Ronds-points : des lieux pour changer de position

sonia delaunay*

14-1-2018 : ce texte a été publié sur Lundi matin

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J’appellerai Rond-point cette œuvre de Sonia Delaunay, en référence à l’actualité et à ses Gilets jaunes. Elle figure, avec une philosophie assez orientale, la complémentarité, le mouvement, la pénétrabilité, la changeabilité qui s’opèrent dans un tel espace. Par les lignes, et par la couleur. Et par une circularité ouverte.

La société française est figée. Les « élites », à savoir les bourgeois nés de bourgeois ou ayant intégré l’ordre bourgeois, s’y comportent en maîtres de maison qui trouvent naturel de posséder les biens et de se faire servir par le peuple, qui doit produire et fournir à bas salaire le travail nécessaire à la vie et à la survie de tous. Imaginons BHL en ses appartements et autres palais, servi par toute une domesticité : il ne lui manquerait plus que de les traiter de fainéants pour figurer exactement la France de Macron.

Or la France de Macron n’est pas la France réelle. La France réelle se rappelle à lui en allant sur les ronds-points, en marchant dans les villes et dans les campagnes. Alors que l’élite macronienne campe sur sa position de comfort, comme dit Rimbaud, le peuple combattant, chargé de cette intelligence supérieure née de l’expérience du combat quotidien pour la vie et la survie de soi et d’autrui, est en train de retirer les culs des assis, comme le dit aussi Rimbaud, des sièges où ils sont installés depuis leur naissance, dans un monde qui leur garantit une sécurité éternelle aux dépens de l’exploitation du travail d’autrui.

La France réelle n’accepte pas que les élites, qui ne fournissent pas plus d’effort, comme le dit Macron, au travail – qui en fournissent même souvent moins qu’elle – aient un niveau de vie considérablement plus élevé. L’exploitation, la colonisation des travailleurs par les élites qui sans eux n’auraient ni maison, ni pain, ni éducation, ni soins, ni loisirs, est tout simplement absolument inacceptable. L’Histoire elle-même se charge de renverser cet ordre inique, avec ceux qui la font, ces femmes et ces hommes porteurs de gilets jaunes de sauvetage. Prises de terreur, ces élites qui n’ont aucune expérience des combats pour la survie, qui ne sauraient survivre sans les produits et le travail d’autrui, emploient et justifient les violences policières, les mutilations et les meurtres des combattants pour la justice et la vie.  Mais la vie a un sens, et ce sens les emportera.

Cette réflexion m’est venue en partie en relisant un passage de l’Anatomie de la mélancolie de Robert Burton (Première partition, section 1, membre 2, subdivision 8, p.260-261 dans l’édition de José Corti, 2000, trad. Bernard Hoepffner). Après avoir distingué entre « les bonnes affections », comme la joie, et « les mauvaises affections », comme la peur, il écrit :

« Car il serait tout à fait vain de désirer et de détester si nous n’avions pas également la puissance de chercher à atteindre ou à éviter en déplaçant notre corps d’un lieu à un autre ; c’est donc cette faculté qui permet au corps, ou à n’importe quelle partie de celui-ci, de se mouvoir dans l’espace et de se déplacer. Trois choses sont nécessaires au bon fonctionnement de cette faculté : la cause du mouvement, l’agent du mouvement, l’objet du mouvement. La cause du mouvement est soit efficiente soit finale. La cause finale est l’objet désiré ou évité, comme lorsqu’un chien veut attraper un lièvre, &c. La cause efficiente, chez l’homme, est la raison, ou l’imagination, qui lui est subordonnée, et qui appréhende les objets, bons ou mauvais ; chez les bêtes, l’imagination seule agit sur l’appétit ; l’appétit est cette faculté qui, grâce à un admirable contrat avec la nature et à la médiation des esprits vitaux, dirige l’organe qui permet le mouvement, un ensemble de nerfs, de muscles et de tendons disséminés dans tout le corps, qui se contractent et se relâchent selon la volonté des esprits vitaux, ce qui met en mouvement les muscles, ou les nerfs qui y courent, et tire sur le tendon et per consequens la jointure, jusqu’à l’endroit désiré. Le mouvement du corps se manifeste diversement : marcher, courir, sauter, danser, s’asseoir et d’autres variantes encore, toutes opposées à la catégorie du situs, ou position. »

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La capacité à changer de position appartient à ceux qui savent faire l’amour, physiquement.

