Participants

hier à Paris, photo Alina Reyes

 

Le nombre de nos dents équivaut sensiblement à celui des lettres de nos alphabets. Sourire c’est tout dire !

Dieu sait ce qui est tissé dans chaque cœur. Ce voile que chaque homme fabrique tout au long de sa vie, c’est celui qui l’enveloppe à l’heure de sa mort. Sa mort d’ici et maintenant, d’à chaque instant de son existence. Et la grande mort qui l’attend, ailleurs et en un autre temps.
Ce voile dans le cœur est la peau qu’il lui faut purifier, pour pouvoir entrer au Jardin bienheureux.

« Il n’est d’autre dieu que Dieu » signifie : il n’est rien d’autre que la Vie.

L’odeur de la mort donne envie de vomir, sauf aux hyènes, aux yeux purulents et au corps subreptice.

« Louange à Dieu » signifie : louange à la Vie, souveraine des mondes, c’est elle seule que nous adorons, elle dont la logique régit tout, elle qui seule donne le salut et fait de l’homme un homme devant Dieu.

 

Que le temps des prophètes ait pris fin selon les juifs au troisième siècle avant notre ère, que Jean-Baptiste soit pour les chrétiens le dernier prophète, que Mohammed soit pour les musulmans le sceau des prophètes, ne signifie pas qu’il n’y a plus de prophètes après eux, grands ou petits. Gandhi par exemple fut un grand prophète. Cela signifie que pour ce qui est du judaïsme la prophétie est achevée au troisième siècle avant Jésus-Christ ; que dans l’événement du christianisme c’est après Jean-Baptiste que tout, en le Messie, est annoncé ; que dans l’islam Mohammed récapitulant dans une autre dimension les prophéties antérieures à lui accomplit l’absolu de la prophétie.

Que Jésus soit le « Fils de l’Homme » selon lui-même, le « Fils de Dieu » selon les chrétiens, le « Sceau de la Sainteté » selon l’islam, ne signifie pas que Dieu ait eu un enfant comme l’homme peut en avoir, mais que son être est l’absolu de l’homme en Dieu. Et c’est pourquoi l’islam comme le christianisme sait qu’il doit revenir à l’accomplissement des temps, pour lesquels le judaïsme aussi attend le Messie. Cet accomplissement des temps où l’Homme sera parvenu à sa maturité.

Aux hommes d’opérer les déplacements nécessaires pour voir Dieu dans les diffractements, les langues de sa Langue. Chacune de ses annonces et de ses manifestations à travers le temps a sa logique et son sens, chacune est liée aux autres et œuvre pour l’accomplissement de l’Homme dans ses diverses dimensions. Participons, c’est magnifique.

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Qu’est-ce que l’Homme ?

image Alina Reyes

 

Mohammed comme Jean-Baptiste comme Marie, reçoit Dieu par l’esprit en amont, le fait advenir au monde dans l’eau de la parole, le voit venir et partir en aval, infiniment plus grand que lui dans le temps et l’espace.

Sens de l’incarnation : Dieu agit parmi les hommes. Comme par la main de Moïse tendue sur la mer sauvant son peuple, comme par Jésus, “sceau de la sainteté”, dans son être renouvelant l’être, comme par Mohammed, “sceau de la prophétie”, Il est en un Livre descendu. Cri du Prophète dans le désert, qui l’a manifesté au monde dans un Livre à partir duquel s’incarne un autre homme, le musulman.

L’homme ne peut pas vivre sans religion. Qu’est-ce que l’homme ? Le face-à-Dieu. L’homme irreligieux, incroyant, vit dans un réseau serré de fausses religions et de fausses croyances. Les fausses religions et les fausses croyances sont celles qui ne se reconnaissent pas comme telles. Elles emprisonnent, paralysent et tuent l’être à la racine, du fait que ce à quoi il croit en croyant ne pas croire n’accède pas pour lui au statut relevé et libérateur de croyance mais le cerne et le possède en tant que réalité. L’être ainsi aveuglé, étouffé, fossilisé, ne peut qu’enregistrer toujours plus de fausses croyances, de fausses connaissances qui resserrent autour de lui le mortel maillage.

