Odyssée, Chant III, v.331-372

Une œuvre de Seth hier à la Butte aux Cailles, photo Alina Reyes

Une œuvre de Seth hier à la Butte aux Cailles, photo Alina Reyes

Nous en étions au moment où Athéna allait répondre à Nestor. Voici la suite de leur dialogue, au terme duquel elle s’envole sous la forme d’une orfraie – à la stupéfaction des personnes présentes, qui ont cru écouter le vieil homme dont elle avait pris l’apparence et voient partir un oiseau.
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« Ô vieillard, tu as exposé les choses avec justesse.
Allons, coupez donc les langues et mêlez le vin,
Qu’à Poséidon et aux autres immortels nous fassions
Les libations, puis songions à nous coucher ; car il est l’heure.
Déjà la lumière disparaît sous les ténèbres ;
Il ne faut rester assis au banquet des dieux, mais partir. »

Ainsi parle à haute voix la fille de Zeus ; ils l’écoutent.
Des hérauts versent alors de l’eau sur les mains,
Des garçons couronnent les cratères de vin
Et pourvoient à la distribution des coupes pour tous.
On jette ensuite les langues au feu, on se lève et verse
Les libations. Cela fait, on boit selon son désir.
Athéna et Télémaque beau comme un dieu
Veulent tous deux retourner sur leur nef creuse.
Mais Nestor les en empêche en leur adressant ces paroles :

« Que Zeus et les autres dieux immortels me préservent
De vous laisser partir de chez moi sur vos nefs rapides
Comme si j’étais vraiment sans vêtement, un indigent
Qui n’aurait dans sa maison ni tapis ni couvertures
Pour pouvoir y dormir mollement, et lui, et ses hôtes.
Mais le fait est que moi j’ai de beaux tapis et couvertures.
Assurément non, jamais le cher fils du héros Ulysse
N’ira dormir sur le plancher d’un bateau tant que moi
Je vivrai, et après moi je laisserai dans mon palais
Mes enfants, qui recevront les étrangers qui y viendront. »

Ainsi lui répond la déesse, Athéna aux yeux de chouette :

« Tu as bien parlé, cher vieillard, et il convient
Que Télémaque t’obéisse : ce sera beaucoup mieux.
Il va donc maintenant plutôt te suivre, afin de dormir
Dans tes appartements. Moi je vais sur notre noire nef
Rassurer nos compagnons et détailler les consignes.
Car j’ai l’honneur d’être le plus âgé d’entre eux.
Les hommes qui nous assistent par amitié sont plus jeunes,
Tous ont à peu près l’âge de Télémaque au grand cœur.
Je m’en vais donc maintenant dormir dans notre nef creuse
Et noire. Puis à l’aube j’irai chez les magnanimes
Caucones, recouvrer une dette aussi ancienne
Qu’importante. Quant à Télémaque, puisqu’il est ton hôte,
Envoie-le en char avec ton fils, et donne-lui
Des chevaux, les plus lestes et les plus puissants que tu aies. »

Ayant ainsi parlé, Athéna aux yeux brillants s’en va,
Sous l’aspect d’une orfraie. À cette vue, tous sont stupéfaits.

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Le texte grec est ici
ma traduction entière du premier chant , du deuxième chant
à suivre !

Odyssée, Chant III v. 301-330 (ma traduction)

"Nicht Schlafen", collage

« Nicht Schlafen », collage

En ce moment je regarde des séries finlandaises. Elles sont très bien faites et les personnages de femmes y sont fortes et libres, mentalement et physiquement. Cela ne date pas d’hier sans doute, on sait que dans ces terres du nord de l’Europe ont été retrouvées des tombes de guerrières et de cheffes, et je me souviens aussi des puissantes femmes du Kalevala. C’est d’un grand soutien dans ce pays, la France, encore si latin, si peu égalitaire, si raide et empoté dans les relations et les conventions sociales. Ces pays, ces peuples devraient être davantage un exemple pour nous.

