Trinité et Résurrection

 

Au commencement était le Verbe (Jn 1,1). Or le verbe se conjugue en trois personnes : je, tu, il. Trois personnes distinctes pour un seul verbe. La conjugaison est conjugale, elle fait signe d’amour et d’union ou de mouvement vers l’union. Sans amour, pas de reconnaissance de l’autre, donc pas de tu ni de il, et même pas de je, car je n’est que pour parler à l’autre. Je n’est que par le verbe, qui demande un sujet.

Dire je, vivre je, c’est reconnaître tu et il. Je, la première personne, comprend le tu et le il, à tous les sens de comprendre. S’il y a un père, c’est qu’il y a un fils. (Bien sûr toutes les personnes peuvent être soit masculines, soit féminines). S’il y a un fils, c’est qu’il y a un père. (Si je suis mère, c’est parce que j’ai un fils ou une fille, mais c’est aussi parce que je suis fille). S’il y a un je et un tu, ce tu est aussi un je, et nécessairement pour moi un il, de même que si je suis un tu pour un autre je, je suis aussi nécessairement pour lui un il. S’il y a un rapport, il y a nécessairement une distance. S’il y a un je et un il, ce il est appelé à devenir un tu. S’il y a une distance, elle est un appel au rapport, par cela même elle est déjà rapport, quoique encore inaccompli.

En vérité l’évangile de Jean dit : en archè, soit : dans le commencement.

Et le premier mot de la Bible, berechit, dit : dans le commencement.

Et le premier mot du Coran, bismillah, dit : dans le nom de Dieu.

Qu’est-ce que ce dans ? À la fois chacune des trois personnes du verbe, et leur rapport. Ce dans est l’espace de l’Esprit, le lieu où tout cela se produit. Si je suis Fils de l’homme, ainsi que se dénomme lui-même Jésus, si je suis incarné, donc si je est, il est nécessairement dans l’Esprit, et donc dans l’espace de Dieu, le Dieu unique, en qui est tout ce qui est, en qui sont toutes les personnes du verbe, qui sont trois.

Tout homme naît fils de l’homme, et donc, nous le voyons, fils de Dieu, parce qu’il naît d’un appel de Dieu. Mais ses manquements au rapport le font déchoir de l’espace de Dieu. Il n’est plus dans, il est hors de cet espace originel, le Paradis. Jésus, Fils dans l’absolu, accomplissant le rapport perdu jusqu’en son extrême conséquence, le restaure pour tous, comme Royaume où nous sommes attendus, appelés au rapport, aussi appelé Jour du Jugement dernier. La Résurrection est l’œuvre de ce rapport.

 

Sous un autre jour

 

Dans le mot grec proseuchè, qui signifie prière, nous entendons :

pros : qui signifie face à (c’est aussi le préfixe de prosternation)

eu : qui signifie bien, bon

chéo : qui signifie verser, répandre

Ainsi est-il possible d’entendre dans la relation des trois syllabes de ce mot tout à la fois l’attitude de l’orant et celle de Dieu. Ainsi en est-il de l’attitude des derviches tourneurs, qui lors de leur prière dansée, bras en croix (et la tête couverte d’une coiffe signifiant la mort de l’ego), tiennent une main tournée vers le ciel pour recevoir la grâce qui en descend, l’autre tournée vers la terre pour l’y reverser. (C’est aussi l’attitude de l’arbre qui fait la couverture de Voyage).

Le bienheureux Charles de Foucauld écrivit en 1901 : « L’Islam a produit en moi un profond bouleversement. La vue de cette foi, de ces âmes vivant dans la continuelle présence de Dieu, m’a fait entrevoir quelque chose de plus grand et de plus vrai que les occupations mondaines ». J’ignorais quasiment tout de lui lorsque, « par hasard », j’allai un jour à Tamanrasset, et au désert – où je le compris d’un coup, tant cet endroit, avec ses habitants, sédentaires et nomades, me captura d’amour : Dieu Y est.

Ce père du désert écrivit aussi : « Avoir vraiment la foi, la foi qui inspire toutes les actions, cette foi au surnaturel qui dépouille le monde de son masque et montre Dieu en toutes choses ; qui fait disparaître toute impossibilité ; qui fait que ces mots d’inquiétude, de péril, de crainte, n’ont plus de sens ; qui fait marcher dans la vie avec un calme, une paix, une joie profonde, comme un enfant à la main de sa mère ; qui établit l’âme dans un détachement si absolu de toutes les choses sensibles dont elle voit clairement le néant et la puérilité ; qui donne une telle confiance dans la prière, la confiance de l’enfant demandant une chose juste à son père ; cette foi qui nous montre que, « hors faire ce qui est agréable à Dieu, tout est mensonge » ; cette foi qui fait voir tout sous un autre jour … »

 

Salves et bondissements

 

Réveillée avec une salve d’idées nouvelles pour la sortie de Voyage. Oui, je fais toutes choses nouvelles.