Le vrai croyant des vraies religions, des religions et croyances déclarées comme telles, c’est-à-dire ouvrant l’accès à la Vérité, qui ne se trouve pas en elles mais au-delà d’elles, est un être très rare. Le croyant est presque toujours très grandement contaminé par l’homme du monde en lui, le croyant non reconnu des croyances non reconnues, l’idolâtre. De plus, il est souvent empêché, par lui-même et par les pouvoirs religieux qui veulent toujours asseoir leur pouvoir temporel, de reconnaître que sa croyance est une croyance, le reflet ou l’ombre de la Vérité et non la Vérité elle-même, si bien qu’il pratique sa vraie religion comme une idolâtrie.

La solution de libération de l’homme n’est pas de vouloir abolir les religions, ce qui ne fait et ne ferait qu’étendre encore l’empire des idolâtries, mais d’apprendre et de savoir entrer dans la Vérité par la porte, non seulement de sa propre religion, mais de toute vraie religion. Il ne s’agit de rien de moins que de partir à la découverte d’un Nouveau Nouveau Monde.

Il ne s’agit pas de savoir qui détient la vérité, mais de comprendre que Dieu a donné sa même et unique vérité à chacun, sous des formes différentes, des langages qu’il nous appartient de découvrir et de comprendre, afin de pouvoir, par eux, remonter à la Source, en multiples affluents que nous sommes d’une même eau. La vérité de Dieu est en chaque homme et chaque élément de sa création, il ne peut en être autrement. Savoir cela et en tirer les bonnes conséquences, voilà ce qu’est croire en Dieu, le connaître, cheminer en lui.

 

(in Voyage)

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Anaximandre et le Coran

photo Alina Reyes

 

J’étudie le verset 22 de la sourate 21, je regarde plusieurs traductions. Dans la première cela donne : « S’il y avait dans le ciel et la terre des divinités autres qu’Allah, tous deux seraient certes dans le désordre. » Dans une autre (Tawhid) : « … la marche de ces derniers aurait été gravement compromise. » Une autre (Kasimirski) : « … ils auraient déjà péri. » Une autre (Chouraki) : « … seraient anéantis. »  Or ce que je comprends, c’est que le sens profond est : ils seraient corrompus. Afin de m’assurer de ne pas faire d’erreur, je cherche le verbe arabe dans le dictionnaire et je trouve : son premier sens est bel et bien : « être gâté, corrompu ».

Ah je suis en joie, je vois tout si clairement, le texte est si juste et rejoint si bien ce que j’ai déjà vu en traduisant des passages de la Bible ! Ce qui se trouvait caché dans la Bible est dans le Coran révélé. Et cette révélation est en elle-même une nouvelle cache pour elle-même, en même temps qu’une exposition du passage à cette autre dimension qui est comme la matière noire de la Bible.

En attendant de revenir commenter cette sourate, cette affaire de « corruption » me rappelle la parole d’Anaximandre, l’un  des tout premiers philosophes, né en 610 avant Jésus-Christ, qu’un jour je traduisis ainsi :

De cela précisément où les vivants ont leur source, en cela aussi leur dissolution se produit, selon la promesse. Ils se donnent en effet les uns les autres règle et prix du déréglé selon l’ordre du temps.

Traduction qui a son originalité, mais qui puise au dictionnaire, rien d’autre.

Je vois dans ces deux phrases une genèse du fini à partir de l’infini – cet apeiron dont Anaximandre disait qu’il était l’élément premier du vivant-, du multiple à partir de l’Un. Nous passons d’une source aux vivants. D’un non-nommé (cela) à un déroulement de mots en phrases.

Le premier mot est ex, qui indique une sortie, les derniers chronou taxin, ordre du temps. Dans la sortie de l’infini, le déréglé entre avec le réglé dans l’ordre du temps : la mission des vivants est de s’harmoniser les uns les autres de sorte à donner un juste prix à leur condition, ce qui revient à l’assumer.

Selon la promesse, selon l’ordre du temps. Le mot kata, pour dire selon, indique une descente. La promesse, l’ordre du temps viennent d’en-haut, de la source. Il s’agit d’une promesse parce qu’elle est contenue en puissance dans cela d’où est la source. Regardons vers la Genèse – après tout le mot traduit ici par source est genesis – et voyons ce « cela » d’en-haut, un cela au pluriel dans le texte, un cela unique mais contenant sa puralité, comme ce que les premiers versets de la Bible nomment « les eaux d’en-haut ». Le Logos universel autorise de tels rapprochements, même si l’oreille d’Anaximandre n’a jamais entendu la bouche de Moïse, ni l’oreille de Moïse la bouche d’Anaximandre. Le Logos l’autorise, précisément parce qu’ils se donnent les uns les autres règle et justice, et prix, en rachetant le faux par les liens et les avancées de la pensée, qui ainsi s’épure et progressivement, de la multiplicité des vivants, des êtres-étants, des logos atteignent leur source, l’unique Vérité, le Logos sorti par ex-tase de l’infini sans nom, ce « cela » en lequel les mystiques de tous horizons reconnaissent Dieu.

