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Mois : août 2012
Assomption
Marie fait la vaisselle. Elle frotte, frotte la marmite. Les assiettes, une à une, retrouvent leur belle propreté. Ce soir de nouveau elle préparera un repas, toute la famille mangera, puis il faudra relaver les assiettes et les plats. Ainsi va la vie. Marie approuve. Marie voit que cela est bon. Le travail qui fait vivre l’amour, la vie. Qui se mélange au bonheur. De donner, de partager, d’être ensemble. D’avancer doucement dans le temps, pas après pas, respiration après respiration. Le souffle rend l’avancée légère, fait monter l’âme et le corps au ciel.
Marie étend sous le ciel la lessive. Le linge blanc resplendit au soleil, il sent bon. Il a touché le corps bien-aimé de Jésus, le corps bien-aimé de Joseph, son propre corps à elle. Corps humain, petit âne fidèle qui porte notre sang tout au long de notre voyage ici-bas. Le linge aussi aime servir, puis aller à l’eau, puis au soleil. Les années l’affinent comme elles affinent la peau des hommes, la rendent de plus en plus fragile. À la fin le tissu laisse tout à fait passer la lumière. Marie dit oui au mystérieux travail du temps. Marie habite au paradis.
Marie sort. En chemin elle sourit, à tout, à tous. Elle n’en revient pas de la beauté du monde. Toujours, c’est comme si elle le voyait pour la première fois. Tout est splendide. L’olivier au bord du sentier poussiéreux. Les pauvres maisons de pierre et de terre. Le chant des oiseaux. Les mouvements d’une nuée. La vie nue des animaux. Et surtout, surtout, les yeux des enfants, des hommes, des femmes. Des puits vivants, où l’on voit Dieu. Marie est celle qui dit oui, sauf quand il faut dire non. Sans quoi, elle ne serait pas la Vierge Marie. Oui à tout ce qui vient de Dieu, non à ce qui vient du serpent. La douce Marie connaît le combat pour protéger la pureté, et aussi la force d’inertie comme résistance aux violences. Marie songe, et parfois Marie pleure.
Marie se lève la nuit pour l’enfant Jésus quand il pleure. Pourquoi pleurent-ils, les petits ? Si c’est de faim, heureux sont-ils, car leur mère se lève et ils sont rassasiés. Si c’est de mélancolie, si c’est de sentir les premières douleurs du pèlerinage terrestre, si c’est d’obscur désir de la lumière, heureux sont-ils aussi. Car leur père ou leur mère vient à eux et les prend dans leurs bras. Heureux sont-ils, car ils sont consolés. Et la béatitude se lit sur leur petit visage, se reflète sur celui de qui les regarde. Ainsi en est-il de l’homme avec Dieu : Marie rend grâce.
Marie et Joseph ont perdu leur enfant. L’angoisse étreint leur cœur, ils le cherchent dans la ville. Mais non, il n’était pas égaré. Détaché, simplement. Ils le retrouvent dans le temple, occupé à débattre avec les savants. Aux affaires de son Père, comme il dit. Ainsi il n’est plus leur petit. Il prend la liberté que lui donne le ciel. Le cœur de Marie se fend un peu, un temps est passé, un autre vient. Et elle approuve.
Marie est au pied de la Croix. L’abîme s’ouvre sous son corps tout entier. Les enfers, elle y descend avant même le corps de son fils mort. Mais il est mort d’amour, par amour pour ce monde, ces enfants, ces femmes, ces hommes, tout cela que Marie aime tant. Et elle accepte. Comme lui. Comme elle l’accepte lui, comme elle l’accepta tout entier, tout entière, depuis la visite de l’ange qui le lui annonça.
Marie continue à vivre. Joseph son mari n’est plus de ce monde, mais leur fils qui était mort, il est vivant. C’est ainsi, il n’y pas à donner d’explications. L’explication est dans le cœur de chacun, s’il l’y cherche. Le cœur de Marie, le coquelicot de sa jeunesse, n’est plus qu’un brasier d’amour et de douleur. Marie sourit. Ce qu’elle donne à voir, c’est sa joie.
