Brève chronique du nihilisme ordinaire

corbeaux et emballage à sandwich, photo Alina Reyes

 

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Goncourt de la poésie, je ne savais pas que ça existait.  L’un et l’autre mot s’annulent réciproquement. Reste : rien.

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Suicide probable de l’infirmière anglaise piégée par une radio. Cette mode des canulars. Jouer avec les autres comme s’ils n’étaient pas des humains mais des espèces de machines. La preuve que non.

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Hommages de partout à un architecte qui a construit une ville conçue pour ne pas pouvoir y marcher. Une ville pour la négation de l’homme. Une ville pour fantômes.

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Au Japon, une société vend des poupées sexuelles d’enfants pour les pédophiles. Une autre offre aux femmes des hommes à la location, pour toute sorte d’accompagnements, y compris dormir, sauf sexuels. Cela dans une société vieillissante, où les ventes de couches pour le troisième âge dépassent celles des couches pour bébés.

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En Égypte, des hommes sont payés pour aller agresser sexuellement des manifestantes, afin de les obliger à quitter la manifestation.

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En France, un intellectuel athée estime la validité d’un imam en fonction du nombre de ses followers sur Twitter. Un intellectuel musulman vante et relaie son article sur Facebook. Le tout dans un but qui n’est pas sans lien avec ce qui a été dit précédemment dans cette brève chronique. Le nihilisme ordinaire, c’est aussi la fausseté et la bêtise ordinaires.

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De quelques imams, de beaucoup d’Israéliens, d’une messe noire, etc

photo Alina Reyes

 

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J’en vois, des qui demandent au moins dix-sept fois par jour à Dieu de les guider dans le chemin droit, et qui entre deux prières empruntent chemin tortueux sur chemin tortueux. Et ça s’imagine servir l’islam.

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Ici et là des sites, associations, communautés, qui se veulent combattants et qui ne forment que des lecteurs de plus en plus défaitistes. Des athées, des chrétiens, des musulmans et d’autres qui ne croient plus à rien, rien de bon. L’effet fin du monde annoncée ? Alors soyons heureux parce qu’à la même date les jours vont commencer à rallonger, et si un certain monde plein d’ombres prend fin, ce sera pour laisser arriver un autre avec de plus en plus de lumière. Souriez, le ciel vous regarde !

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Si Dieu nous a fait deux oreilles plutôt qu’une, ce n’est pas pour rien. C’est pour que nous puissions entendre ce qui se donne à entendre de tous côtés. Si le verbe entendre veut dire aussi comprendre, ce n’est pas pour rien non plus.
Si Dieu nous a fait deux oreilles, c’est parce qu’il parle au minimum en stéréo. Si les mots ont plus d’un sens, c’est pour que nous apprenions à nous servir de nos deux oreilles. Si nous pouvons apprendre, c’est pour pouvoir passer dans une dimension au moins stéréophonique de la réalité.

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À Tournai en Belgique, le premier fidèle arrivé à la mosquée pour prier, vers six heures du matin, y a trouvé un Coran brûlé pendu à la porte. On touche là le fond de la violence nihiliste. C’est très grave, surtout pour ceux qui ont réalisé une telle messe noire.

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Obama : le crime contre la Palestine est une épine énorme dans sa chair, et il n’a pas le courage de la retirer. Le trouvera-t-il ? Sinon la question se règlera sans lui, et il emportera son épine dans sa tombe.

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Les quelques imams français en Israël. Qu’est-ce qui les aveugle ? Les poignées de mains avec les dominants, le voyage offert, le prestige, la figuration dans les médias ? Tout cela qui aveugle tant d’autres qu’eux, tant d’autres « braves gens » et même tant d’ « élites ». Ils font pitié, et ceux qui les utilisent, y compris en fin de course les médias, dégoûtent.

Le mieux quand même fut la roquette qui leur tomba sous le nez alors qu’ils en étaient à l’échange de courbettes chez l’ambassadeur, l’opportunément nommé Christophe Bigot. Comme quoi le ciel sait aussi nous faire rire. Je ne sais s’il leur servit des ferrero, mais le Seigneur est mon Rocher.

