145 écrivains accusent (actualisé)

harcelement

Harcèlement, technique mixte sur carte postale

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La protestation contre la remise d’un prix à Charlie Hebdo par le PEN prend de l’ampleur. Ce sont maintenant 145 écrivains membres de l’association, dont beaucoup d’éminents auteurs, qui signent une lettre pour se désolidariser de ce choix. Je suis un peu cela sur Twitter, notamment autour de Joyce Carol Oates, qui écrit par exemple : « Nous défendrions la publication même de textes racistes, comme Mein Kampf, mais nous ne leur donnerions pas un prix. N’est-ce pas raisonnable ? » Ou : « Une chose apparaît clairement : des auteurs américains, comme moi, ne comprennent pas la coutume « satirique » française avec ses lois protégeant les uns mais pas les autres ». Le PEN déclare maintenant que la remise de ce prix ne signifie pas une approbation du contenu éditorial du magazine. N’y avait-il pas des auteurs luttant pour la liberté d’expression plus dignes d’être défendus ? En tout cas je me sens moins seule que dans ce pays, la France, où la pensée unique règne de plus en plus par la terreur de la censure masquée.

Beaucoup d’agitation hier autour du défilé du 1er mai… du FN. On ne me sortira pas de l’idée que les Femen, avec leurs saluts nazis, sont les alliés occultes (dans l’esprit) de ce parti*. Avec leur voyante participation, on n’a parlé que de lui, en ce jour traditionnellement dédié aux travailleurs et à la gauche. La fascisation continue, et on peut toujours lire mon livre sur ce sujet ici, gratuitement.

* Tiens donc, je lis maintenant que Charlie Hebdo va lancer une version du journal en Ukraine, d’où sont originaires les Femen et les nazis ou nazifiants au pouvoir.

Albert Einstein, « ma profession de foi »


Déclaration d’Albert EINSTEIN (en allemand), enregistrée en septembre-octobre 1932 pour la ligue allemande des droits de l’homme. Traduction issue du rapport d’écoute : – à 0’00 : « faire partie des hommes qui ont consacré leurs meilleures forces à l’objectif de recherches représente une grâce particulière » (4’21).- à 04’21 : il rend hommage à ses collaborateurs, puis se dit contre la « liberté de volonté »(46″)- à 05’07 : Il se dit pacifiste, anti-militariste, et il refuse tout nationalisme. (35 ») – à 5’42 : il dit se préoccuper de l’idéal de la démocratie, bien qu’il soit conscient des insuffisances de ce régime. « La plus belle chose que puisse exprimer l’homme, c’est le sentiment de la plénitude intérieure ». L’aspiration à la beauté représente, pour lui, la religiosité et, dans cette acception, il est religieux (1’45).

A l’occasion de la mort d’Albert EINSTEIN, rediffusion d’une émission diffusée le 13 février 1955, lors du cinquantenaire de la théorie de la relativité. Réalisée sous la haute autorité du comité des sciences de la radio. Titre original du programme : « La plus grande découverte des temps modernes » : la théorie de la relativité. – A 1’50 : Nathalie NERVAL lit un texte sur la jeunesse d’Albert EINSTEIN. (6’00)- A 8’42 : le Révérend-père DUBARLE, professeur à l’Institut Catholique de Paris explique ce que représente pour la science l’introduction de la théorie de la relativité. (4’00)- A 13’45 : débat sur la théorie de la relativité restreinte avec messieurs Francis PERRIN (Haut-commissaire à l’énergie atomique), Louis LEPRINCE-RINGUET (professeur à l’école polytechnique, monsieur Paul COUDERC (astronome à l’Observatoire de Paris), Monsieur François LE LIONNAIS (président de l’Association des Ecrivains Scientifiques), Monsieur André GEORGES (directeur de la collection « Sciences d’aujourd’hui »). 14’40)- A 28’38 : André GEORGES raconte quelques anecdotes sur Albert EINSTEIN. (3’24)- A 33’45 : Francis PERRIN raconte sa rencontre avec EINSTEIN à l’université de Princetown aux USA en décembre 1941. (1’30) – A 36’03 : Frédéric JOLIOT CURIE raconte des entrevues entre EINSTEIN et Marie CURIE. (Archive)- A 39’20 : suite du débat : la théorie de la relativité générale qui mettait EINSTEIN en extase. Les découvertes associées à cette théorie. Interrogation sur la courbure de l’espace et de l’univers… l’espace-temps. (9’10)- A 49’30 : Louis de BROGLIE, de l’Académie des sciences, parle des apports d’EINSTEIN à d’autres théories comme celle des quanta (de lumière) et ses prolongements : la physique quantique. (7’30)- A 58’24 : témoignage d’Antonina VALLENTIN, amie d’EINSTEIN et auteur de sa biographie . Elle parle du quotidien du physicien, de la simplicité de son mode de vie (détaché des contingences matérielles). Ses loisirs et passions. Diverses anecdotes. Sa bonté, son sens de la justice sociale. Son angoisse face à l’avenir du monde « le vrai danger est dans le coeur des hommes », pense que pour survivre les hommes devront adopter une nouvelle manière de penser pour se « mouvoir vers des plans plus élévés ». Sa vie recluse à Princetown. Son aspiration à l’harmonie universelle.(Archive)- A 01H07’25 : enregistrement de la voix d’EINSTEIN, en anglais, diffusé après l’explosion de la première bombe atomique (+ traduction simultanée). (2’10)- A 01H10’07 : le révérend-père DUBARLE évoque la destinée de témoin de notre époque d’EINSTEIN. (4’17)- A 01H14’26 : indicatif de fin, conclusion et désannonce de l’émission.

