« Body positive »

À la salle de sport, je vois toutes sortes de corps. Quelques jeunes hommes et femmes athlétiques, mais surtout des corps « ordinaires », c’est-à-dire variés, de différentes corpulences et différents âges. Je trouve très bien que personne n’ait honte de son corps, cela me rappelle ma lointaine jeunesse sur les plages nudistes, dans le Sud-Ouest où notamment beaucoup d’Allemands et autres Nordiques de tous âges et toutes formes passaient tranquillement de bonnes heures nus sur le sable et dans l’eau. Aujourd’hui cela rejoint le mouvement du « body positive », qui vient contrebalancer les diktats de la mode, par exemple en faisant défiler aussi des mannequins obèses, handicapés, âgés, etc., bref, représentatifs de la diversité humaine.

Ce qui est mieux à la salle de sport, ou partout où l’on fait de l’exercice, c’est que toutes ces personnes, dont je suis, ne se contentent pas d’accepter d’avoir des corps différents des canons de beauté en vogue, mais veulent aussi, comme les jeunes athlètes, entretenir et développer leur forme et leur beauté particulière. Et cela pas seulement à coup de fringues et autres maquillages, mais dans leur « corps et âme », dans leur corps vivant, en l’exerçant, en le faisant réellement vivre.

Je songe à cela après avoir vu dans Le Parisien un article, que je ne peux lire car réservé aux abonnés, sur une mannequin de 61 ans qui pose notamment pour une marque de lingerie. Elle a un beau visage, mais son corps est nettement marqué par le temps. C’est très bien qu’elle, comme d’autres, expose la différence et la vérité de son corps. Mais je trouve qu’il serait bon que dans ce mouvement de body positive, on montre aussi des corps exercés, joliment sculptés malgré les handicaps ou l’âge. J’ai 66 ans, je n’ai jamais laissé mon corps s’écrouler, pas plus que mon esprit, mais j’ai dû tout de même réagir à la pente naturelle qui l’amollissait en me mettant plus sérieusement au sport. Je ne prétends pas que tout le monde doive en faire autant, je dis seulement que celles et ceux qui choisissent cette voie doivent aussi être représentés, afin d’encourager éventuellement d’autres personnes à s’engager dans ce chemin de réparation et de bien-être profond.

Il ne s’agit pas que de l’esthétique du corps, encore qu’il soit agréable de se voir des formes harmonieuses, il s’agit surtout de la façon dont on se sent dans un corps tonique, fort, souple, agile, et de garder au mieux, en avançant en âge, toutes ces qualités naturelles de la jeunesse. Cela dans une époque où les corps sont très dégradés, et de plus en plus tôt, par la sédentarité et la malbouffe. Il s’agit de ne pas se laisser aller au déclin physique, ni au déclin cognitif, mais de rendre hommage à la fantastique machine corps-cerveau qui nous a été donnée, tout au long de notre vie.

*

Laon en 25 images

La « Montagne couronnée », surnom de Laon, se gravit à pied par un très long escalier, suivi d’une longue rampe, permettant d’atteindre sa centaine de mètres de hauteur. Classée ville d’art et d’histoire, la cité constitue un musée à ciel ouvert, très fréquenté par les touristes, notamment du Nord environnant, à la belle saison, mais encore mal connue des Parisiens, entre autres. Elle vaut la peine d’être connue, en voici un aperçu.
*

à Laon, les 24 et 25 février 2022, photos Alina Reyes

*

Guerre en Ukraine : les illusions perdues des têtes mal faites

Honte sur Poutine. Que les peuples réfléchissent aux conséquences de mettre au pouvoir des revanchards, et aussi à celles de laisser s’envenimer chez eux des situations sans agir pour les régler pacifiquement. L’Ukraine n’est pas le premier ni le seul pays du monde dont les populations sont divisées, voire se déchirent pour une raison ou une autre, au risque de finir par constituer une menace mortelle générale, en l’absence de réel travail pour une pacification ; et la Russie n’est pas le premier ni le seul pays du monde aux visées impérialistes, se permettant de manipuler voire d’écraser d’autres peuples au nom d’une vision mégalomaniaque, paranoïaque et vénale de l’histoire.

Honte sur ceux qui défendent l’Ukraine non pour les Ukrainiens mais par calcul, par la même volonté de prolonger l’hégémonie occidentale qui les a fait entrer en Irak ou en Libye notamment, et honte sur ceux qui baissent les yeux devant Poutine qui ne règne que par l’abus. Honte aussi sur les va-t-en guerre qui, au risque d’enflammer le monde entier, voudraient envoyer les jeunes au casse-pipe pour servir leurs calculs, dans la vieille logique des planqués derrière la chair à canon.

Les illusions perdues de Zelensky sur ce qu’il appelle « le monde civilisé » ne sont que le reflet de son aveuglement et d’une paresse intellectuelle qui lui a fait chercher l’appui de puissants plutôt qu’un règlement de la situation dans son pays. Que l’Europe réfléchisse aussi à sa propre situation. Accepter la protection d’un puissant, c’est aussi risquer de se faire instrumentaliser. La seule guerre qui vaille, pour les peuples comme pour les individus, c’est de lutter pour la liberté, tant par la recherche d’harmonisation avec les peuples extérieurs que par celle de l’harmonisation des peuples intérieurs. Seuls les esprits honnêtes et courageux peuvent mener à bien cette guerre, spirituelle.