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« L ’Autorité palestinienne pourrait poursuivre Israël pour crimes de guerre si l’Etat hébreu ne cesse pas ses constructions dans ses colonies. »
C’est bien cela : par ses provocations, ce que cherche inconsciemment Netanyahu, c’est à être jugé. Même s’il est en plein déni de sa faute, Israël sait ce qu’est le jugement de Dieu. Israël sait que ce jugement l’attend (comme il attend chacun). Et le jugement de Dieu est toujours une miséricorde, même quand il condamne. Voyez un petit enfant qui agit mal : si vous le laissez faire, il devient agité, obstiné, malheureux, il s’entête jusqu’à obtenir la remontrance qui lui rendra la paix. L’homme est un petit enfant face à Dieu. Le pire pour l’homme qui fait le mal est de ne pas rencontrer la sanction qui lui est due, le châtiment qu’il mérite, et ce qui rétablit la justice.

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Pèlerins et nomades, trois pierres restent du feu autour duquel nous avons passé cette nuit. La fraîcheur vive de l’aube nous réveille, nous la voyons arriver dans le ciel, toucher terre. Sa couleur déchire l’heure comme une soie. Debout, en marche !

Bon vendredi, bonne journée à tous à travers les rideaux du monde !

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Tombent les masques

à Paris, photo Alina Reyes

 

« Quelle prière peule fit Nafissatou Diallo au moment où elle avait le pénis de Dominique Strauss-Kahn entre les lèvres ? » J’ai rarement lu une phrase aussi dégueulasse, aussi misogyne, dominatrice, nihiliste. Pour ne pas dire raciste. Quelque part sur internet, Stéphane Zagdanski se vante de l’avoir écrite. Stéphane, quelle débandade de la pensée, quel mauvais tournant dans ton existence. Comme si on pouvait prier pendant un viol. Esthétique nihiliste rejoignant le dolorisme de ce mauvais catholique entendu hier soir déclarer qu’on n’est jamais aussi près de Dieu que dans la souffrance. Voilà ce qu’adorent les imposteurs, souffrir et faire souffrir.

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Une représentante française des Femen, activistes « féministes », est aussi call-girl, révèle un autre site souvent trouble. Imposture pitoyable, mais pas davantage que celle de ces intellectuels prétendument contestataires du « système », qui bouffent à tous ses râteliers, télé, réseaux, entrepolissages d’égos boursouflés et creux, au service d’eux-mêmes et de ce monde qui leur permet de se donner l’air d’être ce qu’ils ne sont pas.

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Les Indigènes de la République déclarent qu’ils ne veulent pas être des indigènes de la République. Lors de la création des Ni Putes ni Soumises, je fis remarquer le nihilisme d’une telle appellation, qui ne pouvait présager rien de bon. Pourquoi s’appeler par ce qu’on ne veut pas être ? Il y a encore là une façon cachée de s’enfoncer dans l’état que l’on dénonce.

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Voyez Israël, avec son Pilier de Défense destiné à enfumer Gaza et bien au-delà, le monde. Le vrai nom de leur opération est Colonne de nuée, en référence à l’épisode biblique (dont je parlais hier) de la sortie d’Égypte, où Dieu protège son peuple en se tenant dans une colonne de nuée qui sépare le mouvement de libération des forces d’aliénation. Inversion monstrueuse, obscène, blasphématoire. Tsahal ou Hamas ou Washington ou quiconque, n’essayez pas de récupérer Dieu.

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Tous ces glorieux combattants ont pourtant un même ancêtre, Abraham, à qui Dieu a enseigné qu’il ne fallait plus sacrifier les enfants. Tous ces glorieux combattants qui par orgueil désobéissent à Dieu qu’ils prétendent servir, qui par paresse choisissent le combat par les armes plutôt que par l’intelligence, qui les yeux pleins de sang ne voient pas que Dieu leur a dit de sacrifier la bête en eux plutôt que l’enfant, tous ces glorieux combattants, et ceux qui les soutiennent, et ceux qui négligent de retenir leur bras et de les guider dans une autre voie, je les appelle des assassins.