Dire et vivre la vérité

dis,

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Pour « renoncer au mal », il faut non seulement l’avoir rencontré, mais aussi l’avoir identifié comme tel. Or le mal ne veut pas se laisser reconnaître, le mal veut rester dans l’ombre, tout en se masquant de lumière. Le mal trompe sur sa nature parce qu’une fois démasqué sous quelque forme qu’il prenne et dans quelque être qu’il investisse, il perd sa séduction et son pouvoir. Il est si misérable, si dérisoire, si faux, si enchaîné à lui-même et dépendant de l’illusion qu’il crée, lui qui n’est qu’illusion. Qui croit aimer une pensée ou un être secrètement porteurs du mal, n’aime qu’une illusion, et nulle illusion ne pouvant être vraiment aimée, en vérité ne l’aime pas. L’amour ne meurt jamais, ou ce n’était qu’une illusion d’amour. Le monde est si attaché à l’illusion qu’il se refuse de toutes ses forces à reconnaître que le mal avec lequel il se compromet sans cesse n’est que le mal, le faussaire, l’abject, le fourbe, l’indécrottable, la mort dans l’âme, qui le conduit à la pourriture et à la mort. L’homme, la femme qui « renoncent au mal », souvent ne l’ont jamais servi ni ne s’en sont servi, et n’ont donc pas à y renoncer, seulement toujours de nouveau à le rejeter. Le mal, qui n’a pas d’être mais seulement une existence, s’attache aux êtres, par parasitisme – et plus les êtres ont d’être, plus il s’y accroche. Tout homme, toute femme qui « renonce au mal », en vérité renonce à la tentation d’humaniser le mal, par pitié ou par commodité. Le mal est mal et reste mal. En vérité il ne s’agit pas d’y renoncer, il suffit de cracher dans son néant, et de s’en aller.

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Sortie de la caverne

al kahf,Ceux qui veulent manipuler les hommes et canaliser l’histoire feraient mieux de savoir que même aliénés, les hommes sont libres, et même violentée, l’histoire va souveraine. Les hommes feraient mieux de se rappeler que nul de leur calcul, nulle de leur action, ne peut les rendre maîtres ni de leurs prochains ni du cours de l’histoire, qui restent imprévisibles. Et que plus ils s’illusionnent sur leur pouvoir, plus leur but peut finalement se retourner contre eux.

« Autour de la nature ». Que dit Parménide ?

rhinoballeur,

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Ma traduction du Poème de Parménide se trouve ici sur le mot clé « Le Poème de Parménide » en remontant à partir du bas de la page.

Héritier d’Anaximandre et de Pythagore, né trente ans avant Héraclite, ce Grec qui a vécu à Élée (dans l’actuelle Italie du sud) entre le VIème et le Vème siècles avant notre ère, est passé à une riche postérité comme « premier penseur de l’être », voire comme fondateur de la philosophie. Mais il révèle d’abord, par la forme de son expression, ce qu’il n’énonce pas : la pensée est poésie.

Parménide expose sa doctrine en vers. Les fragments de son poème qui ont traversé le temps doivent s’entendre comme un chant. De fait sa parole est scandée, de la même façon que celle d’Homère. Au rythme de l’hexamètre dactylique, vers dont la mesure est fondée sur le dactyle (doigt), à savoir un son composé d’une (phalange) longue suivie de (deux phalanges) courtes ou brèves.

