
aujourd’hui à Paris 5e, photos Alina Reyes
*

aujourd’hui à Paris 5e, photos Alina Reyes
*
David, La mort de Socrate
*
– Imagine des hommes qui habiteraient sous terre, dans une sorte de caverne avec une entrée grand ouverte sur la lumière, une vaste entrée sur toute la largeur. Ils vivraient dans cette grotte depuis l’enfance enchaînés par les jambes et le cou, fixés, ne voyant que ce qui serait devant eux, étant sous leur joug dans l’incapacité de tourner la tête, alors que la seule lumière qui leur parviendrait serait celle tombant d’un feu lointain, derrière eux. Entre le feu et les enchaînés, imagine une route, plus haut, longée d’un mur semblable aux panneaux dans lesquels les faiseurs d’illusions font tomber les hommes en y montrant leurs tours.
– Je vois.
– Bien. Imagine le long de ce mur des gens portant des objets de toutes sortes, qui en dépassent : statues d’hommes et d’animaux en pierre, en bois ou de toutes matières. Et comme au naturel, certains de ces montreurs parlent, d’autres se taisent.
– Absurde simulacre, insensés prisonniers !
– Nos pareils, dis-je. Car d’abord, crois-tu que des uns et des autres ils aient vu autre chose que les ombres qui tombent du feu droit contre leur fond secret ?
– Allons, comment verraient-ils autre chose, s’ils vivent dans un monde où l’on est forcé d’avoir la tête raide ?
– Et quant aux objets qu’on leur montre, n’en est-il pas de même ?
– Si, bien sûr.
– Si donc ils se parlaient les uns aux autres, ne penses-tu pas que, croyant nommer les étants, ils nommeraient en fait ce qu’ils voient ?
– Nécessairement.
– Et s’il y avait aussi dans la prison un son répercuté par la paroi en face d’eux ? Quand l’un de ceux qui se présentent parlerait, à ton avis, croiraient-ils entendre une autre voix que celle de l’ombre qui passe ?
– Non, par Zeus.
– C’est exactement ça, dis-je. Ces gens n’appelleraient vérité que des ombres de choses fabriquées.
– Il ne peut pas en être autrement.
– Considère alors, dis-je, ce qu’il en sera si on les libère de leurs chaînes et si on les guérit de leur folie, si leur nature est soumise à une expérience telle que celle-ci : qu’on détache l’un d’eux, qu’on le force à se redresser, tourner le cou, marcher et lever les yeux vers la lumière – en faisant tout cela il souffrira et, dans la vitesse et l’éblouissement, il ne pourra pas contempler ces choses dont tout à l’heure il voyait les ombres. Que crois-tu qu’il dira, si on lui déclare qu’il ne voyait que des choses vaines mais qu’il est maintenant plus proche de ce qui est, et que tourné vers des étants plus réels, il voit plus juste ? Si, en l’interrogeant, on l’oblige à dire ce qu’est chaque chose qui passe, ne crois-tu pas qu’il sera embarrassé et qu’il croira plus vrai ce qu’il voyait avant que ce qu’on lui montre maintenant ?
*
(…) [Socrate envisage maintenant que l’un d’eux est libéré de leur aveuglement]
– Or donc, au souvenir de sa première résidence, de la philosophie qui y avait cours et de ses compagnons de chaînes d’alors, ne penses-tu pas qu’il jugera heureux le changement et qu’il aura pitié d’eux ?
– Et combien !
– Et s’ils s’honoraient et se louangeaient les uns les autres, s’ils accordaient des privilèges à l’observateur le plus pointu des choses qui passent, à celui qui se souviendrait le mieux de quelle ombre passe habituellement devant ou derrière ou en compagnie, et serait ainsi le mieux à même de deviner laquelle allait arriver, les envierait-il, jalouserait-il ceux qui parmi ces gens-là sont honorés et puissants ? Ne préférera-t-il pas plutôt, de toute son âme, comme le dit Achille dans Homère, se retrouver cultivateur au service d’un autrui déshérité, et supporter n’importe quoi plutôt que de vivre et de penser comme les morts ?
– Oui, je suis de ton avis, il assumera toute condition plutôt que de vivre ainsi.
(…)
– Et s’il lui fallait de nouveau lutter ardemment avec ceux qui sont toujours enchaînés pour dire ce qu’il en est des ombres (…) ? S’il entreprenait de les délivrer et de les élever, alors qu’ils auraient le pouvoir de le tenir entre leurs mains et de le condamner à mort, ne l’élimineraient-ils pas ?
– Si, assurément.
*
Mes traductions, par langues et par auteurs
*
Diderot fut persécuté par les autorités religieuses et par les autorités politiques, comme tant d’autres hommes libres. Socrate, Jésus, furent condamnés à mort par ces autorités alliées depuis le fond des temps contre la liberté des hommes. Quant à la liberté des femmes, elle n’est même pas autorisée à advenir. Aujourd’hui toujours, hommes et femmes vraiment libres doivent faire face aux adversités conjuguées des serviteurs, des esclaves de l’ordre établi.
*
Perruches jacassant dans les feuillages
Automne dorant, illuminant l’arbre épanoui
un couple de canards vaque sur l’eau
haïku d’images…
… plus belle encore que du Virgile, la vie au jardin des Plantes, qui rend vie, cet après-midi à Paris, photos Alina Reyes
*
« La poésie ? Elle n’est pas où on la croit. Elle existe en dehors des mots, du style, etc. »
André Breton, entretien avec Roger Vitrac dans Le Journal du peuple, 7 avril 1923, « André Breton n’écrira plus »
*

