Palme du sexisme du jour

Dévor (Ulysse) s’apprête à massacrer les prétendants, mais en attendant les traducteurs massacrent Homère et sa vision de Pénélope et des femmes. Ce qu’ils font, c’est hallucinant. J’ai déjà mentionné maintes fois leurs trahisons, leur manie de qualifier les femmes admirables de chastes, ce qu’Homère ne fait jamais, plutôt que d’intelligentes ou de courageuses ou de solides comme le fait Homère, de porter un regard moralisateur sur elles, contrairement à ce que fait Homère ; j’ai raconté comment, inversant le sens du texte, ils disaient que son époux devait « gouverner » la vie de Pénélope alors qu’Homère dit « servir » la vie de Pénélope ; et maintenant, avançant dans ma traduction, je décerne la palme du sexisme du jour à Jaccottet : quand, après l’épisode où je remarquais que Pénélope était présentée par Homère comme un astre autour duquel gravitent les hommes, les hommes viennent lui offrir (avec le mot agalma qui s’emploie pour les offrandes faites aux dieux) de somptueux présents, comparés au soleil, avec une montée dans les dons qui s’apothéose dans le don d’une couronne… eh bien, que font les traducteurs ? Aucun de ceux que je consulte (que j’ai déjà cités) ne traduit « couronne », qui est pourtant le seul sens donné par le dictionnaire à ce mot qui signifie d’abord isthme, indiquant un resserrement comme le verbe dont est issu le mot diadème, couronne enserrant la tête. Visiblement, il ne leur plaît pas de voir Pénélope couronnée, bien qu’elle soit reine, ils ne supportent pas de voir ainsi reconnue sa royauté. Alors ils traduisent « tour de cou » (contrairement au dictionnaire). Sauf Jaccottet, qui va plus loin encore dans l’inversion du sens en traduisant « carcan ». Incroyable mais vrai. L’intention d’Homère est pourtant flagrante. Après ces dons, la « divine », dit-il, remonte en ses appartements supérieurs.

Très supérieurs à ceux de ces traducteurs, en effet. Qui ont gâché l’œuvre d’Homère à travers les siècles, l’ont ravalée à leur vision machiste et bourgeoise du monde, l’ont enfermée dans leurs préjugés, leur esprit étriqué d’intellectuels dominants. Saleté de domination, saleté de sexisme, qui rendent les humains si bas.