Charlie Hebdo, l’esprit des planqués

 

En pantoufles à leur table, ils se moquent de ceux qui risquent leur vie et la perdent.

Ils se sont moqués des musulmans tués par les islamistes avec, notamment, leur dessin « le Coran n’arrête pas les balles » (avant d’apprendre malheureusement que leur journal non plus).

Ils se sont moqués d’un tout-petit enfant, Aylan, mort noyé avec des réfugiés.

Ils se moquent maintenant des treize soldats morts au Mali.

La lâcheté du bourgeois endurci de nulle part, sinon du cœur, révulse. Elle prépare et encourage toute une partie de la population à vivre sans honneur.

À vivre sans honneur, on met en péril la vie de tous, on pollue la société, on détruit tout esprit de fraternité, on se comporte en parasites de ceux qui agissent pour le bien et la sauvegarde de tous : on est une plaie dans un pays en paix, une ignominie dans un pays en guerre.

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Black Friday & Bikini

 

Après avoir écumé en vain les boutiques, j’ai fini par commander un maillot de bains en ligne. Quasi impossible de trouver à Paris en hiver un choix raisonnable de maillots deux-pièces pour la plage. « C’est plus la saison », on me répond. Serai-je donc la seule, parmi des millions de Parisiennes, à voyager où il fait chaud ? C’est ainsi chaque fois que je commande des produits en ligne. Je commence par les chercher dans les magasins, et quand ils ne s’y trouvent pas, je les trouve aisément sur Internet, et avec beaucoup plus de choix. Ceux qui sont contre tout ce qui est moderne et pratique sont fatigants, à la longue. Je récupère beaucoup, je consomme peu, mais enfin il faut bien vivre. C’est en vivant qu’on sauve la vie.

Je resterais bien nue sur la plage, c’est ce que je préfère et de très loin, mais sur les îles encore catholiques où j’ai l’intention d’aller ça ne se fait pas du tout donc je respecte les coutumes du pays. Je ferai mon yoga en bikini sur le sable face à l’océan, inch’Allah.

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Grimper

Cette vidéo d’un cours pour grimper à la corde, avec un instructeur admirablement athlétique, me réjouit. Enfant et adolescente, j’adorais grimper à la corde, je grimpais très vite (il y avait une corde attachée haut dans les branches d’un arbre, dans la forêt, et puis au gymnase on grimpait aussi, chronométrés). Il y a très longtemps que je n’en ai plus eu l’occasion, mais je suis sûre que ça reviendrait. Je grimpais aussi aux poteaux, aux arbres, sur les toits (au collège j’ai été punie pour avoir grimpé par l’échelle de pompiers en séchant un cours)… À dix-neuf ans, enceinte de plusieurs mois, j’ai grimpé sur le toit d’une maison par une échelle pour sauver un chat qui ne pouvait plus en redescendre. À trente-neuf ans, enceinte de plusieurs semaines, j’ai fait un long vol en parapente (avec un ami moniteur) dans la montagne. Je n’ai pas eu l’occasion de faire de l’escalade (sauf une petite fois avec O comme instructeur, et une descente en rappel qui m’a ravie) mais j’ai des fils qui en font. Il y a tant de façons de grimper, avec son corps et avec sa tête. Je vis le yoga comme une sorte de grimpe intérieure.

 

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Le génie

Hier à la BnF, photo Alina Reyes

Hier à la BnF, vue de nuit sur la forêt intérieure, photo Alina Reyes

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Dans L’homme sans qualités, Musil ironise sur « ceux qui s’imaginent qu’il faut consacrer à son travail la totalité de ses forces, au lieu d’en gaspiller une grande part pour assurer son avancement social ». Suit un petit développement sur la nature du génie, sans doute chargé d’ironie aussi, mais que je trouve juste à la lettre :

« Si l’on devait analyser un grand esprit et un champion national de boxe du point de vue psychotechnique, il est probable que leur astuce, leur courage, leur précision, leur puissance combinatoire comme la rapidité de leurs réactions sur le terrain qui leur importe, seraient en effet les mêmes ; bien plus, il est à prévoir que les vertus et les capacités qui font leur succès à chacun ne les distingueraient pas beaucoup de tel célèbre steeple-chaser ; on ne doit pas sous-estimer les qualités considérables qu’il faut mettre en jeu pour sauter une haie. Puis, un cheval et un champion de boxe ont encore cet autre avantage sur un grand esprit, que leurs exploits et leur importance peuvent se mesurer sans contestation possible et que le meilleur d’entre eux est véritablement reconnu comme tel ; ainsi donc, le sport et l’objectivité ont pu évincer à bon droit les idées démodées qu’on se faisait jusqu’à eux du génie et de la grandeur humaine. »

C’est que le génie, n’en déplaise aux humains, n’est pas un propre des humains, et encore moins des intellectuels. Le génie est un propre de tout ce qui est, quoiqu’il ne soit pas réparti également dans tout ce qui est. Le génie, c’est la vie. La nature a du génie, et plus encore, elle est le génie. Et plus ce qui est s’éloigne de la nature, plus le génie s’y amoindrit. C’est pourquoi c’est sans doute parmi les hommes que la médiocrité domine et que le génie se fait rare.

