Hier après avoir travaillé à la bibliothèque Buffon, j’ai contemplé le vent en train de se lever et de tourner dans les arbres
Et aujourd’hui, en allant travailler à la BnF et au retour, j’ai photographié les carreaux
photos Alina Reyes
*
Hier après avoir travaillé à la bibliothèque Buffon, j’ai contemplé le vent en train de se lever et de tourner dans les arbres
Et aujourd’hui, en allant travailler à la BnF et au retour, j’ai photographié les carreaux
photos Alina Reyes
*
C’est J., 23 ans, qui nous l’a appris ce matin : « Chirac est mort ». Ajoutant : « Quand j’étais petit, je croyais que c’était le maître du monde. »
Avec l’annonce de cette mort, la France retombe un peu en enfance. Ah le bon vieux temps ! Les hommes politiques, c’est comme les poètes, on les aime mieux morts que vivants (et c’est leur seul point commun). Pour moi ce qui reste de Chirac c’est le musée du quai Branly, qui est bien beau, bien intentionné mais qui a dépouillé l’ethnologie et le musée de l’Homme pour une mise en spectacle des « arts premiers » plus superficielle. O tempora, décidément.
Cette fois je suis allée travailler à la BnF par un troisième chemin, passant notamment par la rue du Chevaleret. Et j’ai photographié le Street Art au passage, en ethnologue amateure du quotidien. Voici donc les images du jour.
la Station F, « plus grand campus de start-up du monde »
et la BnF, grand bonheur
Aujourd’hui à Paris 13e, photos Alina Reyes
*
Cet après-midi de ma table de travail à la bibliothèque Italie
*
Il y a la femme du futur, et il y a l’homme du passé. Que Bernard Pivot, 84 ans, ait des pensées lubriques à la vue d’une toute jeune fille, c’est son problème et cela ne regarderait que lui s’il le gardait pour lui, au lieu d’en faire une injure publique à la jeune fille en question. Qu’il ne comprenne pas que ses remarques déplacées constituent un abus envers cette jeune fille, et que cet abus puisse être ressenti par beaucoup de gens, c’est le problème de la vieille société patriarcale dont il est un représentant. Pivot imagine que Greta Thunberg lui aurait fait peur quand, adolescent, il recherchait des petites Suédoises pour le sexe. (Dans ses rêves… Comme s’il y avait eu des Suédoises à disposition dans son lycée lyonnais !) La vérité est que Bernard Pivot, comme d’autres messieurs que la jeune égérie suédoise dérange, a peur du sexe et des femmes puissantes. La preuve : quand il m’invita à Apostrophes pour mon livre puissant, Le Boucher, ce fut en plaçant l’émission sous le signe du diable.
En fait ces hommes ont tout simplement peur des relations d’égalité. Leur virilité est si fragile qu’ils ont besoin de la croyance en leur supériorité, en leur droit à considérer les femmes comme des objets qu’ils veulent à leur disposition. Or les femmes libres dans leurs relations aux hommes (comme les Suédoises réputées libres de la génération de Pivot) sont ou créent des femmes puissantes, libres.
Greta Thunberg est autiste asperger. Comme l’ont été ou le sont beaucoup de génies. Une façon de se concentrer sur sa puissance. C’est tout l’esprit de la prédation bourgeoise, pépère, bête et contente d’elle, cet esprit massacreur d’innocence et de nature, qu’elle est en train de renverser, avec des millions d’autres jeunes filles et jeunes gens dans le monde.
Qui veut de l’objet finit objet. Marchant ce matin dans la rue, je me suis trouvée mêlée à un groupe d’hommes qui sortait d’un immeuble. Constatant qu’il y avait des ours en peluche – des nounours comme en offriraient des pédophiles – partout dans le quartier, ils ont conclu : « c’est une mafia ». Oui, une mafia d’objets, stupide, morbide et polluante sous ses dehors inoffensifs, alors que le vivant, lui, est unique, inquiétant parfois, mais garant de la vie.
*
Hier en passant devant ce cinéma, le seul et dernier cinéma associatif de Paris, où j’allais souvent avant sa fermeture, voir des films qu’on ne voyait pas ailleurs, j’ai vu qu’il était occupé par un collectif qui demande au propriétaire le droit de le rouvrir. J’ai parlé un peu avec les personnes présentes, il y a un site où tout est expliqué et où l’on peut suivre leur action : La Clef Revival.