Nous en sommes à la troisième et dernière partie de ce discours de Nestor à Télémaque, la voici :
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Tandis que Ménélas, amassant beaucoup de vivres et d’or,
S’élançait avec ses nefs parmi des humains d’autres langues,
Égisthe resté chez lui machinait ses perfidies.
Sept ans durant il régna sur Mycènes riche en or,
Ayant tué l’Atride et soumis le peuple à son joug.
Mais la huitième année, pour son malheur, le divin Oreste,
Revenant d’Athènes, tua l’assassin de son père,
Le fourbe Égisthe, meurtrier de son illustre père.
L’ayant tué, il donna aux Argiens le repas funèbre
Pour son odieuse mère et pour le lâche Égisthe.
Le même jour, revint Ménélas au vaillant cri de guerre,
Chargé d’autant de richesses qu’en pouvaient porter ses nefs.
Et toi, mon ami, n’erre pas plus longtemps loin de chez toi,
Que ces arrogants n’y dévorent pas tous tes biens
En festoyant, rendant ainsi ton voyage inutile.
Pour ma part je te conseille vivement d’aller
Chez Ménélas. Il vient de revenir de l’étranger,
De contrées dont nul parmi les hommes n’espère en son cœur
Revenir, une fois égaré par les tempêtes
Sur une mer si vaste que pas même les oiseaux
Ne la passent dans l’année, tant elle est grande et terrible.
Mais pars donc maintenant avec ta nef et tes compagnons.
Si tu veux y aller à pied, voici un char, des chevaux,
Voici aussi mes fils, qui te serviront de guides
Jusqu’en la divine Sparte où est le blond Ménélas.
Prie-le alors de te parler avec sincérité ;
Il ne te mentira pas, car c’est un homme sensé. »

Ainsi dit-il. Et le soleil plonge, l’obscurité vient.
Parmi eux, Athéna aux yeux de chouette prend la parole :

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le texte grec est ici
dans ma traduction le premier chant entier , le deuxième
à suivre !

Odyssée, chant III, v. 276-300 (ma traduction)

Institut de Paléontologie Humaine, à Paris, photo Alina Reyes

Institut de Paléontologie Humaine, à Paris, photo Alina Reyes

« …et une petite pierre brise / Les grandes vagues. C’est là qu’ils arrivent, les hommes, / Fuyant avec peine la mort. Et les vagues brisent / Leurs nefs sur les écueils »

Voilà la grande poésie de l’Odyssée. Et voilà donc la suite du récit de Nestor, dont nous verrons la fin la prochaine fois.
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Pendant ce temps, revenant de Troie, nous naviguions ensemble,
L’Atride et moi, avec l’un pour l’autre une même amitié.
Mais en arrivant au Sounion, cap sacré des Athéniens,
Apollon le Brillant, allant au pilote de Ménélas,
Lui porta de ses traits une mort douce et soudaine,
Alors qu’il avait en mains le gouvernail de la nef
Qui courait sur les eaux. C’était Phrontis, fils d’Onétor,
Le meilleur pilote parmi les humains dans les tempêtes.
Ménélas fit halte là, quoique pressé de poursuivre,
Le temps d’enterrer son compagnon et de l’honorer.
Mais quand, repartant à la course sur la mer lie-de-vin
À bord de ses nefs creuses, il parvint au mont élevé
Des Maléens, alors Zeus qui voit au loin lui prépara
Un affreux voyage, faisant retentir des vents sifflants,
Nourrissant des vagues énormes, telles des montagnes.
La flotte est dispersée, il en pousse une partie en Crète,
Où vivent les Cydoniens, sur les rives du Iardanos.
Il y a dans la mer une haute roche lisse,
À l’extrémité de Gordyne, dans les eaux bleu sombre.
Là le Notos fait monter de grandes vagues à gauche
Du cap de Phaestos, et une petite pierre brise
Les grandes vagues. C’est là qu’ils arrivent, les hommes,
Fuyant avec peine la mort. Et les vagues brisent
Leurs nefs sur les écueils. Mais cinq bateaux à la proue sombre
Sont poussés vers l’Égypte, portés par le vent et l’eau.

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le texte grec est ici
dans ma traduction, le premier chant entier , le deuxième
à suivre !

