Allons

cet après-midi à Paris, photos Alina Reyes

 

La démocratie est malade en France, et ne pourra être guérie tant que nous n’aurons pas changé de régime. La Cinquième République est dépassée, tout comme l’ordre jacobin, contraignant, pyramidal, dans les faits et dans l’esprit, copié sur l’ordre catholique. Ce vieux monde est mourant, pervers et aveugle comme tout ce qui vieillit mal.

Il ne suffit pas de vouloir ne pas être « mondain ». Encore faut-il être apte à ne pas l’être. Peu sont touchés par cette grâce. Il faut donc donner aux hommes la possibilité de recevoir une éducation spirituelle. Seules l’ascèse, la proximité réelle, profonde, avec le Bien souverain, peuvent retirer de l’emprise du monde les hommes qui appellent le règne de Dieu. Cette dimension de la vie religieuse et spirituelle, absolument essentielle, est aujourd’hui presque complètement ignorée d’un très grand nombre de croyants, y compris dans beaucoup de clergés.

Ibn Arabî est de ces maîtres universels qui aident les hommes à sortir du monde, du vieux monde auxquels ils sont si accoutumés qu’ils ne voient rien au-delà de ses limites. Nous finirons dans quelques heures de lire Le Sceau des saints, puis si Dieu le veut nous continuerons nos exercices avec Michel Foucault, et avec bien d’autres encore. La porte est étroite, mais elle est ouverte, très.

 

Le temps de la perversion


La Résurrection des morts et le jugement dernier, acrylique sur bois, 25 x 20 cm. Une oeuvre de Dimo, à voir en grand, ainsi que d’autres, sur son site.

 

Pour être libérées, les Femen européennes arrêtées en Tunisie ont présenté leurs excuses et se sont désavouées. Tu parles de militantes. Au premier problème, elles se déculottent. Voilà ce qu’il en est des soumis au système qui les emploie : achetés, ni courage ni honneur.

En Europe, elles sont assurées de n’être sanctionnées ni pour leurs attentats à la pudeur ni pour leurs manifestations non autorisées. Alors qu’un jeune manifestant du mouvement les Veilleurs a écopé de quatre mois de prison, dont deux avec sursis, pour refus d’obtempérer. Mais lui n’était pas une serpillière au service de la cause de l’Occident contre les Arabes ni contre l’honneur de l’être humain.

Toujours pas de nouvelles de ce qui s’est passé à Argenteuil il y a quelques semaines, où des femmes voilées ont été agressées, l’une d’elles en perdant le bébé dont elle était enceinte. L’enquête avance-t-elle vers la mise au jour de la vérité, ou vers l’enfouissement de la vérité ?

Un médecin italien se déclare prêt à greffer des corps de morts en bonne santé sur des têtes bien vivantes, qu’il couperait de leur corps handicapé ou malade. Dans la deuxième partie du dix-neuvième siècle, des médecins multipliaient les expériences d’électrisation de têtes guillotinées, pour les voir faire d’horribles grimaces et tenter de les rendre à une vie. L’un d’eux alla jusqu’à injecter son propre sang dans une tête coupée. Et l’on rêvait de pouvoir interroger les têtes de meurtriers ainsi ravivées pour obtenir leurs aveux.

Aujourd’hui le mal se cache mieux que ça. Et il ne faut pas y aller de main morte pour libérer les hommes qu’il enterre.

 

« Le courage de la vérité », par Michel Foucault (1). Liturgie de l’alèthurgie

aujourd'hui à Paris, photo Alina Reyes

 

Commençons une lecture du dernier cours du philosophe, prononcé au Collège de France entre février et mars 1984, quelques mois avant sa mort, et publié par Gallimard/Seuil dans la collection Hautes Études.