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L’école de l’air

J’ai préparé cette note le 25 novembre dans l’après-midi, un peu avant l’accident d’hélicoptère dans lequel treize soldats français sont morts en opération extérieure au Mali. Je rends hommage à leur courage.

 

« Zazen signifie être droit. C’est redresser sa colonne vertébrale et son cou, ne pas pencher à droite, ne pas pencher à gauche. Si votre corps est droit, votre esprit le sera aussi. Le corps et l’esprit sont liés. Un corps droit reflète un esprit droit. »
Ekiho Miyazaki, moine zen

« Perfection mentale et perfection morale sont toujours étroitement liées. »
«  Oubliez-vous, vous-même et vos misères, dans l’aspiration à une conscience plus vaste, sentez la Force plus grande à l’œuvre dans le monde et faites de vous-même un instrument pour un travail, si petit soit-il. Mais quelle que soit la méthode, vous devez l’accepter tout entière et y mettre toute votre volonté ; avec une volonté divisée et vacillante vous ne pouvez espérer réussir en rien : ni dans la vie ni dans le yoga. »
Sri Aurobindo, Lettres sur le Yoga

« Le discernement résolu
N’a qu’un seul but, cher Arjuna.» [le dieu s’adresse à l’archer Arjuna sur le champ de bataille]
Bhagavad-Gîtâ

«L’aigle de Jupiter, lassé de voir les Dieux
Descendit sur la terre faire des envieux
Il prit la mâle allure d’un Français de vingt ans
Qui de son masque dur rit au ciel hardiment.
Race d’aiglons jamais vassale
Monte sans peur vers le soleil
Le sol pour toi, n’est qu’une escale
Et ton royaume, c’est le ciel
Contre l’ennemi qui t’assaille
Ou le vent qui veut te dompter
Dans le ciel pour champ de bataille
Tu auras toujours à lutter.
De l’École de l’Air, c’est un jeune aspirant
Œil vif, l’âme guerrière, cependant cœur aimant.
Pour ce joyeux rapace, se battre est un plaisir
Quand il doit faire face, il sait vaincre ou mourir.
Dans le ciel bleu de France, bien des aigles sont morts
Recueillons leur vaillance, leur cœur palpite encore
De leur race nous sommes, nous serons dignes d’eux
L’aigle a quitté les hommes et fait trembler les cieux.
Jamais aiglon ne laisse ses ailes outragées
Jamais il n’a de cesse qu’il ne les ait vengées.
Accablé sous le nombre, remportant des victoires
Les aigles d’heures sombres sont triomphants de gloire.»

Chant de l’Armée de l’Air

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Mon goût de la vie monastique et mon sens du combat me font admirer pleinement les rites et les règles de l’École de l’Air de Salon de Provence. Comme « le Couteau du Yoga » (selon l’Upanishad éponyme), la discipline librement consentie, recherchée, fructifie en coupant les liens du désir. Ce qui ne signifie pas couper le désir. Mais délier l’être d’une vie soumise aux assauts et aux fluctuations des désirs de toute espèce. Purifier le désir en le coupant de la basse cour du monde. En faire un instrument, le poignard apte à se couper lui-même de ce qui le rend aveugle, de ce qui rend l’être aveugle. L’aigle a d’excellents yeux.

 

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En dernier lieu mon travail, ma justice

 

J’étais en avance sur #MeToo en publiant en 2007 mon roman Forêt profonde. Le monde des hommes n’aime pas que quelqu’un, et a fortiori quelqu’une d’entre eux, soit en avance. Le milieu littéraire s’est retourné contre moi – journalistes, éditeurs etc. -, les femmes autant que les hommes. Il faudra sans doute encore du temps pour combler l’avance, et alors ce roman pourra éclairer sur les phénomènes d’emprise, de manipulation, de violence.

C’est que je mouille ma chemise pour écrire, je ne me contente pas comme nombre de mes petit·e·s collègues de raconter ce qu’on m’a raconté, ce qui est arrivé aux autres, ce dont on parle. J’y vais, j’y plonge, j’expérimente, je prends connaissance de la question par tout mon corps et âme, pour mettre en forme et délivrer ce que j’ai ainsi appris, non pas en surface, mais profondément. Déjà, en 1999, mon roman Lilith contait la vengeance d’une femme puissante sur les hommes abuseurs, sur le patriarcat, sur les figures médiatiques et trompeuses. Et mon tout premier roman, Le boucher, en 1988, disait comment se relever de la mort.

