Point sur les lectures de l’été et passages de « La Maison et le Monde » de Rabindranath Tagore

Ces jours-ci à Paris 13e, photos Alina Reyes

Ces jours-ci à Paris 13e, photos Alina Reyes

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J’avais annoncé que je parlerais cet été, par épisodes, de ma lecture de deux livres : Manuscrit trouvé à Saragosse, de Jean Potocki (que j’avais relu et dont j’avais déjà un peu parlé) et Les Sept piliers de la sagesse, de Lawrence d’Arabie, autre gros livre que je commençais à lire. Et puis en fait j’ai lu Le voyage à Ixtlan de Castaneda, Demian de Hermann Hesse, Les montagnes hallucinées de Lovecraft, des livres sur le Tantra et sur le Zen, j’ai lu en partie un livre sur le « Japon grec », j’ai lu quelques autres textes comme le beau Forêt racine labyrinthe d’Italo Calvino, j’ai donné par épisodes plusieurs passages de la Bhagavad-Gita en cours de lecture (ce n’est pas fini)… Mais je n’ai pas parlé des livres que j’avais annoncés – quand on dit ses intentions, il faut toujours ajouter, au moins en pensée, inch’Allah. Je finirai par parler de ces livres, inch’Allah. Et si je n’en parlais pas, eh bien il faut considérer que tous ceux que j’aurai lus et dont j’aurai rendu compte plutôt que d’eux constituent soit d’excellents préliminaires pour les lire de façon spirituelle, soit d’excellentes façons de sauter par-dessus pour faire un bond plus avant en Orient ou dans l’esprit, soit les deux à la fois. Comme je suis la voie de l’esprit plutôt que mes petites volontés, je pense qu’il y a de toute façon là une excellente logique intellectuelle à l’œuvre. En tout cas elle me satisfait entièrement et s’accorde parfaitement avec ma pratique assidue du yoga depuis début juillet, ma distribution quotidienne de quelques exemplaires de mon livre Voyage ici et là, et ma repeinture par points de quelques anciennes peintures.

Je viens de terminer un roman de Rabindranath Tagore, La Maison et le Monde, paru en 1915 mais paraissant très moderne. Une sorte de Tartuffe en Inde, sur fond de troubles politiques (pour Molière la Fronde, pour Tagore un mouvement nationaliste animé par le personnage de l’abuseur). Un imposteur et manipulateur, représentant du « Monde », sème la division et le mal dans un foyer, « la Maison ». L’histoire est contée alternativement par Bimala, la jeune femme, par Nikhil, le jeune homme son époux, et par Sandip, l’abuseur. Voici quelques passages du roman :

Ces jours-ci au square René Le Gall, photo Alina Reyes

Ces jours-ci au square René Le Gall, photo Alina Reyes

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« Il y avait une chose en moi que Bimala n’avait jamais pu saisir. Elle ne comprenait pas que je tienne pour faiblesse toute force qui s’impose. Il n’y a que les faibles qui n’ont pas le courage d’être justes, ils échappent au devoir d’être justes et cherchent à obtenir des résultats rapides par les raccourcis de l’injustice. »

« Les hommes font grand étalage de ce qu’ils appellent leur liberté ; mais ceux qui les connaissent savent au contraire combien ils sont esclaves. Ils ont, de leurs propres mains, confectionné les écritures pour s’en faire des liens. De leur idéalisme, ils ont créé des chaînes d’or dont ils ont chargé leur corps et leur âme. Si les hommes n’avaient pas cette étonnante faculté de s’embarrasser dans des réseaux tissés, rien ne pourrait les empêcher d’être libres. »

« L’homme est bien plus grand que tout ce qu’il peut perdre en ce monde. »

« L’homme est si grand qu’il peut mépriser non seulement le succès, mais l’exemple. Parfois l’exemple fait défaut. Il n’y a pas dans la graine d’exemple de la fleur. Mais la fleur n’en est pas moins en puissance dans la graine. »