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Le sionisme doit-il être remplacé par un autre nationalisme, islamiste ? À peine déclaré le cessez-le-feu, des va-t-en-guerre bien à l’abri en France ont paru s’ennuyer déjà du spectacle de la mort. Et si on commençait plutôt à rêver de la paix, et à réfléchir à comment la construire ? Un jour ils seront frères et réunis, tous les enfants d’Abraham qui habitent toute la Palestine.

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Un père américain a transformé pour sa petite fille de cinq ans le héros de Zelda en jeune fille, et le but de son aventure en désir de secourir son petit frère. Les esprits conservateurs se moquent, mais une héroïne qui se bat pour sauver son petit frère c’est beaucoup plus courant et vraisemblable qu’un héros qui se bat pour sauver une princesse.

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Michel Onfray, omnimédiatique, déclare qu’il est « un ogre ». Grosse crise d’hystérie ? La crise du milieu de la vie ? La peur de manquer d’être face au trou noir qui vient ? Un peu d’ascèse, ça ira mieux. Contre les tentations style «Grande bouffe », « Je suis partout », ou « Règle du jeu », écoutons donc la leçon des grandes religions, et notamment de l’islam : la règle du jeûne. Profond apaisement garanti.

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Les musulmans les plus influents du monde sont paraît-il le roi d’Arabie, le premier ministre turc et le roi du Maroc, suivis de beaucoup d’autres personnalités diverses. Des musulmans influents, mais sur quoi ? J’aurais plutôt dit : le Prophète, et puis aussi Jésus, Moïse, et tous les autres prophètes dont la parole n’a cessé de combattre pour la vérité. Ils sont si vivants, et leur parole est si vivante, elle seule traverse les siècles et continue à faire vivre le monde. À lui donner espérance en se renouvelant aussi, comme elle le fit par la voix d’un Gandhi et continue à le faire par chacune de nos petites voix, si discrètes soient-elles, quand elles parlent clair, en accord avec ce que nous sommes, vivons et disons. Ce monde depuis si longtemps travaillé par tant de nihilisme serait écroulé, ce monde en pleine grande inversion serait déjà anéanti, sans cette vivante parole de vérité, par laquelle nous devons continuer à le soutenir, piliers humains.

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Aux U(r)nes citoyens !

 

Quelques Unes de ces toutes dernières semaines (sauf celle du Fig Mag, qui est du 21 septembre 91, reprise sur plusieurs sites internet pour illustrer leur dernier sondage très défavorable à l’islam). Sur celle d’aujourd’hui, avec femme à grand voile poussant la porte de la CAF, ils tirent dans le dos. Titrent sur le coût, en pensant à ce que ça va leur rapporter. C’est la saison de la chasse. La plus sale qui soit.

Tandis que la République s’apprête à célébrer des mariages homosexuels, l’hystérie continue. On se croirait à la Salpêtrière à la fin du XIXème siècle, avec dans le rôle des folles les prétendus médecins, pur produits de l’Occident, des savants « éclairés », se repaissant de l’ « étrangeté », inquiétante bien sûr, des femmes… Après ça la suite logique c’est le délire de mort, qui se propage des élites aux peuples. Démocratiquement, s’il vous plait : après les Unes, aux urnes, citoyens !

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Les menteurs

tout à l'heure à Paris, photo Alina Reyes

 

Un Dictionnaire des enfants a fait scandale cette semaine, au point d’être retiré de la circulation. Réalisé par des élèves de maternelle et d’élémentaire, il comportait des phrases jugées insupportablement sexistes, comme : « Maman repasse le linge » ou « Les hommes ont de la barbe ». Ils disent ce qu’ils voient, ces petits. Et comme ça ne correspond pas à ce que veulent voir les adultes, ils les censurent. C’est qu’on veut pouvoir dire que la femme occidentale est plus libérée qu’une autre, et que malgré les différences entre les sexes, il n’y a pas de différence. Bande de menteurs !

