Macron et autres « élites », politique de la prostitution

oedipe_roi*

Comment ne pas reconnaître dans cette image d’Œdipe aux yeux crevés, au visage en sang, celle de tant de manifestants mutilés par la police de Macron, qui projette son propre désastre sur le peuple ?

Œdipe a l’intelligence froide d’un énarque. Il sait résoudre les énigmes artificielles de la Sphinge, il trouve la formule pour entrer dans la Cité et en devenir le roi. Il a su obtenir, dit-il, « la puissance royale qu’on ne peut obtenir que par les richesses et par la faveur du peuple ». Mais il ignore qu’avec lui, il a fait entrer la peste. Tel est le tableau inaugural de la pièce de Sophocle, qui continue à parler.

« Je te dis que tu ne vois point de tes yeux au milieu de quels maux tu es plongé, ni avec qui tu habites, ni dans quelles demeures », lui dit le devin Tirésias, lui qui, privé de la vue ordinaire, voit au-delà, voit ce que personne ne voit. Pourquoi la peste se déchaîne-t-elle sous le règne d’Œdipe ? Parce qu’il ignore l’homme. Celui qu’il est, celui qui est. Il règne dans l’ignorance. Il croit en ses calculs, qui lui ont permis d’accéder au pouvoir. Il veut étendre son faux bonheur sur la cité. Mais cela ne marche pas ainsi, M. Macron.

« La bonne destinée est ma mère, et le déroulement des mois m’a fait grand de petit que j’étais. Ayant un tel commencement, que m’importe le reste ? », répond-il au chœur qui vient de l’avertir par ces paroles : « Je crains que de grands maux ne sortent de ce silence ». Car ce qui est faussé au départ reste et devient de plus en plus morbide. Il faut rétablir le vrai, la place de l’humain, pour que l’humanité puisse vivre. Au moins, l’Œdipe de Sophocle a le courage de chercher la vérité, de finir par accepter de la regarder. C’est seulement ainsi qu’il peut débarrasser la cité de la peste. Prenez-en de la graine, petits rois. Il n’y a de règne que celui du vivant, de l’humain dans la profondeur de la vie. Ce ne sont pas les richesses ni les faveurs qu’il faut mettre au centre, c’est la vision profonde, le vrai, le juste.

Il y a quelques semaines, Emmanuel Macron interprétait les revendications des Gilets Jaunes comme une demande d’amour. Puisqu’il leur prend de l’argent, il imagine qu’il lui faut leur donner de l’amour en retour. La logique capitaliste crée la prostitution : tout se vend, tout s’achète, y compris l’amour, y compris les âmes. Alain Minc avait dit de lui, en toute sympathie, que, banquier d’affaires, il excellait dans son « métier de pute ». Peut-être, mais Macron devrait comprendre que les Français dégoûtés de sa politique n’ont aucun désir d’acheter son amour. Que la seule idée de son amour leur est même plutôt répugnante : qui a envie d’être « aimé » de quelqu’un qui le plume pour engraisser ses souteneurs ?

Emmanuel Macron, s’étant peut-être aperçu qu’il prenait un râteau avec le peuple, continue à jouer les séducteurs, cette fois auprès de maires choisis par des préfets. Espérant sans doute quelque transfert freudien via les élus des communes. Tout en continuant à assener au peuple son mépris de classe et en le faisant violenter, tabasser, mutiler, tuer, semaine après semaine, il prétend, en toute perversion narcissique, vouloir débattre avec ceux qui tombent sous les coups de sa police comme sous les coups de sa politique, pour la bonne cause et pour leur bien.

Mais rien à faire, les gens ne veulent pas de son amour, ils veulent que justice soit faite. Que le fruit de leur travail ne soit pas confisqué par l’État pour les privilégiés et les riches qu’il soutient et qui le soutiennent, que cesse l’en-même-temps obscène de la destruction de tous les services publics et de l’augmentation des taxes. Au début, les gens ordinaires, comme moi, sont patients avec les abuseurs ; ils se disent que ça va leur passer ; au fond, ils ont même pitié, comprenant qu’ils sont cinglés, avec leur délire de toute-puissance ; puis ils se rendent compte qu’il n’y a pas moyen de les faire changer de comportement, qu’au contraire leurs abus s’amplifient. Et qu’il ne sera possible de se débarrasser du mal qu’ils font et répandent qu’en se débarrassant de sa cause, qu’ils incarnent.