« Ce n’est pas du bois mort que je veux, mais des arbres vivants ; il leur faudra du temps pour croître. »

« Nous ne pouvons pas voir la Beauté, tant que nous la tenons prisonnière. C’est Bouddha qui conquit le monde, et non pas Alexandre. Cela paraît faux parce que nous parlons sagement en prose. »

« Sandip a de la puissance, mais il n’a pas la force que donne la justice. Il suscite la vie, mais c’est pour la frapper aussitôt à mort. Il possède le carquois des dieux, mais ses flèches lui viennent des démons. »

« Ceux qui jouent avec des illusions finissent eux-mêmes par en être victimes. Je suis persuadé que, chaque fois que Sandip a inventé un mensonge, il s’imagine qu’il a trouvé la vérité. »

« Sandip, l’homme aux charmes magiques, perd toute puissance dès que ses charmes refusent de le servir. De roi qu’il était, il est tombé au rang de goujat. Quelle joie pour moi de contempler sa faiblesse ! Plus il devenait grossier, plus cette joie jaillissait en moi. Impuissants désormais, les replis serpentins où il m’enveloppait naguère ! Je suis libre ! Je suis sauvée, sauvée ! Soyez grossier, soyez insultant : je vous vois enfin dans votre véritable réalité. »

« Un vaisseau qui coule entraîne dans sa perte tous ceux qui nagent autour de lui. Telle est la force destruction de Sandip. Elle vous saisit avant qu’on ait eu le temps d’avoir peur. Et alors, en un clin d’œil, on est irrésistiblement emporté loin de toute lumière, de tout bien, de toute liberté, loin du ciel et de l’air respirable, loin de tout ce qu’on a chéri au cours de longues années, de tous les soucis quotidiens ; on est entraîné au fond même du néant. »

(Pas de nom du traducteur dans l’édition électronique que j’ai lue).

Méfions-nous toujours des politiciens qui, à l’instar de Sandip, tentent de s’installer dans un pays comme Tartuffe dans une maison, avec la grossièreté répugnante de leur monde, pour l’entraîner dans le néant.

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« Le Champ et son connaisseur ». Méditation

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Hier à Paris 5e, à la mosquée et tout près, photos Alina Reyes

Hier à Paris 5e, à la mosquée et tout près, photos Alina Reyes

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Dans notre lecture de la Bhagavad-Gita, nous arrivons aujourd’hui au Chant XIII, « Le Champ et son connaisseur ». Voici un passage du discours de Krishna, le « Seigneur Bienheureux », continuant à livrer son enseignement à Arjuna :

« Surtout, faire preuve envers moi
D’une inflexible dévotion,
D’un amour de la solitude,
Rejeter les choses mondaines,

Chercher à connaître le Soi,
Comprendre la fin du savoir,
Voici ce qu’est la connaissance ;
Tout le reste n’est qu’ignorance.

Apprends l’essence du savoir
Qui mène à l’immortalité :
C’est la Réalité suprême,
Qui est et n’est pas à la fois.

Partout sont ses pieds et ses mains,
Partout ses yeux, têtes, oreilles
Partout ses bouches ; elle habite
Ce monde, et contient toutes choses.

Elle ne possède aucun sens
Mais brille à travers eux ; soutient
Tout, bien qu’elle en soit détachée ;
Goûte aux gunas, mais les transcende ;

Extérieure, et pourtant en nous,
Immobile, toujours mouvante,
Subtile au point d’être impensable,
Lointaine, et cependant si proche,

Indivisible, mais semblant
Divisée en milliers de corps,
C’est ce qui nourrit tous les êtres,
Ce qui les broie, ce qui les crée.

C’est la lumière des lumières
Par-delà toutes les ténèbres ;
Le savoir, son objet, sa fin ;
Elle est sise au cœur de tout être.

Tel est, en quelques mots, le Champ,
Le savoir, l’objet du savoir ;
L’ascète qui comprend cela
Est prêt à partager mon être.

