俳句 Haïku des vacances : en images et en mots

Rues et jardins vides

Ville en vacance d’été

Les lotus fleurissent

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fougères

lotus et feuilles

lotus

poisson rougeCet après-midi au Jardin des Plantes, photos Alina Reyes

Haïku en mots : trois segments de 5-7-5 syllabes

Avec 4 photos, nous avons 7 segments, et 4 phrases en plus, 11 segments

Mes 10 doigts de pied repeints de frais dans mes tongs rouge de Chine neuves, je me sens très haïku (pour voir tous mes haïkus, c’est ici)

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Lire, écrire

ruecet après-midi à Paris 5e, photo Alina Reyes

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Allée chez Gibert vendre quelques livres. Ils n’ont voulu ni de La Possibilité d’une île ni des Bienveillantes, en exemplaires pourtant comme neufs. L’industrie du livre fabrique désormais des best-sellers bien plus éphémères que les jeux vidéos. Mais ils ont repris Montaigne et quelques classiques, et en ajoutant deux euros aux douze que j’ai retirés de la vente j’ai acheté, d’occasion, un Précis de grammaire pour les concours (où j’ai d’ailleurs pu vérifier encore une fois  que j’avais raison avec mes locutions adverbiales lors d’un oral où mes affirmations ont été considérées comme de pitoyables monstruosités – même les professeurs agrégés ne sont pas à l’abri d’une erreur ou d’une hésitation, un peu moins de hauteur serait parfois bienvenue !) Bref, me voilà équipée pour mieux me préparer aux épreuves que je vais sans doute repasser. Pour le reste, j’emprunte toutes les œuvres au programme en bibliothèque. N’est-ce pas, à défaut de préparation encadrée, en passant et repassant l’agrégation qu’on apprend à passer l’agrégation, et à la passer sans se renier ? Tout jeu répété finit par lasser, mais je peux y trouver du goût encore une fois.

De nouveau une masse de lectures à faire, donc, et il me semble que cela ne m’empêchera pas tout à fait de continuer à avancer dans ma thèse et dans mon roman, malgré ou avant le poste de prof à la rentrée, avec mon CAPES tout neuf. Lecture et écriture sont comme les courses de fond (ponctuées de sprints), plus on les pratique plus on en est friand (à en rêver la nuit et à s’en réveiller à l’aube, de désir de littérature).

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Bilal Berreni, Nicolas Bouvier et autres êtres aux semelles de vent : de la grande jeunesse

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Je l’ai déjà dit ici, pour moi Bilal Berreni, alias Zoo Project, est un Rimbaud du street art. Et je soutiens de tout cœur l’initiative de ses amis pour mieux le faire connaître et lui rendre hommage.

Qu’est-ce que la jeunesse, sinon la mémoire vivante du haut et grand âge dans lequel nous sommes nés ?

À Prilep en Macédoine (voir note précédente), Nicolas Bouvier décrit des « vieux plaisantins » pleins de légèreté et de joie enfantine, tels que j’en ai vu aussi dans le Sud marocain un demi-siècle plus tard : « semblables à ces bonshommes que les enfants dessinent sur les murs ».

« Seuls les vieux ont de la fraîcheur, une fraîcheur au second degré, conquise sur la vie.

Dans les jardinets qui ceinturent la ville, on tombe ainsi au point du jour sur des musulmans aux barbes soignées, assis sur une couverture entre les haricots, qui hument en silence l’odeur de la terre et savourent la lumière naissante avec ce talent pour les moments bien clos de recueillement et de bonheur que l’Islam et la campagne développent si sûrement.

(…)

Un autre matin que j’étais accroupi dans le jardin municipal en train de photographier la mosquée, un œil fermé, l’autre sur le viseur, quelque chose de chaud, de rugueux, sentant l’étable, se pousse contre ma tête. J’ai pensé à un âne – il y en a beaucoup ici, et familiers, qui vous fourrent le museau sous l’aisselle – et j’ai tranquillement pris ma photo. Mais c’était un vieux paysan venu sur la pointe des pieds coller sa joue contre la mienne pour faire rire quelques copains de soixante-dix-quatre-vingts ans. Il est reparti, plié en deux par sa farce ; il en avait pour la journée.