Marie parle avec le ciel, où est son enfant. Parfois il s’y fait voir, il y fait signe. Là-haut, ou bien ailleurs. On le sait à quelque chose dans la lumière qui devient vivant, et se met à parler sans paroles. Marie fait la vaisselle, étend la lessive, s’occupe des enfants, des faibles. Et pendant tout ce temps elle converse en secret avec la lumière qui vit, là dans le silence de l’aube, le mouvement de la nuée, la danse des arbres sous la caresse du vent, et surtout, surtout, dans les yeux des enfants, des femmes et des hommes. Et bien avant son heure, bien avant l’heure pour elle de quitter cette terre, c’est bien au ciel qu’elle est montée déjà et qu’elle vit, étrangère ici-bas où il lui est demandé de demeurer quand même. Répondre oui, il y a longtemps qu’elle n’y songe plus. Elle est devenue elle-même le oui.
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Ce texte est publié dans un numéro double de Pèlerin pour le 15 août, avec d’autres dans un cahier sur Marie.
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Notre Dame
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Oliver twists in London (4). Par Olivier Létoile
Toutes les routes mènent à Stratford. La nouvelle Rome. Athènes by Thames. L’antique au goût du jour. Le nouvel Olympe. Le stade olympique quoi !
Frétillant comme un gardon, je prends l’over ground d’Hampstead. 35 mns à ciel ouvert jusqu’au temple, l’église, la mosquée du muscle et de la foulée … je ne veux léser personne. Universel jusqu’au bout des doigts !
A peine ai-je pénétré dans la rame, qu’un groupe de supporters français m’accueille avec leurs costumes tricolores. Un couple peinturluré jusqu’aux lèvres et un célibataire déguisé en super Dupont. Je m’explique.
Sébastien est enroulé dans un drapeau en guise de cape tricolore sur un costume patriotique. C’est un peu le héros du 14 juillet, le super sans-culotte, la réincarnation de Gavroche version soldat inconnu, imberbe mais poilu jusqu’à la plante des pieds !
Mais ce qui m’intrigue le plus c’est le sombrero tricolore qu’il porte sur la tête. Peut-être a-t-il une mère mexicaine …? Peut-être est-il un lointain descendant de Maximilien, membre de la famille impériale d’Autriche qui se confond avec la maison de Lorraine -celle-là vous ne l’aurez pas- et qui fut mis sur le trône du Mexique avec l’appui de Napoléon III ? Peut-être a t-il juste passé ses dernières vacances à se griller la couenne sur les plages d’Acapulco ? Mais bon … étant un peu béarnais et non basque sur les bords … je dis Halte … Carton rouge …! Un béret de Nay sied mieux aux frenchies en goguette … non ?
Bref après avoir réfréné une furieuse envie de buritos, je sors de l’anonymat … j’adore jouer les locaux où que je sois … mais je dois avouer que dans certaines contrées du monde c’est un peu impossible ! Mais dans l’over ground qui me mène à Stratford … fastoche !
Au moment où je vais parler à Sébastien, il me tourne le dos et me présente une bosse digne de Quasimodo. Le drapeau-cape qu’il revêt sur son costume national flotte mollement sur un sac à dos qu’il porte sur son dos. Et je lui lance …
– Hé Blaise … sommes-nous bien loin de notre-Dame ?
Ça m’est venu d’un coup. Pas de réponse. Il s’appelle Sébastien mais quand même … J’insiste et précise …
– Avec ton sac qui te fait une bosse dans le dos t’es au moins le sonneur de Notre-Dame ?
Le four ! Total. Il m’a regardé avec les yeux du regretté Marty Feldman. Revisionnez Frankenstein Junior … un bijou ! Le reste n’est que littérature de gare d’over ground. Il s’appelle Sébastien. Il est informaticien et vit à Chatou, chez ses parents.
On approche de Stratford. Je ne savais pas encore que je ne verrai jamais aussi bien les infrastructures -c’est le mot n’est-ce pas ?- du parc olympique que de la rame qui m’emportait. De votre divan, en France, ou d’ailleurs, vous avez une meilleure vue de la foire … Et je pèse mes mots !
À peine le pied posé sur le macadam du quai, un teenageur ébouriffé vous hurle dans un porte-voix électrique que vous n’avez pas le choix. Direction la bouche d’ombre devant vous qui vous engloutit d’un coup … on a l’impression d’être le spermatozoïde d’un moine abstinent qui s’est enfin décidé …
Et l’on débouche sur la plateforme cruciale.