« Cette année, je voudrais continuer l’étude du franc-parler, de la parrêsia comme modalité du dire-vrai. (…) L’alèthurgie serait, étymologiquement, la production de la vérité, l’acte par lequel la vérité se manifeste. Donc laissons de côté les analyses de type « structure épistémologique » et analysons un peu les « formes alèthurgiques ». (pp 4-5)

On ne dira pas que le géomètre ou le grammairien, enseignant ces vérités auxquelles ils croient, sont des parrèsiastes. Pour qu’il y ait parrêsia (…) il faut que le sujet, [en disant] cete vérité qu’il marque comme étant son opinion, sa pensée, sa croyance, prenne un certain risque, risque qui concerne la relation même qu’il a avec celui auquel il s’adresse. Il faut pour qu’il y ait parrêsia que, en disant la vérité, on ouvre, on instaure et on affronte le risque de blesser l’autre, de l’irriter, de le mettre en colère et de susciter de sa part un certain nombre de conduites qui peuvent aller jusqu’à la plus extrême violence. C’est donc la vérité, dans le risque de la violence. » (p.12)

La parrêsia risque donc non seulement la relation établie entre celui qui parle et celui à qui est adressée la vérité, mais, à la limite, elle risque l’existence même de celui qui parle, si du moins son interlocuteur a un pouvoir sur lui et s’il ne peut supporter la vérité qu’on lui dit. Ce lien entre la parrêsia et le courage est fort bien indiqué par Aristote lorsque, dans l’Éthique à Nicomaque, il lie ce qu’il appelle la megalopsukhia (la grandeur d’âme) à la pratique de la parrêsia. (p.13)

Le peuple, le Prince, l’individu doivent accepter le jeu de la parrêsia (…) cette espèce de pacte qui fait que si le parrèsiaste montre son courage en disant la vérité envers et contre tout, celui auquel cette parrêsia est adressée devra montrer sa grandeur d’âme en acceptant qu’on lui dise la vérité. (…) La pratique de la parrêsia s’oppose terme à terme à ce qui est en somme l’art de la rhétorique. (…) Le bon rhétoricien, le bon rhéteur est l’homme qui peut parfaitement et est capable de dire tout autre chose que ce qu’il sait, tout autre chose que ce qu’il croit, tout autre chose que ce qu’il pense, mais de le dire de telle manière que, au bout du compte, ce qu’il aura dit, et qui n’est ni ce qu’il croit ni ce qu’il pense ni ce qu’il sait, sera, deviendra ce que pensent, ce que croient et ce que croient savoir ceux auxquels il l’a adressé. Dans la rhétorique, le lien est dénoué entre celui qui parle et ce qu’il dit, mais la rhétorique a pour effet d’établir un lien contraignant entre la chose dite et celui ou ceux auxquels elle est adressée. Vous voyez que, de ce point de vue-là, la rhétorique est exactement à l’opposé de la parrêsia, [qui implique au contraire une] instauration forte, manifeste, évidente entre celui qui parle et ce qu’il dit (pp 14-15)

Disons, très schématiquement, que le rhéteur est, ou en tout cas peut parfaitement être un menteur efficace qui contraint les autres. Le parrèsiaste, au contraire, sera le diseur courageux d’une vérité où il risque lui-même et sa relation avec l’autre. (…) La parrêsia est tout de même autre chose qu’une technique ou un métier, (…) c’est une attitude, une manière d’être qui s’apparente à la vertu, une manière de faire. » (p.15)

La suite de la lecture nous conduira à voir le rapport entre parrêsia et prophétie, et entre parrêsia et sagesse.

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Le lion marche à travers les blés, lumière d’or ondulant dans le temps, esprit le corps.

 

Nouveau monde

Cette vue d'artiste représente un coucher de Soleil vu depuis la super-Terre Gliese 667Cc. L'étoile la plus lumineuse dans le ciel est la naine rouge Gliese 667 C, qui fait partie s'un système d'étoiles triple. Les deux autres étoiles plus distantes, Gliese 667 A et B apparaissent également à droite dans le ciel. Les astronomes ont estimé qu'il y avait des dizaines de milliards de mondes rocheux tels que celui-ci en orbite autour de naines rouges peu brillantes, rien que dans la Voie Lactée. © ESO/L. Calçada

 