Et la dissolution est communion, des êtres en l’Être, de l’être en l’Être :

« Tout cessa, je cédai,

délaissant mon souci,

parmi les fleurs de lis oublié. »

Saint Jean de la Croix

Faites l’expérience de lire à partir de la fin ces deux phrases d’Anaximandre, en remontant jusqu’au premier mot, vous y êtes.

Selon l’ordre du temps, règle et prix du déréglé, les uns les autres se donnent en effet. Selon la promesse leur dissolution se produit, en cela aussi où les vivants ont leur source, précisément, de cela.

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Qu’est-ce que la Palestine ?

Pêcheurs gazaouis en train de démêler leurs filets, photo Erica Silverman/IRIN

 

Qui noie le poisson ne le mangera pas.

Qu’est-ce que « le peuple palestinien » ? C’est une question sérieuse. Il faudrait commencer par là, si l’on veut donner la Palestine au « peuple palestinien ».

Voici quels sont les peuples palestiniens, dans l’ordre de leur apparition dans l’histoire : Cananéens, Israélites, Babyloniens, Perses, Grecs, Romains, Chrétiens, Byzantins, Arabes, Britanniques… Et maintenant y vivent des Juifs (il y en a depuis plus de 3000 ans), des Chrétiens (il y en a depuis 2000 ans), des Musulmans (il y en a depuis plus de 1300 ans). Jamais ces terres n’ont été la propriété exclusive de l’un ou l’autre peuple. Voilà ce que sont les Palestiniens, voilà ce qu’est le peuple palestinien, même s’il est aujourd’hui divisé. Un mélange de peuples. Ceux qui veulent la terre pour eux seuls, qu’ils soient Juifs ou Musulmans, sont dans leur tort. Nul n’a à y dominer. Il faut parvenir à une cohabitation, parce que c’est la seule solution juste. La Palestine, c’est dans le combat spirituel que nous pouvons la trouver, et l’accomplir.

Je suis la musulmane immodérée
Je me lève à la source du jour
bondissant à l’appel abouchée
au point d’eau je bois plus qu’à mon tour
la joie qui doucement descend, lumière
pure au cœur des assoiffés de Dieu
Je sens dans l’univers éclore l’ère
où le peuple des astres aura les yeux
retournés vers notre unique lieu.

Aucune religion, du moins tant qu’elle n’est pas récupérée ni défigurée, ne peut être la religion des riches et des puissants. Dieu aime les pauvres, les humbles, ceux qui sont en mesure de Le chercher, Lui le bonheur, la justice et la paix qui s’obtiennent autrement que par la guerre, l’argent ou le pouvoir, lesquels ne donnent rien de vrai, ceux qui sont en mesure de Le trouver, de trouver tout cela que d’autres ne peuvent même pas voir. Dans l’islam c’est si direct, la mosquée est le paradis, et la mosquée est partout, visible ou invisible.

À la mosquée je suis à la maison. Dans l’univers entier, et en tout point de l’univers, je suis à la mosquée.

L’amour est bon comme une petite maison
dans le corps.

Si on veut te rendre présentable, rends-toi impossible.

Un arbre (ou un penseur) tordu ne deviendra pas un arbre (ou un penseur) droit. Le travail du jardinier est de donner aux jeunes pousses les meilleures chances pour se développer harmonieusement, chacune selon son espèce.

Et un jardinier tordu ne peut tordre un arbre droit.

Armée des ombres, armées de l’ombre, leur guerre contre la vérité.

Ceux qui prennent dans l’idée de la guerre leur pied, qu’ils voient :

La mort est une barrière. Vivre derrière une barrière ce n’est pas être libre. Partez à la quête de l’ange !

La quête est le combat qui donne des ailes pour franchir les barrières.

Le contraire de la guerre qui tue est le combat de l’ange.

Le remède à la guerre n’est pas la paix, mais la grâce.

Au petit jour de la résurrection, vous mangerez le poisson de vos eaux,
ô mon petit peuple

ô gens des Livres que Dieu attend pour vous le partager.

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