Chroniques
Autant en emporte le temps
Les Grecs et les Turcs se sont rapprochés après le tremblement de terre qui a endeuillé leurs deux pays ces jours-ci. En France, les musulmans et les catholiques se sont rapprochés pour la Toussaint après le meurtre de trois personnes dans une église de Nice par un terroriste islamiste. Que les uns et les autres, Grecs et Turcs en Orient (les deux pays sont orientaux à mes yeux), musulmans et chrétiens en Occident et dans d’autres terres, se rendent compte qu’ils seraient plus forts en coopérant, en faisant alliance, même !
Les librairies sont fermées. Des employés de librairies demandent qu’on cesse de demander leur réouverture et de les mettre ainsi en danger. Pour ma part, il y a longtemps que je ne vais plus en librairie (les bibliothèques et les ebooks m’apportent tout le nécessaire). Les seuls livres que j’y ai achetés ces deux dernières années sont celui de François Ruffin, Ce pays que tu ne connais pas – en fait c’est O qui l’a acheté – et celui de Vanessa Springora, Le consentement. Deux textes de témoignage. L’un d’un honnête homme sur Macron, l’autre d’une honnête femme sur Matzneff, deux personnages emblématiques de l’état de la France : un pays abusif. Les livres que j’aurais pu publier depuis dix ans ne se trouvent pas en librairie car j’aurais dû, pour les publier, accepter une contrainte abusive. Je ne l’ai jamais acceptée, elle s’est donc accentuée, on a voulu me rééduquer comme certains veulent convertir de force les homosexuels à l’hétérosexualité, ou les fidèles d’une religion à une autre, ou les esprits libres à la dictature. Il y avait dans ces livres que je n’ai pu publier, que vous ne trouverez pas en librairie, de quoi participer à pacifier le monde. On a préféré soutenir ceux qui s’échinent à provoquer des guerres de civilisation. Autant en emportent les tremblements de ciel.
Reconfinement
Plus d’autre choix qu’un reconfinement. Je pense à toutes celles et tous ceux qui ne pourront plus travailler, qui ne peuvent plus travailler depuis des mois ; ou qui ont travaillé dur pour lancer des projets qui seront annulés ; ou qui vont devoir continuer à travailler dans des conditions risquées et difficiles ; ou qui vont devoir affronter plus ou moins seuls, ou en compagnie difficile, une période d’enfermement, une période angoissante. À toutes celles et ceux qui, pour ces raisons et d’autres encore, vont souffrir, ou continuer à souffrir, ou souffrir de nouveau.
Je suis allée faire des courses pour le dîner, vers 17 heures passées. Les rayons du supermarché étaient à moitié vides et il y avait de longues queues aux caisses : c’était déjà reparti, les gens faisaient des provisions en vue d’un reconfinement. Dire qu’avec des mesures intelligentes – télétravail obligatoire chaque fois que possible, aération des salles de cours, et bien sûr préparation des hôpitaux, publics et privés, on aurait pu limiter ce désastre. Les quelque vingt pour cent de Français qui ont élu Macron, faute de mieux et pour éviter le pire, ont élu un jeune banquier sans expérience politique et nous le payons, tant en politique intérieure que dans les relations internationales, gérées par des enfantillages d’une personnalité clivante. Le Figaro publiait l’autre jour un article relatant le désarroi du Rassemblement national, dépossédé de ses idées par la classe politique au pouvoir. Je n’ai envie d’accabler personne, nous sommes assez accablés. Mais voilà où nous en sommes. Dans cette situation incertaine, le mieux est de garder au maximum nos forces, afin d’être en état de nous en servir, personnellement ou collectivement, quand nous serons au moins débarrassés de la pandémie.
Depuis que je me suis mise à la course, il y a quelques semaines, j’ai triplé ou quadruplé la (petite) distance sur laquelle je cours avant d’alterner avec des temps de marche. Faire du sport est plus que jamais capital pour nous maintenir en forme, physiquement mais aussi mentalement. Je compatis avec les jeunes, si pleins de vitalité et privés d’activité, surtout en ville. Ils ont besoin de beaucoup de courage dans le monde actuel.
Alain Rey est mort, et je me rappelle que la première chose que j’ai faite, dès que j’ai eu ma première avance de droits d’auteur sur mon premier roman, a été d’acheter un vélo pour chacun de mes deux fils, puis pour moi le Grand Robert. J’avais toujours été pauvre, et c’était le trésor le plus luxueux que j’avais jamais eu. Pour ainsi dire, je n’en revenais pas de l’avoir. Et donc je le devais en bonne part à Alain Rey, dont le nom est d’ailleurs presque l’anagramme du mien. Je ne l’ai plus – j’ai dû le laisser lors du dernier déménagement – mais j’ai toujours un Petit Robert, un trésor aussi.
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à bientôt pour la suite de l’Odyssée, la fin du Chant II
Odyssée, Chant II, v. 296-339 (ma traduction)
Aujourd’hui nous assistons à un dernier échange entre quelques-uns des perfides prétendants et Télémaque, puis ce dernier descend au cellier d’Ulysse, espèce de haute caverne d’Ali Baba. Nous verrons la prochaine fois les préparatifs avant le départ du jeune homme devenu « grand », comme il dit, avec son langage parfois encore enfantin.
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Ainsi parle Athéna, fille de Zeus. Et Télémaque
Ne s’attarde pas, une fois entendue la voix
De la déesse. Il s’en va au palais, le cœur attristé,
Trouve dans la demeure les prétendants arrogants.