Odyssée, Chant III, v. 253-275 (ma traduction)

ces jours-ci à Paris, photo Alina Reyes

ces jours-ci à Paris, photo Alina Reyes

Quand Égisthe réussit à emmener Clytemnestre chez lui, « il brûla maintes cuisses sur les autels », dit Homère, sans préciser de quelles cuisses il parle, afin de mieux faire saisir l’allusion. La subtilité du poète, omniprésente dans le texte, s’exprime aussi souvent dans l’ironie, comme à la fin de ce passage quand Nestor indique que le joli cœur exulte d’avoir accompli une si « grande action » – séduire une femme dont le mari combat au loin – tandis qu’eux, les Achéens, menaient de rudes combats à Troie. Nous verrons les prochaines fois la suite de ce récit fait par Nestor à Télémaque, sur la demande de ce dernier.
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Ainsi parle alors le chevalier Nestor, de Gérènos :

« Eh bien oui, fils, je vais te dire toute la vérité.
Tu as pressenti toi-même ce qui serait arrivé
Si le blond Ménélas, au retour de Troie, avait trouvé
Dans le palais de l’Atride Égisthe vivant ;
On n’aurait jamais répandu de terre sur son cadavre,
Les chiens et les oiseaux l’auraient déchiqueté, gisant
Dans la plaine loin de la cité, et pas une Achéenne
Ne l’eût pleuré : son crime, prémédité, était trop grand.
Nous, nous étions là-bas, à livrer de nombreux combats ;
Lui, tranquille à l’intérieur d’Argos où paissent les chevaux,
Charmait de douces paroles la femme d’Agamemnon.
D’abord la divine Clytemnestre a repoussé
Cet acte indigne, conformément à son noble esprit,
Et se tenait auprès d’elle un aède à qui l’Atride,
En partant pour Troie, avait bien demandé de la garder.
Mais quand le sort assigné par les dieux l’eût domestiquée,
Liée, alors l’aède fut déporté sur une île
Déserte et abandonné là pour y devenir la proie
Des oiseaux. Puis il la conduisit, voulant ce qu’il voulait,
Dans sa maison. Il brûla maintes cuisses sur les autels
Sacrés des dieux, suspendit maints ornements, tissus et or,
Ayant accompli une grande action, inespérée. »

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le texte grec est ici
dans ma traduction, le premier chant est , le deuxième
à suivre !

Odyssée, Chant III, v. 201-252 (ma traduction)

Selfie hier devant les Arts et Métiers, photo Alina Reyes

Selfie hier devant les Arts et Métiers, photo Alina Reyes

En entendant Nestor demander au jeune Télémaque si c’était avec son consentement que les prétendants abusaient de ses biens, j’ai pensé au titre de Vanessa Springora. Les hommes sont toujours les hommes, et les mécanismes qui régissent ceux qui se laissent régir par des mécanismes humains, trop humains, toujours les mêmes. Le dieu, la divinité, est aux côtés de Télémaque, l’abusé qui se débat, non aux côtés des abuseurs, tombés dans le désir de domination, désir de la plus basse humanité.
Voilà un beau dialogue, où se révèle l’habileté rhétorique de Télémaque, soutenu par Athéna sous l’apparence de Mentor – et comme il est intéressant, tout au long du texte, d’entendre Homère dire « elle » pour parler d’un homme, ou d’une apparence d’homme ! Les théoricien·ne·s du genre devraient s’en régaler.
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Ainsi lui répond à haute voix le sage Télémaque :

« Ô Nestor, fils de Nélée, grande gloire des Achéens,
Certes, celui-là s’est bien vengé, et les Achéens
Porteront loin dans le futur sa bonne renommée.
Si seulement les dieux m’avaient revêtu d’autant de force,
Que je fasse payer aux prétendants leurs pesants forfaits,
Ces vaniteux, ces insolents qui machinent contre moi !
Mais les dieux ne nous ont pas assigné ce bonheur,
À mon père et à moi. Il ne me reste qu’à supporter. »

Ainsi réplique le cavalier Nestor, de Gérènos :

« Ami, puisque tu en parles, tu m’en fais souvenir :
On dit que, pour ta mère, de nombreux prétendants
Contre ta volonté machinent le mal dans ton palais.
Mais dis-moi : es-tu soumis avec ton consentement,
Ou bien des gens du peuple te haïssent-ils, à cause
De quelque oracle ? Qui sait s’il ne reviendra pas punir
Leur violence, soit seul, soit avec tous les Achéens ?
Si Athéna aux yeux brillants de chouette voulait t’aimer
Comme elle prit soin de l’illustre Ulysse au milieu
Du peuple des Troyens où nous, Achéens, avons souffert –
Je n’ai jamais vu un dieu aimer si manifestement
Que Pallas Athéna, manifestement à ses côtés –
Si elle voulait t’aimer ainsi, se soucier de toi,
Certains oublieraient leur désir de mariage ! »

