Au pied de l’arc-en-ciel

 

Cette nuit, en rêve, en traversant à pied des dunes pour y aller, je suis arrivée au pied d’un immense arc-en-ciel. C’était la première fois qu’il était possible de toucher le pied d’un arc-en-ciel, qui s’élevait comme un énorme pilier, une large et forte colonne.

Des êtres humains, sortis de leurs voitures, se tenaient là sur le sable, devant lui, attendant. Comme j’étais face au soleil levant, j’ai décidé de passer de l’autre côté, afin de pouvoir en faire une photo, sans contre-jour. O m’a alors proposé de prendre le sac que je portais, un lourd sac plein à craquer de confitures et de nourritures que j’avais faites maison, et de l’emporter à la voiture, en attendant mon retour. Je le lui ai laissé et j’y suis allée, j’ai traversé, absolument seule, je suis passée de l’autre côté.

Je me suis réveillée, vivement saisie, songeant à la mort, à la vie, sentant mon amour pour O, pour mes enfants, et pour toute l’humanité.

Aujourd’hui comme tous les lundis je jeûne – ni nourriture ni boisson d’avant l’aube jusqu’au crépuscule (aujourd’hui de 6h14 jusqu’à 18h28, mais bien sûr nous suivons le cours du jour donc cela change chaque jour et de semaine en semaine, ce que je trouve très beau). Il y a toujours tant de souffrants sur la terre, pour qui jeûner. Et le jeûne est extrêmement bénéfique, il apporte la paix.

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Suis-je un être humain ?

hier, photo Alina Reyes

 

Il y a très peu d’années encore, lorsque je sortais, à cause de quelque chose dans mon allure, j’étais sous le regard de beaucoup de femmes, d’enfants, d’hommes. Avec bonheur je leur rendais leur regard, que je sentais pur, et qui était une façon d’échange entre eux et moi. J’ai toujours aimé les êtres humains, et j’ai toujours douté d’être vraiment un être humain, je veux dire un être humain comme les êtres humains. Aujourd’hui, quand je sors, je suis presque invisible à leurs yeux. Cela aussi me rapproche d’eux. Je crois que je viens d’ailleurs, même si mon corps d’être humain a accompli cette chose très humaine d’accoucher quatre fois d’un être humain.

J’ai voyagé parmi les hommes. D’où je viens, maintenant j’y reviens. Continuant le voyage, mais comme dans une mandorle, qui se meut avec moi au milieu du monde.

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Lumière dans le coeur du ciel

hier soir à Paris, photo Alina Reyes

 

Cette lumière, qui augmente doucement ! Je chante continûment, joyeuse comme un pinson. Ne serait-ce serait pas bientôt le printemps, par hasard ? L’eau court dans les torrents, elle dévale, elle y va, à la félicité ! Ah ses roulements de tambour ! Énormes ! Extasiée sous le ciel. Comme mon cœur est frais, comme il palpite, cinq fois par jour abreuvé de prière ! Comme mes montagnes voguent, délestées ! Avec leurs neiges, leurs prairies, leurs troupeaux ! Oui oui je les vois, qui passent dans le ciel, à ma fenêtre, tout autour de la terre ! Ô mes nouvelles nuées, météorites énormes, qui brûlent sans tomber ! Je suis dedans, je suis dessus, je les chevauche, brûlante d’amour blanc.

 

Au bout du Voyage, c’est la nuit et le jour

église fortifiée de Luz-Saint-Sauveur, photo Alina Reyes

 

Les dix livres de Voyage s’agencent maintenant comme miraculeusement. Je n’ai pourtant pas fait exprès, je les ai déplacés et recomposés dans l’espace du Livre comme malgré moi, et à la fin je regarde : sidérée de voir comme leur enchaînement est parfait. En même temps c’est un Livre ouvert (de 1470 pages), on peut y cheminer longuement, au long de nombreux lacets comme en montagne, mais aussi par des montées fulgurantes. Parfois il faut s’accrocher au rocher pour pouvoir progresser, mais souvent la nuit ou la lumière vous portent ou vous emportent, dans cette ivresse qui gagne au bout d’un moment tout marcheur qui monte dans l’air pur. Et qui, loin de toute pollution, a tout le temps de la contemplation, dans ses haltes comme dans son avancée.

Je laisse en ligne sur ce site l’ancienne version, autrement agencée et plus courte, mais je n’y mettrai pas la nouvelle avant qu’elle ne soit publiée aussi sur papier. Il se peut que cela prenne du temps, car je dois attendre que cette publication puisse se faire dans des conditions de clarté qui pour l’instant ne sont pas du tout réunies. Nous attendrons autant qu’il faudra, nous en remettant à Dieu.

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Frontal

Image trouvée dans un article de La République des Pyrénées

 

En voyant Patrick, le marchand de journaux de Barèges, répondre à un journaliste de la télé qui lui demande en substance à quoi il s’attend, cette phrase merveilleuse :

« C’est ce qui est là-haut, tu sais, celle qui vient du Bon Dieu, celle dont nous avons tous besoin, la neige ! »,

je me rappelle un jour où mes fils encore petits m’ayant réclamé chez lui un magazine qu’il vendait mais qu’il jugeait scandaleusement cher, il nous en avait sorti un de derrière ses fagots, un magazine pour enfants aussi, mais tout à fait bon marché. Malheureusement il n’intéressait pas les gars, et je leur avais pris celui qu’ils voulaient. En encaissant il avait continué à critiquer son prix abusif et avait ajouté pour conclure, tout à fait sérieux : « Remarque, s’il y a des parents assez cons pour l’acheter… »

Je m’étais retenue de rire. J’adore le caractère frontal de ces gens de la montagne, j’avais adoré le retrouver, aussi, quand j’ai écrit un livre sur elle, dans la petite Bernadette Soubirous. Son nom signifie Souverains, ce n’est pas pour rien. (Et si le mien signifie Rois c’est que je les aime bien). Une souveraineté immensément humble, qui n’a rien à voir avec une quelconque velléité de domination. Bien au contraire. Ils savent que de même que ce que tu possèdes te possède, ce que tu domines ou veux dominer, te domine. Je le répète, ce sont des gens de la montagne.

Je les aime profondément, et je suis avec eux de tout cœur en ces jours où la neige les ensevelit. Qu’ils sachent que c’est à la fois une robe blanche et une lampe frontale inextinguible qui leur vient, pour leur résurrection dans la vie éternelle.

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