Mona Chollet, Emmanuel Carrère et les « pervers narcissiques »

J’ai vu dans un magazine que Mona Chollet voulait appeler les pervers narcissiques de « parfaits enfants du patriarcat », ou quelque chose comme ça. En voilà une façon de les dédouaner, encore plus que l’appellation pervers narcissique. Elle qui accuse les hommes d’être toujours prêts à se dédouaner de leurs abus les y aide bien. Pas à une contradiction près, elle qui critique aussi le fait que les femmes aient trop tendance à se sentir fautives, quelques lignes d’interview plus loin s’accuse et s’en veut de se sentir parfois en concurrence avec des femmes. L’esprit de concurrence est certes à éviter mais enfin il arrive que des situations de concurrence se produisent, et pourquoi une femme ne pourrait-elle être parfois en concurrence avec des femmes ou avec des hommes, comme tout le monde ? Mona, y a encore du boulot, pour toi et pour tes lectrices. Beaucoup de boulot. Comme qui dirait qu’on n’a pas avancé depuis la Beauvoir et sa détestation des femmes et de la maternité. Certains féminismes tournent désespérément en rond, sans arriver à sortir du morne cercle des problèmes de leur « deuxième » sexe, ce cercle où des femmes, et des hommes, identifient les femmes aux regards et aux injonctions du patriarcat, ce qui se manifeste notamment dans des définitions d’elles-mêmes par la négative (« ni putes ni soumises », double négatif qui ne fait en rien un positif) ou l’image négative (sorcières, franc succès – sans doute identifier les femmes à des victimes considérées comme saintes ou quasi, sans souci de vérité historique, flatte-t-il mieux l’éternelle condition féminine que faire de femmes fortes, savantes, douées et puissantes, dont l’Histoire ne manque certes pas, des emblèmes de la féminité et des modèles pour la féminité). Mona Chollet récupère (habilement sans doute pour le grand public) nombre de thèses plus ou moins anciennes ou récentes, sans rien inventer. Or la première preuve de liberté serait d’inventer, non pas pour faire du neuf à tout prix, mais pour être soi et non une représentation sociale. Les livres de Mona Chollet sont trop ennuyeux à mon goût, je ne peux la lire, j’ai préféré la lecture – quoique faite rapidement – d’Alice Coffin, qui elle au moins a du nerf.

Pour en revenir aux « pervers narcissiques », je les appellerais plutôt, moi, des criminels. Les manipulateurs sont des criminels. Et quiconque manipule ou se laisse délibérément manipuler participe au crime. Je prépare quelque chose sur la question – à suivre. Dans le même magazine, L’Obs, feuilleté hier à la bibliothèque, j’ai lu la chronique d’Emmanuel Carrère sur les noms des djihadistes du 13 novembre. Il note que le nom « alias » de Salah Abdeslam, le nom qu’il s’est choisi, est Abou Abderrahman. Je signale, à lui et à qui ne connaît rien à l’arabe, que ce nom signifie Père Serviteur-miséricordieux – belle manipulation, beau nom de pervers narcissique pour un criminel. (Voir cela eût été un bon début pour cette chronique hebdomadaire du procès, Emmanuel. Un début qui aurait signifié quelque chose. Raté. Peut mieux faire une prochaine fois ? Il faudrait peut-être commencer par nettoyer ton miroir)

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Le sang des femmes assassinées. Avec des collages féministes, du street art et une peinture

"City, with a woman corpse, a subway and some rats". Acrylique sur papier et collage (de tickets de métro), 41x31 cm

« City, with a woman corpse, a subway and some rats ». Acrylique sur papier et collage (de tickets de métro), 41×31 cm

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à Paris ces jours-ci, photos Alina Reyes

« …le coquelicot dresse dans les champs sa fleur sauvage et frêle, résistante et singulière, que personne n’a plantée, dont la flamme parcourt les champs comme un message. » Marcel Proust, Jean Santeuil

Le coquelicot essaime des milliers de graines.

Manif des femmes et haïkus des goélands

8 mars 1-min

8 mars 2-min

8 mars 3-min

8 mars 4-min*

Dans toutes les révolutions, des statues, des têtes tombent. Ceux qui pleurnichent sur les cibles de la révolution féministe devraient se réjouir que ses guillotines ne soient que symboliques. Mettre à bas les abuseurs, d’une façon ou d’une autre, est nécessaire pour renverser la loi de leur caste.

 

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Que de goélands,

volant, criant sous la pluie !

La Seine est en crue.

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Sur le pont cet homme,

seul, avec des bouts de viande

qu’il jette aux oiseaux

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Rafales de vent.

Les humains s’envolent presque.

Bientôt le printemps.