*
Ce matin en allant à l’hôpital j’ai croisé Jeanne d’Arc en gilet jaune et un grand tag sur le chemin de leur dernière manif.
Une fois à l’hôpital j’ai parlé yoga avec un radiologue yogi, nous étions tous les deux ravis.
*
Et cet après-midi je suis allée pour la première fois travailler à la BnF. Dans le calme de la salle de lecture G, à côté de merveilleux rayonnages pleins de toutes sortes de dictionnaires de dizaines de langues.
Au lieu de revenir chez moi en passant par les quais comme à l’aller, j’ai fait le trajet du retour, à pied aussi (5 ou 6 km aller-retour, une agréable balade), en passant par la Pitié-Salpêtrière, où j’ai photographié ces toutes nouvelles et joyeuses œuvres de Street Art.
Hier et aujourd’hui à Paris, photos Alina Reyes
*
A., 17 ans, est avec son petit ami. Un garçon de leur âge et de leur lycée balance en passant une blague raciste au petit ami (franco-asiatique). Ni une ni deux, A. envoie son poing dans la figure du connard (en modérant toutefois sa force de sportive de combat, sans lui casser de dents). Commentaire de son jeune oncle, S., 24 ans : « Très bien. Ça lui apprendra, au raciste. Voilà la femme du futur. »
Mes quatre fils, mes petites-filles et petit-fils, sont tous magnifiques d’esprit (et de corps, car sportifs) : je mourrai en paix car je continuerai à vivre, femme du futur, mieux accomplie que je ne le suis, dans ma descendance.
J’avais demandé à recevoir une invitation à la prochaine prière islamique mixte, dont j’ai parlé ici. Je l’ai reçue. Et finalement je ne désire pas y aller. D’après l’invitation, je trouve que ces personnes se la jouent premiers chrétiens dans les catacombes : l’adresse, changeante, ne sera donnée qu’au dernier moment, par sécurité, et il faut s’engager à ne pas la diffuser. Et puis en fait il n’est plus question de salat ni de prière, mais d’ « office ». Comprenant notamment un temps de conversation après la prière. Mais je n’ai nulle envie de converser après la prière. Je veux juste la pure prière islamique, parfaite et suffisante en elle-même. Je suis pour le prêche en français ou dans la langue du pays où l’on est, mais je me méfie de leur façon d’éviter les expressions en arabe, de dire « que Dieu vous bénisse » plutôt que «barakatou Lahi », comme pour effacer la somptueuse langue originelle du Coran, à la façon dont les catholiques ont effacé, avec leur latin, la langue grecque des Évangiles. Bref, avec quelques autres détails, je pressens que l’affaire ressemble à une entreprise sectaire soft, comme le sont certaines fraternités soufies ou les entreprises inspirées du « développement personnel » (qui récupèrent entre autres le yoga, hélas). Pire qu’à la mosquée normale, où tout le monde est bienvenu, quoique je continue à déplorer que les femmes y soient séparées des hommes et de la qibla. Ce n’est pas là, en fait, que je trouverai des femmes du futur selon mon sens : des femmes libres avec des hommes libres. Comme nous le vivons à la maison, ici et maintenant.
*
« En 1259 le roi [saint Louis], malade et se croyant près de mourir, adressa au prince Louis, son fils, cette exhortation que Bossuet appelait le plus bel héritage des fils de France :
« Biau fils, je te prie que tu te face amer au peuple de ton royaume ; car vraiment je ameraie miex que un Escot venit d’Escosse et gouvernast le peuple du royaume bien et loialement, que tu le gouvernasse mal à point et à reprouche. »
Charles Asselineau, in La forêt des poètes, éd. Pôles d’images, 2007
*
J’ai visité cet après-midi le Mobilier National. Ainsi présenté sur son site :
« Héritier du Garde-Meuble de la Couronne, créé en 1604 par Henri IV et réorganisé en 1663 par Louis XIV, cette institution pourvoit à l’ameublement des hauts lieux de la République et des différentes résidences présidentielles.