T’as un ticket tu passes, t’en as pas tu vas voir ailleurs si j’y suis ! Mais je veux juste voir le site … Forbiden ! Passe ton chemin petit homme … Où suis-je …? Help Alice … Lewis … Carroll … where am i ?
Je suis au pays du « t’achètes ou tu dégages ! » Westfield … un champ commercial grand comme la Beauce avec des boutiques éparpillées comme des épis de blé. En plastique. Ne me dis pas qui tu es … je t’habille de pied en cap… et ça va te plaire !
Crois-tu ? Je ne connais pas cette ville. Cette contrée … ce lieu … où l’on vous hurle la direction à prendre … franchement on se sent comme des prisonniers de guerre … Naïf … sûr … je pensais pouvoir au moins approcher les sites et voir les cathédrales du sport olympique. Au lieu de ça j’aurais pu m’acheter un container de polaires et de ballerines. On sait jamais, ça peut servir.
En fait, tout ce que j’ai vu ce sont des fauves VIP assoiffés, parqués derrière de jolies barrières en bois en plein milieu de la voie que le quidam moyen, voire un peu en dessous comme moi, emprunte pour aller où … je me le demande encore.
Je revois aussi le Droopy en costume quémandant des billets sur une feuille A4 griffonnée au stylo, ça m’a rappelé le métro parisien … et ses tickets restaurants. J’ai vu encore un Indien des Indes qui immortalisait un moment d’éternité tout sourire « cheese » avec une immense moufle en mousse, dont l’index proéminent était dirigé vers un panneau qui indiquait … la sortie … Stratford railways station ! Tout le monde finit par s’y rendre … pour fuir … pas sûr … c’est la magie des jeux !
Oh Pierre … sommes-nous bien loin de tes rêves ?
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à suivre, ici ou ailleurs ; les précédents étaient ici, ICI et là
voir les oeuvres de C215 à Londres ici ; l’artiste expose aussi à la Pitié-Salpêtrière, mais ce n’est pas son meilleur
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Oliver twists in London (3). Par Olivier Létoile. Illustré par Trogloxène
Green Park … le bien nommé ! Un étendue verte à perte de vue, une respiration, un trait d’union « jack » bucolique et champêtre. Le parc, l’autre pause british. Les plantes y sont libres de tous sachets à tremper dans l’eau bouillante !
C’est la campagne anglaise qui s’invite en plein cœur de Londres. J’ai même cru voir un moment Cat Stevens assis en tailleur en train de jouer « Father and son ». De dos il lui ressemblait. A Green Park, on fait le plein de globules rouges en picorant des chips au vinaigre blanc et de la Stella Artois blonde en canette. Au pays où la bière locale est l’ambroisie du houblon, cela ne cesse de me surprendre. Mais bon.
Des familles entières, des amis en pagaille, des amoureux collés-collés sont allongés sur des pelouses impeccables. Plus vertes et plus drues que celles de nos jardins publics que l’on se contente pourtant de regarder pousser et qui sont jalousement préservées des talons barbares et des fessiers flâneurs.
Ici comme dans les moindres carrés d’herbe du royaume on foule l’herbe verte ; on trépigne, on saute, on court, on fait la roue … on s’y roule à deux. Aussi.
L’atmosphère est « Antonionienne » … détendue et légère comme le vent qui souffle dans les arbres. Blow up surgit des sixties et s’invite aux jeux dont la clameur nous parvient jusqu’ici. Le 20kms marche dames s’achève tout près dans une fureur digne d’un 100 mètres Boltien. La marche est pourtant la moins glamour des épreuves d’athlétisme. Mais peut-être la plus spectaculaire dans l’effort consenti. A voir les drapeaux russes flotter dans les airs à la fin de l’épreuve, il y a fort à parier qu’ils célèbrent la victoire d’une Anna Karenine qui a enfin atteint son but ultime.
La foule de supporters s’éloigne vers la ville et le parc recouvre son calme presque provincial. Allo Houston … ici Green Park !
Je ne me lasse pas d’observer la cime des arbres s’agiter au gré du vent d’Ouest. Tout serait parfait si ce n’est mon fils Sydney qui ne cesse de se demander à voix haute si le type là-bas, assis sur une chaise longue en charmante compagnie, est bien un des présentateurs de la chaîne de télévision française, No Life, spécialisée dans le jeu vidéo.
