Réinvention permanente

De même que Rousseau prônait une connaissance sans violence de la nature, je cherche une critique non violente de la littérature. Littérature et nature sont de même nature, l’une des preuves en est que leur sort est le même, l’une et l’autre étant également polluées et violentées, par l’industrie d’abord qui met sur le marché des produits frelatés, fabriqués, pollueurs des corps et des esprits, mais aussi par les formes de culture violenteuses, par leurs méthodes d’exploitation de la terre et de la lettre, méthodes dénuées d’empathie qui transforment terres et lettres vivantes en terres et lettres mortes.
Avec ma thèse, je cherche à être des personnes qui ouvrent d’autres voies pour l’approche de la littérature, voies sans violence dogmatique, non préfabriquées. Le viol de l’intégrité de la nature et de la littérature est un crime qui se retourne contre l’homme. Le viol, physique ou psychique, n’appelle pas l’union, il appelle la mort du violeur : et c’est justice, comme dirait Anaximandre. Car il sème la division morbide, répand l’esprit de mort, la mort de la pensée, le règne de la fausse pensée, de la pensée faussée, ouvrant un boulevard à toutes les infamies. Seul l’amour – et je ne mets aucune fausse grandeur dans ce mot, aucune religiosité, aucun romantisme : sa vraie grandeur est d’être tout simplement respect – permet de donner à la vie l’immense douceur de l’union entre nature et littérature, entre corps et esprit, relation à soi et relation à autrui, univers et humanité. Non par l’application de recettes, mais par la réinvention permanente, pure, propre de la nature et de la (vraie) littérature, à savoir du vivant.

heraclite-min heraclite-2-minHéraclite entre dans ma thèse en couleurs

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Montaigne veut réformer l’agreg

12 mai 2017 : j’ai retenté l’agreg cette année, en ayant cette fois conscience de la nécessité de se conformer aux codes d’écriture de la dissertation, qui après tout permettent de mettre tout le monde au même exercice. Je l’ai de nouveau préparée seule et je sais que j’ai encore été très faible en grec ancien et en grammaire, n’ayant pas vraiment eu le temps de les travailler – m’étant décidée tard j’ai seulement eu le temps de lire les œuvres au programme. Malgré cela je suis cette fois admissible. Et je reviens sur ce que je disais ici l’année dernière en découvrant que l’analyse des textes en disposant des textes est en fait prévue lors des oraux – ce qui fait un ensemble d’épreuves finalement très complet. Je ne réussirai peut-être pas l’oral, mais le fait que même en travaillant seul il soit possible de réussir l’écrit, montre que ce concours est un défi qui vaut la peine d’être tenté.


Audio de 4 mn : Antoine Compagnon sur la fameuse « tête bien faite » plutôt que « bien pleine » que demande Montaigne, et la « science » que demande Rabelais, pourvu que ce soit avec « conscience ». Les têtes pleines qui bourrent leurs livres de phrases des autres pillées ici et là, par exemple, et souvent sans citer leurs sources, des têtes pleines d’une science ou d’une autre et prêtes à toutes les compromissions, ou faisant reculer les hommes en faisant mine de les faire avancer, sont légion.

J’ai beaucoup d’estime pour l’agrégation et comme pour tout, c’est en l’éprouvant que je comprends ce qui serait à y réformer. L’encouragement au bachotage, à la tête pleine de citations des textes au programme et de critiques qu’il faut savoir par cœur puisque les dissertations doivent se faire sans les textes ; et le fait de devoir écrire les dissertations à la main, donc d’un jet, quasiment sans possibilité de correction, sont non seulement contraires aux conditions dans lesquelles tout penseur travaille, mais aussi un obstacle à la pensée.

montaigne-minMontaigne face à la Sorbonne, photo Alina Reyes

Pour bien penser, mieux vaut, même s’il est possible de s’en passer, disposer des textes sur lesquels on est invité à penser. Un texte demande à être lu pour être compris, et toujours relu, relu différemment selon la question posée. Consulter le texte permet d’affiner la pensée, de la préciser.

D’autre part la pensée n’est pas un plan établi au départ, exposé en introduction et ensuite servilement développé dans la dissertation. La pensée se découvre à mesure qu’elle avance, par l’écriture quand elle a lieu par écrit. Il est possible, et même souhaitable, que la pensée découvre autre chose que ce qui avait été planifié. Une pensée qui se limite au prévu, au prévisible, n’est pas une pensée. Le traitement de texte permet cette souplesse que la rédaction à la main en sept heures entrave.

Montaigne ne suit pas Machiavel

Après avoir écrit sur Giono, sur Hugo, sur Diderot, sur Molière (suivre le mot clé Agrégation de Lettres modernes), j’ai l’intention d’écrire et de donner ici bientôt un texte que je veux intituler « Montaigne à chevals » (non, ce n’est pas une faute d’orthographe, du moins en ancien français).

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Fente, ligne et monogrammes

Rimula dispeream ni monogramma tua est
(Théodore de Bèze, cité par Montaigne)

« Que je meure si ta fente n’est une ligne »

Dispeream dit plus précisément « que je disparaisse en lambeaux »

Monogramma, « linéaire », me fait penser aux monogrammes, dont voici quelques-uns :

monogramme-tolkien-minmonogramme de J.R. Tolkien

*marine-terrace-with-initials-1855-minmonogrammes de Victor Hugo et de Juliette Drouet enlacés au-dessus de la maison d’exil, et monogramme du poète qui en dessina plusieursmonogramme-victor-hugo-min

*monogramme-gustav-klimt-minmonogramme de Gustav Klimt

*albrecht_durer_monogrammmonogramme d’Albrecht Dürer

*toulouse-lautrec_monogram_svgmonogramme de Toulouse-Lautrec

*monogramme-c215-minmonogramme de C215

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Révolution

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Couverture du classeur de ma thèse (action epsilon) : les lettres ont des expressions, des caractères, les T sont des champignons ; mon propre corps se tient au milieu de la tapisserie

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Suivre, déchiffrer les traces d’un animal sauvage, c’est très beau, très vivant. Ce qui est encore plus beau, encore plus vivant, c’est de se trouver soudain face à face avec l’animal sauvage. Le texte est à la fois les traces et l’animal.

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Action epsilon : ma thèse en couleurs (suite) (actualisé)

Je reposte cette note en laissant à la fin le texte d’il y a trois jours et en ajoutant des photos de nouvelles pages. Pour voir les précédentes : mot-clé « Action poélitique à lettre grecque ». Les actions poélitiques « Madame Terre » sont également liées à mon travail de recherche.

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Cette nuit dans ma grotte, toujours en écoutant des cours, j’ai orné encore deux pages pour ma thèse en couleurs – le chantier et le témoin de ce qui sera ma thèse une fois accomplie. C’est ainsi, notamment en écoutant des cours et en dessinant, que je prépare mon cerveau et ma main, mon esprit et mon corps, à la mettre au monde, de même que par l’ermitage en montagne, les retraites en monastères et la pratique des textes en hébreu, en grec, en arabe un peu, j’ai pu écrire Voyage et inventer la règle des Pèlerins d’Amour. Le voyage continue, toujours plus difficile, plus étonnant, plus exaltant.

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