Le Mobilier national a pour mission d’assurer la conservation et la restauration de ses collections, issue des achats et commandes destinés, hier aux demeures royales et impériales, aujourd’hui aux palais officiels de la République. Ces collections sont constituées de plus 130.000 objets mobiliers ou textiles.
Pour assurer la conservation de ses collections, le Mobilier national dispose de sept ateliers de restauration – tapisserie, tapis, tapisserie d’ameublement et tapisserie décor, menuiserie en sièges, ébénisterie et lustrerie-bronze – qui perpétuent une tradition et un savoir-faire d’excellence. »
Voici mes images :
J’ai photographié l’entrée et son tapis rouge (sur lequel marcha la reine d’Angleterre !), déployé pour l’occasion, de sous mon parapluie, qui n’a pas empêché mes pieds d’être trempés en s’enfonçant dans le tapis gorgé d’eau.
Des centaines de meubles de toutes les époques y sont entreposés, en attendant d’être restaurés ou réutilisés
S’y trouve aussi en ce moment le tapis d’autel de Notre-Dame, en restauration après l’incendie
Et les ateliers : menuiserie, restauration ou tissage de tapisseries et tapis, de lustres et horloges
Beaucoup de vieillot, peu de beau. Tant de choses n’y sont pas du meilleur goût, ou du moins pas du mien – je n’ai rien vu que j’aimerais avoir chez moi. Comme si les lieux de pouvoir étaient contraires à l’art, à la finesse, à la beauté.
Dans les réserves en sous-sol, encore des centaines de pièces d’ameublement.
En fait si, une chose m’a plu : ce carton de Kirstine Roepstorff pour une tapisserie à réaliser pour un château danois
Ce paysage et ces personnages n’éveillent-ils pas l’imagination autour de quelque saga nordique ? C’est quand même autre chose que des tapisseries de tour Eiffel.
Même cette tapisserie réalisée à partir de photos de voyage de Tania Mouraud me paraît bien peu attrayante, à côté. Elle ne serait pas carrément moche, même ?
On termine la visite par une salle dédiée aux apprentis formés sur place à tous ces métiers d’artisanat.
Aujourd’hui au Mobilier National, photos Alina Reyes
Une autre fois, j’avais photographié la toute proche Manufacture des Gobelins, ses métiers à tisser et son exposition temporaire sur les bivouacs de Napoléon, sur son chemin d’assassin de masse. Comme le disait saint Louis, si on ne se montre pas digne d’être aimé de son peuple, mieux vaut laisser la place.
*
*
Quand je suis arrivée aux Gobelins, la manif s’y annonçait aussi. Police partout (justice nulle part). Mais je m’en suis tenue à ma décision de ne pas faire de photos, contrairement à mon habitude. Et je suis partie visiter ce bâtiment romantique à deux rues de là, dit le « Château de la Reine Blanche », ouvert en cette journée du patrimoine. Une guide était en train de nous expliquer toute son histoire et celle du quartier, en remontant aux Romains – très intéressant. Mais de plus en plus il fallait faire abstraction des énormes détonations qui retentissaient à mesure qu’étaient lancées, à quelques dizaines de mètres, grenades lacrymogènes et autres sur les manifestants. Et puis le nuage de lacrymo nous a rejoints. Sages visiteurs, nous avons essayé de continuer à passer outre, un mouchoir sur le nez, mais ça piquait fort et au bout d’un moment certains sont partis, d’autres comme moi, certains avec enfants, se sont réfugiés à l’intérieur, dans la tour du petit château. Songeant à ce que devaient prendre les gens qui étaient directement dans la manif, alors que c’était déjà difficile pour nous qui étions dans une rue à l’écart. Quelle tristesse d’en être là, de réprimer les manifestants pour éviter de faire de la politique réelle.
Je suis rentrée chez moi en passant au milieu de dizaines et dizaines de policiers qui bloquaient tel passage, autorisaient tel autre. Plus tard, en fin d’après-midi début de soirée, j’ai parcouru l’avenue des Gobelins pour photographier, quand même, les traces laissées par la manif, tags, affiches, et quelques détériorations au sol.
Ces gilets jaunes-là ne sont pas des manifestants mais des agents de nettoyage
Aujourd’hui à Paris 13e, photos Alina Reyes
*