Partant de ce constat, nous comprenons que son poème s’intitule Péri phuséos : Sur la nature, ou plus précisément Autour de la nature. Il est très productif de songer aux Présocratiques comme « physiologues », « parleurs de la nature ». La forme et le fond forment ici un cercle parfait, dont le tour est poétique. Que dit Parménide ? Ma traduction, par sa forme sonore et par son fond, le sens qu’elle indique, ainsi que par l’option choisie de se conclure au fragment 16, dit elle-même ce que j’y entends. La pensée comme le corps est mue par un ensemble d’articulations, de même que la parole s’articule dans le vers selon la mesure du dactyle, des articulations du doigt. Si conceptuelle puisse-t-elle paraître, la pensée de Parménide, comme celle de tous les Présocratiques, est fondée sur la nature, l’ordre du cosmos, qui en grec ancien est beauté, comme la parole poétique.

Esti gar einai, mèden d’ouk estin – mot à mot : « Est en effet être, rien, au contraire, n’est pas ». Entendons : « Il y a être, mais le néant, cela n’est pas ». Ou plus familièrement : « Être, je connais, mais rien, non, ça n’existe pas ». Ou encore : « ce qui est, c’est ce qui est – quant à ce qui n’est pas, ce n’est pas ».

Parménide constate et affirme que l’être est, et que le rien n’est pas. Autrement dit, qu’il y a quelque chose, et non pas rien. Et qu’il faut s’en tenir à la voie de ce qui est, sans croire que ce qui est n’est pas, sans faire comme si ce qui est n’était pas. Son exigence est avant tout de lucidité et de responsabilité. Ce que Parménide martèle, au fond, c’est qu’il ne faut pas fuir ce qui est, la nature, le réel, en faisant comme si cela n’était pas, en empruntant la voie de la croyance en ce qui n’est pas. Parménide prend la voie de ce qui est, il la prend physiquement en utilisant la forme poétique et en commençant son poème par la description d’une course vers et dans la lumière, avec des juments, un char, des jeunes filles, des cris de flûte dans les roues, une déesse qui parle, une porte à franchir. Il se peut que les juments soient ses pupilles, ses veines ou ses neurones, le char son corps, les jeunes filles des photons, que le cercle criant des roues soit la vérité lancée et lançant l’homme à la vitesse de la lumière vers l’illumination, que la déesse soit la sagesse ou le logos et que la porte à franchir implique le nécessaire dépassement des limites de l’humain, trop humain. Le poème d’emblée se place dans l’enseignement annoncé plus tard par la déesse : «  comment les apparences doivent être en leur apparition, traversant tout via tout ».

« Le soi c’est de percevoir, de même que d’être ».

To gar auto noein estin te kai einai- plus simplement : « Penser et être, c’est la même chose ». Je traduis to auto par le soi, plutôt que par le même, et je reporte son sens de même dans le te kai (« et » redoublé). Noein signifie penser, mais plus précisément se mettre dans l’esprit, percevoir (avec une continuité sémantique temporelle : percevoir, comprendre, projeter, faisant signe d’un processus – Parménide n’est pas le penseur de la fixité que l’on dit, même s’il voulait l’être la langue grecque le lui éviterait). Sa phrase dit donc que percevoir-comprendre-projeter et être sont une même chose, et que cette même chose est le soi. Elle dit aussi que le soi est être, et que cet être est conscience.

Si être et pensée sont même, cela signifie que tout être pense, et que toute pensée est. Il n’y a pas des êtres qui pensent et des êtres qui ne pensent pas. Tous les êtres pensent, même si certains, prenant la voie de ce qui n’est pas, croient que d’autres ne pensent pas (c’est qu’il faudrait éviter de croire, pour ne pas tomber de la pensée dans la doxa, « l’opinion »). Tout être est conscient, d’une façon ou d’une autre. L’Être créateur crée en conscience, et la création est le fruit de la conscience, sa manifestation. À son tour l’être créé, lui aussi conscient, se met dans l’esprit la manifestation de la conscience, fait le travail de la percevoir, de la comprendre, et d’ainsi participer à sa projection.

L’être tout entier est communion. À partir de son centre, la pensée, équidistante de toute sa projection. La pensée est profonde, ou elle n’est pas. L’opinion qui s’agite à la surface du monde ne pense pas. Elle s’imagine changer les choses en changeant « la surface brillante » des choses. Ce qui pense, et donc crée et agit réellement, vient du centre profond de l’être, a fait le voyage de l’apparence à l’être et en revient, éclairé. Que chacun fasse le trajet avec le texte et le laisse éclairer, guidé par les vierges particules de lumière, sa pensée, son être.

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