Troublé dans mon désir de calme et de volupté, je décide d’aller demander moi-même à cet inconnu si il est bien l’illustre auquel pense mon teenageur de fils.
Grave erreur ! Adieu arbres, fleurettes, farniente, sixties et pelouses foulées. Le type est bien ce que prétendait mon geek de fils et il est même tout surpris, voire un tantinet fier d’avoir été reconnu si loin de son champ d’activités habituelles. En pleine nature et à Londres de surcroît !
La discussion s’engage. Sympathique, passionnée, mais obscure pour un type comme moi qui en est resté, en somme, aux Légos et aux Kaplas. Ça fuse de tous les côtés … des références dont je n’ai pas la moindre idée … A les écouter c’est le parc entier qui prend des allures 3D. D’ici qu’un T-rex surgisse de derrière un buisson, y’a pas loin ! J’ai l’air malin avec mon Antonioni … Bien je remballe. Pourtant elle est vraiment à craquer dans le film … Jane !
D, notre présentateur vedette, est venu à Londres pour les t-shirts et les jeux d’arcade. Il doit même se rendre dès demain à Cardiff où se tient une sorte de symposium du jeu. Vidéo.
Il a bien entendu parler de ceux de l’Olympe mais il s’en moque comme de sa première manette. Il nous invite à le suivre bien loin de Green Park et pourtant à deux pas.
Bienvenue à Geek Park ! Ici d’herbes il n’y a point. Pas plus d’arbres du reste. Mais dans ce parc voué au virtuel vaste comme la salle des pas perdus de St Lazare, des centaines d’insectes, mâles pour la plupart, s’agitent et bourdonnent autour de massifs hérissés de manettes dans un tumulte de sons et de flashs.
Un condensé d’histoire de Londres toutes plus furieuses les unes que les autres. Ici Dickens est pourvu de larges favoris, d’épais sourcils … jusqu’ici je suis … il a aussi un cigare coincé dans le coin de la bouche … pourquoi pas … et il est bodybuildé comme Usain Bolt qui pulvériserait l’affreux en rafale. Ok Charles … play it again !
Là encore c’est Jack the ripper qui joue du scalpel comme d’autres jouent du fleuret. Avec un peu plus de sang néanmoins. Et que dire de Holmes, lancé à la poursuite d’un hors-bord rempli de malfaisants et qui bat le record du miles à la nage, sous les tours jumelles du London bridge. Sacré Sherlock !
Je ne connais rien du flacon mais je puis vous dire que l’ivresse est là ! Et j’ai l’air d’un alien avec ma chemise à carreaux au milieu de tous ces T-shirts XXL. Mais bon … Je suis le mouvement, statique certes, mais stoïque, coincé devant une console grosse comme un taxi londonien, je tâche d’entrer dans la danse du jeu. En me disant que quelque soit le type de jeu… l’important n’est-il pas de participer ?
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à suivre ; le premier twist était ici ; le très beau deuxième ici.
L’oeuvre de Trogloxène est à voir en plus grand ici.
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Christ aux larmes
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Oliver twists in London (2). Par Olivier Létoile
Mais qui est donc Edward Onslow Ford ? Un explorateur, un aventurier de la haute finance, un lord, un auteur à succès, un artiste peut-être…? A coup sûr c’était un homme charmant qui a laissé un souvenir ému à ses amis pour qu’ils se cotisent et lui érigent une statue à son effigie en plein Londres.
Edward était sculpteur et il est mort. En 1901. A peine a-t-il vu le siècle naissant qu’une méchante pneumonie l’emportait au-delà du Styx, un genre de Tamise mais en moins large. Edward fut en son temps un artiste académique, très apprécié par ses contemporains et qui a fortement inspiré la génération suivante. Tout ceci ne nous rajeunit pas.
Mais pourquoi diable je vous parle de cet illustre inconnu, que les Londoniens ont eux-mêmes complètement oublié ?
