Le sonneil rêve

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« Le sonneil a rêvé ». Je repense à ce lapsus que je fis un jour en lisant deux phrases de Walter Benjamin, l’une située vers le début de son article sur le surréalisme, l’autre à la fin :

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Quand vers le matin il s’allonge pour dormir, Saint-Pol Roux accroche à sa porte un écriteau : « Le poète travaille ».

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Un par un, ils échangent leurs mimiques contre le cadran d’un réveil qui sonne chaque minute pendant soixante secondes.

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Le fait est que les poètes, les yeux fermés aussi bien qu’ouverts, écoutent à chaque instant le réveil qui sonne, le sonneil qui rêve.

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Dans le même article (in Œuvres II, Folio Essais), Benjamin dit aussi :

Aucun visage n’est aussi surréaliste que le vrai visage d’une ville. Aucun tableau de Chirico ou de Max Ernst ne saurait rivaliser avec l’épure précise de sa forteresse intérieure.

cab,aujourd’hui sous la pluie à Paris 5e, photos Alina Reyes

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Élucidation d’Arthur Gordon Pym d’Edgar Allan Poe

Place Clichy, dimanche 13 août à 8 h du matin, photo Alina Reyes

Place Clichy, dimanche 13 août à 8 h du matin, photo Alina Reyes

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J’ai la joie d’annoncer, alors que j’entends les cloches de l’église sonner, me rappelant que nous sommes le 15 août, fête de l’Assomption, que ce matin à 8 h 57 j’ai élucidé, dans une soudaine illumination, les énigmes du roman The Narrative of Arthur Gordon Pym, sens cherché avant moi, avec beaucoup de talent, successivement par Marie Bonaparte, Gaston Bachelard, Jean Ricardou, l’une et les autres ayant émis diverses hypothèses non inintéressantes mais non concluantes. Or la chose est d’une simplicité adorable, géniale ! Borges non plus ne l’a pas comprise. J’y ai beaucoup songé ces derniers jours en lisant Poe, entre autres, et même ces dernières nuits en rêvant, et comme mes prédécesseurs je voyais des pistes intéressantes, mais pas l’arrivée, le sommet. Or ça y est, j’y suis ! Je ne peux le dire ici tout de suite, car il faut que j’accompagne ma démonstration de beaucoup d’éléments, pour montrer sa beauté et la rendre plus savoureuse, il me faut maintenant prendre le temps de faire cela – et je vais continuer à collecter d’autres éléments avant de le faire. Simplement je l’annonce comme, enceinte, on annonce le bébé à naître, même s’il reste encore invisible. Et une telle annonce, dans les âmes bien nées, apporte toujours une grande joie.

Mes autres notes sur ce roman, à suivre : En lisant Arthur Gordon Pym

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Substance du jour : couleurs du jour, avec Gilbert Durand et Paris

« Le rêve devant la palette ou devant l’encrier est un rêve de substance, et Bachelard note des rêveries dans lesquelles les substances communes : vin, pain, lait, se transforment directement en couleurs. (…) [à propos des manteaux colorés de diverses déesses] : Dans tous ces cas l’archétype de la couleur apparaît comme étroitement associé à la technologie du tissage, dont nous retrouverons également l’euphémisation à propos du rouet qui valorise positivement la fileuse. Constatons pour l’instant que la couleur apparaît dans sa diversité et sa richesse, comme l’image des richesses substantielles, et dans ses nuances infinies comme promesse d’inépuisables ressources. » Gilbert Durand, Les structures anthropologiques de l’imaginaire

En allant chercher à la bibliothèque Jean-Pierre Melville, à Tolbiac, cet ouvrage précieux qui fut longtemps l’un de ceux qui étaient constamment sur ma table (et qui en est à sa onzième édition bien que ce qui fut sa thèse avant d’être un livre soit peu appréciée de beaucoup d’universitaires – sans doute trop originale), j’ai pris quelques images de la ville en couleurs – sans rephotographier les fresques que j’ai déjà photographiées dans ce quartier du 13e.

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rue 1 tigre

rue 2 camion

rue 3 mort

rue 4 colonne dronne

rue 5 boucherie

rue 6 camion

rue 7 fresque

rue 8 maison blanche

rue 9 yeux

rue 10 mur

rue 11 vert bleu

rue 12 vegetalisation

Aujourd’hui à Paris 13e, photos Alina Reyes. La dernière est celle d’un espace végétalisé par les gens dans la rue, comme on en voit de plus en plus, celui-ci ayant la particularité d’être très décoré et coloré

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Bonheurs du jour

Les dizaines et dizaines de pages de ma thèse, qui commencent à faire des centaines, s’avancent par bataillons vers leur bonheur. La philosophie ambiante est d’arriver à se payer des palaces, la mienne est d’élever gratuitement des palais avec et pour toute l’humanité. Le bonheur de l’écrire et celui de penser à mon futur travail de professeur me font marcher en apesanteur dans la ville. J’ai atteint mon corps de gloire.

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rue café

rue crocos rue foetus

rue jo ber

rue licorne

rue oreille rue pin up

rue pipo

rue yeux rue zone sur écoute

aujourd’hui à Paris 5e, photos Alina Reyes

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Mur écrit, mariage pompier, Lézarts à la librairie, doigt escargot etc.

