
Le yoga a transformé ta vie, ton mental et ton corps (en « corps de rêve »), me dit O ce matin. C’est vrai. Mental enraciné et corps ailé font voyager sans encombres la vie. Ce mental, ce corps, cette vie se sont transformés en ce qu’ils étaient déjà et en quoi il faut toujours que de nouveau ils se retransforment, pour ne pas s’abîmer. Les méthodes sont variables, mais seules sont valables celles qui engagent à la fois le mental, le corps et la vie.

Enseignante est mon premier métier – j’avais dix ou onze ans, j’ai été embauchée pour enseigner l’orthographe à un enfant, jour après jour. Qui veut enseigner doit constamment se renseigner. Ici j’enseigne ce que je sais à qui veut l’apprendre (je sais que comme en classe il y en a qui s’agitent ou qui dorment, peu importe), comme j’apprends d’autres enseignants, humains ou autres. Au jardin, j’ai contemplé les animaux et les végétaux, et j’ai encore lu Esprit zen esprit neuf, de Shunryu Suzuki, dont voici quelques autres passages :

p. 86-87 : « Quand nous sommes assis en zazen, nous reprenons notre activité fondamentale de création. On peut dire qu’il y a trois formes de création. La première, c’est être conscient de nous-mêmes après zazen. Quand nous sommes assis en zazen, nous ne sommes rien, nous ne nous rendons même pas compte que nous existons ; nous sommes simplement assis en zazen. Mais quand nous nous levons, nous sommes là ! C’est la première étape de la création. Quand vous êtes là, tout le reste est là ; tout est créé instantanément. Lorsque nous émergeons de rien, lorsque tout émerge de rien, tout nous apparaît comme une création neuve. C’est le non-attachement. La seconde forme de création a lieu quand vous agissez, ou quand vous produisez ou préparez par exemple de la nourriture, du thé. La troisième forme est la création de quelque chose en vous-même, comme l’éducation, l’art, ou un système pour notre société. Il y a donc trois formes de création. Mais si vous oubliez la première, la plus importante, les deux autres seront pareilles à des enfants qui ont perdu leurs parents : leur création n’aura aucun sens. »

p. 110 : « Nous devrions toujours vivre dans la vacuité du ciel obscur. Le ciel est toujours le ciel. Même si viennent nuages et foudre, le ciel n’en est pas gêné. Même si vient l’éclair de l’illumination, notre pratique l’oublie complètement. Elle est alors prête pour une autre illumination. Il nous est nécessaire d’avoir des illuminations les unes après les autres, et, si possible, d’instant en instant. C’est ce qu’on appelle illumination avant de l’avoir et après. »
p. 150 : « Dogen-zenji dit : « Même à minuit, l’aube est là ; même à l’aube naissante, c’est la nuit. » »
p. 154 : « Quand vous faites zazen, (…) quelle que soit votre activité, la vie devient un art. »
p. 180 (dernière page) : « Nous devons avoir l’esprit neuf d’un débutant, affranchi de toute possession, un esprit qui sait que tout est en changement continuel. Rien n’existe si ce n’est dans sa forme et sa couleur actuelles. Une chose coule en une autre sans pouvoir être saisie. Avant la fin de la pluie, nous entendons un chant d’oiseau. »
Aujourd’hui au Jardin des Plantes, photos Alina Reyes
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Ce samedi soir, dans la paix de l’appartement, j’ai lu et médité, émerveillée, les textes du moine-poète Ikkyû (1394-1481) et d’autres cités par lui, rassemblés dans ce recueil, La saveur du Zen, traduits du japonais et présentés par Maryse et Masumi Shibata (Albin Michel, 1988). Plutôt que de gloser sur eux, je donne ceux que j’ai recopiés dans mon cahier au fur et à mesure de ma lecture, afin que chacune et chacun puisse les goûter librement. (J’ajoute seulement, concernant la théorie de la réincarnation, qu’elle est immédiatement utile si l’on considère que chacun de nous a une succession de plusieurs existences dans sa vie, au cours desquelles il est possible d’évoluer ou de stagner ou de devenir plus bas). Le livre comprend aussi des textes sur la cérémonie et la philosophie du thé, que je ne cite pas ici – à vous d’aller voir !
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… et d’autres, et toutes !
Nous nous sommes d’abord arrêtés à Gisors. Dans la cathédrale très marquée par le temps,
nous avons découvert les œuvres d’





Étant les seuls hôtes du jour, nous avons eu le choix entre deux suites. Nous avons pris celle au baldaquin.
En plus de la chambre, la suite comprenait un petit salon, et une salle de bains grande comme une grande chambre, avec baignoire. De la fenêtre, en me levant à l’aube j’ai vu le soleil se lever, le ciel rouge, puis dès qu’il a fait jour une martre venir longuement bondir et danser de joie dans le pré. Ensuite j’ai fait mon heure de yoga sur le tapis, face à la fenêtre entrouverte. 











Le lendemain matin, après le petit déjeuner pris dans la belle cuisine ancienne, j’ai contemplé avec joie de notre chambre les chevaux au pré puis l’entraînement de Pierre, le propriétaire, qui devait disputer un concours de saut d’obstacles ce week-end. En fait nos deux hôtes, Pierre et Hélène, sont des cavaliers professionnels qui se sont investis dans l’entretien du château, à l’aide notamment des locations de chambres d’hôtes et de salles de réception pour les mariages. Et à quoi songeaient ces deux cavaliers dans la forêt ? À leur trésor, leur bébé de trois mois, que nous avons eu le bonheur de rencontrer.



Silex partout. « Notre » château aussi était en silex, et briques 






André Masson a vécu dans cette maison de 1937 à 1941, et y a reçu André Malraux, André Breton, Louis Aragon, Jean-Louis Barrault et Sylvia Bataille
Bizarrement l’église se trouve tout au bout du village, isolée, avec son cimetière et le rectangle des tout-petits morts 
Un pays plein d’eaux et de verdure



À l’arrière-plan de l’étang, dont nous avons fait le tour, on aperçoit le bâtiment construit par les moines pour remplacer la première abbaye en ruine. Il abrite désormais un musée que nous n’avons pas visité, préférant rester en compagnie des arbres, des oiseaux et des poissons. 

















Hier et avant-hier dans l’Eure, photos Alina Reyes
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« Caverne », ma nouvelle repeinture (cf notes précédentes), acrylique sur toile 30×30 cm