Chiffres, mouvements et lettres du jour (Depardieu, Lovecraft, le Japon grec)

 

Plus de 100 kilomètres à pied en 23 jours (merci l’appli podomètre), toujours 20 à 40 minutes de yoga (de mieux en mieux et de plus en plus intense bien sûr) chaque matin, mon poids à moins de 50 kilos : garder la joie du corps, c’est garder l’esprit.

Hier au cours de ma balade je suis entrée dans une librairie de mon quartier dans l’intention de faire ma b-a, comme je l’y fais quelquefois : acheter un livre, quoique je préfère de beaucoup lire les livres sous forme numérique et que je n’en manque pas – j’en ai lu plusieurs ces jours derniers, j’en ai trois en cours en ce moment et je ne les achète pas, ce sont soit des livres gratuits (libres de droits) soit des livres empruntés en bibliothèque numérique. À peine entrée, qu’y vois-je ? Sur la première table, un de ces petits papiers en forme de conseils de lecture des libraires que je n’aime pas du tout – si nous sommes dans une librairie, n’est-ce pas pour y feuilleter les livres et ne sommes-nous pas assez grands pour choisir nous-mêmes ce que nous avons envie de lire sans qu’il soit besoin de nous faire de la retape ? Pire, la recommandation en question était accrochée sur un livre d’un mollasson plagiaire, l’un de ces écrivailleurs vendus à quelque éditeur, trafiquant leur prose en échange de promotion, dont j’ai déjà parlé ici et dont je n’ai pas envie de redire le nom. Illico je suis ressortie de la boutique, bien décidée à n’y plus remettre mes pieds, qui ont mieux à faire que de traîner chez des gens à tête si mal faite.

Quelques citations de mes toutes récentes lectures :

« Quand un poète se retrouve devant un « décideur », la partie est loin d’être gagnée. Ce sont des gens qui construisent avant tout des modèles, des cahiers des charges, des programmations. Leur métier n’est pas d’encourager les poètes mais de fabriquer des produits. »

« Je n’ai jamais rencontré un homme de pouvoir honnête, jamais. Quand je dis homme de pouvoir, je parle de ceux qui prétendent des choses, qui prétendent prendre notre vie en main, faire notre bien, nous diriger. Tous ceux qui essaient de nous faire croire que les poules pissent. Le pouvoir, c’est ce qui tue l’innocence. »

« L’innocence, c’est l’inverse du contrôle qui est toujours un manque de générosité. »

« La paix qu’apporte la solitude, c’est comme un plat gigantesque dont on n’est jamais repu. »

Gérard Depardieu, Innocent

« Ces montagnes dépassent l’imagination. » H.P. Lovecraft, Les montagnes hallucinées

« Le corps de bouddha serait-il en partie grec ? » Michael Lucken, Le Japon grec, Culture et possession

 

street art 3-minHier à Paris 13e, photo Alina Reyes

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Yoga de la dame à la licorne, trésor pour le monde

dame a la licorne,-min*

Quarante minutes de yoga chaque jour au lever, et les muscles, les articulations, la colonne vertébrale s’assouplissent et se renforcent. Ajoutez à cela au moins une heure de marche quotidienne à la fois vive et attentive et vous êtes parfaitement bien et vivants dans votre corps et dans votre esprit. Ce ne sont évidemment pas les seules façons de demeurer dans le bien-être, mais le bien-être requiert le corps et l’esprit. J’ai passé une très grande partie de ma vie en contemplation, je continue. Et je sais qu’il n’y a pas de contemplation spirituelle sans contemplation physique. Pas d’esprit sans corps, pas de pensée sans usage des sens. La qualité de la pensée, sa profondeur, sont en rapport direct avec la qualité de l’usage que nous faisons de nos sens.

Les tapisseries des cinq sens de la Dame à la licorne constituent en quelque sorte cinq asanas, cinq postures de yoga. L’ensemble constitue un kriya, comme on dit au kundalini yoga. Quant à la sixième, j’ai finalement trouvé une autre interprétation à son geste avec les bijoux. On dit généralement qu’elle va s’en parer, ou bien au contraire qu’elle est en train de s’en dépouiller. Selon ce que je comprends maintenant, elle pourrait, après avoir savamment usé de ses cinq sens, être en train d’accoucher de ces pierreries. De faire naître d’elle un trésor.

Sa servante, part d’elle-même au service du monde et sage-femme en même temps, le recueille. Le monde ouvrira le coffre au trésor quand il y sera prêt.