Les gens ne veulent pas acheter du faux amour (le vrai ne peut s’acheter), ils veulent que soit respectée la démocratie. Que celui qu’ils ont élu pour servir la République ne se prenne ni pour un dieu ni pour un roi ni pour un empereur – de façon d’autant plus dérisoire que, face à l’irruption du réel, quand ses concitoyens exigent des réponses, il s’avère incapable de réagir autrement que de façon apeurée, en se cachant derrière des blindés et des forces de l’ordre en quantité démesurée.

Emmanuel Macron n’assume rien. En difficulté, il déconne, comme il le dit élégamment – des pauvres, bien sûr. En fait, il déconne depuis le début, depuis bien avant son élection, comme le rappelle notamment ces jours-ci le signalement au parquet pour soupçons de corruption dans l’affaire (de trahison) Alstom. Il déclare vouloir rassembler le peuple alors que c’est lui qui est divisé, entre désir de s’affirmer et habitude de se vendre (ou d’acheter autrui, ce qui revient au même), entre volonté de domination et érotomanie masochiste (haï ou méprisé, il se sent aimé, bourreau du peuple il se sent bouc émissaire). Ceux qui ne nous ont donné d’autre choix que d’élire Emmanuel Macron, ceux de sa caste, ont apporté avec lui la peste dans le pays. Même si Macron partait, comme Œdipe dans la pièce de Sophocle, il resterait à la cité la tâche de réparer des dégâts moraux et structurels immenses. Bien au-delà de la personne de Macron et de son existence, ce qui est en jeu est une sortie de la prostitution généralisée des « élites » – fausses élites en réalité, médiocratie instaurée par les alliances iniques du vieux monde en fin de vie. Quel que soit le moment où cela viendra, il faudra beaucoup de courage et d’intelligence pour reconstruire une autre, une tout autre société.

*

L’image est extraite du film Œdipe roi de Pasolini.

Ce texte est issu de deux textes précédemment publiés sur mon blog de secours et ici ; le dernier, ayant été révisé et augmenté, a également été publié sur Bellaciao.org et sur Agoravox.fr.

*

Guignolades de la macronie. Des pantins et des vivants

guignol*

Festival de tentatives d’intimidation des citoyens ces derniers jours. Macron bichonne l’armée, la police, le fisc et l’église, habituels remparts des pouvoirs aux abois, alliés historiques dans les entreprises de répression des peuples.

Marlène Schiappa appelle à fermer la cagnotte en soutien à la famille de Christophe Dettinger et à identifier ses donateurs : la cagnotte est arbitrairement clôturée, l’argent des donateurs confisqué par Leetchi, plateforme gérée par une macroniste, qui annonce qu’elle le redistribuera uniquement selon son bon vouloir (mais ça ne se passera peut-être pas si facilement).

Christophe Dettinger emprisonné en attendant son procès, le 13 février prochain. Une détention préventive arbitraire, que rien ne justifie sinon un motif politique : père de famille, travailleur responsable et calme, sans casier judiciaire, ayant publiquement réitéré son regret de s’être emporté (alors que les policiers violentaient les manifestants au secours desquels il s’est porté – notamment une femme tabassée à terre).

Luc Ferry, ancien ministre de l’Éducation nationale, appelle la police à tirer sur les manifestants « une bonne fois » et à envoyer contre eux l’armée.

Aurore Bergé signale au Procureur de la République deux intellectuels, Juan Branco et Thomas Guénolé, accusés d’appeler à la violence alors qu’ils appellent à la justice sociale.

Le parquet de Lyon ne requiert aucune condamnation contre le cardinal Barbarin, dont le procès a pourtant montré qu’il a effectivement couvert des pédocriminels, à commencer par le père Preynat, qu’il a promu, quoique connaissant les accusations portées contre lui.

Après avoir gratifié les policiers d’une prime et d’une hausse de salaire, le gouvernement donne une prime de 200 euros aux agents du fisc. Les autres fonctionnaires, personnels soignants, profs etc., qui lui sont moins utiles, n’ont plus qu’à soutenir les Gilets jaunes, comme les Gitans ont annoncé le faire après l’emprisonnement de l’un des leurs, Christophe Dettinger. Acte 9 après-demain, ça risque de chauffer.

Dieu vomit les tièdes, enterre les froids – rien de plus froid que les cœurs de Barbarin, de Macron, de Philippe, de Blanquer et de toute la clique, de tous les valets qui servent la finance. L’Histoire appartient à ceux qui se lèvent chauds.

