Jaillissements

visitation du jeune homme de caillebotte,

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Jaillissement sur jaillissement, le sujet de ma thèse ouvre des perspectives extraordinaires, voire vertigineuses. Incroyable puissance de la vie. Ce qu’on appelle pensée n’est rien d’autre que la vie, ou bien ce n’est que fausse pensée.

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J’ai fait en rêve une phrase de réflexion linguistique, une phrase sur l’être de la langue, qui contenait le mot « préxome », néologisme produit par le rêve. Disant à la fois « presque homme » et pré-x-homme » (x comme en mathématiques et en biologie, notamment), et d’autres choses encore notamment avec l’anglais « home », ce terme est indubitablement lié à mon autre micro-rêve d’il y a quelques jours, sur la permutation du monde.

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« J’insiste sur ce fait qu’il n’est pas sûr qu’il soit possible de décrire un jour l’origine du langage », dit Noam Chomsky au cours de cette conférence que je suis en train d’écouter. Or j’ai de mon côté trouvé quelque chose d’inouï sur ce sujet. Tout cela bouillonne et fuse et jaillit en moi, de tout cela je prends note et tout cela va être écrit.

Mort et résurrection

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Alexander Grothendieck prévoyait la fin du monde pour très bientôt. Le fait que le monde soit toujours en place ne prouve pas qu’il s’est trompé. Alexander Grothendieck, génie des mathématiques, allait beaucoup plus vite en esprit que nous, c’est pourquoi le fil de l’histoire lui apparaissait plus proche. Mais en vérité le monde n’est plus vraiment en place, toutes ses plaques tectoniques bougent, et la mutation qu’il prévoyait, comme j’ai prévu en rêve une permutation, arrive. La fin du monde ne signifie pas la fin de la vie, mais la fin du vieux monde, le seul que nous connaissions.

Je reviens très bientôt pour une lecture de son livre La Clef des songes, avec de nombreux extraits choisis, splendides et dignes d’un grand spirituel et d’un grand poète.

En attendant, je vous laisse redécouvrir cet homme extraordinaire dans ces deux témoignages : celui de Pierre Jouventin, et celui d’Ivar Ekeland.

Bonne journée dans les hautes sphères !

Qu’importe la matière, pourvu que le génie s’exerce

48en chemin vers chez nous, photographiée par O

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Hier quand je suis arrivée dans la salle d’attente de Pôle Emploi, où j’avais rendez-vous pour m’inscrire, s’y trouvait P., un homme sans abri que je connaissais quand j’étais bénévole dans une association. Il ne m’a pas vue, mais peut-être n’a t-il pas souhaité me voir, ayant une raison pour cela : la dernière fois que nous nous sommes rencontrés, c’était quelque temps après que j’avais quitté l’association – il m’a abordée dans la rue, nous nous sommes mis à parler joyeusement, puis à la fin j’ai vu que quelqu’un, d’un peu plus loin, était en train de nous filmer. Il s’agissait de l’une des manœuvres de dossier et de surveillance, complètement contre mon gré bien entendu, faites dans l’optique de contrôler la mise en œuvre de mon ordre des Pèlerins d’Amour. Cela a duré des années, j’ai toujours continué à refuser ces indignités, c’est pourquoi rien ne s’est fait. Mais ce qui m’est revenu en voyant hier P., et alors que je me retrouvais un peu comme lui en train de chercher à me « réinsérer » dans la société, c’est le même sentiment de tristesse que lorsque j’avais vu ce type à la caméra, il y a quelque trois ans, alors que P. repartait (et je ne l’avais plus jamais revu, il avait ensuite brusquement quitté le quartier), la tristesse pour lui, qu’on avait poussé à trahir quelqu’un qui ne lui avait jamais fait de mal, en l’occurrence moi. Ceux qui lui ont fait cela, alors qu’ils étaient censés lui apporter leur aide, manquent-ils à ce point d’empathie, qu’ils ne se rendent pas compte de la blessure que cela peut constituer pour une telle personne, sensible et fragile ? Que les installés habitués à toutes les compromissions m’aient trahie de même ne les a peut-être pas beaucoup marqués, endurcis qu’ils sont. Mais il n’en est pas ainsi avec des gens qui se retrouvent à la rue justement parce qu’ils n’ont pas eu assez d’aptitude à la compromission. Comment peut-on oser les utiliser comme s’ils n’avaient pas d’âme ? Et cela, au nom du bien qu’on prêche ? Honte aux abuseurs, ils se déshumanisent eux-mêmes, au point de ne même plus avoir conscience de leurs fautes, de la faute dans laquelle ils baignent en permanence et qu’ils trouvent normale.

