Que fleurissent cent Bab al-Shams, par Bradley Burston

le camp de Bab al-Shams vendredi dernier, photo Olivier Fitoussi

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Un acte de non-violence est un fusible qui joue le rôle d’une bombe. Si l’acte de non-violence est assez créatif, approprié, résonnant et choquant, et par conséquent assez dangereux, il fera ce que nulle bombe ne peut faire : changer les choses en mieux. Persuader. Exposer le mensonge au menteur. Et conduire un homme comme Benjamin Netanyahou à la panique.

Vendredi, près d’une centaine d’hommes, de femmes et d’enfants, ont dressé des tentes sur un terrain appartenant à des Palestiniens, dans le morceau de Cisjordanie appelé E1, un champ de mines politique et diplomatique où Netanyahou a promis de construire, alors que Washington l’a averti de n’en rien faire. Un nouveau nom a été donné à l’endroit : Bab al-Shams, la Porte du Soleil.

Les Palestiniens qui ont planté les tentes ont été explicites en nommant village leur campement sur un promontoire rocheux. Mais la façon dont ils l’ont fondé n’a fait que rendre trop clair aux Israéliens ce qu’il était aussi : un ma’ahaz, un avant-poste colonial, ni plus ni moins illégal que les dizaines et les dizaines de fermes voyous, de campements, de cabanes grossières et de proto-banlieues dont les colons israéliens ont jalonné la Cisjordanie et Jérusalem-Est.

Nous le savons dans nos os, Israéliens et Palestiniens sont un. C’est ainsi que le mouvement de colonisation a commencé. C’est ainsi qu’il se développe. C’est le moteur même de l’occupation. C’est le cœur et la main de la bête.

La fondation de Bab al-Shams fut géniale. Et personne ne le comprit mieux que Netanyahou. Le campement a envoyé un message qui était clair, perçant, et entièrement non-violent. La preuve : Netanyahou dit qu’il fallait le détruire immédiatement.

Il fallait le détruire, en dépit d’un ordre de la Haute Cour qui parut donner aux nouveaux villageois six jours pour rester sur le site. Mais dans une réinterprétation singulièrement contemporaine de la Naqba, la police annonça que l’ordre s’appliquait seulement aux tentes. Quant aux gens, on pouvait les retirer.  Au milieu de la nuit.

Si désespéré était le besoin de détruire ça rapidement, que le chef de la division de la Haute Cour du ministère de la Justice a dû reprendre du service samedi à minuit, pour signer une déclaration à la cour, disant: « il y a une nécessité de sécurité urgente d’évacuer la zone des personnes et des tentes ».

Le gouvernement a aussi encoyé une note cachetée à la cour, contenant davantage d’ « information de sécurité » – classée Secret, et pour cette raison gardée cachée au public – justifiant la nécessité de donner l’ordre de détacher immédiatement cinq cents policiers.

Mais tout le monde ici connaissait déjà le secret.

Bab al-Shams devait être détruite parce qu’elle combattait des faits sur le terrain avec des faits sur le terrain. Elle devait être détruite pour la même raison que cent similaires, manifestement illégaux avant-postes israéliens en Cisjordanie sont choyés, honorés par les visites de ministres, et rendus permanents avec l’apport de l’État en électricité, eau, routes d’accès, protection de la sécurité et permis de rénovation.

Bab al-Shams n’a pas seulement touché un nerf. Bab al-Shams a dû être détruite parce que là où l’occupation est en jeu, c’est le système nerveux central qui est touché.

En entrant dans le bureau de vote la semaine prochaine, je prendrai un petit morceau de Bab al-Shams avec moi ; mon respect et mon admiration pour les gens qui ne peuvent pas voter à cette élection, mais dont chacun a lancé un extraordinairement puissant bulletin de propriétaire absent dans les tentes où ils se sont déposés eux-mêmes, à E1.

Ils se battent contre le gouvernement de Netanyahou avec la seule arme contre laquelle le gouvernement est sans défense : l’espoir. L’espoir est le pire ennemi de ce gouvernement, de loin plus menaçant que l’Iran.