*

Macron-les-colons

Macron et ses camarades de la promotion Senghor de l’ENA ont pris le pouvoir dans les conditions qu’on connaît, mis en place par les milliardaires qui possèdent les médias français. Le poète et homme politique dont le nom a été donné à cette promotion est aussi celui qui a donné son nom à la passerelle désormais fameuse sur laquelle le boxeur français yéniche Christophe Dettinger s’est illustré – et je pèse mon verbe. Façon boomerang dans la gueule à Macron & co.

De quoi Senghor est-il le nom, politiquement ? De la colonisation. Or c’est une situation de colonisation que nous vivons dans ce pays – comme ailleurs dans le monde. Colonisation des humains par les financiers. De l’espèce humaine par une caste déshumanisée dont le dieu est l’argent. Ceux qui exploitent, ceux qui taxent, sont les mêmes que ceux qui sur les réseaux sociaux demandent que la cagnotte réunie pour payer les frais de justice de Christophe Dettinger (qui contrairement à Benalla est en prison) soit confisquée. La caste des avides, des voleurs, qui fait main basse sur tout ce que le travail, l’inventivité, la créativité, la bonté, le courage, la solidarité humaines produisent.

La police du régime inflige des blessures de guerre aux manifestants, au peuple traité avec le même mépris que des colonisés. Il s’en est fallu de peu qu’elle ne les jette à la Seine, sur cette passerelle Senghor, comme elle le fit aux manifestants pacifiques algériens le 17 octobre 1961. C’est qu’il s’agit bien d’une guerre : une guerre de décolonisation que nous menons. Nos idées, nos sensibilités passent nécessairement au second plan. Il faut se débarrasser du parasitisme, voilà l’étape indispensable à franchir avant toute chose. Cela ne sera pas facile, mais cela réussira, parce que nous sommes assez nombreux à être inflexibles, incorruptibles, quoi qu’il en coûte. Boxons !

*

Macron le minus

N'ayant pas de calendrier tout fait à afficher devant mon bureau, j'en ai fait un moi-même

N’ayant pas de calendrier tout fait à afficher devant mon bureau, j’en ai fait un moi-même

*

Ma première chronique de l’année laissera la parole à Victor Hugo, dont le pamphlet sur Napoléon III, après la révolution de 1848 et le coup d’État de 1851 – pamphlet qui lui valut, non une légion d’honneur mais l’exil à Jersey – résonne de façon particulièrement adaptée à la situation d’aujourd’hui.

Je recopie la note que j’avais postée sur mon blog de secours le 16 mai 2017 (alors qu’ici était momentanément inaccessible), au lendemain de l’élection de Macron. Mon intuition n’a fait que se confirmer. La voici donc :

Monsieur Macron a déclaré vouloir être un président jupitérien. Il s’est fait passer le pouvoir avec une propagande et une emphase napoléoniennes. Mais s’il rappelle un Napoléon, pour l’instant, c’est celui que Victor Hugo dans un pamphlet célèbre appela « le petit » : Louis-Napoléon Bonaparte, jusque là plus jeune président d’une république française, élu à ce poste en 1848 à l’âge de quarante ans – avant de s’imposer au pouvoir par le coup d’État du 2 décembre 1851. Dans une semblable démangeaison d’autoritarisme à la romaine, où monsieur Macron parle de président jupitérien, monsieur Louis-Napoléon parlait de « démocratie césarienne ».

« Le citoyen Louis-Napoléon Bonaparte, écrit Victor Hugo, déplia un papier et lut un discours. Dans ce discours il annonçait et il installait le ministère nommé par lui, et il disait : « Je veux, comme vous, citoyens représentants, rasseoir la société sur ses bases, raffermir les institutions démocratiques, et rechercher tous les moyens propres à soulager les maux de ce peuple généreux et intelligent qui vient de me donner un témoignage si éclatant de sa confiance. »

Puis il y eut la suite. Il semble que Victor Hugo décrive les dirigeants d’aujourd’hui, qu’ils se nomment Macron ou autres, interchangeables qu’ils sont dans leur répétition d’une très vieille politique, comme on peut le voir :

« M. Louis Bonaparte se laisse volontiers entrevoir socialiste. Il sent qu’il y a là pour lui une sorte de champ vague, exploitable à l’ambition.

Alors il ne parle pas, il ment. Cet homme ment comme les autres hommes respirent.

(…) Dans ses entreprises il a besoin d’aides et de collaborateurs ; il lui faut ce qu’il appelle lui-même « des hommes ». Diogène les cherchait tenant une lanterne, lui il les cherche un billet de banque à la main. Il les trouve. (…)

M. Louis Bonaparte a réussi. Il a pour lui désormais l’argent, l’agio, la banque, la bourse, le comptoir, le coffre-fort, et tous ces hommes qui passent si facilement d’un bord à l’autre quand il n’y a à enjamber que de la honte.

