Nâzim Hikmet, « Légende des légendes »

L’été, le temps, la vie… Je suis en ville, mais quand je m’étends sur mon lit je m’imagine au bord de l’eau, dans la nature…

*

Nous sommes au bord de l’eau,

le platane et moi.

Notre image apparaît dans l’eau,

le platane et moi.

Le reflet de l’eau nous effleure,

le platane et moi.

 
Nous sommes au bord de l’eau,

le platane, moi et puis le chat.

Notre image apparaît dans l’eau :

le platane, moi et puis le chat.

Le reflet de l’eau nous effleure,

le platane, moi, et puis le chat.

 
Nous sommes au bord de l’eau,

le platane, moi, le chat et puis le soleil.

Notre image apparaît dans l’eau,

le platane, moi, le chat et puis le soleil.

Le reflet de l’eau nous effleure,

le platane, moi, le chat et puis le soleil.

 
Nous sommes au bord de l’eau,

le platane, moi, le chat, le soleil, et puis notre vie.

Notre image apparaît dans l’eau :

le platane, moi, le chat, le soleil et puis notre vie.

Le reflet de l’eau nous effleure,

le platane, moi, le chat, le soleil et puis notre vie.

 
Nous sommes au bord de l’eau,

Le chat s’en ira le premier,

dans l’eau se perdra son image.

Et puis je m’en irai, moi,

dans l’eau se perdra mon image.

Et puis s’en ira le platane ;

dans l’eau se perdra son image.

Et puis l’eau s’en ira,

le soleil restera,

puis à son tour il s’en ira.

 
Nous sommes au bord de l’eau

le platane, moi, le chat, le soleil et puis notre vie.

L’eau est fraîche,

le platane est immense,

moi j’écris des vers,

le chat somnole,

nous vivons Dieu merci,

le reflet de l’eau nous effleure,

le platane, moi, le chat, le soleil et puis notre vie.

 
Nâzim Hikmet, Légende des légendes (traduit du turc par Munevver Andac et Guzine Dino)

« Peuple », par Iannis Ritsos, mis en musique par Théodorakis, chanté par Maria Farantouri (et ma traduction)


 

Petit peuple, qui combat sans épée ni balles

Pour du monde entier le pain, la lumière et le chant

Gardant en sa langue ses plaintes et ses vivats

S’il les chante, les pierres se fendent.

*

Un poème écrit en prison

OXI : encore non à la dictature

 

Ce chant de Théodorakis, sur des paroles d’Odysseas Elytis, je l’écoute et le chante depuis mes quinze ans. Après la dictature des colonels, la Grèce continue de lutter pour la démocratie, et c’est beau. Comme cette autre stature géante, Maïakovski, Théodorakis accompagne l’histoire en marche. Le dieu de la musique et de la poésie est du côté de la lumière.

 

Justice intelligible ô soleil mental
Et toi fervent myrte de la gloire
non je vous en supplie non
ah n’oubliez pas ma patrie!

Aquilin son profil est fait de monts altiers
de volcans aux flancs de vignes striés
de maisons plus blanches d’être
au voisinage du ciel bleu !

(…)

Mes mains irritées des orties de la Foudre
je les replonge en arrière du Temps
j’appelle aux anciens amis
armés de terreurs et de sang !
Odysseus Elytis, Axion Esti, Gallimard, 1996,  trad. par Xavier Bordes et Robert Longuevil

Walt Whitman, « Chant de la grand route » 8 in « Feuilles d’herbe » (ma traduction)

WaltWhitman-Camden1891

Walt Whitman à Camden en 1891

*

L’efflux de l’âme est bonheur, ici est le bonheur,

Je crois qu’il imprègne l’air, en attente toujours,

Maintenant il coule en nous, bien chargés.

 

Ici s’élève le fluide et attachant caractère,

Le fluide et attachant caractère, fraîcheur et douceur de l’homme et de la femme,

(Les herbes du matin ne poussent pas plus fraîches ni plus douces chaque jour de leurs racines qu’il ne pousse continuellement, frais et doux, de lui-même.)

Vers le fluide et attachant caractère exsude la sueur de l’amour des jeunes et des vieux,

De lui tombe, distillé, le charme qui se moque de la beauté et de la réussite,

Vers lui se soulève le frémissant, languissant désir de contact.