*

Les mille et une pièces du palais intérieur

un sac du Vieux Campeur découpé en lanières et crocheté aujourd’hui

Aujourd’hui j’ai dépassé, pour la première fois depuis que j’ai une montre cardio, donc depuis Noël, les 170 battements de cœur par minute, pendant ma séance de fractionné. Sans du tout sentir que j’étais à fond. Je ne vais pas à fond tant que je n’ai pas fait le test d’effort chez le cardiologue, je ne veux pas prendre de risque alors que je me mets à courir tard dans ma vie. J’ai mieux réalisé ma séance que la dernière fois, mais je dois la réajuster, trois minutes de pause entre les deux séries, c’est trop. Non que je ne sois pas fatiguée après la première série, mais cela me coupe trop dans mon effort, et ensuite je cours moins bien la deuxième série, par fatigue mais aussi par un peu de démotivation après une interruption trop longue. Ou bien c’est que mes muscles étaient un peu pesants, après la séance de musculation d’hier. Et puis c’est ma quatrième semaine, je dois réduire légèrement l’entraînement avant et afin de mieux le reprendre. C’est à force de m’informer sur la course à pied et aussi d’écouter mon corps que je peux établir au mieux, par moi-même, mon entraînement. C’est extrêmement intéressant.

Ce qui me plairait beaucoup, ce serait de faire du trail. J’en ferai un de ces jours, inch’Allah. D’abord, continuer à apprendre à courir. Chaque fois qu’on se lance dans quelque chose d’autre, c’est comme si on agrandissait sa maison. Notre maison intérieure pousse et se ramifie comme un fantastique être vivant, on peut finir par habiter un extraordinaire palais, dont on n’est jamais obligé d’arrêter la croissance. Certains se consacrent à une seule chose et construisent et agrandissent ainsi leur maison, d’autres, dont je suis, empruntent de multiples voies. Des voies qui peuvent être aussi petites que par exemple se mettre à découper des sacs plastique en lanières pour les crocheter, comme je l’ai fait aujourd’hui, entre autres – sans bien savoir ce que j’en ferai, mais justement c’est intéressant d’avoir à le trouver, et je le trouverai.

*

Des écrivains, et de la littérature contemporaine

Haruki Murakami dans son livre autobiographique sur la course dit que personne sans doute ne pourrait tomber amoureux de lui, d’un écrivain. Je pourrais penser la même chose de moi et cela m’est égal, d’autant que je vis avec l’homme de ma vie, l’amour de ma vie ; s’il venait à partir, je pleurerais son départ, mais je ne chercherais nul autre homme. Ma vie est pleine en elle-même. Je note d’ailleurs que je ne suis jamais tombée amoureuse d’un écrivain, quoique j’en aie rencontré quelques-uns. Je n’ai même jamais eu envie d’avoir un ami ou une amie écrivain·e, quand les occasions se sont présentées j’ai esquivé, je n’ai jamais aimé leur présence, je revenais toujours presque malade des salons du livre et autres raouts pleins d’auteurs, tant ils me rebutaient. Même en imagination, je ne suis jamais tombée amoureuse d’un écrivain : dans mon roman dystopique Forêt profonde, le personnage de Sad Tod, inspiré de quelqu’un qui dans la vie réelle est éditeur-écrivain, est un ministre de l’Intérieur tortionnaire d’une dictature, et l’histoire prétendument d’amour s’avère n’être qu’une histoire de folie et de mort.

En fait, je me suis dégagée de la littérature par dégoût des littéraires et des intellectuels – qui me l’ont bien rendu, en m’excluant de l’édition ; tant mieux, je suis bien plus heureuse à courir, peindre ou faire du crochet. Je ne sais plus quel vieil auteur m’avait dit, quand j’étais jeune auteure, que ce métier ne rendait pas heureux. J’en avais été un peu choquée, aimant tellement la littérature. Avec le temps, j’ai compris. Les auteurs respirent le malheur, quand vous les approchez vous sentez leur mauvaise santé, physique souvent mais surtout mentale. Y compris ceux qui se réclament de Nietzsche, comme je le disais dans Forêt profonde. Leur univers m’est aussi insupportable qu’il l’était à Rimbaud. J’en suis sauvée parce que j’ai toujours été physique. Je sais que Murakami l’est aussi, et c’est pourquoi j’avais donné son prénom à un jeune personnage salvateur dans Forêt profonde. Le seul fait qu’il voie et qu’il comprenne qu’un écrivain n’est pas quelqu’un qu’on peut aimer prouve qu’il n’est pas vraiment cette sorte d’écrivain. Il a tenu un bar, il est sportif, sa littérature très poétique et pleine de nourritures appétissantes est très aimée par les gens, mais peu reconnue par les autres écrivains, ceux et celles qui vivent dans la mollesse morale et physique.