Le même jour j’ai aperçu par la fenêtre du café Jadran un autre de ces ancêtres en bonnet fourré, quelques pépins de passa-tempo dans la barbe, qui soufflait, l’air charmé, sur une petite hélice en bois. Au Ciel pour fraîcheur de cœur !

Ces vieux plaisantins sont ce qu’il y a de plus léger dans la ville. À mesure qu’ils blanchissent et se cassent, ils se chargent de pertinence, de détachement et deviennent semblables à ces bonshommes que les enfants dessinent sur les murs. Des bonshommes, ça manque dans nos climats où le mental s’est tellement développé au détriment du sensible ; mais ici, pas un jour ne passe sans qu’on rencontre un de ces êtres pleins de malice, d’inconscience et de suc, porteurs de foin ou rapetasseurs de babouches, qui me donnent toujours envie d’ouvrir les bras et d’éclater en sanglots. »

Nicolas Bouvier, L’Usage du monde

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Vu dans les rues du jour, lu dans la lecture en cours

street art 1ce graff fleurit sur les trottoirs (ici à Paris 13e) ces jours-ci

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il y a de nouvelles œuvres de street art toutes fraîches dans le 5e

street art 2

street art 3et là, entre deux Space Invaders : street art 4

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rue d’Ulm, autour de l’ENS :street art 5*

dans la même rue, sur le mur de l’EnsAD (Arts décoratifs)street art 6

*street art 7

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devant le Panthéon, des têtes et des signes par terrestreet art 8

street art 9

en face, l’Hôtel des Grands Hommesstreet art 10

street art 11

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rue Lhomond, un minuscule square fermé, espace de nature sauvage au cœur du 5estreet art 12*

toujours en marchant

street art 13

street art 14

ici une œuvre de street art a été effacée ; le mur ne reçoit plus que l’ombre de la vitrine d’en face :street art 15

au coin de la rue Mouffetardstreet art 16

street art 17

street art 18

street art 19

street art 20

street art 21

street art 22ce matin à Paris 5e, photos Alina Reyes

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« Les rimes au bout des vers lèchent la terre des mots comme l’écume autour de l’île »

Aragon, Blanche ou l’oubli

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Professeure

lotusphoto Alina Reyes*

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J’enseignerai donc à la rentrée. Quelle joie ! N’avons-nous pas bien plus de vies que les chats ? Je vais parler de littérature et de langue à des élèves, retrouver plus d’enfants que je n’en avais, maintenant que mes quatre sont tous devenus grands. Michel Tournier, qui avait étudié la philosophie en France et en Allemagne, ayant été refusé deux fois à l’agrégation, renonça à enseigner. Quel dommage ! Qui n’aurait aimé avoir un tel professeur ? Sans doute était-il trop singulier pour convenir au cadre du concours. J’aime passer ce concours, il se pourrait que j’y revienne, il est beau, complet et exigeant, mais je regrette qu’une seule forme de pensée, académique, y soit admise (je mettrai en ligne peu à peu le travail fourni). Peut-être, à force, finirons-nous par contourner la chose, la rendre peu à peu plus souple ?

En tout cas j’ai été admise au CAPES, dont l’esprit est très différent. Je l’ai passé comme l’agrégation en mode wild, en candidate libre, sans m’être entraînée notamment en didactique, une épreuve capitale à l’oral – mais en me rattrapant avec d’autres épreuves. J’ai regardé les nouveaux programmes du collège, la méthode d’enseignement par thèmes et cycles ne m’a pas convaincue, mais quelle que soit la règlementation (qu’importe le flacon) je crois que le professeur peut faire passer ce qu’il a à faire passer. Une aventure. Personnelle pour chaque élève, et commune.

 

*Je suis retournée au jardin, avec O cette fois, et j’ai rephotographié le lotus, plus ouvert et splendide encore qu’avant-hier