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Ubu est nu. Faux princes et vrais rois

La chute d’Emmanuel Macron me rappelle celle de Tariq Ramadan, autre faux gourou, autre personnage faux. Ramadan, de toute évidence plus instinctivement talentueux pour subjuguer, a duré bien plus longtemps et a réussi à se faire idolâtrer des pauvres et à convaincre des riches de lui fournir argent et position. Macron a réussi à faire des riches ses supporters, mais n’a pu que se rendre insupportable aux pauvres. Sa stratégie était beaucoup trop calculée et surjouée. Hier soir il s’est avéré de nouveau calculateur et surjoueur, incapable d’une parole d’homme à homme, d’une parole directe, humaine – seulement d’un message enregistré sentant à plein nez les petits calculs. Macron et Ramadan, imposteurs parmi d’autres, ont également la lâcheté en commun. Pris la main dans le sac, ils essaient de se faire plaindre, se mortifient, ravalent ostensiblement leur peine, rajoutent de la comédie à la comédie, de la farce à la farce. Ubu est nu.

Le fil une fois tiré, c’est tout l’habit qui vient. Le reste, le si peu de corps et d’âme qui reste, le temps en décide.

Les gens de la caste ont horreur des déshabilleurs, des déshabilleuses. Que ce soit pour le critiquer ou pour prétendre le comprendre, ils ne savent voir le peuple que dans une condescendance qui sanctionne ce qui est à son sens mauvais en lui (comme si le racisme, le sexisme, l’homophobie et autres incorrections politiques n’étaient pas aussi répandues dans la caste que dans le peuple – la caste ayant seulement plus souvent soin de les cacher, l’hypocrisie étant sa loi et son gage de réussite), et pour le reste ne voient que misère matérielle et intellectuelle chez ce peuple, même quand il arrive qu’ils en soient issus et veulent à ce titre se persuader et persuader qu’ils le défendent. J’ai déjà évoqué au passage le texte pleurnichard d’Édouard Louis dans Les Inrocks, je pense aussi aux mots indigents d’Annie Ernaux hier dans Libé – dont je ressens d’autant mieux la condescendance qu’elle l’a exercée un jour à mon égard, me faisant une leçon pitoyablement maternaliste du haut de sa renommée : selon elle, je ne devrais pas écrire de textes excitants – je l’ai dit, ces gens ont horreur des femmes et des hommes qui déshabillent les faux princes et les fausses princesses.

 

le fil du temps,-min-1

 

Les maîtres des horloges, les rois du monde, ce sont les pauvres, ceux qui vivent sans chercher à tromper, ceux qui appartiennent à la vérité nue. J’ai trouvé en ligne ces phrases de Cornelius Castoriadis :

« Dans le pays d’où je viens, la génération de mes grand-pères n’avait jamais entendu parler de planification à long terme, d’externalité, de dérive des continents ou d’expansion de l’univers. Mais, encore pendant leur vieillesse, ils continuaient à planter des oliviers et des cyprès, sans se poser de questions sur les coûts et les rendements. Ils savaient qu’ils avaient à mourir, et qu’il fallait laisser la terre en bon état pour ceux qui viendraient après eux, peut-être rien que pour la terre elle-même. Ils savaient que, quelle que fût la « puissance » dont ils pouvaient disposer, elle ne pouvait avoir des résultats bénéfiques que s’ils obéissaient aux saisons, faisaient attention aux vents et respectaient l’imprévisible Méditerranée, s’ils taillaient les arbres au moment voulu et laissaient au moût de l’année le temps qu’il lui fallait pour se faire. Ils ne pensaient pas en termes d’infini – peut-être n’auraient-ils pas compris le sens du mot ; mais ils agissaient, vivaient et mouraient dans un temps véritablement sans fin. »