Pendant des années et des années on nous a appris à croire que l’occupation était irréversible, inattaquable, si permanente qu’il n’y avait pas d’occupation, seulement cet Israël qui est aussi nôtre – comme son premier ministre, aigre, anxieux, enflé, contradictoire… mais Nôtre. On nous a dit que croire à travers les colons et leurs champions dans des endroits comme Ra’anana. Qu’il ne pouvait y avoir deux États, un pour les Israéliens et un pour les Palestiniens. Que nous, les Juifs, avions toujours été et resterions à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, toujours et à jamais.

Il s’avère, cependant, que d’autres gens, aux sommets d’autres collines, des Palestiniens, ont autre chose à nous apprendre. Puissent-ils réussir.

Le jour des élections la semaine prochaine, et quelque soit l’avenir dans lequel ce jour nous propulsera, je prendrai un petit morceau de leur espoir avec moi. Je prendrai de la force dans leurs mots à la fondation du village qui – comme son homonyme, le roman épique de l’histoire palestinienne d’Élias Khoury – existe à la fois seulement dans l’imagination et dans une profonde, inattaquable réalité :

« Nous le peuple, sans autorisation de l’occupation, sans autorisation de personne, sommes assis ici aujourd’hui parce que ce pays est notre pays, et c’est notre droit d’y habiter. »

Que fleurissent cent Bab al-Shams. Un avant-poste pour un avant-poste. Un œil aveugle pour un œil aveugle. Une moquerie pour une moquerie. C’est ce que notre peuple au sommet des collines appelle une réponse appropriée au sionisme.

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traduction d’un texte paru dans Haaretz le 15 janvier 2013

Et du même auteur, sur ce site, ma traduction de sa prière pour les enfants de Gaza.

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Sourate 106, Quraïsh. Qu’est-ce que la Mosquée sacrée ?


La Mecque vue du ciel, image trouvée sur Trouve ta mosquée

 

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Nous continuons à tourner dans le Coran. Nous avons vu la première et la dernière sourate, nous sommes repartis depuis l’un de ses centres, Al-Kahf, La Caverne, nous sommes passés par les sourates immédiatement périphériques, et nous voici de nouveau en chemin dans la structure éminemment fractale de ce Livre, dont les centres et les extensions sont partout.

« Tourne donc ta face vers la mosquée sacrée. » Sourate Al-Baqara, v.144. « Et d’où que tu sortes, tourne ta face vers la Mosquée sacrée. » Sourate Al-Baqara, v. 149. « Et d’où que tu sortes, tourne ta face vers la Mosquée sacrée. » Sourate Al-Baqara, v. 150.

Qu’est-ce que la Mosquée sacrée ? Pour commencer, tournons-nous vers la sourate Quraïsh, cent-sixième dans le Livre, vingt-neuvième dans l’ordre de la descente, révélée à La Mecque, où se trouve la Mosquée sacrée matérielle. Tentons une traduction :

 

1 Pour le roulement des Quraïsh,

2 Leur roulement, voyages de l’hiver et de l’été,

3 Qu’ils adorent donc le Seigneur de cette Maison,

4 Lui qui les a nourris, tirés de la faim, et apaisés, tirés de la crainte.

 

Les Quraïsh, tribu originaire du Prophète, tiennent leur nom d’un mot qui signifierait « petits requins ». C’est l’étymologie la plus populaire, mais une autre est possible à partir du verbe qarash : « couper, rassembler », en particulier dans le sens précis de «  réunir les parties d’une chose au corps de la chose » (et par suite indique aussi le profit, sens qui renvoie à leur activité de marchands). Le mot que je traduis par roulement est habituellement traduit par pacte, ou habitude, ou union, mais l’idée de roulement est la base de ce mot. Grâce à quoi voici dans ce premier verset la vision tendue vers le roulement des croyants autour de la Kaaba, au cœur de la Mosquée sacrée, leur roulement tout à la fois semblable à celui des troupeaux qui s’enroulent autour de leur berger, à celui du Livre sacré que l’on roule et déroule, à celui des planètes et des astres autour de leur attracteur. Et je les vois s’enrouler et s’enroulant, se réunir, «  réunir les parties d’une chose au corps de la chose », la chose mystérieuse et attractive que figure si bien la Kaaba et qui est aussi implantée comme une graine dans le désert attendant son tour au plus profond, au plus secret, au plus voilé de notre être, l’habitation de Dieu, Lumière pudiquement gardée dans un nocturne enclos.