Ainsi répond à haute voix le prudent Télémaque :

« Vieillard, je ne crois pas que jamais se réaliseront
Tes dires. Tu vois trop grand ! J’en suis stupéfait ! Espérer
Cela, je ne le peux, même si les dieux le voulaient. »

Ainsi dit alors Athéna aux yeux brillants de chouette :

« Télémaque, quelle parole a franchi la barrière
De tes dents ? Un dieu, s’il veut, même de loin sauve aisément
Un homme. Moi j’aimerais mieux endurer beaucoup de maux
Et rentrer à la maison, voir le jour du retour,
Plutôt que de mourir en arrivant, comme Agamemnon,
Tué par la fourberie d’Égisthe et de sa femme.
Cependant la mort, égale pour tous, même les dieux
Ne peuvent l’écarter de l’homme qu’ils chérissent,
Quand le funeste sort l’a tiré et couché dans la mort. »

Ainsi lui répond à haute voix le sage Télémaque :

« Mentor, n’en parlons plus, quoique cela nous préoccupe.
En vérité il ne reviendra plus, mais déjà
Les immortels ont conçu sa mort et son noir destin.
Maintenant je veux m’informer d’autre chose en questionnant
Nestor, lui qui est plus que tous à la fois juste et sensé,
Lui qui a régné, dit-on, sur trois générations d’hommes,
Lui qui, à le voir, me paraît semblable à un immortel.
Ô Nestor, fils de Nélée, dis-moi la vérité !
Comment a péri le grand chef, l’Atride Agamemnon ?
Où était Ménélas ? Quelle mort lui avait préparée
Le fourbe Égisthe, qui tua un homme très supérieur ?
Ménélas n’était-il pas en Argos, mais en train d’errer
Quelque part parmi les hommes, pour qu’Égisthe ose tuer ? »

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le texte grec est ici
dans ma traduction, le premier chant , le deuxième
à suivre !

Odyssée, Chant III, v. 153-200 (ma traduction)