(…) Il ne reste pas un moment tranquille ; il sent autour de lui avec effroi la solitude et les ténèbres ; ceux qui ont peur la nuit chantent, lui il remue. Il fait rage, il touche à tout, il court après les projets ; ne pouvant créer, il décrète.

Non, cet homme ne raisonne pas ; il a des besoins, il a des caprices, il faut qu’il les satisfasse. Ce sont des envies de dictateur. La toute-puissance serait fade si on ne l’assaisonnait de cette façon.

(…) Il a fallu la lier, cette forcenée, cette France, et c’est M. Bonaparte Louis qui lui a mis les poucettes. Maintenant elle est au cachot, à la diète, au pain et à l’eau, punie, humiliée, garrottée, sous bonne garde ; soyez tranquilles, le sieur Bonaparte, gendarme à la résidence de l’Élysée, en répond à l’Europe »

en lire plus : le texte entier ; des extraits

*

Pas un jour sans danser

Hier matin dans la salle de danse, photo Alina Reyes

Hier matin dans la salle de danse, photo Alina Reyes

*

Effet du hasard ou d’une communication des âmes ? Sans nous être concertées, nous sommes arrivées toutes les trois vêtues de rose vif et de noir pour le cours de danse. La prof nous a fait répéter la chorégraphie en nous tenant les unes les autres par l’épaule, afin que nous dansions vraiment ensemble, que nous sentions physiquement les vibrations et les mouvements d’un corps à l’autre, que nous les accordions ainsi plus finement, avant de danser à la fois individuellement et ensemble. Avec nos morphologies différentes, nos peaux de couleurs différentes, nos âges différents, nos personnalités différentes, nous avons été, chacune et ensemble, heureuses.

Il faut savoir danser seul·e pour pouvoir danser ensemble, et réciproquement. L’une des plus belles inventions des Gilets Jaunes est cette façon de faire mouvement ensemble, en réunissant différentes sensibilités sans pour autant se ranger rigidement derrière une idéologie directrice. Jusqu’ici, ils ont réussi cette chose difficile sans se laisser défaire par les tensions qu’une telle composition génère, et cette réussite est ce qui stupéfie le plus les classes représentantes et garantes de l’ordre social institué, de plus en plus raide à mesure qu’il vieillit. Cette souplesse du mouvement, qui évoluera, s’effacera peut-être mais pour réapparaître plus forte, est un signe de jeunesse à venir pour notre monde.

En face, du côté de l’ennemi (ce n’est pas le peuple qui en fait son ennemi mais lui qui se prouve chaque jour ennemi du peuple), rigidité des genoux et vieilles ficelles machiavéliques. Un attentat tombant à point pour alimenter les « théories du complot », cela prouve seulement que le peuple ne peut avoir confiance en un président et un pouvoir utilisant obscènement au 20 h à la télé le drame des migrants et la question pourrie de l’identité nationale pour détourner des exigences de justice sociale, des exigences de justice. La justice demande la justesse, et pour trouver la justesse, il faut apprendre à danser.

*

détail d'une de mes anciennes peintures

détail d’une de mes anciennes peintures

*

Voir aussi le mot-clé Danse

et notamment ces vidéos de marches et danses

*

Ubu est nu. Faux princes et vrais rois

La chute d’Emmanuel Macron me rappelle celle de Tariq Ramadan, autre faux gourou, autre personnage faux. Ramadan, de toute évidence plus instinctivement talentueux pour subjuguer, a duré bien plus longtemps et a réussi à se faire idolâtrer des pauvres et à convaincre des riches de lui fournir argent et position. Macron a réussi à faire des riches ses supporters, mais n’a pu que se rendre insupportable aux pauvres. Sa stratégie était beaucoup trop calculée et surjouée. Hier soir il s’est avéré de nouveau calculateur et surjoueur, incapable d’une parole d’homme à homme, d’une parole directe, humaine – seulement d’un message enregistré sentant à plein nez les petits calculs. Macron et Ramadan, imposteurs parmi d’autres, ont également la lâcheté en commun. Pris la main dans le sac, ils essaient de se faire plaindre, se mortifient, ravalent ostensiblement leur peine, rajoutent de la comédie à la comédie, de la farce à la farce. Ubu est nu.