Dans le deuxième verset, leur roulement est accolé aux « voyages de l’hiver et de l’été », référence concrète à leur activité de caravaniers dont le point fixe était La Mecque. Et l’axe du temps croise ici l’axe de l’espace, roulement des saisons qui paradoxalement ouvre le cercle, sort l’être de ce roulement autour d’un point fixe, qui sans cette ouverture deviendrait fascination morbide. Car « le Seigneur de cette Maison » (verset 3), selon l’islam bâtie par Abraham, ne se contente pas de donner à l’homme des repères : il lui demande aussi d’en sortir. Tel est selon la Torah le premier commandement qu’il donna au patriarche, père des croyants des trois monothéismes : Lèk-lèka, « sors via toi », « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t’indiquerai. »

Or quel est ce pays ? Ne serait-ce pas, via l’adoration, celui, justement, du Seigneur de la Maison ? Pourquoi alors s’en arracher, aussi, dans les « voyages de l’hiver et de l’été » ? Parce que c’est ainsi, à partir de son centre d’attraction, que Dieu nous arrache à la faim pour nous rassasier, nous arrache à la peur pour nous apaiser, et nous arrache, en fin de compte, à la mort pour nous ressusciter.

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Nous n’en avons pas fini avec cette Maison sacrée, nous y reviendrons. À suivre, donc.

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Appel à l’aide des Rohingyas à la communauté internationale

 

Traduction d’un appel paru aujourd’hui sur Globalia Magazine :

Après la violence meurtrière de juin 2012 dans l’Arakan, la situation en terme de droits humains des Rohingyas a dégénéré en histoire de « morts et mourants ». Des expéditions génocidaires et d’extermination sont menées contre eux jour après jour. Viols, meurtres, arrestations arbitraires, pillages, extorsions, atrocités criminelles, faim et maladies persistent et s’étendent. Leurs villages brûlés et dépeuplés sont peuplés par des colons bouddhistes chaleureusement invités de l’intérieur du pays [Birmanie] et du Bangladesh. Tels sont les principaux « facteurs d’incitation » qui poussent les Rohingyas à migrer vers les pays voisins, ce dont le gouvernement birman et le Parti de Développement des Nationalités Rakhine (RNDP), avec le Dr Aye, sont pleinement responsables.

La plupart des Rohingyas, y compris les quelque 140 000 déplacés pendant le carnage, n’ont rien à manger et nulle part où aller, et sont en train de mourir de faim, de malnutrition et de maladies. Les aides humanitaires pour les camps et les zones de Rohingyas déplacés ont été systématiquement bloquées par l’administration locale dominée par le RNDP, avec des bandes organisées de bouddhistes rakhines et les forces de sécurité. Fait quasiment sans précédent, quelque 50 bassins d’eau potable des villages rohingyas ont été empoisonnés par les bouddhistes rakhine et les forces de sécurité.

Les enfants rohingyas ne disposent d’aucune école ni madrassa pour leur éducation, dans les villages et les camps de déplacés. La plupart des mosquées restent fermées, et les prières funéraires pour les personnes décédées sont interdites sans paiement. Des villageois et des Maulvis (religieux) ont été torturés pour avoir exécuté des services funéraires. À Shweza, village de Maungdaw, l’officier de renseignements Nasaka Aug Naing, avant-poste n°14 section 6, extorque entre 10 000 et 25 000 kyats pour chaque enterrement.

Les forces de sécurité Nasaka mènent des enquêtes sporadiques pour forcer les villageois rohingyas à écrire, contre leur volonté, qu’ils sont de race « Bengali » au lieu de « Rohingya ». Certains ont été arrêtés ou torturés pour s’être opposés à cette dictée ; d’autres se sont enfuis.

Depuis juin 2012, environ 13 000 Rohingyas ont fait de périlleux voyages vers la Malaisie, et plus de 500 boat people ont disparu ou se sont noyés après le naufrage de plusieurs bateaux ; d’autres ont fini en prison ou en détention dans les pays de la région. Au cours de ces dernières semaines, les forces de sécurité thaïlandaises ont secouru 773 Rohingyas assiégés dans la province de Songkhla, tandis qu’un autre groupe de 73 rescapés rohingyas se retrouve sous la menace d’un renvoi en Birmanie, où ils sont affrontés à la persécution. Les boat people tombent souvent aux mains de trafiquants d’êtres humains, qui les vendent comme esclaves pour 60 à 70 000 bhats (1975 à 2304 $) par personne, en particulier à l’industrie de la pêche.