Les carrefours du labyrinthe, II, 1986

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Léonard de Vinci vu par…

leonard de vinci-min*

Walter Pater, dans The Renaissance, Studies in Art and Poetry (1873, trad. A.Henry) :

« Son idéal de beauté est si exotique qu’il nous fascine davantage qu’il nous séduit : plus que chez tout autre artiste, cet idéal semble refléter les pensées et presque les catégories d’un monde intérieur. Aussi ses contemporains le croyaient-ils détenteur d’un savoir caché, de source suspecte, tandis que Michelet et d’autres ont vu en lui un précurseur. Il a fait peu de cas de son propre génie et n’a produit ses chefs-d’œuvre que dans ses dernières années, si tourmentées ; pourtant, ce génie le tient si bien qu’il a pu traverser sans s’émouvoir les événements les plus tragiques qui accablaient sa patrie et ses amis ; c’est comme s’il les croisait par hasard au cours de sa mission secrète. »

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Paul Valéry, dans sa préface à la traduction des Carnets de Léonard de Vinci par Louise Servicen (Gallimard, 1942) :

« (…)

Il y eut une fois Quelqu’un qui pouvait regarder le même spectacle ou le même objet, tantôt comme l’eût regardé un peintre, et tantôt en naturaliste ; tantôt comme un physicien, et d’autres fois, comme un poète ; et aucun de ces regards n’était superficiel.

(…)

Usant indifféremment du dessin, du calcul, de la définition ou de la description par le langage le plus exact, il semble qu’il ignorât les distinctions didactiques que nous mettons entre les sciences et les arts, entre la théorie et la pratique, l’analyse et la synthèse, la logique et l’analogie, distinctions tout extérieures, qui n’existent pas dans l’activité intime de l’esprit, quand celui-ci se livre ardemment à la production de la connaissance qu’il désire.

(…)

Rien de réel ne lui paraît indigne d’occuper sa puissante attention. (…) Dans cet homme complet la connaissance intellectuelle ne suffit pas à épuiser le désir, et la production des idées, même les plus précieuses, ne parvient pas à satisfaire l’étrange besoin de créer : l’exigence même de sa pensée le reconduit au monde sensible, et sa méditation a pour issue l’appel aux forces qui contraignent la matière. L’acte de l’artiste supérieur est de restituer par voie d’opérations conscientes la valeur de sensualité et la puissance émotive des choses, – acte par lequel s’achève dans la création des formes le cycle de l’être qui s’est entièrement accompli.

Ce chef-d’œuvre d’existence harmonique et de plénitude des puissances humaines porte le nom très illustre de Léonard de Vinci.

(…)

Léonard est différent (comme je l’ai déjà indiqué) à nos distinctions scolaires entre l’œuvre scientifique et la production artistique. Il se meut dans tout l’espace du pouvoir de l’esprit.

Il l’est aussi aux tentations de la gloire immédiate. Il ne sait pas sacrifier sa curiosité généralisée, les excursions de sa fantaisie, qui est profondeur, aux exigences d’une production suivie et de rapport certain. Il commence des œuvres qu’il abandonne… »

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Paul Valéry encore, dans son Introduction à la méthode de Léonard de Vinci (1894), dédiée à Marcel Schwob :

