« une bien belle paire de bottes »

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Un prince Disney en version réaliste, par Jirka Väätainen (d’autres ici)

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« – Tu as une bien belle paire de bottes, dit-elle.
Les bottes étaient très belles. Elles montaient jusqu’au genou, très souples, bien taillées.
(…)
Ils étaient là, sombres contre la lumière, un grand V de canards sauvages partant vers le sud dont la silhouette se découpait dans l’air en dessous de la lune. Comme une conversation étouffée, leur jacassement continu parvenait aux oreilles de ces deux êtres humains, tombant du ciel vers la terre. (…) Il y avait là plus d’oiseaux que la terre ne pouvait en engendrer. Sans rien dire, tout près l’un de l’autre, ils les regardèrent disparaître au sud, jusqu’à ce que le dernier écho s’éteigne.
(…)
Ellie Pearl contempla le ciel blafard, presque vidé de ses étoiles à cause de la lune. Elle posa ses mains manucurées sur les avant-bras de Tige Tigard qui la tenait. Sous la peau brune, les longs muscles noueux formaient comme des cordes. Elle chancela mais s’accrocha à cette rudesse silencieuse.
Puis Tige Tigard la fit simplement pivoter, la tenant toujours par les côtes. Il plaça son autre main sur sa nuque et pressa sa bouche contre la sienne. Elle vit ses cils comme des ombres pointues contre le clair de lune. Dans la chemise rouge à carreaux et le jean raide, son corps était ferme et vivant contre le sien. Il la fit ployer lentement d’avant en arrière, ses épaules s’agitaient comme un arbre agité par le vent. Il sentait le whisky et les pommes, et Ellie Pearl tournait comme la terre, en orbite, sous la pression de cet homme, des montagnes et de la nuit. Quand le sac argenté s’échappa de ses doigts, elle ne remarqua même pas où il tombait.
Au-dessus de sa bouche offerte, elle voyait la tête de l’homme comme un nuage de force brute. Sous ses vêtements, il brûlait de désir pour elle, dans tout son corps. »

Kressmann Taylor, Ellie Pearl (traduit de l’anglais (américain) par Laurent Bury)

« Sur la paille, elle se coucha à côté de lui »

Zayasaikhan Sambuu - Tutt'Art@ - (16)

une oeuvre de Zaya (Zayasaikhan Sambuu)

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« Au loin, le tonnerre gronda sur les monts. Un éclair illumina le profil de Djamilia. Elle regarda autour d’elle et tomba contre Danïiar. Ses épaules tremblaient convulsivement sous les mains de Danïiar. Sur la paille, elle se coucha à côté de lui. Un vent enflammé accourait de la steppe, il fit tourbillonner la paille, vint heurter la yourte chancelante qui se trouvait à la limite de l’aire, et tourna comme un toton sur la route. Et de nouveau il y eut des signaux bleus dans les nuées, le tonnerre avec une sèche secousse se brisa au-dessus de nos têtes. C’était effrayant et joyeux : l’orage avançait, le dernier orage de l’été.

– Est-il possible que tu aies cru que j’allais te troquer contre lui ? – chuchotait ardemment Djamilia. – Non, tout de même, non ! Il ne m’a jamais aimée. Il se contentait d’ajouter un salut à la fin de sa lettre, rien de plus. Je n’ai pas besoin de lui avec son amour tardif, qu’on dise ce qu’on voudra ! Mon chéri, mon solitaire, je ne te donnerai à personne ! Il y a longtemps que je t’aime. Et quand je ne le savais pas, je t’aimais et je t’attendais, et tu es venu, comme si tu savais que je t’attendais !

Des éclairs bleus l’un après l’autre, zigzaguant, s’enfonçaient par-dessus l’escarpement dans la rivière. Sur la paille, d’obliques gouttes de pluie froide bruissèrent.

– Djamilia, mon aimée, ma chérie, Djamaltaï ! – murmurait Danaïiar, la nommant des plus doux prénoms du kirghiz et du kazakh. – C’est que moi aussi il y a longtemps que je t’aime, je rêvais de toi dans les tranchées, je savais que mon amour était dans ma patrie, c’est toi, ma Djamilia !

– Tourne-toi, laisse-moi te regarder dans les yeux !

L’orage éclata.

Battant des ailes comme un oiseau abattu, le feutre arraché à la yourte palpitait. Par rafales violentes, comme baisant la terre, la pluie tombait à torrents, fouettée de vent par en dessous. De biais, par et à travers tout le ciel, le tonnerre roulait en de puissants écroulements. Les flambées éclatantes des éclairs allumaient sur les monts des incendies printaniers de tulipes. Le vent grondait, faisait rage dans le ravin.

La pluie coulait, et moi j’étais couché, enfoui dans la paille, et je sentais comme le cœur me battait sous la main. J’étais heureux. J’avais une sensation comme de sortir au soleil pour la première fois après une maladie. Et la pluie et la lumière des éclairs m’atteignaient sous la paille, mais j’étais bien, et je m’endormais en souriant, et sans comprendre si c’était Danïiar et Djamilia qui murmuraient, ou si c’était, s’apaisant, la pluie qui bruissait sur la paille. »

Tchinghiz Aïtmatov, Djamilia (traduit du kirghiz par A. Dimitrieva et Louis Aragon)