Grands travaux. Travaillant depuis hier à un projet très fort que nous avons, O et moi. Et le nouveau roman continuant à faire son chemin, petite rivière souterraine pour le moment. Voici ce qu’on trouve sur les réseaux sociaux, un témoignage de quelqu’un de l’Ecoloski relayé par Maggy, de Barèges, pour la Dépêche : « … Les sentiers qui relient les villages encore coupés deviennent de vrais réseaux sociaux, sauf que les échanges ont une tout autre dimension. Ce soir, en fermant les yeux, je ne verrai pas la vallée détruite ; je verrai les hommes de la vallée de Campan qui nous viennent en aide avec leur machine et leur gentillesse, je verrai des hommes qui luttent depuis quatre jours pour que le pont d’Esterre reste debout, ces hommes aux commandes des pelles mécaniques qui risquent leur vie au milieu du Bastan…, je verrai ces hommes et ces femmes dans toute la vallée qui luttent et qui ne semblent pas affectés par la fatigue ou le découragement… Sers, Viella, Viey et Betpouey seront bientôt désenclavés. On ne s’improvise pas montagnard. Notre force, elle, est là ! Espérons juste qu’on écoutera un peu plus les récits des anciens.» Cette dernière phrase pour rappeler la nécessité d’entretenir le gave et d’y être attentifs. Montagnards de nos montagnes, vous serez les premiers prêts à entrer dans le nouveau monde.

L’article sur la « découverte de trois super-Terres » est à lire sur notre-planete.info

 

En lisant « Le Sceau des saints », de Michel Chodkiewicz (9)

Un homme en prière, tout à l'heure au Jardin des Plantes, photo Alina Reyes

 

Poursuivons notre lecture avec le neuvième chapitre (Le sceau de la sainteté muhammadienne) de ce livre (éd tel gallimard) sous-titré Prophétie et sainteté dans la doctrine d’Ibn Arabî.

« Dans un chapitre consacré au Paradis, (…) Ibn Arabî évoque la possibilité pour l’homme de percevoir dès à présent sa propre nature paradisiaque et de se trouver donc « en plusieurs lieux à la fois », c’est-à-dire d’occuper consciemment en même temps tous les états de l’Être et non pas seulement celui que définit la condition humaine ordinaire ». (p.134)

Nous avons vu dans le chapitre précédent que Jésus est, dans l’optique d’Ibn Arabî, le Sceau des saints, ou Sceau de la sainteté universelle. Le deuxième Sceau, celui de la sainteté muhammadienne, dérive du Sceau des prophètes, Muhammad – « en définitive, précise M. Chodkiewicz, ces deux fonctions n’appartiennent véritablement qu’à un seul et même être » (p.148). Ibn Arabî a reçu des visions lui révélant qu’il était lui-même ce Sceau, le dernier saint directement issu de sa proximité du cœur de Muhammad.

« Tout entier nourri par la méditation des écrits d’Ibn Arabî », l’émir bien-aimé des Français Abd el-Qader, libérateur de l’Algérie et sauveur de chrétiens, « aboutit aux conclusions suivantes :

– Tout walî, nabî ou rasûl « puise » dans l’  « océan muhammadien » (…)

– La « prophétie générale » (al-nubuwwa al-âmma) correspond au degré suprême de la walâya – celui qu’on appelle aussi « station de la proximité » (…) [proximité qui] exprime, dans un langage conforme à la perspective islamique, la restauration de l’Unité primordiale.

– Ceux qui atteignent ce degré sont les afrâd. (…) [cf chapitres précédents]

– La « prophétie générale » peut être mutlaqa – libre, indépendante : c’est celle qui est héritée d’un prophète autre que Muhammad – ou muqqayyada – restreinte : c’est celle qui est héritée de Muhammad.

– La prophétie générale restreinte est scellée par le Sceau de la sainteté muhammadienne, qui est Ibn Arabî. (…)

– La prophétie générale indéterminée est scellée par Jésus lors de son retour à la fin des temps (…)

– Les autres degrés de la walâya [sainteté, proximité] resteront cependant ouverts jusqu’à l’avènement du Sceau des enfants (…) Le destin de ce troisième Sceau, à la toute dernière extémité de l’histoire, s’inscrit nécessairement dans la période au cours de laquelle, selon les données eschatologiques traditionnelles, Jésus fera régner la paix sur la terre ». (pp 146-147)

Nous avons déjà évoqué ce mystérieux Sceau des enfants lors de notre lecture du chapitre précédent. Il me vient en ce moment à l’esprit que cette vision d’Ibn Arabî coïncide avec celle que j’eus en écrivant l’épilogue de Souviens-toi de vivre.

