Prélude au voyage nocturne

Jardin des Plantes, photo Alina Reyes

 

La philosophie explore le continent humain, y repère les limites de l’homme et les ayant repérées, les lui assigne. La philosophie préfère l’idéal au réel, la tension à la réalisation. D’une façon ou d’une autre, elle finit toujours par voir l’homme comme un être tendu vers le néant, un “être-pour-la-mort”.

La religion vise derrière la réalité le réel, derrière l’apparence morbide la source vive. Ainsi franchit-elle les limites de l’homme, et les ayant franchies le conduit-elle à son affranchissement ; et par son affranchissement à son accomplissement. La religion voit l’homme comme être-pour-la-vie, être dépassant la mort.

Je ne parle pas ici de limites morales, bien entendu. Celles-ci, la religion les pose, au contraire. Et c’est justement en délimitant clairement le cadre moral qu’elle permet le dépassement de la mort en l’être et la croissance de l’être, qui ne peut avoir lieu que dans le règne de Dieu, c’est-à-dire de sa vérité, où le bon et le mauvais sont distingués. Car le mal tue, physiquement ou symboliquement. Alors que le bon, le juste, est l’ADN de la vie, le seul chemin qui la porte et la transmet.

Le cadre moral est en réalité le Verbe de Dieu, sa Loi. Sa Loi inscrite en tout être vivant, que l’homme connaît lors de sa conception, et dont il peut perdre l’assurance quand il se laisse griser par sa liberté. L’homme se trompe de franchissement. Il croit pouvoir franchir les limites morales, alors que c’est comme franchir le bord du gouffre. L’infini est au contraire dans le franchissement perpétuel et toujours renouvelé de la nuit.

Nous parlerons bientôt de la sourate 17, Le voyage nocturne.

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Jardin des Plantes, vendredi dernier. Photo Alina Reyes

 

L’esprit scientifique et l’intellectualisme sont des murailles que l’homme élève entre lui et sa peur de la mort.

La quête de Dieu est un chemin que l’homme trouve dans l’amour de la vie.

L’intellectualisme, dont participent la littérature et l’art d’aujourd’hui, épaissit sans cesse la muraille entre l’homme et la vie.  L’esprit scientifique, souvent, y crée une brèche par où s’entrevoit la lumière, où se rejoint la quête de Dieu. Confluent des deux océans. (Cor 18, 61)

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Arabe, hébreu, langues

Jardin des Plantes, photo Alina Reyes

 

Je commence juste à le déchiffrer mais déjà, autant que l’hébreu, j’adore l’arabe. Je vois que les langues sémitiques donnent un bonheur intense, unique, qu’elles déploient à l’infini, parce que vraiment, Dieu y est, toute sa création y est à nu et Il y parle directement. Dans nos langues latines ou anglo-saxonnes il est beaucoup moins proche, elles sont beaucoup plus fermées, beaucoup moins vivantes – je ne parle pas de leur capacité d’évolution, je veux dire vivantes de leur vie intrinsèque. Elles sont par rapport aux langues sémitiques comme une ville par rapport à un jardin, un paysage naturel : la ville s’affaire, mais c’est dans le paysage que la lumière bouge le mieux, descend le mieux du ciel, que les senteurs montent le mieux de la terre, que la verdeur jaillit le mieux, que l’eau et la neige trouvent le meilleur accueil, que la vie universelle et éternelle se clame le mieux. Même le grec, beau comme un éphèbe et que je chéris depuis longtemps, n’a pas cette liberté splendide. Mais j’aime d’amour sans mesure toutes les langues, et elles ont besoin les unes des autres pour se raconter les unes les autres, comme nous avons besoin d’elles pour nous raconter, nous dire les uns les autres.

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… Je reviens bientôt avec la prodigieuse sourate Al-Khaf, La Caverne.

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