Les tragédies des Rohingyas et le désastre des boat people ont échappé à tout contrôle, causant un grave problème régional, et en perspective international. Fondamentalement, le problème rohingya doit être résolu en Birmanie, mais il n’y a aucun changement d’attitude du gouvernement hybride, civil-militaire, envers eux. En l’absence d’une protection nationale, la responsabilité de leur protection revient à la communauté internationale.

Par conséquent, nous demandons aux Nations-Unies et à ses membres du Conseil de sécurité d’envoyer des forces de paix de l’ONU dans l’Arakan pour protéger les Rohingyas sans défense ; et de constituer une commission de l’ONU chargée d’enquêter sur les crimes internationaux commis contre les Rohingyas, et d’amener leurs auteurs devant la justice.

Pour plus d’informations, veuillez contacter :

Nurul Islam: + 44 07947854652 Aman Ullah + 880 1558486910 Email: [email protected] www.rohingya.org

 

Oui à l’harmonie interconfessionnelle, par le Grand mufti d’Égypte Ali Gomaa

 

Le début d’une nouvelle année nous donne l’occasion d’engager une sérieuse introspection, pour tenir compte de nous-mêmes et des communautés dans lesquelles nous vivons. C’est un besoin particulièrement pressant dans le contexte de l’Égypte contemporaine, qui continue de traverser une période sensible de transition. Les événements de l’année passée, et même des deux dernières années, soulignent l’absolue nécessité de maintenir l’unité nationale dans notre pays bien-aimé. D’âpres débats politiques ne doivent pas nous détourner de cet impératif primordial.

Peut-être la question la plus importante qui doit être abordée en Égypte aujourd’hui est-elle la promotion de l’harmonie interreligieuse. Ce n’est pas un secret que nos frères et sœurs chrétiens ont eu parfois à se sentir mal à l’aise, dans une période instable. C’est pourquoi j’ai fait un effort particulier, durant cette période de Noël, pour féliciter publiquement toutes les églises chrétiennes d’Égypte pendant leurs jours de fête. Dans un communiqué, j’ai prié pour que l’esprit des fêtes religieuses prévale, et que tous les citoyens du pays – de fait, tous les citoyens du monde – renforcent leur détermination à œuvrer pour la propagation de l’amour, de la paix sur Terre, de la bonne volonté et de la fraternité de tous.

J’ai aussi profité de l’occasion pour préciser que le fait de présenter des vœux aux chrétiens pour la naissance du Prophète Jésus (la paix soit sur lui) est en vérité une action louable et encouragée dans l’Islam, car c’est l’expression verbale d’un désir de promouvoir des relations pacifiques et harmonieuses entre voisins, concitoyens et frères et sœurs en humanité. En effet, les naissances des prophètes sont des événements historiques marquants. Elles représentent une soudaine floraison d’hommes divinement inspirés, qui viennent sur Terre précher la paix et la sécurité, et répandre un message de bonheur et de guidance à l’humanité dans son ensemble. Ainsi que je l’ai prié à l’occasion de Noël, « j’implore Dieu d’augmenter notre précieuse Égypte en sentiment fraternel, amour, relations solides et bonté, et de garder notre terre bénie comme un symbole de paix et de sécurité à jamais. »

Puis j’ai souligné l’importance pour tous les citoyens de prendre part aux occasions de fête les uns des autres en leur présentant leurs vœux et en les félicitant, car nous sommes aujourd’hui dans un besoin urgent de répandre des sentiments de fraternité et d’unité nationale, et de lutte contre les divisions. Musulmans et chrétiens sont pareillement encouragés à transformer des sentiments de solidarité en une vraie unité dans la recherche du bien-être pour l’Égypte, et non dans des buts d’avancement individuel ou d’intérêt sectaire. Il est crucial que nous puissions laisser aux futures générations une culture pluraliste et humaine, fondée sur la vraie foi, un engagement pour la justice et l’amour entre les peuples de ce grand pays.