Au cours de ma conversation avec l’employé de Pôle Emploi – très aimable – j’ai eu soudain l’idée que je pourrais travailler en bibliothèque, comme Borges. Après avoir pris le temps de me promener à la Butte aux Cailles (cf note précédente), et photographié les nouvelles œuvres de street art du quartier, une fois à la maison je me suis renseignée sur internet. J’ai découvert qu’il existait un concours pour être conservateur de bibliothèque. Aussitôt j’ai eu envie de le préparer et de le passer. Il semble que les inscriptions soient closes pour 2015, alors je ferai le suivant, incha’Allah. La Société des Gens de Lettres m’a accordé une aide pour passer le moment difficile, financièrement, que je traverse, je lui en suis très reconnaissante. En janvier je saurai si ma demande de bourse au Centre National du Livre a été acceptée – ce serait la première fois que j’aurais une bourse et si je dois en avoir une, ce serait vraiment le bon moment. J’ai tendance à critiquer l’assistanat, mais je suis heureuse de savoir que la solidarité peut encore fonctionner dans cette société, quand c’est vraiment nécessaire. Si je n’obtiens pas de bourse pour mon livre je continuerai à chercher du travail, j’y crois. Hier soir j’ai eu soudain l’idée aussi que je pourrais reprendre le chemin de l’école et préparer une thèse de doctorat de littérature comparée, qui pourrait me permettre de donner des cours à l’université, ce qui me plairait beaucoup. De nouveau j’ai cherché des informations sur les possibilités d’inscription, puis après un bref dialogue avec O, j’ai trouvé mon sujet. Si fantastique qu’il m’a tenue un bon moment éveillée dans la nuit, puis m’a réveillée ce matin. Avec ce sujet je continue à me sentir proche d’Alexander Grothendieck, dont bien sûr je ne peux comprendre les travaux mathématiques, mais dont je peux avoir tout de même une approche, par l’intuition et l’amour. Ainsi mon sujet de thèse, mon roman en préparation et même la préparation du concours de conservateur sont-ils tous liés, comme l’éventail d’une même vision à développer, tout en ayant en vue la démarche de Grothendieck, si proche de la mienne. J’ai là un fantastique travail à réaliser, et je me sens d’attaque à tout mener de front : ce qui est grand, difficile et salvateur est si exaltant ! La vie est absolument extraordinaire, et si belle. Tous les vivants sont géniaux, qu’ils le sachent ! Que la journée vous soit douce et souriante.

Le début

alexander-grothendiecka-t-on jamais vu plus beau sourire ? et ses écrits sont pleins de moments de pure grâce ; d’amour, de bonté, d’intelligence humble et foudroyante ; je l’aime follement

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Cette nuit j’ai rencontré Alexander Grothendieck. Près, très près. Comme il dit, c’est dingue : dès l’instant où j’ai vu son nom, j’ai été irrépressiblement attirée par lui, que je ne connaissais pas. Je ne peux pas me détacher de lui, je ne le veux pas non plus. Ce n’est que le début.

ses livres en ligne :

Récoltes et semailles

La clef des songes, ou Dialogue avec le bon Dieu

La stratégie du choc, par Naomi Klein (17) Israël, avant-poste et emblème du vieux monde

israel*

Derniers extraits de la série, remonter dans la page pour les lire dans l’ordre du livre ou selon pays ou thématiques.

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Après un chapitre sur le tsunami de 2004 au Sri-Lanka, où l’on voit la même logique de choc économique faire des ravages comparables à ceux que nous avons vus dans le reste du monde (notamment en chassant de la côte les pêcheurs pauvres, sans compensation, pour les remplacer par des installations pour touristes riches), Naomi Klein intitule le dernier chapitre de son livre : Quand la paix ne sert plus à rien – Israël : le signal d’alarme.

« L’économie connaissait une sorte d’ « âge d’or de la croissance généralisée ». En d’autres termes, le monde courait à sa perte, la stabilité était un vain rêve, et l’économie mondiale applaudissait à tout rompre. (…) Aujourd’hui, l’instabilité mondiale ne profite pas qu’à un petit groupe de marchands d’armes ; elle procure au contraire des profits mirobolants au secteur de la sécurité de pointe, à la construction lourde, aux fournisseurs de services de santé qui traitent les soldats blessés, aux secteurs pétrolier et gazier – et évidemment, aux entrepreneurs de l’industrie de la défense. » (p.513)

