Jamais je n’ai écrit aussi lentement. Ni aussi splendidement, il me semble. La lenteur vient sûrement au moins en partie de la fatigue due à des années de travail et de bataille intenses, aux problèmes de santé qui ont suivi et au traitement que je dois prendre maintenant ; due peut-être aussi un peu à l’exercice physique, mon heure de yoga et mon heure de marche quotidiennes, par ailleurs précieuses et indispensables. Mais il est possible de tirer parti d’à peu près tout. La lenteur devient profonde en partie grâce au yoga, patiente grâce à la marche, sage grâce à la fatigue. Et grâce à la lenteur ma poésie augmente, augmente en simplicité, en beauté, en signification. Je passe des jours sans écrire, loin du laborieux nulla dies sine linea (une injonction de fonctionnaire à laquelle je ne me suis jamais pliée), et c’est la vie même qui fermente en moi, vigne livrant son jus quand j’y retourne.
Ce soir à la bibliothèque de recherche du Muséum et hier rue Mouffetard, photos Alina Reyes
Se plier aux exigences du consensus, avoir ainsi le Congourd ou autre prix ou succès de ce genre, est une solution au statut précaire d’auteur. J’aime trop la vie, la liberté, la littérature, pour seulement l’envisager. Mon truc, c’est la littérature virile. J’en lis (pas dans la production actuelle car il n’y en a pas – le monde littéraire n’a jamais été viril et plus il est industriel, moins il l’est) et j’en fais. Viril ne signifie pas « de mec » mais courageux (selon son étymologie). Je regarde mon trajet depuis l’enfance, je le vois foudroyant et filant, aussi clair que l’éclair ou la météorite, ni compromis ni vaincu, toujours ultrasensible, en éveil. La voilà, l’éternité. Dans ce qui ne sombre ni ne meurt.
Présent. Voici mes images de nos trois jours (deux nuits) à Strasbourg, cette semaine. Nous comptions beaucoup visiter le musée Tomi Ungerer mais il était fermé pour travaux. Une occasion d’y retourner. Strasbourg est magnifique et les Strasbourgeois sont particulièrement gentils, courtois en toute simplicité, souriants. La nourriture et le vin sont excellents. Le centre-ville est largement dédié aux piétons et aux vélos. Les musées contiennent des trésors de tous les temps. Au sommet de Notre-Dame nous avons été accueillis par un arc-en-ciel. Avant de repartir nous avons passé du temps en privé au hamman-piscine-spa, d’où nous sommes ressortis frais comme nouveau-nés.
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Un resto sympa pour commencer
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Vue de notre appartement à l’appart-hôtel, que je ne me lassais pas de contempler, avec les lignes graphiques des toits et la véranda, et la nuit les lumières
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Une sculpture sur l’emplacement de la Grande synagogue détruite pendant la guerre, reconstruite ailleurs dans la ville
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J’ai compté jusqu’à cinq étages sous les toits de certains immeubles
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Derrière la maison, la cathédrale la plus visitée de France (Notre-Dame de Paris étant hors jeu), haute de 144 mètres et contenant tant de merveilles qu’on pourrait y consacrer des milliers de pages, comme il y est dit quelque part
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Son horloge astronomique, que nous avons vue s’animer au quart d’heure
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Une fresque récente plutôt réussie, mais le panneau en grec du Christ annonçant « Je suis le chemin, la vérité et la vie » comporte deux fautes. Sans doute l’artiste, Christoff Baron, ne connaît-il pas le grec, mais il est regrettable que personne d’autre ne l’ait vu
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Retour dans la ville, où se trouve notamment la maison de l’un des enfants du pays, décidément riche en dessinateurs, Gustave Doré
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L’Ill passe partout, sans pour autant enfoncer la ville dans l’eau. C’est très beau.
*Un menuisier à l’atelier, fabriquant des jouets de bois
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Arpenter encore les rues, les quartiers
Vers « la petite France », allons au Musée d’art moderne et contemporain
qui possède plusieurs belles œuvres de Victor Brauner – ci-dessus « Logos et les trois matières »et aussi, entre autres de A.R. Penck – ci-dessus « Avant le rebut »
Bon je ne vais pas mettre ici toutes les images de toutes les œuvres que j’ai spécialement aimées, il y en a trop. Encore quelques-unes :Daniel Richter, « L’éternel rêve éveillé des trois fous de la montagne »
Puis à la cathédrale où nous montons par l’escalier en colimaçon jusqu’au sommet
un selfie au sommet, et voilà la réponse du ciel
où se trouve la « maison des gardes »
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Nous avons visité aussi le Musée de l’œuvre Notre-Dame
avec ses merveilles du Moyen Âge, si primitives
et si actuelles parfois
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Et nous sommes allés au Musée archéologique
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Chaque fois que je dors à l’hôtel, j’y fais aussi mon yoga, comme tous les jours à la maison, histoire de garder un corps souple et musclé, en bon état de marche – et nous avons tout le temps marché
Le dernier jour, avant de reprendre le train, je me suis baladée dans le quartier de la gare et j’y ai photographié cette « trocothèque »
et des œuvres de Street Art
Nous sommes entrés pour prendre un verre dans cet hôtel entièrement orné de Street Art
Un peu plus loin dans la rue
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j’ai découvert ce garage orné comme une grotte du paléolithique, j’y suis entrée
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Retour vers Paris. Il reste encore bien des visites à faire dans cette ville, ce sera donc pour une autre fois.
