Bon voyage, compagnon !

AFP

 

Compagnon de toutes mes années de jeunesse, j’ai voulu chanter tes chansons en apprenant ta mort, mais je n’ai pas pu, je pleurais !

Un jour l’une de tes amies m’a dit que tu me lisais, ô mon Métèque ! ainsi tu me connus aussi ! alors emporte-moi un peu au paradis, parmi tes amis s’il te plait !

Tu m’as tant chanté la révolution permanente, que je la suis pour ainsi dire devenue, merci Georges Moustaki !

« Je voudrais sans la nommer

Vous parler d’elle

Comme d’une bien aimée,

D’une infidèle,

Une fille bien vivante

Qui se réveille

À des lendemains qui chantent

Sous le soleil.

REFRAIN :

C’est elle que l’on matraque,

Que l’on poursuit, que l’on traque,

C’est elle qui se soulève,

Qui souffre et se met en grève.

C’est elle qu’on emprisonne,

Qu’on trahit, qu’on abandonne,

Qui nous donne envie de vivre,

Qui donne envie de la suivre

Jusqu’au bout, jusqu’au bout.

Je voudrais sans la nommer

Lui rendre hommage :

Jolie fleur du mois de mai

Ou fruit sauvage,

Une plante bien plantée

Sur ses deux jambes

Et qui traîne en liberté

Où bon lui semble.

REFRAIN

Je voudrais sans la nommer

Vous parler d’elle :

Bien-aimée ou mal-aimée,

Elle est fidèle ;

Et si vous voulez

Que je vous la présente,

On l’appelle Révolution permanente.

REFRAIN »

 

Picasso masaï

 

Pour moi la pudeur c’est d’être nue. Je m’adapte à l’impudeur que la société impose, je m’habille. Tant que j’ai des habits de pauvre, je ne me sens pas impudique.

Dieu garde les mauvais en vie pour qu’ils puissent voir leur désastre et peut-être, y retrouver la vue. C’est une occasion qu’il leur donne, même s’il est rare qu’ils la saisissent. Tout ce que fait Dieu est bon.

Si des mauvais vous font du mal, sachez que Dieu n’aime pas cela, et le transformera en bon pour vous et pour autrui. Plus vous serez proches de Lui, plus vite se fera la transformation. Et jour après jour vous serez dans la béatitude, de constater cela.

Il faut juger l’arbre à son fruit, mais beaucoup prennent pour bons les fruits empoisonnés. Rien de nouveau sous le soleil humain, trop humain.

En ce moment dans un village de Tanzanie une jeune fille masaï porte autour de ses épaules une étole en voile léger où sont imprimées des esquisses de Picasso. Juste retour des choses, que j’ai confié à O.

 

Aveugles et damnés


On m’a persécutée réellement, assassinée et violée symboliquement, et on a fait croire que c’était moi l’assassin, on a travaillé des années durant à me culpabiliser, à me faire passer aux yeux des autres et à mes propres yeux pour une meurtrière et une prostituée – d’où le rêve qui inaugure Forêt profonde, puis la partie infernale du bordel. Tous les pervers agissent ainsi, ce n’est pas nouveau. Ce qui est triste, c’est que des hommes censés disposer d’un peu de discernement ne voient rien et les croient.

Dominique Venner, tourmenté par ce qui tourmente beaucoup d’autres hommes, a au moins eu la droiture et le courage de ne s’en prendre qu’à lui-même. Sa dernière lettre mentionnait « toutes les valeurs sur lesquelles refonder notre future renaissance en rupture avec la métaphysique de l’illimité » : c’est un discours inspiré d’Heidegger, et le même qui sous-tend le paganisme nazi. Voilà où mène la peur des espaces infinis, comme dirait Pascal, et le désir morbide de limites. Désir de limites dans le désir affolé de maintenir ou retrouver « la tradition », qui n’est autre en vérité qu’un désir de mettre des limites à sa propre folie.

Il faut vraiment considérer ce que signifie ce geste, ce suicide (derrière l’autel paraît-il – à la place du prêtre, donc ?) à Notre-Dame. Cet homme n’aspirait pas à une résurrection, mais à une « renaissance ». C’est pourquoi il est allé se mettre dans le ventre de Notre-Dame. Mais la renaissance qu’il appelait, nous le voyons, c’était un raté, un avortement, un meurtre, un néant. Comme s’il avait mieux valu pour lui ne jamais naître (cf Matthieu 26, 25).

 

Sanctifier

dans le jardin des Visitandines à Paris, photo Alina Reyes

 

Je commence juste à lire Le Sceau des saints, de Michel Chodkiewicz, et déjà je sais que la lecture de ce livre sous-titré Prophétie et sainteté dans la doctrine d’Ibn Arabî s’annonce passionnante. Je le sais, car je suis obligé de m’arrêter pour contempler ce qui est dit. Si Dieu le veut, je vais le lire lentement et je ferai compte-rendu de cette lecture au fur et à mesure.

Michel Chodkiewicz s’est converti à l’islam à l’âge de dix-sept ans. Il était le directeur général du Seuil, éditeur de tradition catholique, quand mon premier livre y a été publié. À l’époque ce n’était pas un fait spectaculaire, le fait religieux n’était pas hystérisé comme il l’est aujourd’hui.

