Moi, vaisseau spatial


tout à l’heure à l’Institut du Monde arabe, photo Alina Reyes

 

À l’Institut du Monde arabe il faisait frais comme dans un mirage. Mais je suis si complètement unie au ciel que j’ai pied absolu sur toute terre. Au long du parcours les musiques discrètes m’ont ravie en extase. Et les motifs géométriques, les astrolabes, l’écriture poussière. Les croix dans des cercles, les chandeliers à sept branches, le feu à la porte du ciel. Je n’ai jamais vu, ni de près ni de loin, un homme ou une femme qui connaisse le « ciel », mais je vois que c’est l’entière communauté des hommes qui en a connaissance, comme l’abeille a être par la ruche. Individuellement ils sont aveugles. Ils vivent selon le monde, selon des intérêts, non selon le tout, dans la gratuité parfaite. C’est pourquoi ils ne peuvent connaître le vrai ni le comprendre ni l’accueillir ni le saisir, comme le dit saint Jean des ténèbres par rapport à la Lumière. En ce moment même le ciel a les yeux grand ouverts, nous nous regardons dans les yeux et il m’embrasse sur la bouche.

*

Un thé à la mosquée

 

C’est l’été, je prends un thé dans le patio de la Grande Mosquée. Des moineaux pépient dans les figuiers, au-dessus des parasols crème. Ils vont et viennent, se posent sur les lanternes en fer ajouré qui pendent du plafond en marquetterie, étroit comme une allée, de l’auvent ; sur les grilles forgées des fenêtres ; sur le bord des petites tables rondes de mosaïque bleue ; sur le dossier des chaises de rotin, tressées de bleu et blanc, ou blanc et rouge ; sur le sol à mes pieds, et mes orteils frémissent de joie. Les gens sont là en couples, ou par deux amies. Moi aussi j’y suis venue avec une amie ou l’autre, dans le passé. Maintenant j’y vais seule avec mon cahier – je n’ai jamais eu de meilleur ami que lui. Je suis heureuse. La paix est belle. Les gens sont ici en paix.

(…)

Les pépiements, les volettements des moineaux me ravissent, ils me rappellent ceux qui ont accompagné le temps de prière que je fus autorisée à passer, seule, il y a quelques mois, dans une petite salle de la mosquée. Je ne l’ai pas refait, car ils s’attendraient à ce que je me convertisse, n’est-ce pas ? Or je suis déjà musulmane de cœur, en plus d’être catholique de naissance, et juive de langue, disons. Et je les aime tous, intensément, très.

(extraits d’un livre en cours d’écriture)


photos Alina Reyes

*