(…)

Comme l’espace, si subtil
Qu’il est partout sans se corrompre,
Le Soi n’est jamais corrompu
Par le fait de s’être incarné. »

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Remonter à la première note de la série de lectures pour trouver les références de cette édition de la Baghavad-Gita

 

"Méditation", acrylique sur toile 30x30 cm, ma dernière repeinture (cf notes précédentes), avec humble hommage à Rembrandt et à son "Philosophe en méditation"

« Méditation », acrylique sur toile 30×30 cm, ma dernière repeinture (cf notes précédentes), avec humble hommage à Rembrandt et à son « Philosophe en méditation »

« La vision cosmique »

Nous continuons notre lecture par passages de la Bhagavad-Gita. Aujourd’hui un passage du début du Chant XI, « La vision cosmique ».

« LE SEIGNEUR BIENHEUREUX DIT :

Admire, Arjuna, par milliers,
Par millions, mes formes divines :
Tous les êtres – ces corps, ces formes,
Ces couleurs, ces aspects sans nombre.

Vois : les dieux solaires, les dieux
Du feu, du ciel, du vent, de l’aube,
Des merveilles qu’aucun mortel
N’a jamais vues. Vois, Arjuna !

L’univers entier, tous les êtres
Animés ou inanimés
Rassemblés ici – vois ! -, unis
Au sein de mon corps infini.

Mais puisque tes yeux de mortel
Ne te permettent de me voir,
Je t’offre le regard d’un dieu :
Vois l’étendue de mon pouvoir !

Après avoir ainsi parlé,
Krishna, le Seigneur du Yoga,
Lui montra sa forme sans fin,
Transcendante et majestueuse ;

Ses yeux et bouches innombrables,
Tous ses visages merveilleux,
Ses ornements éblouissants
Et ses armes de feu brandies.

Couronné de flammes, drapé
Dans la lumière et les parfums,
Le Dieu infini apparut,
Paré de toutes les merveilles.

Si mille soleils se levaient
Et resplendissaient dans l’azur,
Leur éclat aurait la féroce
Splendeur de ce tout-puissant Soi.

Arjuna vit tout l’univers,
Avec ses milliards de milliards
D’êtres vivants ne faisant qu’un
Avec le corps du Dieu des dieux.
 »

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Références de l’édition en première note au mot-clé Bhagavad-Gita

 

caverne-min« Caverne », ma nouvelle repeinture (cf notes précédentes), acrylique sur toile 30×30 cm

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Icône et Bhagavad-Gita

Acrylique sur bois 61 x 30 cm

Acrylique sur bois 61 x 30 cm

Voici, avec cette nouvelle repeinture – une icône sur bois, comme il se doit, que j’intitule « Parmi les étoiles », un nouveau passage de la Bhagavad-Gita, le poème feuilleton de cet été, dont Thoreau disait : « Nulle part plus que dans la Bhagvat-Geeta, le lecteur n’est emporté et maintenu à une hauteur de pensée aussi élevée, aussi pure ou aussi rare (…) En comparaison, même notre Shakespeare semble parfois juvénilement naïf et peu expérimenté. »

« Tout ce qui, en ce monde, brille
D’intelligence ou de beauté
Prend sa source dans un fragment
De ma divine majesté.

Mais à quoi bon tous ces détails ?
Sache juste cela : Je suis.
Un simple fragment de mon être
Soutient l’univers tout entier. »

Chant X, « Les manifestations divines »

Références dans la première note sur la Bhagavad-Gita : dérouler

Voir aussi : ma traduction de trois des sonnets de Shakespeare ; et ma traduction de passages de Thoreau

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Des morts tueurs et des vivants vivants

 

Il n’y a pas de gens qui montent au ciel, il n’y a que des gens qui en chutent. Nous naissons tous en plein ciel, l’essentiel est d’y rester. Plus vous restez au ciel, c’est-à-dire plus vous êtes libres, plus ceux et celles qui en ont chuté essaient de vous entraîner dans leur chute sans fin. Nous n’avons pas à perdre notre vie en nous laissant faire par ces âmes serviles qui tentent de briser notre orgueil, notre humilité réelle, notre être, tous ceux qui, parmi les autorités sociales passagères, parents, profs, conjoints, patrons, clergés, etc., haïssent notre liberté parce qu’eux ont perdu la leur. Restons intacts. Je suis intacte.