Ce que les générations contemporaines ne peuvent voir, ne peuvent lire, les générations à venir le verront, le liront. Je suis heureuse du travail, des livres chauds comme pains sortis du four, que j’ai servis, que je sers et servirai.

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Zen : une méthode, une énigme, une illumination (avec Alan Watts et des maîtres)

 

zen« Le Zen n’essaie pas d’être intelligible, c’est-à-dire capable d’être compris par l’intellect. Sa méthode consiste à surprendre, déconcerter, stimuler, dérouter et épuiser l’intellect jusqu’au moment où nous prendrons conscience que l’intellection n’est que réflexion sur quelque chose ; de même qu’à exaspérer, irriter et épuiser les facultés émotionnelles jusqu’au moment où nous prendrons conscience que l’émotion se résume en une sensation « de » quelque chose. Ainsi, lorsque l’adepte se trouvera devant une impasse intellectuelle et émotionnelle, le Zen lui permettra de jeter un pont entre un contact indirect et conceptuel avec la vérité et un contact direct. À cet effet, il fait appel à une faculté supérieure de l’esprit connue sous le nom d’intuition ou Buddhi ou encore « Œil de l’Esprit ». En somme, l’objet du Zen consiste à diriger notre attention sur la réalité même et non sur nos réactions intellectuelles et émotionnelles à cette réalité – la réalité étant cette chose en perpétuel changement et devenir, cette notion indéfinissable connue sous le nom de « vie », dont le cours ne s’interrompt pas un seul instant afin de nous permettre de l’adapter selon notre convenance à un système rigide de fichiers et d’idées.

(…) Il est impossible d’enfermer le Zen dans une « ilogie » ou un « isme », quel qu’il soit. Il est vivant et ne peut de ce fait être disséqué et analysé comme un cadavre. Par conséquent, s’il subsiste en nous quelque incertitude quant au bon sens des maîtres zen, accordons-leur tout d’abord le bénéfice du doute et supposons que leur dédain absolu de la logique recèle une certaine sagesse. Wu Tsu dit par exemple : « Prenons une illustration de fable. Une vache passe par une fenêtre. Sa tête, ses cornes et ses pattes passent aisément, seule la queue ne passe pas. Pourquoi ? » Citons aussi l’histoire du moine qui aborda Chao-chou en ces termes : « Je viens d’arriver au monastère. Pourriez-vous, s’il vous plaît, me donner quelque enseignement ? » Le maître lui dit simplement : « Avez-vous déjà pris votre petit déjeuner ? » Le moine s’empresse de dire : « Oui, Seigneur », sur quoi Chao-chou se contenta de répondre : « Eh bien ! Allez donc laver votre bol. » On prétend qu’à la suite de cet entretien le moine atteignit l’Illumination. »

Alan Watts, L’esprit du Zen

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Un taureau nommé Espoir, que je pris un jour par les cornes (pas de métaphore dans cette légende, seulement la réalité)

Un taureau nommé Espoir, que je pris un jour par les cornes (pas de métaphore dans cette légende, seulement la réalité)

En fait, la fable de Wu Tsu ne témoigne en rien d’un « dédain absolu de la logique » – elle ne paraît le faire qu’à ceux qui, tel Watts et à sa suite, n’ont pas cherché la réponse (lire ne consiste pas seulement à comprendre ce que dit l’auteur, mais aussi à ne pas le suivre aveuglément ; il se peut que Wu Tsu n’ait pas envisagé qu’il pouvait y avoir une réponse à sa question, mais rien ne le prouve ; celui qui entend la fable est déstabilisé par son apparente absence de logique, mais l’illumination consiste à trouver une stabilité dans l’instable, comme dans maintes postures du yoga ; d’ailleurs samâdhi, le mot sanskrit qui désigne l’accomplissement, l’illumination, vient d’une racine qui signifie l’établissement – l’établissement de quoi, sinon de la vérité ?) Aussitôt l’énigme lue, j’ai trouvé la solution, j’ai vu pourquoi la queue de la vache ne peut pas passer par la fenêtre. L’explication est très simple, rationnelle, logique et bien ancrée dans la réalité (on pourrait la démontrer avec une fenêtre et une vache réelles). Je vous laisse la trouver aussi. En lavant votre bol, par exemple, une main dedans, l’autre dehors. Allez, à votre illumination, à votre délivrance du jour !

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