« Je me propose d’imaginer un homme de qui auraient paru des actions tellement distinctes que si je viens à leur supposer une pensée, il n’y en aura pas de plus étendue. Et je veux qu’il ait un sentiment de la différence des choses infiniment vif, dont les aventures pourraient bien se nommer analyse. Je vois que tout l’oriente : c’est à l’univers qu’il songe toujours, et à la rigueur. Il est fait pour n’oublier rien de ce qui entre dans la confusion de ce qui est : nul arbuste. Il descend dans la profondeur de ce qui est à tout le monde, s’y éloigne et se regarde. Il atteint aux habitudes et aux structures naturelles, il les travaille de partout, et il lui arrive d’être le seul qui construise, énumère, émeuve. Il laisse debout des églises, des forteresses ; il accomplit des ornements pleins de douceur et de grandeur, mille engins, et les figurations rigoureuses de mainte recherche. Il abandonne les débris d’on ne sait quels grands jeux. Dans ces passe-temps, qui se mêlent de sa science, laquelle ne se distingue pas d’une passion, il a le charme de sembler toujours penser à autre chose… Je le suivrai se mouvant dans l’unité brute et l’épaisseur du monde, où il se fera la nature si familière qu’il l’imitera pour y toucher, et finira dans la difficulté de concevoir un objet qu’elle ne contienne pas.

Un nom manque à cette créature de pensée, pour contenir l’expansion de termes trop éloignés d’ordinaire et qui se déroberaient. Aucun ne me paraît plus convenir que celui de Léonard de Vinci. » (texte entier sur wikisource)

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camion rue mouffetard-minhier soir rue Mouffetard, photo Alina Reyes

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Zeppelins sur Paris

zeppelin sur paris, dessin-minEn marge de la terrible guerre des tranchées qui faisait rage à une centaine de kilomètres de là, le soir du 29 janvier 1916, deux zeppelins furent envoyés en raid sur Paris. L’un dut faire demi-tour pour avarie, l’autre, à la faveur des nuages qui le dissimulaient, largua rapidement ses bombes sur Belleville et Ménilmontant, faisant 26 morts et 32 blessés.

Voici le compte-rendu de l’évènement dans L’Humanité du lendemain :

DES ZEPPELINS SUR PARIS

DES BOMBES TOMBENT
boulevard de Belleville, rue de Ménilmontant et rue Haxo. Un immeuble détruit. Il y a des victimes.

À vingt-deux heures moins un quart, alors que comme les jours précédents, Paris était dans le calme le plus complet, les pompiers sortaient de leurs casernes, parcouraient les rues à toute vitesse, en cornant, tandis que les clairons sonnaient le « Garde à vous ». Des zeppelins ou des aéroplanes allemands étaient signalés comme ayant franchi les lignes du camp retranché de Paris.

En effet, à vingt-et-une heures vingt, le gouvernement militaire était informé que des zeppelins étaient passés au-dessus de la Ferté-Milon, à 30 kilomètres de Château-Thierry et à 80 kilomètres de Paris.

La nouvelle fut accueillie avec une placidité parfaite. Loin de se cacher dans les caves, les habitants se précipitèrent vers les places et surtout vers la butte Montmartre. Ceux qui étaient chez eux sortirent sur les trottoirs, scrutant le ciel qu’éclairaient les projecteurs.

Tout à coup, à vingt-deux heures dix, trois détonations qui furent entendues d’un bout à l’autre de Paris et même en banlieue, ébranlèrent les maisons.

Sans doute des coups de canon à blanc destinés à effrayer les mécaniciens des aéronefs pour leur faire rebrousser chemin, pensa-t-on aussitôt, tant les coups avaient suivi de près l’alerte.

Telle n’était point, hélas ! la vérité, c’était bien des bombes et des obus qui venaient d’être lancés d’une grande hauteur, car on ne vit rien, absolument rien, dans le ciel.

Un premier projectile était tombé boulevard de Belleville, près de la rue Risson. Deux arbres furent déracinés, une excavation d’un diamètre de six mètres fut creusée mais il n’y eut là aucun accident de personne.

Une seconde bombe tomba près du 88 de la rue de Ménilmontant. Il y aurait eu là plusieurs blessés.

La plus violente explosion se produisit rue Haxo. Un obus tomba sur l’immeuble du numéro 86, qui fut en grande partie démoli et on en eut à déplorer la mort de plusieurs personnes.

