu lire et traduire pour fonder, grâce à nos prédécesseurs lecteurs et traducteurs, cette élection qui a ensuite fondé ma thèse de doctorat. Voilà une élection qui a donné un résultat important pour continuer à faire vivre l’Europe et les Européens dans le long terme, à travers les siècles passés et à venir, et non pour en détruire l’esprit, comme le fait cette Europe politique factice – cette classe morte.

 

theatre la jonquiere-minHier soir au théâtre La Jonquière à Paris, sur le plateau avant la représentation de Love & Money de l’anglais Dennis Kelly par la compagnie (T)rêves, photo Alina Reyes

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18 roses pour l’amour (et une pensée pour les employé·e·s de Kechiche)

Il paraît que dans son dernier opus, projeté à Cannes, Kechiche a filmé 14 minutes de cunnilingus non simulé. En incipit du film il cite le Coran (qui lui-même cite la Torah) : « Ils ont des yeux mais ne voient pas. Ils ont des oreilles mais n’entendent pas ». Dans Jeremie 5, 21 il est dit que ceux-là sont des insensés. Le Coran, 7, 179, dit, lui, que ceux-là sont comme les bestiaux. Tout le monde comprend quel plaisir sexuel il peut y avoir à filmer des ébats sexuels, mais tout le monde comprend aussi que les actrices et acteurs peuvent être pris pour des bestiaux, dans l’affaire. Que pense Kechiche, que veut-il dire ? Que nous vivons dans un monde de bestiaux, trop sexuel ? N’est-ce pas plutôt lui qui se laisse aller à devenir bestiau, à considérer de jeunes artistes (surtout féminines, il y a une scène où seul le garçon est filmé avec pudeur) comme de la chair à pellicule ? Qui, dans cette affaire plutôt nauséabonde, a des yeux mais ne voit pas ? Où est l’insensé ?

En littérature, on est son propre matériau, en écrivant. Et tous les ans à la même saison, je hume et je photographie les roses de la roseraie, c’est sexuel, sensuel, sensé, érotique et délicieux pour les yeux aussi.

 

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rose 18-minAujourd’hui à la Roseraie du Jardin des Plantes, photos Alina Reyes

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De manuscrit en manuscrit

Toujours, comme hier, en rapport avec mon manuscrit en cours, et après avoir fait mon quasi devoir conjugal avec mon journal intime, j’ai fait ce dessin cette nuit à main levée, en me regardant de temps en temps dans un tout petit miroir, pour étudier un peu les proportions. Puis j’ai ajouté cette citation du merveilleux Manuscrit trouvé à Saragosse, de Jean Potocki, que je suis en train de relire dans une version plus complète que celle que j’avais lue il y a longtemps – l’édition nouvelle établie par René Radrizzani, qu’on trouve au Livre de Poche, un bonheur.

 

image Alina Reyes

image Alina Reyes

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Serial ignorants et lonesome prophètes

Hier en fin d'après-midi au Jardin des Plantes, après mes heures d'excellent travail, encore, à la bibliothèque, photo Alina Reyes

Hier en fin d’après-midi au Jardin des Plantes, après mes heures d’excellent travail, encore, à la bibliothèque, photo Alina Reyes

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Acharnement médiatique sur Game of Thrones, acharnement thérapeutique sur Vincent Lambert… Les obsessions maniaques, la démence de ce monde éclatent dans les faits insignifiants comme dans les très signifiants – pour Vincent Lambert, sur le cauchemar catholique et son adoration de la souffrance. Pour GoT, j’ai regardé il y a un ou deux ans quelques saisons de la série mais je ne sais plus à laquelle je m’étais arrêtée. J’ai avalé les épisodes les uns après les autres en quelques jours, puis quand j’ai arrêté, j’ai à peu près tout oublié et le désir de regarder la suite m’a complètement abandonnée. Ainsi va le divertissement (vanté par une ministre et commenté par un philosophe fascisant – je n’ai pas gaspillé mon temps à écouter les aventures de Schiappa ni à lire l’article de Zizek, les titres suffisent souvent à s’informer). Et j’ai lu que cette dernière saison était ratée, du fait que les producteurs n’ont pas attendu que l’auteur du livre l’écrive lui-même. N’est pas auteur qui veut. J’ai lu aussi que Virginie Despentes n’était pas contente du tout de l’adaptation en série qui a été faite de ses romans, dont j’ai oublié le titre. Les raisons pour lesquelles des producteurs choisissent de médiocres scénaristes plutôt que d’excellents scénaristes sont nécessairement mauvaises. Il en va de même pour les éditeurs qui choisissent des auteurs médiocres. La médiocrité est d’abord celle de ces décisionnaires, à la fois trop paresseux, trop malhonnêtes et trop avides pour choisir l’excellence.

Dans Voyage en 2013 j’avais prophétisé le clocher d’une église écroulé, des barricades de voitures brûlées et la destruction de la cité, tout cela dans Paris. La destruction en cours de la cité ne vient pas d’un jeu de trônes, contrairement à ce que voudrait faire croire le divertissement, mais de l’imbécillité ordinaire et de la mauvaiseté politique de décideurs que, dans un monde orwellien, on appelle souvent élites, alors qu’ils sont ignorants. À part eux, tout vivant est savant, donc règne. Je suis vivante, reine et prophète.

 

dessin 3-minDessin réalisé hier soir dans mon cahier-chantier, en rapport avec ma journée d’écriture

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Exigence excellence

garde républicaine-min*

J’étais devant la mosquée, en chemin pour la bibliothèque, quand une cavalière et un cavalier de la Garde républicaine, montés sur leurs fiers destriers, sont arrivés. Comme chaque fois que j’en vois, je les ai admirés et photographiés au passage. J’ai déjà dit ici mon estime pour cette institution, où chaque personne œuvre pour « que tout soit impeccable ». Une institution dont le principe de discipline est une ascèse et dont la valeur est l’honneur.

Quand il m’arrivait de fréquenter les salons du livre et autres manifestations et institutions littéraires, j’en revenais toujours très déprimée, à cause du manque d’honneur auquel j’avais assisté, dans ce milieu de pipelettes mondaines préoccupées de prix littéraires et autres basses affaires. D’après mes expériences professionnelles, même les salles de rédaction ne sont pas aussi indignes. J’ai trouvé beaucoup plus de dignité dans les salles de profs, malgré les faiblesses énormes de l’Éducation nationale, et parmi les ouvriers ou les artisans, commerçants, restaurateurs avec qui ou chez qui j’ai travaillé.

Une minute après j’étais à la bibliothèque, où j’ai travaillé trois heures durant sans une seconde de répit, intensément, excellemment.

* La belle photo des gardes à l’épée en vignette de la note est de François Lafite