 

 

La crainte de la division est aussi ce qui doit nous inciter à rejeter les appels à imiter d’autres sociétés et cultures. Récemment, il y a eu des appels à instituer un comité pour la « promotion de la vertu et la prévention du vice ». Certains craignent que cela ne revienne à un peu plus qu’une police morale, qui exerce une autorité illégitime pour forcer les gens à adopter les comportements qu’ils ont estimé les plus appropriés. Mais l’Égypte est une société complexe. Ici rivalisent différentes visions de la religion et de la vie bonne. Alors que bien sûr nous respectons les limites de notre culture et de notre héritage, c’est précisément notre héritage qui reconnaît cela [le comité de promotion de la vertu…] comme une imposition étrangère sur notre culture et notre mode de vie. Cette sorte d’idée idiote est de celles qui cherchent à déstabiliser plus encore ce qui est déjà une situation tendue. Les savants religieux d’Égypte ont longtemps guidé les gens dans les voies conformes à leurs engagements religieux, mais n’ont jamais estimé que cela nécessitait quelque type que ce soit de police invasive.

En outre, ces savants auto-proclamés et amateurs non formés qui prétendent émettre des fatwas, ne doivent pas être considérés comme des savants authentiques. Leurs fatwas sont plutôt des déclarations non fondées sur la science, mais sur leurs caprices et désirs ; et elles n’ont aucun poids dans la science juridique de la fatwa. C’est un abus de langage d’employer le terme fatwa pour ces opinions non savantes, qui vont à l’encontre à la fois des principes de la Sharia et de la science établie de fatwas, qui toutes deux insistent sur les qualifications académiques des mufti impliqués.

La tradition religieuse de l’Égypte est ancrée dans une vision modérée et tolérante de l’Islam. Nous croyons que la loi islamique garantit la liberté de conscience et d’expression, dans les limites de la décence ordinaire et de l’égalité des droits pour les femmes. Et en tant que représentant pour l’Égypte de la jurisprudence islamique, je maintiens que l’établissement religieux est attaché à ces valeurs.

Le paradigme de ces sages érudits est au mieux représenté par l’Université Al-Azhar, dont la tradition humaine d’apprentissage et de service demeure la seule sauvegarde pour une Égypte tolérante et modérée.

La promotion de l’harmonie fut la première leçon des grands prophètes qui nous ont laissé de nobles valeurs et des principes pérennes pour vivre ensemble dans la coopération, en tant qu’êtres humains. C’est maintenant à nous de prendre cet exemple au sérieux et de nous abstenir de l’inutile division, pour le bien de notre pays. Toute tentative de semer la discorde entre les gens de ce pays doit être combattue dans les termes les plus fermes possible. Je n’ai aucun doute que les forces qui  cherchent à diviser les Musulmans égyptiens et les Chrétiens égyptiens – et les Musulmans et Chrétiens égyptiens entre eux – finiront par échouer. L’Égypte a été un symbole de coexistence pendant des siècles, et continuera à l’être, par la grâce de Dieu. L’Islam aura une place dans la démocratie égyptienne. Mais ce sera comme pilier de tolérance et d’harmonie, jamais comme moyen d’oppression.

traduit d’un article paru sur Reuters le 8 janvier 2013

également sur le site de l’auteur

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Au-delà du sud

 

Nous sommes arrivés sur le plateau à plus d’une heure du matin. Soudain dans la brume, la nuit, le silence, une forme blanche est apparue, toute proche. Un cheval. Il est passé devant nous, nerveux. Suivi par un autre, d’autres. Leurs sabots frappaient le sol. À cause du nuage dense dans lequel nous étions, ils surgissaient au dernier moment sous nos yeux, à presque nous frôler. Ils sont repassés dans l’autre sens, comme désemparés par notre arrivée dans ce désert, trottant et hennissant. Nous avons commencé à sortir nos sacs du coffre. Le 4×4 qui nous attendait de l’autre côté du cercle, tous phares allumés, s’est rapproché de nous.

Stephen Hawking dit que se demander ce qu’il y avait avant le commencement du monde, c’est comme se demander ce qu’il y a au sud du Pôle sud. Rien n’est plus au sud, mais cela ne signifie pas qu’il n’est rien au-delà du sud.