Antinoüs en riant vient droit sur Télémaque,
Lui saisit la main et lui dit, l’appelant par son nom :
« Télémaque, fort en gueule, âme insupportable, cesse
D’exercer ton cœur aux paroles et aux actes mauvais,
Viens plutôt avec moi manger et boire comme avant !
Les Achéens vont s’occuper d’absolument tout pour toi :
Du bateau et des rameurs que tu demandes pour partir
Au plus vite à Pylos t’informer sur ton aimable père. »
Ainsi lui répond à haute voix le sage Télémaque :
« Antinoüs, je ne peux plus, avec vous les orgueilleux,
Sans rien dire manger et tranquillement m’amuser.
N’est-ce pas assez d’avoir déjà dévoré mes précieux
Et nombreux biens, prétendants, quand j’étais encore enfant ?
Mais maintenant je suis grand, j’ai écouté la parole
D’autres gens, j’ai appris, et la colère en moi a grandi.
Et je vais donc tenter de vous lancer le mauvais sort –
Que j’aille à Pylos ou que je reste ici dans le peuple.
Mais je n’annonce pas ce voyage en vain : je serai
Passager sur un bateau, n’ayant moi-même ni nef
Ni rameurs, puisque cela vous paraît plus avantageux. »
Ainsi dit-il, et d’un geste aisé retire sa main
De celle d’Antinoüs. Les prétendants dans la maison
Préparent le repas et lui adressent railleries
Et injures. L’un de ces jeunes arrogants lui dit :
« Oui, certes, Télémaque médite de nous tuer !
Il ramènera des secours de Pylos la sablonneuse
Ou bien de Sparte, puisqu’il le désire terriblement !
À moins qu’il ne veuille aller à Éphyra aux fertiles
Terres, afin d’en rapporter des poisons mortels
Qu’il versera dans nos cratères pour nous tuer tous ! »
Un autre de ces jeunes arrogants lui dit :
« Qui sait ? Une fois parti loin de ses proches, sur sa nef
Creuse, peut-être mourra-t-il après avoir, tel Ulysse,
Erré ? Voilà qui accroîtrait encore notre fatigue :
Il nous faudrait partager toute sa fortune, puis donner
La maison à sa mère et à celui qu’elle épouserait ! »
Ainsi parlent-ils, et Télémaque descend dans les hautes
Et vastes réserves de son père, où s’amoncellent l’or,
L’airain, des coffres pleins de linge, des huiles parfumées…
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le texte grec est ici
le premier chant entier dans ma traduction là
à suivre !
Tiphaine Auzière. La longue chute d’En marche
Attention, ça pue : masque conseillé. Tiphaine Auzière, belle-fille à beau-papa Macron, néochroniqueuse défendant la restriction des libertés publiques sur Europe 1 (en la justifiant notamment par l’évocation du couvre-feu pendant la guerre d’Algérie, genre de raccourci foireux dont les fachos sont friands), partage donc avec Marion Maréchal Le Pen, entre autres, un prof de géopolitique fondateur d’un parti néofasciste (ex-concurrent de Le Pen père, mais plus à l’extrême-droite), dans la classe prépa de son lycée privé, fraîchement ouvert à Paris et qu’elle a l’ambition d’essaimer dans toute la France (Blanquer, continuez à détruire l’Éducation nationale, pour laisser Auzière et Le Pen prendre le relais !). En lisant un article à sa gloire dans Paris Match, je songeais à mon personnage de fasciste scatophile dans Poupée, anale nationale, quand je suis arrivée au moment où l’hagiographe mentionne au passage que son mari est gastro-entérologue. Ah la réalité parle aussi bien que la fiction ! « Je fais d’abord », dit la présidente de cet établissement que le Canard Enchaîné du jour qualifie d’« étrange bahut » au « directeur d’études sulfureux » et aux « drôles d’amis ».
L’article de Match mentionne un cours qui commence par aborder la question de « l’ensauvagement » dans ce qu’elle dit être un « lycée d’excellence ». À 9500 euros par an – 950 pour les boursiers – encrassage de cerveau assuré. Dommage que Mme Auzière, militante En marche, soit, elle, restée au stade de cancre, écrivant sur son compte twitter « censé » au lieu de « sensé », tout en y commettant des phrases dépourvues de sens, témoignage d’une grande confusion de sa pensée. Selon un journal conservateur anglais, The Spectator, l’ascension médiatique de la belle-fille pourrait être le signe qu’on voudrait lui faire prendre le relais de beau-papa en déroute : dans la perspective des prochaines élections présidentielles, « Macron se voit évidemment dans une zone de danger, assiégée par le Covid, le Brexit, le chômage, le déficit, la dette, la dépression, la crise de l’euro, l’Afrique, etc. Mais un coup de couteau dans le dos de sa propre belle-fille semble encore tiré par les cheveux à l’échelle des menaces existentielles. Elle, en revanche, vaut peut-être la peine d’être surveillée. », y lit-on. Oui, surveillons. La longue chute d’En marche, dès le début parti du bord de la falaise, droit dans le néant.
Autres notes, ici, sur Macron et le néofascisme :
« La farce fasciste de la macronie« , où il est aussi fait allusion au grand malaise dans l’Éducation nationale ;
« Le macronisme, banalité du fascisme » ;
Macron le petit ; etc. (mot-clé Macron)
Une idée de pièce pour le lycée de Mme Auzière, où le théâtre sera obligatoire ? Cette farce :