"Tetris Egg", acrylique, technique mixte sur bois 56 x 48 cm

« Tetris Egg », acrylique, technique mixte sur bois 56 x 48 cm

Tout en continuant à traduire, je continue à lire aussi les autres traductions en français. En fait celles que je préfère sont celles qui n’essaient pas de rivaliser en poésie avec Homère mais rendent dans une prose ordinaire le sens du texte aussi fidèlement que possible. Pour les traductions à prétention poétique, j’ai déjà dit ce que je pensais de celle de Bérard, toujours aussi désastreuse à mesure que j’avance dans le texte. J’aimais bien celle de Jacottet au début, mais il s’avère d’une part qu’elle manque trop de fidélité au texte source, d’autre part que son style, quoique réellement poétique, est trop différent du style archaïque d’Homère ; celui de Jacottet coule clair et limpide comme une calme rivière dans la verdure, celui d’Homère fait son chemin dans la rocaille, le vent et les vagues. Leconte de Lisle a le mieux rendu ce caractère archaïque de l’épopée homérique. Pour moi, j’essaie de le rendre aussi mais de façon moins spectaculaire, tout en l’écrivant au XXIe siècle, avec la langue d’aujourd’hui. Et j’essaie d’être fidèle au texte grec, autant que possible. Par exemple, dans le passage d’aujourd’hui, nous avons une épithète pour la mer qui signifie « qui a le caractère d’énormes cétacés, de monstres marins ». La plupart traduisent « l’immense mer », ou « le gouffre marin ». Moi je trouve une formule pour dire le mot baleines, car tout de suite c’est un puissant imaginaire universel qui s’éveille, et c’est celui qu’a voulu Homère. Il y a aussi une épithète pour les femmes qui signifie « qui porte une ceinture sur les hanches causant de larges plis au vêtement ». Les uns ou les autres traduisent « les femmes aux larges ceintures » ou bien « à la taille fine » ou encore « aux ceintures dénouées » – autant de sens faux (Jacottet justifie sa « taille fine » en disant en note « voyez les statuettes crétoises », mais ça n’a rien à voir justement, il ne s’agit pas du tout du même habillement ni de la même silhouette). Une autre épithète, pour le vent, signifie « qui produit un son aigu ». Les traductions qui donnent quelque chose comme « tempétueux » ne sont pas assez justes. Il faut se mettre dans la situation décrite par le texte pour comprendre ce dont il s’agit et le rendre, de même que pour la nef que certains disent « ballottée par les flots » ou « en forme de croissant » alors qu’en suivant le sens au plus près on comprend que les rameurs travaillent des deux côtés à faire tourner et repartir le bateau.
Voici la seconde partie du récit de Nestor à Télémaque, parti sur les traces d’Ulysse.
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« Au point du jour nous tirons nos nefs sur la vaste mer,
Y chargeant nos biens et les femmes aux hanches ceinturées.
Cependant la moitié des soldats se tient à distance,
Restant auprès de l’Atride Agamemnon, leur berger.
Nous qui avons embarqué, nous partons ; à toute vitesse
On file : un dieu aplanit la mer aux énormes baleines.
Arrivés à Ténédos, nous offrons des sacrifices
Aux dieux, espérant le retour. Mais Zeus n’en veut pas encore.
Funeste, il suscite à nouveau une mauvaise querelle.
Certains remontent à bord, retournent leur nef en ramant
Des deux côtés. Le sage Ulysse aux ressources variées
Les conduit vers l’Atride Agamemnon, pour l’assister.
Quant à moi, ayant rassemblé les nefs qui me suivent,
Je m’enfuis, pressentant les maux que nous réservent les dieux.
Le martial fils de Tydée fait se lever ses compagnons
Et fuit aussi. Plus tard, le blond Ménélas nous rejoint
À Lesbos où nous délibérons sur notre long voyage :
Passerons-nous au-dessus de la rocailleuse Chios,
La laissant à notre gauche vers l’île de Psyrie,
Ou bien au-dessous de Chios, près de Mimas battue des vents ?
Nous demandons au dieu un signe ; il nous l’envoie,
Nous révélant qu’il nous faut fendre par le milieu la mer
Vers Eubée, afin d’échapper au plus vite au malheur.
Un vent sifflant se lève, soufflant favorablement.
À toute allure on file à travers les routes poissonneuses ;
Dans la nuit on arrive à Géreste. Ayant traversé
La grande mer, on brûle maintes cuisses de taureaux
Pour Poséidon. Le quatrième jour, les compagnons
De Diomède, dompteur de chevaux et fils de Tydée,
Arrêtent en Argos leurs nefs bien proportionnées.
Moi je poursuis vers Pylos, et le vent que le dieu envoya
Ne tombe pas. Ainsi suis-je arrivé, cher fils, sans savoir
Lesquels des Achéens se sont sauvés, et lesquels sont morts.
Mais tout ce que j’ai entendu dire en me reposant
Dans mon palais, il est juste que je t’en fasse part ;
Je n’y manquerai pas. Les Myrmides à la lance furieuse
Sont bien rentrés, dit-on, sous la conduite du glorieux fils
Du magnanime Achille. Bien rentré aussi
Philoctète, le fier fils de Péas. Et Idoménée
A ramené en Crète tous ses compagnons réchappés
De la guerre et de la mer. Pour l’Atride, vous avez su,
Même en habitant loin, son retour, et la triste fin
Qu’Égisthe lui trama – et qu’il paya misérablement.
Comme il est bon qu’un homme laisse un fils après sa mort !
Car celui-ci s’est vengé du meurtrier de son père,
Du fourbe Égisthe qui avait assassiné son glorieux père !
Et toi, ami, beau et grand comme je te vois,
Sois vaillant, que les hommes du futur parlent bien de toi ! »

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le texte grec est ici
ma traduction du premier chant entier , du deuxième chant
à suivre !

Odyssée, Chant III, v. 102-152 (ma traduction)

Une nouvelle œuvre, d'un nouvel artiste dans le quartier, le Chilien de Londres Otto Schade, après que la peinture a été passée sur les anciennes. À Paris ces jours-ci, photo Alina Reyes

Une nouvelle œuvre, d’un nouvel artiste dans le quartier, le Chilien de Londres Otto Schade, après que la peinture a été passée sur les anciennes. À Paris ces jours-ci, photo Alina Reyes

Finie, la tendinite d’Achille. Je suis retournée courir ce matin, et de nouveau je suis allée franchement plus loin, d’un trait, que la fois précédente (je mesure ça au parcours réel, toujours le même, mieux qu’avec l’appli que je ne déclenche pas toujours bien). C’est un bonheur tout spécial de constater que tant est encore possible, par le corps et par l’esprit.