De grands noms du Street Art se retrouvent à la Butte aux cailles. Les semaines passent et les œuvres changent. Raison pour laquelle je vais régulièrement faire un tour dans ce quartier charmant du sud de Paris. Comme d’habitude j’ai photographié surtout les œuvres nouvelles, qui n’y étaient pas lors de mon dernier passage.
Aujourd’hui je vous propose un puzzle avec les images prises ce samedi, ce dimanche et ce lundi. Une « maquette à monter », comme dirait Cortazar. Les légendes peuvent aider, pour inventer une histoire.
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Passant rue Croulebarbe, j’ai vu cet artiste en train de peindre au rouleau, entre deux fresques que j’ai déjà photographiées. J’y suis repassée environ une heure plus tard, voir où c’en était, mais il était encore au travail. J’y suis retournée le lendemain, dimanche, et j’ai découvert ce personnage façon puzzle, féminin peut-être d’après son sexe, en train de faire le pont, ou de danser, ou de tomber ? signé Jibé
Puis je suis allée au Jardin des Plantes où j’ai vu des corneilles pas timides – un fléau en fait que ces légions de corneilles, pour les petits oiseaux et les plantations, entre autres. Un enfant dessinait sur le sol, comme depuis quelques centaines de milliers d’années.
Dans une rue sur le chemin du retour j’ai vu ces étranges affiches.
Le lendemain, aujourd’hui lundi, j’ai encore photographié ce que j’ai vu sur les murs de la ville (dont deux inscriptions que je n’avais pas encore vues sur les féminicides).
« Tous les dieux résident en l’homme, comme des vaches dans une étable. » Atharva-Veda
Bien que je me fasse une espèce de devoir, sans doute stupide, de commenter, de temps en temps, la sinistre actualité, je tiens à respecter le devoir le plus important de chacun de nous : la joie. (Si chacun s’occupait d’être en joie, au lieu de flouer, abuser, calculer, inciter à la délation, etc., le monde se porterait mieux). Voici en couleurs, et en images, ma joie du jour (toujours soutenue notamment par la pratique du yoga, celle de la promenade, celle de la lecture, etc.) :
J’aime beaucoup ce dessin d’arbre au stylo vu dans la vitrine de la librairie L’arbre du Voyageur, rue Mouffetard, ainsi que leur pot de fleurs devant la porte Cet après-midi j’étais à la bibliothèque Mohammed Arkoun, c’est dans ou vers les rues Mouffetard et Descartes que j’ai pris ces quelques images
« Quant à la jouissance, – les plus belles agapes fraternelles, les plus magnifiques réunions d’hommes électrisés par un plaisir commun n’en donneront jamais de comparable à celle qu’éprouve le Solitaire, qui, d’un coup d’œil, a embrassé et compris toute la sublimité d’un paysage. » Charles Baudelaire, in La forêt des poètes, Hommage à Denecourt
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la maison rouge de la rue de la Glacière, peinte par Catherine Dormoy, architecte
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Encore un bonhomme de Retro dans le 13e
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Le surlendemain de l’occupation d’Italie 2 par Extinction Rébellion, des ouvriers nettoient quelques tags
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Rue Vésale, un nuage regarde vers le square Scipion
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Boulevard Saint-Marcel, une artiste au travail
Ce dimanche, ce lundi et ce mardi à Paris 13e et 5e, photos Alina Reyes
« Rien à voir », c’est le titre de l’exposition, parce que la commissaire se propose de montrer ces œuvres de patients de l’hôpital « sans qu’il y ait rien à voir de l’ordre de la psychopathologie », en invitant à y voir de l’art avant tout. J’ai respecté la demande de ne pas faire de photo de l’exposition, mais j’ai trouvé cette image de visage aux quatre pupilles en ligne, avec d’autres des œuvres qu’on peut y voir.
Ce fut une visite très particulière et sensible. Art brut, art de fous ? Art d’humains tout simplement. Comme le disait Dubuffet, inventeur de l’art brut : « Un art où se manifeste la seule fonction de l’invention, et non celles, constantes dans l’art culturel, du caméléon et du singe. » Je suis repartie avec le catalogue d’une précédente exposition, « Du visible à l’illisible », comprenant des reproductions de manuscrits, écrits et parfois aussi dessinés, et d’œuvres utilisant une écriture rendue illisible, comme celles des prières de Jill Gallieni à sainte Rita, patronne des désespérés, qui me rappelle ce que fait maintenant Stéphane Zagdanski. Et avec le DVD d’un film sur une artiste qui fut aussi un temps à Sainte-Anne et dont je reparlerai.
J’ai pris quelques photos de l’hôpital, qui ressemble à un cimetière, et où C215 a laissé un dessin de papillon. Et en sortant, tout près, à un coin de rue, une jolie œuvre de Street Art jouant avec la verdure crevant le béton.