L’épreuve du CAPES de Lettres Modernes, jeudi dernier, portait sur le mensonge en littérature, d’après une citation de Louis-René des Forêts, auteur très surévalué. Or il n’y a pas de mensonge en littérature. Le mensonge peut venir après, quand on s’arrange pour faire croire que ce qui est littérature est en fait témoignage de quelque chose qui a été vécu ou est vécu dans la réalité. Ceux qui se font passer pour d’anciens déportés, par exemple. Celles qui se racontent dans des situations sexuelles invraisemblables, style La vie sexuelle de Catherine M et les font passer comme expérience vécue telle quelle, pour mieux vendre. L’autre sorte de mensonge c’est tout simplement de s’arranger à faire passer pour de la littérature, grâce à de l’entregent et de bons relais médiatiques, ce qui n’est pas de la littérature mais du produit fabriqué pour prix littéraires et ventes, ou simplement comme épate-bourgeois, pour entretenir l’illusion et continuer à tourner dans la galerie des glaces. Bande de menteurs !

J’ai mis mon article sur l’instrumentalisation d’Israël et de la Palestine sur le site Agoravox. Assez rapidement les commentaires islamophobes et haineux y sont arrivés, puis ont monté en puissance jusqu’à se transformer vers la fin en obsession maladive. Le fait que je sois une femme, et devenue musulmane, n’a fait, je le crains, qu’exacerber cette folie. Non seulement on s’y est adressé à moi avec une morgue condescendante, un paternalisme faussement bienveillant, voire un mépris sexiste éhonté, mais à la fin on s’est mis à y inventer que j’envoyais des mails à l’un de ces contradicteurs. C’est qu’il faut absolument dévaloriser la parole vraie. Bande de menteurs !

Après la Une islamophobe du magazine Le Point, au cœur d’un intense campagne médiatique pointant obsessionnellement l’islam, Valeurs Actuelles a remis le couvert cette semaine avec une Une reprenant le thème de la jeune fille voilée, en particulièrement dramatique. Frontal, le regard froid que seul laisse passer la fente du niqab noir laisse planer un sentiment d’épouvante. Décidément, ils ne sont vraiment pas tranquilles, les gars. C’est peut-être leur conscience qui n’est pas tranquille, en fait ? Ils se demandent si l’Occident ne va pas finir par payer ses siècles de domination sans foi ni loi. Ils fantasment leur punition comme de vilains masochistes, mais on n’a pas forcément envie de se fatiguer à leur donner la fessée. Il y a quand même mieux à faire : vivre, libre. Même s’ils veulent faire croire que le musulman n’est qu’une figure de mort. Bande de menteurs !

Reportage chez Drouant, dans la cohue suivant l’attribution du prix Goncourt : Les journalistes se comportent comme des porcs, témoigne le site Bibliobs, rapportant les propos de serveurs du restaurant. Israël défend ses frontières, titre aujourd’hui le JDD, après des violences qui ont fait six morts et vingt-cinq blessés palestiniens à Gaza, et quatre blessés parmi les soldats israéliens. Bande de menteurs ! Israël viole les frontières, occupe et pille la Palestine depuis des décennies, avec la complicité de plus en plus scandaleuse des Etats-Unis et de l’Europe. Mais cela ne durera pas éternellement. L’eau de la vérité se faufile comme elle peut, par petits ruisseaux à travers le monde, elle n’a l’air de rien sans doute mais à la fin elle l’emportera.

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L’instrumentalisation d’Israël et de la Palestine dans la politique mondiale

Halloween à Paris, photo Alina Reyes

 

Pendant trois ans Benyamin Netanyahou a soutenu Mitt Romney, espérant se débarrasser de Barack Obama, dit-on en Israël. Au cours des dernières heures M. Netanyahou a continué à faire des annonces morbides : relance de la colonisation, menace d’attaque contre l’Iran.