Ne croyez pas ce qu’on vous dit, que « nous sommes des pauvres gens », condamnés au péché. La voie de la libération est ouverte.

Le problème de notre monde c’est la perte de l’universalisme de l’homme, qui s’accompagne de la perte de son éternité. La spécialisation des tâches et des études accroît l’efficacité, mais vient un point où l’homme se retrouve au fond de l’impasse. Nous devons retrouver la voie de notre propre universalité, en goûtant notre humilité dans l’accomplissement des tâches humbles (au lieu de les déléguer) autant que dans celui des grandes missions. La voie qui donne et requiert celle de savoir prendre son temps, et d’en être en retour gratifié par Dieu à l’infini pour un.

Car plus, en allant humblement et lentement, on se rapproche de Dieu, plus on va vite dans les siècles des siècles. Tout en bondissant, à la fin qui est aussi à chaque instant, par-delà les siècles. Embrassant tout le temps.

 

Lumière en Voyage

La beauté de Voyage fait mourir de joie. Je n’y suis pour rien, c’est la beauté de Dieu.

Le livre n’est plus comme il est sur ce site, sa forme a complètement changé et il est beaucoup plus complet , accompli. Je réfléchis à la façon dont je vais, selon la volonté de Dieu, le faire paraître au monde.

Le livre vous jette dans le cœur Lumière, je suis sa première lectrice, je peux vous renouveler la Promesse. Il n’abolit aucune religion, il les exalte. Le Pèlerin d’Amour, fidèle absolu de Dieu, n’est inféodé à aucune, et amoureux de toutes. Il est lui-même leur lien d’amour, et ainsi sera-t-il, par sa vie.

 

 

Oiseau

photo Alina Reyes

 

C’est le printemps. Le merle chante dans la cour de l’immeuble à l’aube du matin et à l’aube du soir. Je sais prier avec les oiseaux ! Je sais vivre en ermite, je sais vivre en compagnie, je sais vivre en communauté. Mon sang danse ! Je sais marcher longtemps, je sais chevaucher, je sais conduire et même dans la neige, dans la forêt, sur le sable. Un petit peu je sais chanter, peindre, danser, jouer de la musique, reconnaître les constellations. J’ai tout fait ! L’amour, oh oui je sais. Je sais m’occuper des bébés, je sais élever les enfants, je sais faire du feu, je sais lire, je sais écrire ! Je sais décider. Je sais attendre. Je sais agir sans hésiter ! Je sais parler avec le ciel, les arbres, les animaux, les herbes, les pierres, tout. Je sais faire la cuisine pour tout le monde. Je sais jeûner. Je sais prier. Je sais les êtres humains. Je sais porter un enfant sur mon dos. Je sais rire ! Je sais aimer. Je sais que je ne sais rien faire, c’est Dieu qui sait à travers je.

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Cellule

image Alina Reyes

 

J’ai bien fait de jeter « par inadvertance » mon travail de décembre sur Voyage. J’avais recomposé le livre de façon trop peu naturelle. Je vais tout simplement suivre le cours du temps de la parole. (J’ai bien fait de jeter « par inadvertance » signifie bien sûr : Dieu m’a fait jeter ce qui n’était pas bon, et bien évidemment Il a eu raison).

En me lavant la tête commençant soudain à répéter sous la douche la prière du cœur en russe, puis continuant pendant des dizaines de minutes, je me dis : tout, pour ce qui me concerne, est dans Forêt profonde. Comme aussi dans mes autres livres depuis le tout premier et avant le premier. Il fallait le dire et je l’ai dit, c’est passé. « Ô les croyants! Quand vous contractez une dette à échéance déterminée, mettez-la en écrit ; et qu´un scribe l´écrive, entre vous, en toute justice ; un scribe n´a pas à refuser d´écrire selon ce que Dieu lui a enseigné ; qu´il écrive donc, et que dicte le débiteur : qu´il craigne Dieu son Seigneur, et se garde d´en rien diminuer. » (Coran 2, 282)

Nous devons à Dieu la vie, et c’est pourquoi, scribe, j’écris pour nous.

Ce qui me concerne concerne encore les hommes mais ne me concerne plus. Je pourrais finir musulmane de culte musulman au cœur du monde, ou musulmane compagne de Bouddha sur une montagne ou une route, ou musulmane de rite chrétien retirée dans un monastère russe de barbus à longs cheveux, ou bien encore musulmane cellule invisible gorgée de chants au bord de toute rivière, tout océan, tout ciel. Ce que je suis déjà.

Où vous autres serez, peut-être. Ou d’autres furent, sont et seront.

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