Voilà. Ce matin je me suis réveillé à 8:30 AM. Et j’ai bu un très mauvais café. Soluble. En poudre de perlimpinpin. Je squatte un appartement à Swiss Cottage, non loin de Hampstead et encore plus près de Westminster City. Il paraît que c’est in, bath, plutôt un peu snob, genre 17e arrondissement de Paris, mais en bien plus résidentiel. Des rues tranquilles aux façades de briques d’inspiration élisabéthaine ; je ne sais si c’est le terme qui convient mais ces maisons tout en briques avec leurs bow window en guise de ventre bien rempli et leurs toitures en forme de chapeaux pointus me font irrésistiblement penser à l’époque de William S, à moins que ce ne soient les fenêtres aux petits carreaux. En passant devant ces maisons qui se collent les unes aux autres j’ai toujours l’impression qu’une servante en fichu va surgir en gloussant pour échapper aux assiduités d’un palefrenier mal dégrossi.
Bref je sors dans le quartier et cherche un café serré pour me desserrer les paupières. Il fait beau. Je marche dans la rue. Il fait toujours beau. Lucky day ! Certes le ciel est légèrement plombé mais le soleil est facétieux et se glisse entre les nuages.
J’atteins un croisement où je découvre la statue de notre sculpteur. Très digne l’Edward, petit col, petite barbiche, très troisième république au pays de la reine. Il est planté au beau milieu d’un rond point qui tourne à l’envers. Noblesse anglaise oblige !
A peine ai-je eu le temps de saluer notre artiste que mon attention est attirée par une clameur toute proche. A quelques mètres de la statue, une foule de supporters bigarrée. Ils sont rassemblés sur le trottoir et s’amusent à traverser le passage piéton dès que la circulation le permet.
Vous y êtes. Abbey road. Le studio d’enregistrement où les Beatles ont enregistré leur tout dernier album et ont accessoirement traversé ce qui allait devenir le passage piéton le plus célèbre du monde. Le studio est toujours là. Les murs extérieurs sont couverts de graffitis … Here comes the crowd !
Dès potron minet, toutes les nationalités, toutes les générations se confondent et se pressent pour marcher à pas comptés dans l’histoire de la pop anglaise, si tant est que les Beatles ne soient pas un genre à eux tout seuls. Tous les supporters traversent en rafale la route de l’abbaye comme des égyptiens, les bras tendus, les doigts écartés, le sourire voilé, avec une pause au beau milieu de la rue passante pour que le père, l’oncle, l’ami immortalise l’instant.
J’ai vu Paul en survêtement de la Croatie, John en short vert et jaune du Brésil, Ringo enroulé dans un drapeau américain et Georges -mon préféré- était revêtu d’une jupe de tennis et d’un haut sur lequel je crois bien avoir reconnu les couleurs de la Norvège. La jeune fille était très blonde. Et très grande.
Je suis resté à observer ces traversées du souvenir tout en songeant à Edward. J’ai tourné les yeux vers lui ; pauvre Edward … solitaire, oublié, policeman en livrée, figé au centre d’un rond-point … incapable de modifier les trajectoires du destin, impuissant à faire évoluer les directions, les inclinaisons que prennent le plus grand nombre.
Je suis revenu vers lui et lui ai trouvé une vague ressemblance avec Pierre de Coubertin. Le siècle sans doute. Je me suis demandé alors si Pierre tout comme Edward, ne se sentait pas un peu perdu, dépassé ou bien encore simplement seul sur son Olympe. Qu’aurait donc pensé notre baron national de notre siècle naissant où BMW et Coca Cola fraternisent avec ses chers anneaux. Et que dire de ces officiels des jeux qui menacent de disqualifier Yohan Blake, second du 100 mètres, pour avoir osé porter une montre suisse d’une marque différente de celle qui chronomètre les foulées des fauves ?
Ouais … Je gage qu’Edward Onslow Ford tout comme Pierre de Coubertin ont déjà traversé une rue en empruntant un passage piéton. Et que fait-on une fois rendu sur l’autre rive de la Tamise ou du Styx.
Paul chantait « Hey Jude » lors de la cérémonie d’ouverture. Ringo devait être dans les parages … Quant à John et Georges je me plais à imaginer qu’ils jouaient au bridge avec Pierre et Edward … L’important n’est-il pas de traverser ?
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à suivre ; premier twist d’Oliver in London : ici ; troisième : ici
la photo d’Abbey Road et ses déclinaisons : ici
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