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mur écrit

mariage pompier

lézarts librairie

doigt coquille

hier et aujourd’hui à Paris 13e et 5e, photos Alina Reyes

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tandis que ma thèse, avec son cortège de chants, avance comme une reine, se rassemblant comme par miracle, remplissant mes journées de joie de l’aube au soir

(et que je dois m’obliger à me lever de ma sainte table pour sortir, manger, et faire deux ou trois autres bonnes choses)

(ce qui est long c’est de faire les notes de bas de page etc.)

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Paysanne de Paris (de rues en brocante)

« Là où l’homme a vécu commence la légende, là où il vit. » Aragon, Le Paysan de Paris

Comme une paysanne, je récolte et je sème, je sème et je récolte la poésie ; je recueille et je redistribue la grâce. J’étais dans le 67, en route pour l’une des rencontres sur le surréalisme qui ont lieu chaque mois à la Halle Saint Pierre, à Montmartre. Mais le bus s’est arrêté à l’Institut du monde arabe : la Gay Pride arrivant, il n’allait pas plus loin. Ayant déjà photographié ce défilé à plusieurs reprises, et n’ayant pas envie de descendre dans le métro pour encore un long trajet, j’ai changé de destination, décidé de rentrer en faisant une balade surréaliste comme je les aime. À la rencontre du « merveilleux quotidien » et de « l’image pour elle-même », j’ai fait quelques photos depuis le pont, dans les rues et sur la place Monge où se tenait une brocante. Les voici.

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paysanne de paris 1

paysanne de paris 2

paysanne de paris 3

paysanne de paris 4

paysanne de paris 5

paysanne de paris 6

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paysanne de paris 8rue Rollin

paysanne de paris 9

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paysanne de paris 12des livres et une peinture à l’huile à prendre ; j’ai pris la peinture

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paysanne de paris 19et voici la brocante

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paysanne de paris 34aujourd’hui à Paris 5e, photos Alina Reyes

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Archéologie de la rue, et de la Révolution

livres*

J’ai trouvé de vieux livres dans la rue, déposés soigneusement à côté d’une poubelle publique. Comme je venais de rapporter des livres à la bibliothèque, j’en ai pris deux que j’ai mis dans mon sac à dos vide. Voici un passage de la conclusion des Origines intellectuelles de la Révolution française, par Daniel Mornet. J’ai dû couper les pages au coupe-papier pour les lire, le livre, depuis cette réédition, la cinquième, de 1954, n’ayant pas été jusqu’ici ouvert.

« Quelle que soit d’ailleurs la diffusion de l’incrédulité et de l’inquiétude politique, elle nous apparaît moins importante qu’une évolution plus générale et plus certaine de l’opinion. La France tout entière se met à penser. À d’autres époques, au XVIe siècle par exemple, on peut aligner d’assez longues listes d’ouvrages tout pénétrés d’incrédulité ou d’audaces politiques. Mais ils ne peuvent intéresser qu’une élite assez restreinte. Dans son ensemble, la France se contente de lutter péniblement pour sa vie. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, au contraire, c’est la France moderne qui s’organise, c’est -à-dire un peuple qui ne veut plus se contenter de vivre mais qui veut apprendre et réfléchir. Partout les témoignages les plus certains de cette transformation se multiplient. Non seulement les témoignages indirects, le nombre croissant des ouvrages de discussion et leur succès, les exemples et les faits donnés par les mémoires, les correspondances, etc… ; mais aussi toutes sortes de témoignages directs : transformation de l’enseignement, académies provinciales, sociétés littéraires, chambres de lecture, bibliothèques, journaux provinciaux. La qualité de ces curiosités importe d’ailleurs autant que leur quantité. (…) Les curiosités viennent de mille sources, se répandent par mille canaux. (…) Ce qui les intéresse c’est, sans doute, très souvent la « philosophie », mais la philosophie telle qu’ils la concevaient et non telle que Taine l’a déformée, c’est-à-dire l’amour de la science, le désir d’apprendre et de réfléchir, de réfléchir non pas seulement sur les droits de la nature et sur le « contrat », mais sur toutes les sciences, sur toute la nature,, sur toute la vie. On voulait apprendre la géographie, les langues étrangères, la physique, la chimie, l’histoire naturelle et non pas seulement le déisme et le républicanisme. Le plus souvent on réclamait non pas des « systèmes » – presque tout le siècle, à partir de 1750, est dressé contre les systèmes – non pas des lois de l’esprit, mais des réalités, des lois expérimentales, des connaissances « pratiques » et « usageables ». (…)

Cet éveil si vaste, si actif, si ardent de l’intelligence n’a pas été limité à Paris ou à quelques grandes villes. Il a été celui de toute la France (…) À la veille de la Révolution, il y a partout des « têtes pensantes » ou qui, du moins, désirent penser. Et c’est une des raisons pour lesquelles la Révolution n’a pas été le coup de force d’une capitale traînant après elle un pays apeuré ou passif, mais l’aspiration d’un pays tout entier. (…)

C’est l’intelligence qui a dégagé, organisé les conséquences, voulu peu à peu les États généraux. Et des États généraux, sans d’ailleurs que l’intelligence s’en soit doutée, allait sortir la Révolution. »

Daniel Mornet, professeur de Littérature française à la Sorbonne, 1933

Le livre est disponible gratuitement sous forme électronique ici

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à la rue

chaise

cerveauces jours-ci dans les rues de Paris, photos Alina Reyes

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