Voici la première partie de la réponse de Nestor à Télémaque (nous en aurons les 50 derniers vers la prochaine fois). Il y a dans ce passage un moment où il dit que Ménélas et Agamemnon ont convoqué l’assemblée « en dépit du bon ordre ». En grec, cela se dit littéralement « non en descendant du cosmos » – le mot cosmos signifiant d’abord ordre, bon ordre – d’où son sens dérivé d’univers, car l’univers est bien ordonné. Quand nous faisons les choses en dépit du cosmos, il ne faut pas s’étonner que la règle du cosmos semble se dérégler pour nous. En fait, c’est nous qui nous sommes mis en dehors de la règle juste, du bon ordre, et qui nous sommes donc rejetés nous-mêmes en dehors de l’ordre de la vie, de la bonne vie.
*
*
*
Ainsi dit alors le cavalier Nestor de Gérènos :

« Ami, tu me rappelles les souffrances que dans ce peuple
Nous avons endurées avec courage, fils indomptables
Des Achéens, quand nous errions en bateau sur la mer sombre,
En quête de butin, sous le commandement d’Achille,
Ou encore quand dans la grande ville du roi Priam
Nous combattions. Là périrent bien des meilleurs d’entre nous.
Là gît le martial Ajax, et là aussi Achille,
Et là Patrocle, qui savait guider comme les dieux,
Et là mon cher fils, à la fois si fort et irréprochable,
Antiloque, rapide à la course et au combat.
Et nous avons souffert bien d’autres maux encore !
Qui parmi les mortels pourrait les dire tous ?
Si tu restais cinq ou six ans à m’interroger
Sur les maux qu’endurèrent là-bas les divins Achéens,
Tu repartirais avant, lassé, dans ta patrie.
Neuf ans nous ourdîmes contre les Troyens de noirs desseins,
Les cernant de maints pièges. Et le fils de Cronos en finit
À peine. Là personne n’aurait voulu se proclamer
Égal en intelligence au divin Ulysse, bien plus
Expert en ruses diverses – ton père, s’il est vrai
Que tu es né de lui ; mais à te regarder, le respect
Me saisit. Car tu parles comme lui, et tu n’as pas l’air
D’un si jeune homme, tant ton discours est semblable au sien.
Quand nous étions là-bas, jamais le divin Ulysse et moi
Ne parlions différemment au conseil ou à l’agora,
Nous y exprimant d’un seul cœur, par l’esprit et la sagesse,
Afin que pour les Argiens tout se déroule pour le mieux.
Après avoir détruit la ville escarpée de Priam,
Nous avons repris nos bateaux, mais un dieu a dispersé
Les Achéens : Zeus tramait dans son cœur un triste retour
Pour les Argiens, car tous n’étaient pas réfléchis ni justes !
Et beaucoup d’entre eux ont suivi la voie d’un sort désastreux,
Par la funeste colère d’Athéna aux yeux brillants
Et au fort père qui mit la discorde chez les deux Atrides.
Ces derniers convoquèrent à l’agora tous les Achéens,
Sans raison, en dépit du bon ordre, au coucher du soleil.
Les fils des Achéens s’y rendent alourdis par le vin
Et tous deux expliquent pourquoi ils rassemblent le peuple.
De là Ménélas exhorte tous les Achéens
À songer au retour sur le vaste dos de la mer.
Mais Agamemnon n’est pas du tout d’accord : lui veut
Retenir le peuple pour faire de saintes hécatombes
Afin de calmer la terrible colère d’Athéna.
Puéril ! On n’est pas en mesure de convaincre les dieux
Sur l’instant ! L’esprit des éternels ne tourne pas si vite.
Debout, les Atrides échangent des paroles pénibles.
Alors les Achéens aux belles jambières bondissent,
Et dans un prodigieux vacarme clament leur division.
On passa une rude nuit, à s’exciter en pensée
Les uns contre les autres. Zeus préparait notre malheur. »

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le texte grec est ici
dans ma traduction, le premier chant est , le deuxième
à suivre !