O a parcouru encore beaucoup de chemin à vélo avec Madame Terre dans le dos, allant cette fois à 60 km à l’ouest de Paris, à Orvilliers où Orson Welles a vécu longtemps. Aujourd’hui sa maison est en ruine et le parc magnifique a été cédé à un promoteur immobilier qui y a construit un moche lotissement. Ne faudrait-il pas plutôt rendre publics les lieux de beauté ou d’histoire, en faire des maisons (d’activités) et des parcs publics, au service de tous ?
Pour cette 27ème action poélitique de Madame Terre, après l’avoir photographiée en train d’habiter une sorte d’abribus au milieu de nulle part -puisque c’est sa mission de rendre vie à ce qui l’a perdue – il lui a fait faire le tour de la belle maison du génie. 













Après une halte au village d’Orvilliers, avec son plan d’eau qui joue des reflets presque comme dans un film d’Orson Welles, Madame Terre a tenu à se faire photographier, sur le chemin du retour, devant le musée d’Art naïf de Vicq -fermé, et qui espère réouvrir . Elle ne dépare pas, non ?
*
Un petit film montrant la maison d’Orson Welles, sur sa voix disant le début de la parabole de la Loi dans Le Procès de Kafka :
et un rappel : « c’était quoi Orson Welles ? »
*
Arriver à l’automne de ma vie toujours vivante, voilà pour moi une grande victoire, et qui augure un bel hiver, plein comme une femme enceinte d’un printemps – que je meure dans quarante ans ou dans quarante minutes. Ce n’était pas gagné d’avance, ça ne l’est pour personne, j’en avais pleinement conscience adolescente, voyant ce qu’acceptaient tant d’adultes et que je refuserais : ce refus pouvait me faire mourir physiquement. Or je n’ai pas trahi – quelle plus profonde joie peut-on connaître, après la traversée périlleuse de l’âge adulte ? Je suis arrivée indemne et à bon port, rien ne pourra plus m’enlever cela. Bien sûr j’ai fait des erreurs, j’ai commis des fautes. Mais je ne m’y suis pas résignée. Nous faisons tous des erreurs et des fautes, mais il y a d’une part une distinction fondamentale entre les fautes commises en connaissance de cause, délibérément (le plus souvent au prétexte de quelque « bonne cause », dans la philosophie fausse qui justifie les moyens par la fin), et celles que nous commettons par ignorance, par imprudence, par légèreté, sans volonté de blesser, dominer ou détruire autrui. Mais même les erreurs et les fautes involontaires peuvent faire beaucoup de mal, et je ne suis pas de ceux qui disent à propos de tout ce qu’ils ont fait : si c’était à refaire, je le referais. Non, surtout pas ! Ce que j’aurais dû ne pas faire, je ne le referais surtout pas ! C’est justement la conscience que ce n’était pas nécessaire, le refus d’une fatalité du mal, qui permet d’être toujours vivant, très vivant.
*
Note du 28 octobre actualisée avec de nouvelles pages en 2e partie.
*
J’intègre à ma thèse version papier les copies de l’agrégation tentée en mars dernier – ou du moins leur impression d’après leur numérisation, car l’académie ne renvoie plus les copies elles-mêmes, malheureusement. Je les ai colorées plus simplement que les autres pages. Ici il s’agit de la dissertation sur Ronsard, que j’ai recopiée et qu’on peut lire ici. La version imprimée de ma thèse sera différente de la version papier, où j’intègre des documents bruts comme ces dissertations et des collages comme ici au dos de la dernière page une page du catalogue de présentation du colloque sur les migrants au Collège de France. Ayant arrêté de dessiner et de peindre pour préparer ma thèse (et pas mal d’autres choses), j’ai toujours le désir de faire quelque chose de mes mains et de mon corps et je le fais, d’une façon ou d’une autre. Dessiner et peindre comporte le bonheur du contact, de l’échange avec le matériau, matériau avec lequel j’aime vivre, comme lorsque je vivais en colocation avec un vrai artiste peintre, matériau des supports, des instruments et des couleurs, crayons, encres, peintures etc. qui sont les compagnons de l’artiste dans la réalisation. J’aime les avoir près de moi, pressés, marqués par le travail, vieillis, pleins d’âme.






*
Et voici les pages de la dissertation sur les « romans de la fin d’un monde », qu’on peut lire ici.






Les précédentes pages de ma thèse en couleur se trouvent au mot-clé Action poélitique à lettre grecque.
*