Le fil une fois tiré, c’est tout l’habit qui vient. Le reste, le si peu de corps et d’âme qui reste, le temps en décide.

Les gens de la caste ont horreur des déshabilleurs, des déshabilleuses. Que ce soit pour le critiquer ou pour prétendre le comprendre, ils ne savent voir le peuple que dans une condescendance qui sanctionne ce qui est à son sens mauvais en lui (comme si le racisme, le sexisme, l’homophobie et autres incorrections politiques n’étaient pas aussi répandues dans la caste que dans le peuple – la caste ayant seulement plus souvent soin de les cacher, l’hypocrisie étant sa loi et son gage de réussite), et pour le reste ne voient que misère matérielle et intellectuelle chez ce peuple, même quand il arrive qu’ils en soient issus et veulent à ce titre se persuader et persuader qu’ils le défendent. J’ai déjà évoqué au passage le texte pleurnichard d’Édouard Louis dans Les Inrocks, je pense aussi aux mots indigents d’Annie Ernaux hier dans Libé – dont je ressens d’autant mieux la condescendance qu’elle l’a exercée un jour à mon égard, me faisant une leçon pitoyablement maternaliste du haut de sa renommée : selon elle, je ne devrais pas écrire de textes excitants – je l’ai dit, ces gens ont horreur des femmes et des hommes qui déshabillent les faux princes et les fausses princesses.

 

le fil du temps,-min-1

 

Les maîtres des horloges, les rois du monde, ce sont les pauvres, ceux qui vivent sans chercher à tromper, ceux qui appartiennent à la vérité nue. J’ai trouvé en ligne ces phrases de Cornelius Castoriadis :

« Dans le pays d’où je viens, la génération de mes grand-pères n’avait jamais entendu parler de planification à long terme, d’externalité, de dérive des continents ou d’expansion de l’univers. Mais, encore pendant leur vieillesse, ils continuaient à planter des oliviers et des cyprès, sans se poser de questions sur les coûts et les rendements. Ils savaient qu’ils avaient à mourir, et qu’il fallait laisser la terre en bon état pour ceux qui viendraient après eux, peut-être rien que pour la terre elle-même. Ils savaient que, quelle que fût la « puissance » dont ils pouvaient disposer, elle ne pouvait avoir des résultats bénéfiques que s’ils obéissaient aux saisons, faisaient attention aux vents et respectaient l’imprévisible Méditerranée, s’ils taillaient les arbres au moment voulu et laissaient au moût de l’année le temps qu’il lui fallait pour se faire. Ils ne pensaient pas en termes d’infini – peut-être n’auraient-ils pas compris le sens du mot ; mais ils agissaient, vivaient et mouraient dans un temps véritablement sans fin. »

Les carrefours du labyrinthe, II, 1986

*

8 décembre 2018, jour mémorable

Je n’oublierai pas ce matin d’hiver où, dans la nuit noire encore, j’ai vu des blindés dans ma ville, Paris. Des blindés envoyés contre le peuple français par le président de la République française.

flashball

Je n’oublierai pas la tristesse sans nom de ce jour où, dès l’aube, les arrestations arbitraires se multiplièrent, par centaines, dans ma ville et dans mon pays. Ce jour où la police, une fois de plus, violenta les manifestants, tirant au flashball dans les visages, dans les yeux, les ventres, là jetant un handicapé à terre, ailleurs traînant une femme au sol par les cheveux, chargeant des gens agenouillés en hommage aux lycéens humiliés par cette même police, nassant ou visant au canon à eau des personnes pacifiques, menaçant de mort ou matraquant des gens tranquilles.

Je n’oublierai pas cet attentat de l’État contre le peuple. Ce blindé dans Paris peint du drapeau européen et du nom Hermès. Hermès, dieu des médias en rempart d’un président autodéclaré jupitérien -une falsification parmi tant d’autres de ce pouvoir.

Je n’oublierai pas ces jours où, après des mois de pouvoir abusif et de harcèlement verbal, les insultes répétées du président aux classes populaires se sont changées en violences physiques. Ce jour où il a fait suivre, en toute perversion narcissique, l’obscénité des violences de celle d’un appel à l’amour.

Je n’oublierai pas ce jour où, malgré les tentatives de terrorisation du peuple par le pouvoir et ses médias dans les jours précédents, des dizaines de milliers de citoyens, soutenus par des millions d’autres, ont manifesté la fierté intacte du peuple français.

Marianne par Alon Guez, École de l'image des Gobelins

Marianne par Alon Guez, École de l’image des Gobelins

*