Le prochain et dernier chapitre de ce livre s’intitule La double échelle, nous le lirons bientôt, incha’Allah. Dieu veut nous guider.

 

Histoire d’art

Entre un art contemporain, qui sur l’invitation du Vatican représente « Noé, Abraham et la nouvelle humanité, par de la toile de sac, du fil et des ampoules », dans une esthétique non pas pauvre mais misérable et misérabiliste, et un art liturgique néo-catéchuménal centralisateur, centré non sur le Christ mais sur un gourou omniprésent et omnipotent, excluant Dieu, le Vivant, qui se donne dans la diversité de sa beauté… l’article salutaire de Sandro Magister – dont, en lien, « Seule la beauté nous sauvera ».

Bien-pensance, confusion. Salut


oeuvre de Françoise Burtz

 

Les racistes français font trop souvent la confusion entre Arabes et musulmans ; leur racisme historique envers les Arabes alimente leur islamophobie. Mais les musulmans français font trop souvent aussi cette même confusion. Leur islam est identitaire, et leur identité est moins islamique que maghrébine. Les femmes doivent se voiler comme elles le faisaient dans de vieilles sociétés patriarcales (dont les Maghrébins du Maghreb cherchent à se libérer), la rupture du jeûne de ramadan est présentée comme une occasion de retrouver encore les traditions de « là-bas », mets typiques etc. Ce repli identitaire, comme bien d’autres, a ses raisons – il n’en demeure pas moins mauvais. Laissons l’identitaire à sa place, ne confondons pas tradition et religion, cherchons davantage l’esprit universel de l’islam.

Quoique mon parler y ait toujours été respectueux, et quoique je sois des très rares commentateurs qui parlent à visage découvert, je ne peux plus commenter sur saphirnews.com, ni sur oumma.com ; mes commentaires sont systématiquement censurés chez le catholique Patrice de Plunkett, chez BHL et sa Règle du jeu aussi ; j’ai proposé un blog à Rue 89 sur des questions de religion liées à l’actualité – ils m’ont demandé un premier post pour voir, puis n’ont pas répondu. Athée, juive, chrétienne ou musulmane, la bien-pensance dans ses divisions œuvre en commun contre la parole libre, la parole de vérité. Rien de nouveau sous le livide soleil des hommes.

Hier était la fête de Jean le Baptiste, qui a perdu la tête par la faute d’Hérode, et non par celle d’une petite danseuse manipulée. La danseuse, le danseur en Dieu, eux, font tomber les têtes d’Hérode – car il en a beaucoup, comme la bête de l’Apocalypse. Autant de têtes qu’il y a en ce monde d’abuseurs et manipulateurs en tous genres, et notamment tous ceux qui sur internet ou ailleurs parlent sous diverses identités et commettent des abus de pouvoir répétés. Jean crie encore dans le désert contre bien des faux pieux, qui vont jusqu’à le confondre avec la bête.

La vidéo de la bagarre qui a coûté la vie à Clément Méric révèle semble-t-il qu’il a attaqué le premier. Je désapprouve entièrement une telle attitude, mais il n’en reste pas moins que c’est lui qui est mort, que c’est du côté des skinheads que se trouvait un poing américain, que les antifas n’ont jamais tué ni été animés par la haine raciste et homophobe, que les skinheads ont fait d’autres morts bien avant que les antifas n’existent, que les antifas se sont constitués en réaction aux agressions multiples des skinheads, à une certaine période qui semble-t-il se réactive. Encore une fois, évitons de tout confondre.

«Je suis Moïse sauvé des eaux. Je ne voulais pas partir. On a dû laisser le manger sur la table. Je suis née le 5 septembre 1932 sous le signe de la Vierge. Dimanche, je suis allée remercier la Vierge de m’avoir sauvé la vie. Avec les habitants du village, on s’est rassemblés à l’église, puis à la salle des fêtes, et on a chanté «Douce Vierge de nos vallées», confie Marie-Antoinette Destrade. Le texte de ce chant se trouve dans Voyage.