J’ai évoqué Ibn Arabî dans Voyage. Grand mystique, grand saint, grand penseur, et toujours très controversé. Un homme de la race des libérateurs. Le voici qui me revient, à la fois direct et par les chemins du temps qu’emprunte l’Esprit.

Cette nuit (je corrige, j’avais écrit « cet été ») j’ai voyagé en rêve, encore, à pied, par des chemins, des paysages, dormant dehors, reprenant le voyage au matin, et jusqu’au sommet d’une montagne d’où m’est apparue une vague gigantesque, montant jusqu’à ce sommet où mes compagnons et moi-mêmes nous nous tenions, et d’une couleur, d’une substance, d’une beauté absolument indicibles – et qui m’ont réveillée.

Aucune conciliation ni réconciliation n’est possible avec ce qui véhicule le mal. Ce serait trahir, de la plus haute trahison, ce serait s’attaquer aux piliers qui soutiennent l’univers et lui permettent de ne pas s’effondrer. Ce qu’il faut trancher, ce sont les racines, les radicelles et les terminaisons du mal, qui étouffent comme les mauvaises herbes les possibilités de sanctification des êtres humains. « S’il y avait plus de saints dans le monde, la lutte spirituelle y serait plus intense », écrivait Henri de Lubac dans Sur les chemins de Dieu. Oui, et alors l’issue de la lutte, la victoire, serait plus proche. Qu’en chacun et par chacun elle se rapproche, vienne, se renforce et, de proche en proche, s’étende.

Pour cela nous devons développer notre discernement, notre vision du bien et du mal. Afin de ne plus laisser abâtardir notre âme par les compromissions, voire les complaisances bien intentionnées, avec ce qui est trouble. Savoir remonter à la racine des actes et des paroles, distinguer ce qui vient du mal et ce qui vient du bon, c’est ce à quoi appellent depuis la nuit des temps les prophètes et les saints. Le monde s’est maintenu jusqu’ici et continue de se maintenir grâce à eux, et grâce à la multitude des saints invisibles, des âmes justes, pacifiques et pacifiantes, qui œuvrent chaque jour dans l’humilité de la vie quotidienne, qui œuvrent par leurs œuvres ou tout simplement par le fait d’être ce qu’elles sont.

 

Foi

 

Je reçois à l’instant un livre de mes photos, que j’ai fait faire via Apple, pour voir ce que cela pouvait donner. Eh bien, malgré le fait que toutes mes photos sont faites avec un modeste petit appareil, cela rend pas mal du tout. À suivre, donc.

« Je n’ai jamais vu des êtres humains aussi accomplis, aussi équilibrés, aussi bons, joyeux, intelligents et modestes », me dit-il l’autre soir, parlant de ses frères aînés. « Oui, répondis-je, je suis fière de mes fils ». « Tu peux ! », dit-il, sans songer un instant qu’il y était inclus.

Le vieux monde va mal, mais nos enfants nous donnent la foi, et nous font aller de l’avant.

 

Sous un autre jour

 

Dans le mot grec proseuchè, qui signifie prière, nous entendons :

pros : qui signifie face à (c’est aussi le préfixe de prosternation)

eu : qui signifie bien, bon

chéo : qui signifie verser, répandre

Ainsi est-il possible d’entendre dans la relation des trois syllabes de ce mot tout à la fois l’attitude de l’orant et celle de Dieu. Ainsi en est-il de l’attitude des derviches tourneurs, qui lors de leur prière dansée, bras en croix (et la tête couverte d’une coiffe signifiant la mort de l’ego), tiennent une main tournée vers le ciel pour recevoir la grâce qui en descend, l’autre tournée vers la terre pour l’y reverser. (C’est aussi l’attitude de l’arbre qui fait la couverture de Voyage).

Le bienheureux Charles de Foucauld écrivit en 1901 : « L’Islam a produit en moi un profond bouleversement. La vue de cette foi, de ces âmes vivant dans la continuelle présence de Dieu, m’a fait entrevoir quelque chose de plus grand et de plus vrai que les occupations mondaines ». J’ignorais quasiment tout de lui lorsque, « par hasard », j’allai un jour à Tamanrasset, et au désert – où je le compris d’un coup, tant cet endroit, avec ses habitants, sédentaires et nomades, me captura d’amour : Dieu Y est.

Ce père du désert écrivit aussi : « Avoir vraiment la foi, la foi qui inspire toutes les actions, cette foi au surnaturel qui dépouille le monde de son masque et montre Dieu en toutes choses ; qui fait disparaître toute impossibilité ; qui fait que ces mots d’inquiétude, de péril, de crainte, n’ont plus de sens ; qui fait marcher dans la vie avec un calme, une paix, une joie profonde, comme un enfant à la main de sa mère ; qui établit l’âme dans un détachement si absolu de toutes les choses sensibles dont elle voit clairement le néant et la puérilité ; qui donne une telle confiance dans la prière, la confiance de l’enfant demandant une chose juste à son père ; cette foi qui nous montre que, « hors faire ce qui est agréable à Dieu, tout est mensonge » ; cette foi qui fait voir tout sous un autre jour … »