Avant-hier chez le marchand de journaux j’ai vu que le magazine Society avait repris ma question, mon titre (repris déjà dans de nombreux médias) : Qui a tué Steve ? Steve a été tué par les ennemis de la liberté.

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Hier, passant devant une vitrine de photos de Notre Dame en flammes, je m’y suis photographiée.

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Puis ma promenade m’a menée par hasard devant Les Grands Voisins. J’y suis entrée, j’y ai fait un tour. Mon projet de vie en communauté n’est pas mort.

 

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qui a tue steve 7-minHier à Paris 14e, photos Alina Reyes

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Adam et Ève ou Yogini et Yogi, triptyque, voyage et Bhagavad-Gita

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adam et eve 4-minAcrylique sur toile 30×30 cm. Ce sont d’anciennes peintures que j’ai repeintes avec des points, comme d’autres ces jours derniers)

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Lorsque j’ai commencé à faire du hatha yoga seule à la maison, il y a un peu plus d’un mois (après avoir suivi des cours de kundalini yoga dans l’année), j’en faisais 20 à 40 minutes par jour. Puis je suis allée jusqu’à 50 minutes, et maintenant c’est une heure, tous les matins au lever. Dans la journée je regarde des vidéos de cours divers, pour améliorer mes enchaînements et mes postures et aussi mieux me renseigner sur le yoga et les façons dont il est pratiqué et utilisé (pas toujours très bien) aujourd’hui.

« À l’aube, les choses émergent
Des fonds du non-manifesté ;
Le soir, les choses se résorbent
Au sein du non-manifesté. »

Dans l’un de ces cours, j’ai entendu : « le yoga est un voyage ». L’après-midi je marche une heure ou plus, je distribue mon livre Voyage çà et là dans la ville, et Voyage voyage aussi ailleurs que dans Paris, grâce à O qui le distribue ailleurs où ses trajets dans le pays le portent. Si ce livre était une peinture je la reprendrais comme je reprends en ce moment d’anciennes peintures mais il existe ainsi pour l’instant, caillou à ajouter sur le cairn, et qui sait, un jour peut-être, quand il aura été entièrement distribué, je le réécrirai.

Avec leurs postures et leurs corps déformables, mes Adam et Ève ne sont-ils pas une yogini et un yogi ? La dernière peinture est celle du milieu, où ils ne sont plus incarnés ni divisés comme l’est l’humain entre masculin et féminin. Où l’être est un :

« Si ton yoga est assidu
Et ton esprit uniquement
Ancré en moi, tu atteindras
L’Être suprême que je suis.

Médite sur l’Inconcevable,
Sur le Poète primordial
Et bon, plus petit qu’un atome,
Aussi radieux que le soleil. »

Bhagavad-Gita, Chant VIII « La liberté absolue » (références dans la première note sur la Bhagavad-Gita)

 

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Epstein, Clinton, Macron et les pizzas

Ces jours-ci à Paris

Ces jours-ci à Paris

 

L’affaire Epstein ravive la théorie du Pizzagate. « En même temps », Macron fait sa com sur sa consommation de pizzas en famille. N’est pas maître des horloges qui veut. Les défenseurs du trafic d’enfants serviront-ils l’argument de la « sapiosexualité », comme dit sa secrétaire d’État Schiappa, pour justifier le fait que ces « fleurs », comme les appelle l’un de leurs consommateurs, soient livrées au viol organisé ? Diront-ils qu’elles étaient sexuellement attirées par l’intelligence de ces messieurs « puissants », si peu puissants en vérité qu’il leur faut de la chair d’enfant pour s’assurer quelque satisfaction qui n’engage pas leur (inexistante) liberté ?

Quand, en France, se décidera-t-on à lutter contre la pédocriminalité ?