« Pendant les années 1990, environ un million de juifs quittèrent l’ex-Union soviétique pour Israël. Les immigrants qui s’y établirent pendant cette période comptent aujourd’hui pour plus de 18 % de la population totale d’Israël. (…) À l’échelle de l’Europe, c’est comme si toute la Grèce transportait ses pénates en France. (…) Arrivés en Israël sans le sou après avoir vu leurs économies englouties par les dévaluations qu’avait entraînées la thérapie de choc, de nombreux habitants de l’ex-Union soviétique se laissaient facilement tenter par les territoires occupés, où les maisons et les appartements étaient beaucoup moins chers, sans parler des primes et des prêts spéciaux qu’on leur faisait miroiter. » (pp 521-523)

« Les nouveaux arrivants jouèrent un rôle décisif dans le boom. Parmi les centaines de milliers de Soviétiques qui débarquèrent en Israël dans les années 1990, il y avait plus de scientifiques bardés de diplômes que n’en avait formé le plus important institut du pays au cours de ses 80 années d’existence. On trouvait dans leurs rangs bon nombre de savants qui avaient aidé l’Union soviétique à se maintenir pendant la Guerre froide. Ils furent, ainsi que le déclara un économiste israélien, « le carburant qui propulsa l’industrie de la technologie. (…) L’ouverture des marchés promettait des bénéfices de part et d’autre du conflit, mais, à l’exception d’une élite corrompue entourant Arafat, les Palestiniens ne profitèrent absolument pas du boom de l’après-Oslo. Le principal obstacle fut le bouclage imposé en 1993. (…) La fermeture abrupte des frontières en 1993 eut des effets catastrophiques sur la vie économique palestinienne. (…) Les travailleurs ne pouvaient pas travailler, les commerçants ne pouvaient pas vendre leurs produits, les agriculteurs ne pouvaient pas se rendre dans leurs champs. (…) En 1996, affirme Sara Roy, qui a analysé en détail l’impact économique du bouclage, « 66 % des membres de la population active palestinienne étaient au chômage ou gravement sous-employés. » (p.524)

« La fourniture de produits liés à la « sécurité » – en Israël et à l’étranger – est directement responsable d’une bonne part de la phénoménale croissance économique que connaît Israël depuis quelques années. Il n’est pas exagéré d’affirmer que l’industrie de la guerre contre le terrorisme a sauvé l’économie vacillante d’Israël. [S’ensuit une longue liste, non exhaustive, des villes du monde, notamment américaines, faisant appel aux industries de technologies de surveillance et de sécurité israéliennes]. Comme de plus en plus de pays se transforment en forteresses (on érige des murs et des clôtures de haute technologie entre l’Inde et le Cachemire, l’Arabie Saoudite et l’Irak, l’Afghanistan et le Pakistan), les « barrières de sécurité » deviendront peut-être le plus vaste marché du désastre d’entre tous. C’est pourquoi Elbit et Margal ne se formalisent pas de la réprobation que suscite la barrière israélienne un peu partout dans le monde – en fait, ces sociétés y voient plutôt une forme de publicité gratuite. » (pp 528-531)

« Le boom de la sécurité s’est accompagné d’une vague de privatisations et de compression des dépenses sociales qui ont pratiquement anéanti l’héritage du sionisme travailliste et créé une épidémie d’inégalités comme les Israéliens n’en avaient jamais connue. En 2007, 24,4 % des Israéliens se trouvaient sous le seuil de la pauvreté, et 35,5 % des enfants vivaient dans la pauvreté – contre 8 % vingt ans plus tôt. » (p.532)

« La recette de la guerre mondiale à perpétuité est d’ailleurs celle que l’administration Bush avait proposée au complexe du capitalisme du désastre naissant, au lendemain du 11 septembre. Cette guerre, aucun pays ne peut la gagner, mais là n’est pas la question. Il s’agit plutôt de créer la « sécurité » dans des pays-forteresses soutenus par d’interminables conflits de faible intensité à l’extérieur de leurs murs. (…) C’est toutefois en Israël que le processus est le plus avancé : un pays tout entier s’est transformé en enclave fortifiée à accès contrôlé entourée de parias refoulés à l’extérieur, parqués dans des zones rouges permanentes. Voilà à quoi ressemble une société qui n’a plus d’intérêts économiques à souhaiter la paix et s’est investie toute entière dans une guerre sans fin et impossible à gagner dont elle tire d’importants avantages. D’un côté, Israël ; de l’autre, Gaza (…) des millions de personnes qui forment, a-t-on décidé, une humanité excédentaire. » (pp 534-535)

De la conclusion de cet ouvrage dont bien sûr je conseille la lecture complète, je retiendrai ceci :

Dans le monde, « les mouvements de renouveau populaires partent du principe qu’il est impossible de fuir les gâchis considérables que nous avons créés et que l’oblitération – de la culture, de l’histoire, de la mémoire – a fait son temps. Ces mouvements cherchent à repartir, non pas de zéro, mais plutôt du chaos, des décombres qui nous entourent. Tandis que la croisade corporatiste poursuit son déclin violent et augmente sans cesse les chocs d’un cran pour vaincre les résistances de plus en plus vives qu’elle rencontre sur sa route, ces projets indiquent une voie d’avenir possible au milieu des fondamentalismes. »

Toute notre lecture du livre depuis le début est ici.