 

dame a la licorne detail*

Extraits de « Demian », de Hermann Hesse, et choses vues

Le mois dernier en train de jouer quelques notes de Tchaïkovski au château d'Ermenonville, photographiée par O

Le mois dernier en train de jouer quelques notes de Tchaïkovski au château d’Ermenonville, photographiée par O

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C’est un roman de Hermann Hesse que je n’avais pas encore lu, alors que j’ai récemment relu Siddharta et Le Loup des steppes, et qui m’a donné envie de relire Le Jeu des perles de verre et Narcisse et Goldmund, lus la première fois comme les deux précédents il y a très longtemps. Hesse parle et parlera à toutes les générations, il n’est jamais trop tôt ni trop tard pour le lire. Il donne force et courage, incite à la grandeur d’âme et à la profondeur d’esprit.

« Il ne ressemblait pas à un élève qui fait un devoir, mais à un chercheur qui poursuit un problème personnel. »

« Les gens courageux, les gens qui ont une forte personnalité, sont toujours peu rassurants. »

« C’était dans la rue, devant notre maison. Il était debout, un calepin à la main, en train de dessiner. Il dessinait le vieux blason avec l’oiseau qui se trouvait au-dessus de notre porte. Et moi, à une fenêtre, caché derrière le rideau, je le regardais, et, avec un étonnement profond,, je considérais son visage attentif, froid et serein, tourné vers le blason, avec l’expression d’un homme, d’un chercheur ou d’un artiste, d’un être supérieur, d’un être de volonté, – visage étonnamment froid et serein, avec des yeux de voyant. »

« Il ne me parut ni vieux ni jeune, mais âgé de mille ans, ou plutôt, sans âge, portant l’empreinte d’autres cycles que ceux vécus par nous. Des animaux peuvent avoir cet air-là, ou des arbres, ou des étoiles, je ne sais. Je ne sentis pas d’une façon distincte ce que, tant d’années après, je raconte maintenant, mais quelque chose d’approchant. Peut-être était-il beau, peut-être me plaisait-il, peut-être m’était-il antipathique, aussi ; là encore, je n’aurais pu me prononcer. Je vis seulement qu’il était autre que nous. Il ressemblait à un animal, ou à un esprit, ou à une image, je ne sais, mais il était autre, inexprimablement autre que nous tous. »

« Seule la pensée que nous vivons a une valeur. »

« Le véritable Demian était celui que je contemplais en ce moment : de pierre, antique, animal, beau et froid, pétrifié, inanimé et secrètement plein d’une vie mystérieuse. »

« Ses mains étaient étalées devant lui sur le pupitre, immobiles et sans vie, comme des objets, des pierres ou des fruits, non pas molles, mais semblables à de fermes enveloppes dissimulant une vie forte et profonde. »

« Des hommes comme vous et moi sont bien solitaires, mais ils possèdent la compensation secrète d’être autres, de se rebeller, de vouloir l’impossible. À cela aussi il faut renoncer quand on veut parcourir son chemin jusqu’au bout. Il faut arriver à ne vouloir être ni un révolutionnaire, ni un exemple, ni un martyr. C’est inconcevable. »

« J’étais heureux qu’un homme eût vécu qui avait suivi sa propre voie aussi inflexiblement. »

« Auparavant, je m’étais souvent demandé pourquoi un homme est si rarement capable de vivre pour un idéal. Maintenant, je constatais que beaucoup d’hommes, que presque tous sont capables de mourir pour un idéal, à condition toutefois qu’il ne soit pas personnel, librement choisi, mais commun à tous. (…) J’en vis beaucoup, vivants et mourants, se rapprocher magnifiquement de la volonté de la destinée. Un grand nombre d’entre eux avaient, non seulement au moment de l’attaque, mais constamment, ce regard ferme, lointain, absorbé, qui ignore tout des buts et exprime l’abandon complet à une destinée hors du commun. Ceux-là pouvaient penser ou croire ce qu’ils voulaient : ils étaient prêts, ils étaient utilisables ; c’est d’eux que surgirait l’avenir. »

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choses vues 12-minCes jours-ci à Paris, photos Alina Reyes

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Envol de robe au parc de Choisy et festin d’anges

