« Shamhat défait sa robe et s’en va s’allonger… »

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illustration de Ludmila Zeman

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Et si nous lisions ou relisions, jour après jour pour cet été, quelques scènes d’amour de la littérature du monde ? Commençons avec une pièce très très ancienne et très très sensuelle, ce passage de l’Épopée de Gilgamesh – l’un des plus anciens écrits du monde – où la prêtresse Shamhat va civiliser le sauvage Enkidu en lui apprenant l’amour.

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« Shamhat défait sa robe et s’en va s’allonger
Tout près, humide et nue, les jambes écartées.
Enkidu hume l’air, il observe son corps,
Approche peu à peu Shamhat qui se caresse,
Elle frôle sa cuisse – elle étreint son pénis,
Elle use de son art et lui coupe le souffle,
Déjà il ne voit plus que ses hanches offertes,
Son bassin qui ondule et sa bouche entr’ouverte –
Il lui donne son souffle, écorché de baisers,
Et Shamhat lui apprend ce que c’est qu’une femme.
Lui reste en érection pour six jours et sept nuits,
Et ils refont l’amour, sans répit. »

(traduit par Aurélien Clause depuis la traduction de Stephen Mitchell en anglais du texte sumérien)

Nâzim Hikmet, « Légende des légendes »

L’été, le temps, la vie… Je suis en ville, mais quand je m’étends sur mon lit je m’imagine au bord de l’eau, dans la nature…

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Nous sommes au bord de l’eau,

le platane et moi.

Notre image apparaît dans l’eau,

le platane et moi.

Le reflet de l’eau nous effleure,

le platane et moi.

 
Nous sommes au bord de l’eau,

le platane, moi et puis le chat.

Notre image apparaît dans l’eau :

le platane, moi et puis le chat.

Le reflet de l’eau nous effleure,

le platane, moi, et puis le chat.

 
Nous sommes au bord de l’eau,

le platane, moi, le chat et puis le soleil.

Notre image apparaît dans l’eau,

le platane, moi, le chat et puis le soleil.

Le reflet de l’eau nous effleure,

le platane, moi, le chat et puis le soleil.

 
Nous sommes au bord de l’eau,

le platane, moi, le chat, le soleil, et puis notre vie.

Notre image apparaît dans l’eau :

le platane, moi, le chat, le soleil et puis notre vie.

Le reflet de l’eau nous effleure,

le platane, moi, le chat, le soleil et puis notre vie.

 
Nous sommes au bord de l’eau,

Le chat s’en ira le premier,

dans l’eau se perdra son image.

Et puis je m’en irai, moi,

dans l’eau se perdra mon image.

Et puis s’en ira le platane ;

dans l’eau se perdra son image.

Et puis l’eau s’en ira,

le soleil restera,

puis à son tour il s’en ira.

 
Nous sommes au bord de l’eau

le platane, moi, le chat, le soleil et puis notre vie.

L’eau est fraîche,

le platane est immense,

moi j’écris des vers,

le chat somnole,

nous vivons Dieu merci,

le reflet de l’eau nous effleure,

le platane, moi, le chat, le soleil et puis notre vie.

 
Nâzim Hikmet, Légende des légendes (traduit du turc par Munevver Andac et Guzine Dino)