 

 

Qui baise qui ? Nouvelles du monde mondain

 

Le CFCM a retiré sa plainte contre Jean-François Copé, après qu’il a pourtant déclaré sur RTL qu’il ne s’excusait nullement de sa misérable saillie sur le pain au chocolat, jetant l’anathème sur le Ramadan.

Le célèbre présentateur télé anglais Jimmy Savile, en 54 ans d’exercice, et la dernière fois à l’âge de 82 ans, a abusé en toute impunité de près de six cents adolescentes ou même enfants de moins de dix ans.

La porte-parole de la manifestation contre le mariage pour tous, qui s’est auto-proclamée « attachée de presse de Jésus », grâce à quoi elle est partout présente dans les médias, tient son nom d’elle-même : Frigide Barjot.

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Un chemin dans la neige

 

Je suis montée entre les hauts congères, par la route complètement blanchie, conduisant avec une vive attention ma voiture dépourvue de chaînes. Au lieu nommé Le Caillou, je l’ai garée, derrière le gros rocher. J’ai marché une demi-heure dans la tempête de neige, traînant mon bagage, parfois m’enfonçant jusqu’aux genoux. À la lisière de la forêt ma grange est apparue, féérique dans son épais manteau immaculé.

J’avais chaud, d’avoir marché jusque là avec mon sac à dos, déneigé à la pelle devant la porte pour pouvoir entrer, transporté les bûches depuis l’abri à bois. Mais quand la voix de maître Human, par le téléphone, m’a vrillé au creux des os, il s’est mis à faire froid à pierre fendre. Après tout ce que j’ai traversé, je ne sais pas comment je suis encore vivante, et avec toute ma raison dans la folie. Le lendemain matin, de nouveau bienheureuse dans ma parfaite solitude, j’ai trouvé le nom de cette grange : Dieu sauve.

(…)

Je descends faire les courses, puis je rentre de nuit, par brume intense. Ma lampe éclairant tout juste de quoi faire un pas après l’autre dans la neige universelle. Seule et toute petite au long de ce long chemin désert, montant à travers la forêt blanche et noire. Quarante minutes durant, avançant d’un pas régulier au cœur du grand silence, avec le bruit de la luge que je tire, chargée de vivres. À cette altitude je suis dans le nuage, masse opaque et dense de minuscules gouttes qui me trempent autant que ma bienheureuse transpiration, effaçant la marque des cendres sur mon front.

Là-haut, pas d’internet ni de télévision. Parfois je me dis : il faudra que j’allume la radio pour les informations. Puis j’oublie.

(…)

Depuis cette nuit il neige de nouveau. Hier soir j’ai contemplé une martre somptueuse et des chevreuils gracieux, puis je suis partie à leur suite dans la forêt, grimpant entre les rochers dans le grand silence habité des derniers chants des oiseaux et des feuilles froissées sous mes pas. Hier après-midi, prévoyant qu’il allait de nouveau neiger, j’ai fini de déblayer les trois gros tas de neige dure et glacée qui restaient devant la maison, accumulée depuis novembre. Cela m’a pris plus d’une heure, avec la lourde pelle en fer pour pouvoir casser et soulever les épaisseurs de glace. C’était une neige salie de tous les débris et cendres portés par la tempête, qui s’y étaient incrustés. Voilà ce qu’il faut faire avec le mauvais passé. Non pas l’oublier, mais nettoyer la place. La nouvelle neige tombe aujourd’hui devant ma porte, toute blanche.

(…)

Voilà plusieurs jours que je ne suis pas descendue au village. La dernière fois j’ai marché près d’une heure durant, tirant ma lourde luge sur le long dénivelé pour monter chez moi dans la neige fraîche où les mollets s’enfoncent. En arrivant à la maison, la longueur de mes cheveux dépassant du bonnet était tout emperlée de cristaux de neige.

Il fait froid, la réserve de bois commence à s’épuiser, j’espère que la douceur va revenir. Mes mains sont sèches et marquées de petites plaies, mes ongles se cassent, et après la grosse écharde de l’autre jour sous l’ongle de l’annulaire droit, hier matin en jetant une lourde plaque de glace que je sortais de devant la porte, je me suis arraché la moitié de l’ongle du pouce droit sur deux millimètres à partir du bord, le sang affleure et cela me brûle en permanence. Mais je suis bien musclée. Et heureuse.

 

(extraits de Voyage)

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