À la boîte à livres du parc de Choisy, j’ai apporté trois livres, j’en ai pris deux. Je me suis assise sur un banc pour commencer à les lire et le vent s’est levé, la lumière est devenue changeante. J’ai photographié l’effet que ça faisait dans ma robe. L’un des deux livres, intitulé Le festin de l’ange, signé Gérard Pelé, parlait dès la première page d’ « un dispositif d’enregistrement conçu pour visualiser, non seulement de façon paradigmatique les fragments du corps – différence et ressemblance -, mais aussi de façon syntagmatique leur connexion ou leur contiguïté, et enfin de façon « processuelle » la « successivité » dans l’accumulation et le déplacement de l’objet virtuel que constituerait la perception de l’événement (ce serait une sorte de sémiologie leibnizienne, inspirée également de Matière et mémoire d’Henri Bergson). En d’autres termes, nous tentons de visualiser l’involution, de la pluralité des fragments à l’unité des éléments plastiques par lesquels ils sont représentés, et, dans, le même temps, l’inflexion des points où les courbures changent de sens en déviant des modulations régulières, ainsi que la contraction comme mise en abyme, fluxion, expression de la durée de l’épreuve (nous faisons cette fois référence au « pli » de Gilles Deleuze). »

Au retour, j’ai récupéré dans la rue un petit morceau de bois en forme de maison, pour un nouvel essai de peinture fluide, bientôt. La vie est merveilleuse.

 

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envol de robe 7-minAujourd’hui à Paris 13e, photos Alina Reyes

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Le journal (de Potocki) dans le journal (de Reyes)

Cet après-midi à la médiathèque du Jardin des Plantes

Cet après-midi à la médiathèque du Jardin des Plantes

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Je suis allée à la bibliothèque Buffon chercher les œuvres de Potocki que j’avais commandées. Avant de continuer à évoquer son Manuscrit trouvé à Saragosse, voici des extraits de son Voyage dans l’Empire de Maroc, journal de voyage donc, beau texte riche en notations de toutes sortes qui ont de toute évidence servi à la création de son roman. Ceux que j’ai choisis en lisant le livre cet après-midi ne sont pas nécessairement significatifs de l’ensemble, ce sont seulement quelques passages que j’ai aimés pour leur pouvoir d’évocation ou qui m’ont spécialement parlé ou m’ont fait sourire. Je les copie avec l’orthographe et la ponctuation originelles, selon cette édition de François Rosset et Dominique Triaire chez Peeters.
potocki« J’ai débarqué à l’entrée d’une rivière assez considérable, dont la barre n’est pas exempte de danger. Ses bords sont de sable & de bruyeres. Des groupes de pêcheurs sont établis sur toutes les pointes que fait le rivage : Un peu plus loin est une troupe de femmes noires, qui prennent le plaisir du bain sans paroître redouter beaucoup l’approche des Actéons. Et sur ce, l’on m’amene un petit âne (…)
J’ai suivi mon petit âne & les bords du fleuve pendant une demie heure »

« Comme cette Isle est le rendez-vous des Corsaires de toute cette côte, elle abonde en filles de joie. J’en ai vu de très belles, & elles portent l’habillement de gaze des femmes de Tripoli; c’est-à-dire qu’il y a à leurs robes, beaucoup plus d’espaces transparents que d’opaques. Je me souviens d’avoir soupé sous des figuiers, avec un corsaire appelé Reis Mahmoud : Le lendemain il mit en mer & fut pris par une frégate Maltoise, & il fut pendu huit jours après, parce qu’il étoit renégat. L’on auroit sans doute dû lui pardonner, parce qu’il avoit renié enfant ; mais à cette époque les renégats désoloient les côtes de Sicile qu’ils connaissoient parfaitement, & l’on vouloit faire un exemple. »

« Mais tandis que des lois absurdes, prétendent opposer une digue au torrent des passions, le souffle brûlant du climat le déborde, & lui fait changer de lit. Les femmes se sont vouées en secrêt au Culte de Lesbos, & les hommes en rendent un assez public à l’échanson des Dieux. »