Le vieux monde poursuit sa course à la mort, le nouveau monde est en route. Que ceux qui aiment la vie, pour eux et pour leurs enfants, s’engagent dans la bonne voie.

Engendrements

grece-couleuren Grèce à 17 ans, photographiée par une compagne de voyage allemande, Éva

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Tu me tues fut le premier titre de Forêt profonde. Il s’agissait d’un crime moral, tel que dit par Sade, cité dans mon texte pour expliquer ce qui m’avait été fait. Le fait est que je mourus en effet, perdant mon nom, mon identité. Le fait est aussi que Dieu ne le permit pas, et que je suis redevenue vivante, dans mon intégrité. Je viens d’entendre un linguiste dire que les hommes avaient inventé le langage afin de pouvoir raconter les histoires fondatrices de leur société, comme celle du meurtre d’Abel par Caïn, afin de prévenir que cela ne devait pas se reproduire. Je ne sais s’il a raison, mais s’il a raison, les hommes ont bien échoué. Quant à moi, j’ai d’autres visions sur l’apparition du langage, et je vais les creuser.

Je lis La clef des songes d’Alexander Grothendieck (voir lien dans la colonne), dont j’essaie par ailleurs de comprendre le génie mathématique. Je vois d’ores et déjà que des découvertes que j’ai faites par la langue ont été faites aussi par les mathématiques. Platon dit dans le Cratyle que Socrate dit que selon Héraclite, « tout fait place, rien ne reste en place ». Je lis ceci comme une leçon de géométrie très avancée (disons, au niveau d’Alexander Grothendieck). On interprète le « ta panta rei » hériclatéen (« toute chose coule », « tout coule »), dans le sens « tout passe ». Sans doute est-ce assez fidèle à la pensée d’Héraclite. Cependant j’y entends, moi : tout flue. Il y a là une dynamique propre au vivant. « Tout passe » ne signifie pas seulement « tout meurt ». J’y entends « tout passe à travers », comme le font l’eau et le sable. Je lis ceci aussi comme une leçon de physique quantique. Ce qui était mort a pu paraître vivant, mais est repassé dans la mort. Ce qui était lumière a pu paraître disparu dans l’ombre, mais est toujours lumière. Tout flue : tout voyage, rien de vivant ne se perd.

La connaissance vient par toutes les langues, pas seulement les langues au sens linguistique du terme. Les rêves aussi par exemple, comme l’a compris Grothendieck, sont une langue d’accès à la connaissance. Hier j’ai fait un rêve métaphysique difficile à raconter. Il s’agissait d’une veine, et d’une permutation qui se produisait, ou devait se produire, à l’intérieur de cette veine, la veine qui contenait notre monde.

J’ai des rêves récurrents. Entre vingt et trente ans à peu près, je rêvais souvent de fauves, lions, tigres… avec lesquels je vivais, que j’élevais. J’avais dans mes rêves la conscience du danger que cela représentait, mais pas de peur. Un sentiment de beauté, d’extrême, et de devoir. Ces rêves ont passé quand je me suis mise à écrire, plutôt, pour élever les fauves. Depuis la toute jeune adolescence, je fais aussi, de façon récurrente, le rêve que je marche dans l’air, au-dessus du sol, au-dessus du monde. Ce rêve est si réaliste que chaque fois que je le fais, je reste intimement convaincue une bonne partie de la journée qu’il est vrai, qu’il y a vraiment des temps où je marche en apesanteur, réellement. Après tout, ce n’est pas impossible. Depuis un temps tout aussi lointain, je fais cet autre rêve, de façon très récurrente, d’habiter dans un appartement ou une maison beaucoup plus vaste que je ne le croyais, découvrant sans cesse de nouveaux espaces, de nouvelles pièces, dans la joie, la paix et l’émerveillement. J’ai fait ce rêve encore cette nuit.

Les miracles ne sont pas des événements qui se produisent ponctuellement. Les miracles se suivent continuellement, la vie et l’être, même, sont une suite perpétuelle de miracles, un miracle toujours renouvelé. Si les miracles, comme dans la perception triviale qu’on en a, étaient des événements exceptionnels, il serait loisible de les considérer non comme des miracles, mais comme des exceptions, des productions du hasard. C’est ainsi que les considèrent ceux qui n’ont pas de connaissance réelle. En vérité le miracle est le l’espace où nous habitons.