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Lotus roses, nymphéas rouges, chardon blanc, roses mouillées (et résultats de l’agreg)

jardin 1 lotus rose

jardin 2 lotus roses

jardin 3 nymphéas rouges

jardin 4 nymphéa rouge

jardin 5 chardon blanc

jardin rose mouillée 1

jardin rose mouillée 2

jardin rose mouillée 3

jardin rose mouillée 4

jardin rose mouillée 5hier au Jardin des Plantes, photos Alina Reyes

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Les résultats de l’agrégation de Lettres modernes viennent de tomber. J’ai obtenu des notes correctes  en grec (je tenais à passer le grec plutôt que le latin, parce qu’il est important qu’il y ait des candidats en grec) : 10,75 ; et  en anglais : 13, 5. Ailleurs piètres notes, sans doute mes lectures ne sont-elles pas académiques (je n’ai pas suivi de préparation et je ne tiens pas à abandonner ma façon de penser) mais tant pis, j’y tiens, elles valent. J’ai raté la leçon, l’épreuve au plus fort coefficient ; je suis tombée sur une explication littéraire de Montaigne, alors que j’aurais tant aimé faire une vraie leçon, correspondant mieux à mon esprit d’analyse et de synthèse (et surtout, sans doute, le jury m’a fait payer le fait que j’ai refusé d’accepter la lecture classique voyant dans ce texte un Socrate christique, j’en reparlerai dans une note ultérieure en retranscrivant la leçon que j’ai donnée). Et puis et puis… « Refusée », donc.

Bah

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Écritures, dessins et cueillettes

du cote de nadjales concours passés, ayant repris doucement l’écriture, j’ai recommencé aussi à dessiner dans mon manuscrit en cours, en écoutant des conférences ou émissions sur des poètes (vidéos likées)

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Je cueille encore d’autres sortes de champignons, dans mes montagnes. La cueillette est toujours un bon prétexte pour s’enfoncer des heures durant dans la forêt. Même quand il s’agit d’une territoire que l’on connaît, il y a toujours un moment où l’on est dépaysé, surtout si l’on y va seul. C’est peut-être ça que je cherche avant tout, le dépaysement. Attention, quand on y prend goût, on ne peut plus s’en passer !

Chaque cèpe trouvé, je l’ai dit, est en soi un dépaysement, puisqu’il semble à la fois mystérieusement très vivant et surgi de nulle part, et vous renvoie comme en miroir la même sensation, le même sentiment de vous-même.

La forêt vous dépayse de mille autres manières. L’oxygène qu’on y respire, couplée au silence et au léger effort de la marche, procure vite une sensation d’ivresse. Bientôt les mousses, les feuilles mortes, les rochers, les cris des oiseaux, les lichens qui pendent des arbres, la lumière qui filtre d’entre les faîtes, les branchages qui cassent sous vos pas, les troncs couchés qu’il vous faut enjamber, l’odeur entêtante de l’humus, tout vous paraît surréel.

C’est comme si une porte s’était ouverte pour vous faire entrer dans un autre monde. Il y a aussi, bien sûr, la variété, les formes et les couleurs fantastiques de tous les champignons que vous croisez sans les cueillir.

Il y a l’amanite rouge à pois blancs, il y en a des tout noirs, des tout jaunes, des tout blancs, il y en a des petits orange ou bruns qui poussent par colonies, il y a ces langues qui semblent sortir des troncs et notamment des souches où elles grandissent en durcissant, par cercles concentriques, parfois presque jusqu’à faire le tour…

Tout ceci, vous le sentez, est plein d’une vie secrète, mi-merveilleuse, mi-terrifiante. Et puis, si vous partez suffisamment longtemps, il vient toujours un moment où vous êtes un peu perdu. Soudain vous ne savez plus où vous êtes.

Au fur et à mesure de votre progression dans la forêt vous vous êtes laissé gagner par une légère et joyeuse panique, et voici qu’elle se retourne en sourde inquiétude. Vous ne savez pas où vous êtes, et c’est presque : vous ne savez pas qui vous êtes.

Voilà ce que j’appelle le dépaysement : vous n’êtes plus pour vous-même votre pays de connaissance. Vous n’êtes plus cet être qui mène ses pas, mais un être que ses pas ont mené où il ne se reconnaît plus. Tout se tait si fort que vos oreilles en bourdonnent.

Qui est là ? Par où est ma maison ? Un pic martèle un tronc, mais il ne vous répond pas, ni lui, ni rien d’autre. Tout à l’heure vous marchiez en contemplant tous ces éléments charmants de la forêt, maintenant ce sont eux qui semblent vous contempler, immobiles, muets. Chacun son sort, semblent-ils penser. Vous voient-ils en intrus ? Ou simplement comme une pierre qui roule çà et là ? (Un jour, si vous vivez, viendra le moment de votre vie où vous serez devenu vous-même la forêt, et son regard immémorial sur l’être humain).

Alina Reyes, Cueillettes

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