Barack Obama a été réélu. M. Netanyahou a peut-être développé un sentiment de surpuissance et d’impunité, du fait du soutien des Etats-Unis et de l’Europe à Israël. Mais Israël en lui-même ne peut rien, rien de plus que ce que peut n’importe quel petit peuple. C’est-à-dire beaucoup, à condition d’être dans son droit. Ce qui se dit aussi, en langage théologique, d’avoir Dieu avec soi. Ceci est d’ailleurs inscrit à même le nom d’Israël, nom donné au patriarche Jacob au terme de son combat nocturne avec l’ange. Le nom Israël dit la force de Dieu, et la force de celui qui combat en cherchant Son visage, en cherchant la justice et la vérité. Sans cela, Israël, comme tout peuple, comme tout homme, finit vaincu par son propre égarement.

Dans certains milieux on s’en prend violemment au lobby juif, qui par sa puissance sociale et financière influe sur les gouvernements américains et européens en faveur d’Israël et au détriment des droits des Palestiniens. Ce lobby existe et agit, c’est certain. Mais pourquoi l’Amérique et l’Europe lui obéiraient-elles ? Sans doute il dispose d’une puissance certaine. Mais au point de faire plier des superpuissances ? C’est l’idée que ressassent inlassablement ses adversaires, et que ses alliés, avec beaucoup de duplicité, laissent s’exaspérer parmi les peuples.

En vérité les États-Unis et l’Europe collaborent avec les lobbys juifs non parce qu’ils sont à leur botte ou sous leur influence, mais parce que cela les arrange. Les grandes puissances coloniales et, ou, impérialistes, de ces derniers siècles, sont en train de perdre énormément de terrain dans le monde. L’Amérique latine, l’Afrique, le Moyen-Orient progressent dans l’émancipation. La Russie, la Chine, regagnent en vigueur dans leurs positionnements géostratégiques. Le monde est en train de se recomposer, et ceux qui ont le plus à y perdre sont ceux qui trouvaient le plus à gagner dans l’ordre ancien. Israël se retrouve en position de pion capital pour les superpuissances en grave perte de puissance. Dernier comptoir colonial, plus sûr que tout autre parce que plus menacé d’écroulement sans ses puissants appuis, dûment muni de l’arme nucléaire,  Israël est le pied que l’Occident garde sur un monde qui lui échappe chaque jour un peu plus. Tandis que la Palestine crucifiée peut servir de justification aux aspirations totalitaires ou belliqueuses d’autres puissances montantes.

C’est l’intérêt de ceux qui manœuvrent ainsi d’essayer de dissimuler ou de faire oublier leurs manœuvres. C’est pourquoi ils se livrent à une propagande sournoise et continue afin que les esprits et les peuples se radicalisent soit contre les juifs, soit contre l’islam. Il faut enraciner l’impression que la responsabilité de tous les troubles revient soit aux juifs, soit aux musulmans, selon l’idéologie dans laquelle on se place. Lorsque des hommes au pouvoir, comme chez nous, redoublent ostensiblement de complicité avec les juifs et de défiance envers les musulmans, ce sont en fait à la fois les juifs et les musulmans qu’ils prennent en otage de leur volonté de puissance. Une telle politique ne peut que dresser les uns contre les autres, et continuer à égarer le peuple. La démocratie se délite, n’est plus en mesure de contrôler le désir des hommes au pouvoir d’avoir toujours plus de pouvoir. Tel est leur moteur, de même que celui de l’artiste est d’avoir toujours plus d’art. Chaque fois qu’une société devient incapable de maîtriser ce moteur, qui s’emballe d’autant plus en temps de transformation et de panique, le pire est à craindre, le pire peut arriver.