« Ce que nous appelons ennui, n’est pas plus connu ici qu’il l’est dans le reste de l’Afrique, dans l’Asie, & chez les Indigénes de l’Amérique. Ce mal européen me paroît avoir en grande partie sa source dans cette succession de leçons, qui remplissent toutes les heures de notre enfance, & nous donnent de l’occupation, une habitude qui finit par devenir un vrai besoin. Mais l’homme de l’Orient ne ressent pas cette nécessité : Les ressorts de son esprit n’ont pas reçu cette tension habituelle, qui les fait ensuite réagir sur eux-mêmes : Le défaut d’occupation suspend simplement leurs fonctions, comme le sommeil suspend celles de l’ame; & si l’air que cet homme respire, est rafraîchi par une brise de mer ; s’il est parfumé par les fleurs d’un parterre ; si le verd repose sa vue, il est agréablement averti de son existence, & il ne lui en faut pas d’avantage. Cependant Helvétius a regardé l’ennui comme un des principaux mobiles des actions des hommes ; mais s’il étoit vrai, que l’ennui ne fut point connu dans trois des quatre parties du monde, il s’en suvroit nécessairement qu’Helvétius avoit trop généralisé son système. Les Philosophes de l’antiquité voyageoient beaucoup, & je ne puis pas m’empêcher de croire, qu’ils fesoient bien; Ne semble-t-il pas, par exemple, que les Philosophes françois se sont montrés bien françois lorsqu’ils ont assigné l’amour propre, comme cause unique & universelle de tout ce qui se fait dans le monde, sans se douter seulement que ce sentiment n’étoit pas partout aussi exalté que chez eux. »

« Je remarquai sur le chemin des tas de pierre, qui sont l’ouvrage des dévots Musulmans: ils indiquent, que de l’endroit où ils sont l’on apperçoit le tombeau de quelque Saint, & chacun qui dit une prière, ajoute une pierre au tas. »

« Un peu plus loin nous vîmes une chapelle en chaume, & une caverne dont un homme paroissoît garder l’entrée: Cet homme nous dit en effet, que la caverne étoit l’ouvrage du Saint, & qu’il n’étoit point permis d’y entrer; Mais le naturaliste & un autre Suédois ayant persisté dans le dessein d’en voir l’intérieur, il ne s’y opposa point, & dit en riant, que dans leur religion il étoit permis aux fous de faire tout ce qu’ils vouloient. »

« Les Arabes sont peut-être le peuple du monde qui a le plus d’amour pour l’égalité, le plus de haîne pour le despotisme: Celui-ci n’a jamais existé chez les Arabes Nomades; Il ne s’est introduit chez les Arabes des villes qu’à la faveur de la Théocratie, & il étoit alors tempéré par la loi. »

« Je ne veux point quitter Rabat sans parler de Lelé toto. Or donc Lelé-toto est une Sainte âgée d’environ dix sept ans, bien faite, assés jolie, de plus folle & imbécille, & elle possède ces deux dernières qualités dans la juste mesure qui procure ici la béatification: Elle habite les bords du fleuve, & les plus dévots a son culte sont une troupe de jeunes garçons entre douze & quatorze ans, qui je la quitent guère: Ils sont très soigneux à la servir, & sur-tout à la déshabiller lorsqu’elle se met nue pour le bain. Lelé-toto est parfaitement instruite, dit beaucoup de choses libres, & les appelle par leur nom: Et les bons Musulmans qui voyent & entendent ces indécences, ne manquent jamais l’occasion d’en faire une oraison à la plus grande gloire de Dieu. »

« Le vrai courage est peut-être la pierre philosophale des perfections de l’ame. Et par vrai courage j’entends celui qui ne nous abondonneroit ni dans les douleurs aigues des opérations chirurgicales, ni dans les langueurs d’une maladie chronique, ni dans les revers de la fortune, ni dans les peines cuisantes de l’ame.
Or, je dois dire que ces mêmes Maures, doués d’un si petit nombre de vertus morales, ont cependant une partie de ce courage dont je viens de parler. S’ils sont malades ils attendent sans se plaindre la mort ou la guérison. S’ils sont ruinés ils conservent la même contenance sous leur vêtement grossier qu’ils avoient dans leur haik du Tafilet. Pendant le bombardement point de hâte, point de mouvemens précipités, personne ne cherche, personne n’évite le danger. (…) L’on me dira peut-être que c’est apathie, mais cela ne peut être, car les Maures sont vifs dans leurs passions, dans leur parler & dans leurs mouvemens. C’est donc la croyance à la prédestination ? Non plus, car pour peu que l’on aye fréquenté les Musulmans, l’on sait qu’ils ont toujours cette profession de foy à la bouche, mais qu’ils ne s’en remettent à la Providence pour aucune des actions de leur vie. Ce sont donc les vertus stoïques ? Encore moins, car les Maures ont très peu de vertus: Mais si je dois en dire mon sentiment, c’est que leur éducation & leur vie est simple; & je crois que cette soumission à la nécessité, est très commune dans l’état de simplicité, tandis qu’au contraire elle est si rare dans l’état de prétention, que Jean-Jacques à cru devoir bâtir une éducation tout exprès pour y accoutumer son élève. Mais c’est que dans l’état de prétention, chacun est toujours occupé du moi, se croit l’objet de l’attention universelle, s’imagine que ce moi à une destinée unique, que ce sont des choses qui n’arrivent qu’à moi, & ce moi l’objet de tant de soins et d’attentions, devient nécessairement douillet & ne peut plus supporter les véritables malheurs qui peuvent lui arriver. »