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La parole du jour est au poète belge Émile Verhaeren, sur un précédent raid des zeppelins :

LES ZEPPELINS SUR PARIS

21 Mars 1915.

Sous les étoiles d’or d’un ciel ornemental
Glissent les Zeppelins dans la clarté hardie
Et le vent assaillant leurs parois de métal
En fait luire et siffler l’armature arrondie.

Un but sûr, mais lointain, les hèle et les conduit ;
Et tandis qu’ils ne sont encor qu’ombre et mystère
Leur vol énorme et lourd s’avance dans la nuit,
Et passe on ne sait où, au-dessus de la terre.

Les plaines et les bois se dérobent sous eux
Et les coteaux avec leurs fermes suspendues
Et le bourg et la ville aux étages nombreux
D’où leur présence proche est soudain entendue.

Aussitôt jusqu’au Sud, et de l’Est et du Nord,
S’émeut et retentit le télégraphe immense ;
La menace est criée et la vie et la mort
Organisent partout l’attaque ou la défense.

De toutes parts est perforé l’espace gris ;
Des foyers de lumière en tous coins se dévoilent
Et leurs barres de feu vont ramant sur Paris
Avant de remonter se cogner aux étoiles.

Ceux qui guident le vol des navires, là-haut,
Voient luire à leurs côtés la grande Ourse et les flammes
D’Hercule et d’Orion, d’Hélène et des Gémeaux,
Et s’estomper au loin le Louvre et Notre-Dame.

La ville est à leurs pieds et se tasse en sa nuit
Et se range et s’allonge aux deux bords de la Seine ;
Voici ses palais d’or et ses quais de granit
Et sa gloire pareille à la gloire romaine.

L’ivresse monte en eux et leur orgueil est tel
Que rien jusqu’à leur mort ne le pourra dissoudre.
Ne sont-ils pas à cet instant les rois du ciel
Et les dieux orageux qui promènent la foudre ?

Ils bondissent dans l’air lucide ; ils vont et vont,
Évoquant on ne sait quel mythe en leur mémoire
Et creusent plus avant un chemin plus profond,
Dites, vers quel destin de chute ou de victoire.

Les projecteurs géants croisent si fort leurs feux
Qu’on dirait une lutte immense entre les astres
Et que les Zeppelins se décident entre eux
À déclencher soudain la mort et les désastres.

Pourtant jusqu’à Paris aucun n’est parvenu.
Avant qu’un monument ne devienne ruine
Ils s’en sont allés tous, comme ils étaient venus
Avec le coup de l’échec dur en leur poitrine.

Ils n’ont semé que ci et là, de coins en coins,
La mitraille qu’ils destinaient au dôme unique
Où dort celui qui les ployait sous ses deux poings
Et les dominait tous, de son front titanique.

Et, peut-être, est-ce lui qui les a rejetés
Du côté des chemins où la fuite s’accoude,
Rien qu’à se soulever, lentement, sur son coude
Tel que pour le réveil Rude l’avait sculpté.

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texte : wikisource

Rude et la longue histoire des carnages :

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voir aussi Mémoire des lieux de la Grande Guerre dans la Somme

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Description d’un chef-d’œuvre, par Maurice Nadeau (Under the Volcano)

Au-dessous-du-volcanAvant de revenir peut-être moi-même sur ce livre mythique, voici des extraits de la préface magnifique de Maurice Nadeau dans l’édition Folio, une réflexion sans doute valable pour tous les chefs-d’œuvre :

« Car le chef-d’œuvre n’ouvre point ses portes à tous les vents. Il se présente comme un monde clos, hérissé de défenses et entouré de remparts. On n’y peut pénétrer qu’après plusieurs tentatives d’escalade et par effraction. Se trouve-t-on au cœur de la place qu’il n’est point encore aisé de s’y reconnaître : tout vous y paraît étranger et vaguement effrayant ; prisonnier, toutes les issues se sont refermées sur vous. Il va falloir vivre tête à tête avec un monstre inconnu qui possède sur vous tous les pouvoirs, se rendre à sa merci. Dans les arts plastiques comme en littérature, les chefs-d’œuvre commencent toujours par communiquer une sorte d’effroi. Ils échappent à nos normes.