À son insu peut-être, Israël est poussé à bout et instrumentalisé comme d’autres peuples, comme chacun de nous l’est ou est en danger de l’être par le climat de mensonge général, qui brouille la vérité et éloigne toujours plus la possibilité de poser un juste regard sur ce qui se passe réellement. Or l’intérêt de chaque homme et de chaque peuple sur cette terre, du plus petit au plus grand, est au contraire de débrouiller la vérité, de négocier et de s’entendre en son nom, elle sans qui ne peuvent advenir ni justice ni paix ni prospérité. Pauvres ou riches, nous ne voulons pas aller à la mort. Et si certains le veulent, nous voulons les empêcher de nous imposer leur volonté morbide. Espérons en un sursaut de lucidité et d’honnêteté des gouvernants, et surtout commençons par renoncer nous-mêmes à ce qui dans nos combats n’est pas orienté dans le vrai juste sens, renonçons à suivre les mots d’ordre dévoyés, d’où qu’ils viennent, et travaillons à augmenter en nous et en autrui, de proche en proche, le courage de vivre et d’aimer la vie, de la défendre pour soi et pour les autres, pour la communauté humaine.

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Des partouzes, du voile, du mot antisémitisme et des boiteux


photo Ricardo Moraes/Reuters

 

L’Islam sans gêne, titre en une Le Point de cette semaine. S’ils nous trouvent sans gêne, c’est peut-être parce qu’eux sont tout empêtrés dans leur gêne face à l’islam. Sur leur site, le jour de la sortie de ce numéro, à la rubrique anniversaire, ils évoquaient une partouze organisée au Vatican par le pape et le clan des Borgia. Façon de dire : voilà qui nous sommes, nous. Le lendemain, jour anniversaire de la guerre d’indépendance algérienne, ils ont mis : « 1er novembre 1925. Plutôt mort que cocu. Max Linder entraîne sa jeune épouse dans le suicide. » C’est ça, ils se sentent cocus. Comme Longuet avec l’Algérie. Et comme dans les pièces de théâtre, les cocus deviennent vite ridicules, avec leur suspicion, leur égarement, leur rancoeur.

Ils ont dû laisser leurs colonies, alors ensuite c’est le peuple de métropole qu’ils se sont mis à coloniser. Ce peuple formé de beaucoup d’immigrés et enfants d’immigrés, mais aussi du peuple de toujours et de sa jeunesse, de tous ceux qui n’ont pas pour but dans la vie de dominer et exploiter autrui. Mais au fond les colonisés sont déjà plus libres que les colons, prisonniers de ce besoin de coloniser sans lequel ils ont peur de ne pouvoir survivre.

« L’islam sans gêne ». Cette couverture d’une jeune femme voilée avec de bien beaux yeux. Il y a quand même quelque chose de louche, si je puis dire, dans l’obsession de ces gens contre l’islam. Comme un désir refoulé. Le désir de Dieu. Ils essaient de se rattraper en brandissant leur sexe apeuré, mais cela ne suffira jamais. Car c’est pire qu’un désir sexuel refoulé pour ceux qui voient des gens aimer Dieu alors qu’eux ne le peuvent pas, à cause de leur culture. « Venez à la félicité ! », appelle le muezzin. Se tenir debout, s’incliner, se prosterner devant Dieu, rien n’est meilleur à vivre et ils se sont condamnés à ne jamais le connaître.

 

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« Nulle contrainte en religion » dit le Coran (II, 256). Dieu libère. Une religion qui se mettrait à dire le contraire irait vers sa mort. Mais parmi mes frères en islam, ils sont nombreux aussi à avoir quelque problème avec la femme. Le premier des cinq piliers de l’islam est l’attestation de foi selon laquelle « il n’est de dieu que Dieu, et Mohammed est son messager ». Ceci, nous le répétons plusieurs fois par jour, afin de nous prémunir contre l’idolâtrie, et de nous rappeler que la parole que nous devons suivre, c’est celle qu’a transmise Mohammed, lui-même recommandant aussi celle des autres prophètes. Dans le Coran il demande aux femmes la pudeur, de rabattre leur habit sur leur poitrine. Rien de plus. Il n’est jamais question de cheveux ni de hidjab, sauf pour tout autre chose que la tête de la femme (nous en avons parlé à propos des sourates Al-Khaf et Marie). Les historiens relatent que Mohammed a fait cette recommandation de pudeur aux femmes parce que les messieurs de Médine visiblement ne savaient pas se tenir, et voulaient se les échanger comme des chameaux. Ils rappellent aussi que le voile n’a jamais été imposé aux femmes en islam, qu’il n’a pas été porté pendant les siècles de splendeur de son règne et n’est devenu à la mode qu’à partir de sa décadence. À méditer.