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goeland-minCe 8 mars à Paris, photos Alina Reyes

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Maternité, bonheur et liberté

 

(Suite) Macron et Branco sont quasi-anagrammiques. Ces frères de classe sont de faux ennemis. Via Mimi Marchand, Piotr Pavlenski ou autres instruments de com, dont une langue viciée, ils usent de la même arme : la manipulation. Arme des inaccomplis, des enfants gâtés ou jamais assez regardés, se poussant au centre de l’attention pour occuper une place qu’ils estiment leur être due sans qu’ils aient à en produire une preuve réelle. Comportement emblématique de leur classe, fondée sur l’esprit de domination – esprit qui peut se retrouver aussi partout, au-delà des classes, à l’échelle de la famille. Esprit du secret de famille, précisément, culture des actes commis dans l’ombre, inavouables ou du moins inavoués, faussement justifiés par quelque « bonne raison » et ne visant en fait, sans jamais le reconnaître, qu’une satisfaction personnelle.

La mode est aux témoignages de jeunes femmes contre les inconvénients en tous genres de la maternité, présentée comme repoussante. Dans ce monde sinistre, je témoigne au contraire de maternités bienheureuses, tout imparfaites et chargées d’erreurs qu’elles aient été ou puissent être encore. Adolescente, je ne me voyais pas d’avenir : obligée de travailler tous les étés depuis l’âge de douze ans, et comprenant de plus en plus qu’il me serait impossible de faire des études supérieures (ma famille étant trop pauvre), ayant des rapports difficiles avec mes parents et surtout avec ma mère, j’avais décidé de ne pas avoir d’enfants. Et puis à dix-neuf ans, je me suis trouvée enceinte et j’ai accueilli le fait avec bonheur. Mes deux premiers fils sont nés alors que j’avais vingt puis vingt-quatre ans, les deux derniers alors que j’avais trente-huit puis quarante ans. Cette première maternité m’a sauvée du risque de dépression auquel je pouvais être exposée dans ma détresse sociale, et il en fut de même pour les suivantes, même si ma situation ne fut pas toujours aussi périlleuse. Mes enfants m’ont sauvée, me sauvent, mais aussi m’ont accompagnée dans ma vie de femme libre et d’artiste, par le don de vie qu’ils sont.

On emploie l’expression « donner la vie » mais il faudrait dire, davantage : « accueillir la vie ». Car nous ne donnons pas la vie, nous la recevons. Et ce qu’il faut aux parents, c’est apprendre à recevoir la vie que leur apporte leurs enfants. Ma mère disait couramment à ses enfants que c’était elle qui les avait faits. C’était faux : nous ne faisons pas nos enfants ; simplement, ils poussent dans notre corps, puis ils en sortent – mais nous ne sommes pas les auteur·e·s de la vie. Leur auteur est « au ciel », nous sommes poussière d’étoiles et nous ne sommes que des parents intermédiaires ; adoptifs en quelque sorte, si nous ne nous comportons pas comme leurs propriétaires. Elle me dit un jour combien elle appréciait son sentiment de toute-puissance, « de vie ou de mort », sur les nouveau-nés, si fragiles. Cette façon de concevoir la maternité me rappelle la vision d’épouvante qu’en avait Simone de Beauvoir, vision qui se retrouve aussi dans l’esprit de ces jeunes femmes qui témoignent contre la maternité dans certains médias ou sur les réseaux sociaux, notamment féministes. Vision qui témoigne d’une impossible émancipation des femmes, mais aussi de soi et des êtres humains en général, vus comme des objets : manipulables et à manipuler. C’est toute une conception du monde qui est à renverser, pour le sauver de la mort.

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Les vieux cons de Pinochet et de Videla font la morale

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Le pape, qui continue à protéger son n°3 au Vatican, chargé des finances, le cardinal George Pell qui a couvert une multitude de pédocrimes et est lui-même accusé d’abus sexuels sur de jeunes garçons, le pape qui a promu cet homme malgré tout cela et lui évite de se rendre en Australie faire face à la justice ;
le pape qui refuse de répondre aux associations espagnoles qui demandent l’ouverture des archives pour aider les ex-bébés volés par l’Église sous Franco et jusque dans les années 90 à retrouver leur mère qui les cherche aussi ;
le pape, alors que des lycées privés cathos français distribuent aux élèves des brochures criminalisant l’avortement et que la Pologne catho vote pour l’interdiction totale de l’avortement ;
et alors qu’une émanation de la Manif pour tous distribue des brochures puantes dans des écoles publiques en France ;
ce pape, donc, dénonce « une guerre mondiale contre le mariage » et accuse les manuels français de propager la « théorie du genre », parlant d’  « endoctrinement sournois » (une matière en laquelle il est roi) et de « colonisation intellectuelle » comparable à celle des Jeunesses hitlériennes (là aussi ce pape qui a laissé de si sombres souvenirs en Argentine, s’y connaît). Aussi bien NKM que NVB, femmes politiques de droite et de gauche, parmi tant d’autres récusent bien sûr son accusation à l’encontre des manuels français, mais le mal est fait. Comme toujours.

Regardant beaucoup de séries de différents pays européens, j’y note une présence significative de personnages, notamment féminins, soulagés et satisfaits de la mort de leur père – ou de leur mari, quand c’est aussi un vieux con qui a empesté leur existence. Vivement la disparition de cette espèce, le vieux con abusif, pilier du patriarcat.
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