Dans le fait que Bolloré songe à racheter la plupart de l’édition française, je vois un signe qu’elle est achetable, avec ses auteurs, quelque protestation qu’ils produisent. Tous ces plein·e·s de prix littéraires, ces légionné·e·s d’honneur, ces académicienné·e·s, ces subventionné·e·s, ces ligué·e·s, ces saintgermaindesprétisé·e·s, ces bourgeois·e·s né·e·s, ces employé·e·s de l’industrie éditoriale, ces faiseurs et faiseuses plus souvent qu’à leur tour plagiaires, ces trafiquant·e·s de littérature faussaire, pataugent dans une mare qui n’a même pas la vertu d’être propice à l’éclosion de la vie. Sans doute le milieu littéraire n’est pas le seul à être pourri, mais sa morbidité est d’autant plus néfaste qu’elle se répand insidieusement sur les étals des librairies. Une bonne nouvelle dans tout cela est que les jeunes générations lisent de moins en moins la production actuelle, du moins celle qui est mise en avant par le milieu lui-même. Les bonnes séries, les beaux jeux vidéos remplacent avantageusement sa médiocrité, et ceux et celles qui aiment la littérature savent trouver, hors de la médiatisation commerciale, les livres de tous les temps et toutes les origines qui peuvent compter pour elles et eux. J’aime ces lecteurs et lectrices qui envisagent la littérature non comme elle se vend, mais pour ce qu’elle est. Ma place est comme la leur : ailleurs.

*

Mes dernières créations au crochet. Et Ingrato

Voici, recto et verso, le gilet que j’ai inventé, créé tout en le réalisant. Ses mailles ajourées, à l’effet élastique, enserrent le corps de près, notamment aux bras et sur le devant ; je le trouve très seyant. J’ai acheté les jolis petits boutons chez Toto.

*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*

Avec de petits bouts de fil de coton restants, j’ai fait encore une lavette, tellement plus agréable à utiliser que les éponges du commerce.

*
*
*
*
*
*
*
*
*

Et avant cela, j’avais réalisé ce deuxième tapis de bain, avec des lanières découpées dans de vieux t-shirts (c’est la partie la plus longue du travail) et crochetées – un vrai plaisir pour les pieds nus !

*
*
*
*
*

Mes précédentes réalisations au crochet sont ici

Et j’ai découvert dans l’émission Tracks sur Arte un jeune artiste chilien, Ingrato, qui fait des masques, des cagoules et d’autres vêtements au crochet très colorés, qui m’ont beaucoup plu et encouragée à continuer à inventer dans cette technique, si ludique, plaisante et riche en possibilités :

oeuvres d’Ingrato, photo Beatriz Arce

Courir : le troisième pied

Aujourd’hui lors de ma sortie longue d’une heure, j’ai couru 7,5 km environ, malgré deux premiers kilomètres ralentis par des problèmes de musique sur mon téléphone, que j’essayais de régler tout en courant, et aussi malgré le vent, et le monde partout sur mon chemin. De retour, je me sens très très bien, et d’autant mieux que ma montre m’annonce mon meilleur « running index » jusqu’ici : 40, ce qui serait déjà « très bon » pour une femme de quarante ans, et estime que dans les conditions d’une course, je pourrais courir le 10 km en 1h07. Voilà qui m’encourage à continuer à m’entraîner pour la course que je veux faire en juin, il se pourrait même que je n’arrive pas parmi les tout derniers, en tout cas je devrais m’en tirer très honorablement par rapport à ma catégorie.

C’était mon troisième entraînement de course de la semaine, après le fractionné lundi et le tempo mercredi. Entretemps j’ai fait d’autres activités, vélo, marche, yoga, et hier je suis allée à la salle faire du rameur, de la corde à sauter, du renforcement musculaire – chaise, kettlebells squats, gainage – et du yoga. Je n’en fais pas trop, je veille à la progressivité, et comme la semaine prochaine sera ma quatrième semaine d’entraînement ce sera une semaine plus reposante, comme recommandé. J’écoute tous les conseils que je trouve et je les adapte, ou non, à ma propre façon d’être et de courir, qui repose sur une conception que j’avais décrite dans l’une de mes toutes premières nouvelles d’apprentie écrivaine, il y a une quarantaine d’années, avec un personnage qui courait un pied chaussé, l’autre nu. Comme court ma tête (ma pensée), courent mes pieds : en s’appuyant sur ma culture (les conseils des coachs) et sur ma nature. La nature, nous l’oublions trop souvent, vient avant la culture, qui n’est qu’une partie de la nature naturante, et qui est puissante, mais moins que la nature. Mes deux pieds sont bien chaussés dans mes Puma, qui protègent mes articulations des sols urbains (pour lesquels on ferre bien les chevaux), mais je cours aussi avec mon troisième pied, aussi invisible que le troisième œil mais aussi puissant, à condition de l’avoir en éveil. Et je peux dire qu’après l’amour physique et l’écriture, la course est mon troisième pied, que je prends avec joie.

*