« Parlez a chaque homme avide de biens ou de gloire. Il compte se reposer lorsqu’il aura exécuté tel ou tel projet. Parlez à l’ami des sciences, et vous verrez qu’il ne désire que la continuation de ces loisirs studieux, il en sera de même de l’agriculteur, ce qui paroît indiquer la jouissance d’un bonheur plus réel. Mais chacun à un bonheur différent de celui des autres; le bonheur de l’ambition consiste à n’être jamais content, et comme disoit le Dervisch Saadi, les yeux de l’ambition ne peuvent se fermer qu’avec de la terre.
Ce Dervisch Saadi a toujours été le philosophe selon mon cœur.  »

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Ma deuxième peinture fluide, toujours sur papier de canne 24 x 32 cm. Cette fois je me suis inspirée à la fois de l’acrylic pouring (cf note précédente) et du pointillisme australien. Un détail :

peinture 2 detail 2-min*

Le bel été – avec l’enseignement du don Juan de Castaneda

au lever-min,Ce matin au lever, photo Alina Reyes

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J’ai fait les soldes dans les boutiques pour gamines, parce que c’est là que je trouve des choses à mon goût et à ma taille. J’ai pris deux micro-shorts en coton pour la maison, par temps de canicule c’est bon et cela me donne l’occasion de continuer à bien aimer mes lignes.

J’ai acheté ma première liseuse et j’en suis très très contente. J’ai lu des heures durant, quand on a envie de se reposer c’est génial aussi. J’ai d’abord lu un roman qui se trouvait déjà dans la liseuse, Orages d’Estelle Tharreau. Un roman sans prétentions publié chez un éditeur improbable (Taurnada), mais justement c’est intéressant, plus intéressant que la production des romanciers à la mode avec leur art plus que jamais épate-bourgeois, et finalement malgré son espèce d’amateurisme il en reste quelque chose, la vision discrètement hallucinée de son auteure et une frustration à la fin bâclée qui disent quelque chose de profond.

Puis j’ai téléchargé d’autres textes de mon choix, et je suis en train de lire Le voyage à Ixtlan de Carlos Castaneda. Bizarrement malgré mon adolescence de hippie des années 70 je n’avais jamais lu cet auteur. En fait non, pas si curieusement : il était trop à la mode pour me donner envie d’aller voir. J’ai toujours été dandy dans l’esprit :-) Bref, maintenant c’est le bon moment pour y aller, et j’y suis allée. Son don Juan, le vieil Amérindien à qui il lui a demandé de lui enseigner les plantes, est aussi un personnage des plus dandys dans l’esprit. Et j’admire qu’il s’appelle don Juan, comme le personnage littéraire, avec qui, selon ma lecture du personnage de Molière, il partage un haut degré de dandysme. « Les gens ne se rendent pas compte qu’ils peuvent abandonner n’importe quand n’importe quoi dans leur vie, simplement comme ça, dit-il en claquant des doigts »

(…) « Il faut, entre autre choses, que tu effaces ta propre-histoire » (…) « En premier lieu il faut avoir envie de la laisser tomber, et alors il faut harmonieusement, petit à petit, la trancher de soi. » (N’ai-je pas moi-même écrit au début de mon premier livre « la tranche tomba sur le billot »?)

Dans sa préface, Castaneda résume l’enseignement de don Juan, selon qui pour apprendre quelque chose il faut « stopper le monde ». « Une fois le monde « stoppé », l’étape suivante était « voir ». Castaneda a du mal à comprendre pourquoi don Juan se comporte aussi bizarrement et lui en fait voir de toutes les couleurs au lieu de lui enseigner les plantes, comme il le lui a demandé. La vieille sauvage que je suis sourit : en fait, quel magnifique enseignant, ce vieux sorcier. Il est bel et bien en train de lui enseigner les plantes, et j’ignore comment se poursuit le livre mais je sais que dans la vie, l’étape suivante, c’est apprendre les cailloux.