Pour les prescriptions, plusieurs hadiths montrent que le Prophète était en fait un homme très souple et très compréhensif des différentes situations des êtres humains. Autant que je sache, il n’a jamais dit qu’une femme non voilée irait en enfer, alors qu’il l’a beaucoup dit pour les hypocrites.

Mais parmi nos frères (surtout) et nos sœurs, beaucoup semblent vouer une idolâtrie à cette question tout à fait secondaire, qui n’est en rien l’un des piliers de l’islam, et qu’ils sacralisent pourtant. Se retrouvant ainsi à faire le même jeu que ceux qui ont peur d’eux. Car c’est la peur aussi qui les fait se raccrocher au voile comme à la jupe de leur maman. Non mes frères vous ne perdrez pas votre virilité si vos femmes vont tête nue. Non mes sœurs vous ne serez pas assurées d’être plus saintes si vous êtes voilées. Je comprends le choix du voile d’autant mieux que depuis longtemps je suis moine dans l’âme et pratique beaucoup la contemplation et la méditation avec une capuche sur la tête. Je prie voilée, et je prie selon les temps et la règle de l’islam. Mais pour le reste du temps il faut que cela demeure un choix, un choix ni contraint ni forcément définitif. Et j’aime aussi sortir cheveux au vent, qu’il me parle librement aux oreilles. Dieu y souffle, et il est d’accord pour que je l’écoute.

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Houria Bouteldja, porte-parole des Indigènes de la République, est traitée par le Crif de « démon antisémite » pour avoir rappelé dans une émission télévisée que le problème de l’antisémitisme était lié à l’antisionisme, lui-même généré par les crimes commis par l’État d’Israël. Ah ! antisémitisme ! Le mot sert aux sionistes, juifs ou autres, de Vade retro Veritas ! Il est parfaitement vrai que le problème israëlien est crucial pour la paix sociale hors d’Israël et pour la paix dans le monde, mais comme ils ne veulent pas l’admettre ils sont prêts à toutes les dénégations. Ils ne sont évidemment pas les seuls à fonctionner ainsi, mais ils se trouvent malheureusement au coeur d’une question particulièrement aiguë, qui rend le déni de plus en plus invivable pour tout le monde.

Il ne s’agit pas de faire de l’État juif le bouc émissaire de tous les maux, mais de reconnaître ce qui est. À savoir que cet État viole chaque jour un peu plus le droit international, et ceci avec la complicité de pays occidentaux impérialistes qui perpétuent ainsi sous une autre forme le colonialisme des Blancs au détriment d’Arabes. L’antisémitisme est évidemment injustifiable, mais on ne peut le combattre sans agir aussi contre l’injustice énorme perpétrée par l’État juif, sans s’en désolidariser. Ces gars se contredisent allègrement, étant mystiques quand ça les arrange (le droit à leur terre sacrée) et ne l’étant plus quand il s’agit de voir comment le mal, à partir d’un point crucial, peut empoisonner le reste du monde.

Pour autant ils ne sont pas les seuls, loin de là, à boiter gravement. Citons aussi les anti-colonialistes collabos. Les féministes sans pensée. Les religieux sans Dieu. Les élites porcines. Les auteurs tortureurs de verbe… La fosse éternelle, les boiteux sont toujours tout près d’y tomber. Ils ont beau fermer les yeux, un jour ou l’autre ça finit par arriver. Allez hop, sortez de là !

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