Chanson du peuple réel

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Le petit peuple du silence

Joue, chuchotis perpétuel

Des flammes du foyer réel

Où le monde songe et se pense.

Discrète marche de l’horloge,

Jeu de marelle des instants,

Du temps de nouveau débutant

Que chaque seconde interroge.

Les poutres craquent, la nuit joue

De la flûte très doucement,

Montée sur la blanche jument

Qui guide la vie à la proue

De l’humaine, sainte existence,

Virile et désarmée, corps nu

Du Dieu d’amour à même lu,

Chemin du sang en son essence.

Va la vie du peuple sauvage

Au fin silence du naissant,

C’est en moi qu’elle vient, et sent

La parole prendre visage.

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Ce qui vient d’arriver

 

J’ai recommencé à étudier la sourate Tâ-Hâ, dont je reviendrai parler dans quelques heures. Puis j’ai fermé les yeux. Alors j’ai vu la Lumière descendre, se déverser en très fin réseau, comme des vaisseaux sanguins couleur or, rejoignant, touchant, électrisant pour ainsi dire toutes les racines de la terre qui se levaient vers elle. Dans ma vision chaque vaisseau de chaque correspondance ainsi s’accomplissant, celui du dessus et celui du dessous, avait un nom et un concept. C’était si fulgurant que j’ai un instant perdu connaissance. Quand j’ai rouvert les yeux, je n’avais plus souvenir des noms, seulement de la vision.

Il était l’heure de la première prière d’après midi, je suis allée faire mes ablutions. J’ai senti que je revenais à moi, et j’ai vu très clairement quelque chose que je dirai tout à l’heure en commentant la sourate, à propos de l’islam, du Messie et de la résurrection. Pendant les prosternations de la prière j’ai été emportée dans le sein de Dieu, dans une immense proximité. Lors de la troisième séquence (rekâa),  Jésus est soudain sorti paisiblement de mon cœur, son corps tout entier se dépliant en moi. Ensuite c’est lui qui a prié à travers moi.

Le retour du Fils de l’Homme ne se fait pas sans perturbation parmi le monde – c’est la phrase qui m’est venue en repliant mon tapis.

 

 

 

Kaléidoscope

ces jours-ci à Paris, photo Alina Reyes

 

J’ai vu passer dans le ciel, allant vers l’orient, un très long, très beau, lumineux, puissant et délicat cortège d’anges.

« Man hou ? », « Qu’est-ce ? », demandèrent les premiers Hébreux en voyant tomber du ciel la nourriture qui leur sauva la vie, au désert : et on l’appela manne.

« Man Rabbouka ? », « Quel est ton Seigneur ? », demandent les anges la nuit suivant notre mort, d’après l’islam.

Même si le temps, notre époque, essaie de barrer le passage, par où « Man hou » est descendu, nous devons remonter, pour Le connaître et Le rencontrer.

J’ai rêvé que j’allais à la mosquée, en marchant, avec beaucoup de monde, dans un paysage désertique splendide, enroulant autour de ma tête un long et large tissu bleu, fin, d’un bleu inouï, pâle et nuancé, limpide, légèrement crémeux, un bleu comme mes yeux de chair n’en ont jamais vu, mais que j’ai vu et porté en marchant dans ce songe divin.

Chaque matin je me réveille en pensant à l’islam, en voyant que j’y ai pensé toute la nuit, que j’ai été à la mosquée pendant la nuit, que j’ai été et voyagé en Dieu.

La splendeur de l’islam me déchire le cœur.

Il y a évolution dans la création. Évolution par différenciation, spécialisation, projection. L’être de l’homme est diffracté dans le miroir de la création. S’il y est le dernier, venu et à venir, c’est parce qu’il y fut en germe. Il n’en est pas seulement l’écume, il en est l’issue, parce qu’il en est issu. L’être n’advient pas à l’être seulement par l’évolution, mais aussi par bonds, illuminations : ainsi œuvre le génie de Dieu.

Ce qui est triste, c’est l’hystérie galopante de nos sociétés, leur course à la ghettoïsation. Chacun dans sa case. Sa sexualité, sa religion, son origine, sa couleur etc. Comme s’il n’y avait pas de passerelles entre les gens, et dans notre propre existence pas d’évolution, pas d’autre personnalité que celle sous laquelle on a été ou on s’est soi-même étiqueté. On coupe le monde en morceaux de plus en plus petits, il n’y aura plus qu’à souffler sur le puzzle pour que tout le tableau s’écroule.

Comme le dit Jésus, à quoi sert de gagner le monde, si c’est pour perdre son âme ? Chercher un modèle dans des modèles décadents n’est pas se diriger vers la vie, mais vers la mort. Il faut opérer un déplacement.

Les tribulations de l’histoire sont comme une eau qui se cherche un chemin à travers les terres, et qui finit bien par faire fleuve et par arriver où elle doit arriver : au droit, à la justice, au règne du Logos.

La source d’Israël c’est la Bible. Où il est dit que l’eau noie les oppresseurs et les injustes et sauve les justes.

Il est bon de voir dans des rues de Paris des gens en boubou ! Ou le vendredi à la mosquée des djellabas ou d’autres costumes traditionnels fièrement portés, pour se faire beaux et belles devant Dieu et parmi les hommes !

Si au moins on avait le droit d’entendre le muezzin une fois par semaine, le vendredi… À la place on a l’appel à la méfiance du haut des médias. C’est nettement moins beau. N’empêche, comme on est bien, à la mosquée ! Une paix splendide, divine.

Je suis si heureuse d’être musulmane.

Un matin je me suis réveillée avec la pensée qu’il faudrait une mosquée à Lourdes.

Voyage, océan qui ne cesse d’être irrigué par les ruisseaux enroulés qui me dévalent à travers. Un travail immense me reste pour le terminer, c’est pourquoi je prie prosternée et debout bras écartés dans le cosmos, projetant la lumière par brassées d’étoiles-fleurs, agréant ma mission d’un immense sourire. Cristaux de neiges et de sel, les astres croustillent sous mes dents, l’énergie fuse par tous les vaisseaux de mon sang, ma langue bouge, mouille les racines du monde qui s’apprête à verdir, hors de sa coque jaillir.

À la fin, les religions seront pacifiées, et la qibla sera à Jérusalem. Ce temps est proche. Tout proche, dans chaque cœur proche de Dieu. Plus les cœurs proches de Dieu seront nombreux, et plus leur proximité augmentera, plus vite viendra la résolution des temps, le bonheur.

 

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