(…)

Dans ce monde circulairement clos il est donc une issue par laquelle on peut entrer et sortir : elle se trouve à des hauteurs variables de ce typhon qui, de la terre, monte en spirale jusqu’aux nuages. Pour ne la point manquer il faut s’y jeter avec un certain élan.

(…)

Sous le récit qui nous est donné et dont l’intrigue se réduit à quelques péripéties voyantes, courent sans cesse, à des niveaux divers, d’autres récits plus difficilement décelables. Des lectures successives nous font descendre toujours plus profondément dans le gouffre, tandis que les hasards de la déambulation du Consul paraissent toujours plus savamment calculés (…) On va jusqu’à se demander si derrière les livres divers qui constituent ce livre unique ne s’en cache point encore un autre, indéchiffrable celui-là à la façon d’une kabbale moderne.

(…)

On gloserait à l’infini à propos d’une œuvre aussi riche et aussi profonde, et ce n’est certes pas le but de cette présentation. Elle voulait seulement prévenir le lecteur qui va s’enfoncer pour la première fois dans la forêt obscure que la place du moindre arbuste y a été marquée par un homme qui n’a rien voulu laisser au hasard, comme pour mieux montrer, sans doute, que le hasard nous tient dans sa main. La liberté souveraine dont il fait preuve et qui donne si souvent au lecteur l’impression de la découverte ou de la surprise se présente comme le cadeau mérité par une longue méditation dont on jurerait qu’elle fut de nature mathématique. Certains seront séduits par cette algèbre ; d’autres se laisseront emporter par le roman, divers en ses épisodes, vaste par sa prise, déchirant en son dénouement ; d’autres encore tiendront Au-dessous du volcan pour une symphonie aux amples thèmes savamment entrecroisés ; beaucoup y verront un poème déchirant en lequel se résolvent les voix cacophoniques d’une époque marquée par la destruction et éperdue de nostalgie, un nouveau Paradis perdu ; quelques-uns, enfin, parviendront peut-être à déchiffrer le message caché qu’il contient. »

Maurice Nadeau

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Lotus, méthode et position

« Comme un lotus pur, admirable, par les eaux n’est point souillé, je ne suis pas souillé par le monde. » Anguttaranikâya, 2, 39

L’eau et les poussières sont en suspension sur la feuille de lotus comme le fakir sur la planche à clous (voir l’excellent documentaire après les images), jusqu’au moment où la goutte glisse au sol, entraînant avec elle les poussières, sans avoir touché la plante.

« Fleur, pourrait-on dire, première et qui éclot, sur des eaux généralement stagnantes et troubles, avec une si sensuelle et souveraine perfection, qu’on l’imagine aisément, in illo tempore, comme la toute première apparition de la vie, sur l’immensité neutre des eaux primordiales », écrit le Dictionnaire des symboles de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, en préambule au long article Lotus.

Les lotus du jardin des Plantes commencent à feuiller. Pour les fleurs et les graines, et aussi et d’autres éléments de la symbolique de la plante, voir mes notes des années précédentes, mot-clé lotus.

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feuille de lotus 1

feuille de lotus 2

feuille de lotus 3

feuille de lotus 4

feuille de lotus 5

feuille de lotus 6

lotus et canards

canard

caneces jours-ci au jardin des Plantes à Paris, photos Alina Reyes

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La chambre de Vincent Van Gogh à Auvers-sur-Oise

chambre vincent van goghLa chambre de Vincent Van Gogh à Auvers-sur-Oise veillée par Madame Terre, ζει, technique mixte sur enveloppe A4

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« La maison à lui est pleine de vieilleries noires, noires, noires »

« L’idée moderne de manger un – tout au plus deux – plats est pourtant certes un progrès et un loin retour à l’antiquité vraie. »

« Mais enfin je vis au jour le jour, il fait si beau. »

Vincent Van Gogh, Lettres à Théo depuis Auvers-sur-Oise, printemps-été 1890

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