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Musée de Minéralogie de l’École des Mines

Plus je contemple les pierres, plus je me sens proche d’elles. Et à vrai dire elles sont plus proches de nous que notre veine jugulaire, puisqu’elles nous constituent, se trouvent dans notre cerveau, dans notre corps, notre sang. Elles sont notre début du monde, notre début au monde. L’ange roule la pierre et l’humain sort de la dernière caverne, vivant, de nouveau, rénové – « et l’islam sortit avec le Christ », comme je l’ai écrit d’une façon autrement imagée.

Après les minéraux du Muséum puis ceux de la Sorbonne (cf deux notes précédentes), je suis donc allée revoir (j’y étais déjà allée il y a une vingtaine d’années) ceux de l’École des Mines. Parée pour l’occasion de tous mes bijoux à pierres et minéraux – aventurine, pierre de lune, hématite, améthyste, nacre, argent, or, tourmaline, amazonite…

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Pour arriver au musée, il faut entrer dans l’école, longer la bibliothèque (scientifique évidemment). J’en ai profité pour y entrer, elle est très belle :

mineralogie ecole des mines 1 bibliotheque-min

L’escalier qui mène au musée est très beau aussi :

mineralogie ecole des mines 2-minTout orné de peintures de montagnes de France et du monde, dont celles de chez moi :

mineralogie ecole des mines 3-min

La salle d'entrée du musée

La salle d’entrée du musée

Calcite. Des milliers de pierres sont exposées dans les vitrines éclairées par la lumière du jardin sur lequel donnent les fenêtres ouvertes en cette belle journée

Calcite. Des milliers de pierres sont exposées dans les vitrines éclairées par la lumière du jardin sur lequel donnent les fenêtres ouvertes en cette belle journée

Hématite

Hématite

Spodumene

Spodumène

Pegmatite

Pegmatite

Aragonite

Aragonite

Opale

Opale

mineralogie ecole des mines 11-min

mineralogie ecole des mines 12-min

mineralogie ecole des mines 13-min

mineralogie ecole des mines 14-min

Opale

Opale

Opale

Opale

Quartz et calcite. Pour les autres images, j'ai essayé d'éviter les reflets, mais là j'ai trouvé que cela faisait un tableau à la Magritte

Quartz et calcite. Pour les autres images, j’ai essayé d’éviter les reflets, mais là j’ai trouvé que cela faisait un tableau à la Magritte

Pricéite

Pricéite

mineralogie ecole des mines 19-min

mineralogie ecole des mines 20-min

mineralogie ecole des mines 21-min

mineralogie ecole des mines 22-min

Tourmaline. Celle-ci vient de New York. Elle est semblable à la pierre noire que m'a rapportée O, enchâssée dans ce qui semble être une pegmatite grise, mais je suis étonnée qu'il l'ait trouvée en baie de Somme alors qu'on les trouve plutôt dans les régions granitiques - en France Bretagne, Massif Central et autres montagnes

Tourmaline. Celle-ci vient de New York. Elle est semblable à la pierre noire que m’a rapportée O, enchâssée dans ce qui semble être une pegmatite grise, mais je suis étonnée qu’il l’ait trouvée dans la Somme alors qu’on les trouve plutôt dans les régions granitiques – en France Bretagne, Massif Central et autres montagnes

Pyrite avec quartz

Pyrite avec quartz

Chalcopyrite (cuivre)

Chalcopyrite (cuivre)

Obsidienne

Obsidienne

Il n'y a pas que les os de dinosaures que le long temps transforme en pierre (cf note précédente), les arbres aussi

Il n’y a pas que les os de dinosaures que le long temps transforme en pierre (cf note d’avant-hier, au Museum), les arbres aussi

Ammonite

Ammonite

Granite

Granite orbiculaire

Après beaucoup de temps passé dans ce merveilleux musée, je suis allée au jardin du Luxembourg, à deux pas,

mineralogie ecole des mines 30 jardin du luxembourg-minje m’y suis assise et j’ai lu, du début à la fin sans lever un instant les yeux du texte, cette pépite trouvée hier chez Sillage, éditeur-libraire-bouquiniste, et dont je donnerai bientôt un extrait :

mineralogie ecole des mines 31 lire au luxembourg-minHier à Paris 6e, photos Alina Reyes

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