Le piano philosophe au marteau

À l’aller, un passant porté sur l’hyperbole m’a aimablement dite sublime, au retour j’ai croisé Yves Coppens. Entretemps, je me suis assise à même l’herbe et les pâquerettes et j’ai composé un petit texte sur le piano, que voici après les photos.

 

à la salle Cortot

à la salle Cortot

à la Schola Cantorum

à la Schola Cantorum

au Jardin des Plantes

au Jardin des Plantes

à la Sorbonne Nouvelle

à la Sorbonne Nouvelle

à Saint-Louis de la Salpêtrière

à Saint-Louis de la Salpêtrière

à Saint-Louis de la Salpêtrière

à Saint-Louis de la Salpêtrière

à Saint-Louis de la Salpêtrière

à Saint-Louis de la Salpêtrière

 

Instrument à cordes sensibles que l’instrumentiste ne pince ni ne frotte mais frappe par l’intermédiaire des marteaux qu’il a dans le ventre. Le corps du piano, qui se montre tantôt vêtu et tantôt à nu, est un organisme mécanique semblable à celui d’une horloge humanisée. Son unique mâchoire, escalier horizontal, piste de courses et de sprints, de sauts en hauteur et en longueur, de glissades et de caresses, libère le temps mesuré de ses tons, tandis que ses pédales relativisent le son comme la formule d’Einstein fait onduler l’univers. Tout instrument de musique est un bâton de Moïse qui sur ordre divin se change en serpent devant les empotés qu’on appelle puissants. Le piano est aussi, trône sur toute scène, trône sur lequel le roi ne s’assoit pas, trône et roi, partenaire du roi, de la reine qui en joue, un lit profond d’amour où coulent, bondissent, claquent, murmurent, des rivières qui vous martèlent les nerfs, les tympans, le sang.

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pieds et pâquerettes

texte écrit ce jour dans l’herbe à la Pitié Salpêtrière où j’ai photographié mes pieds, photos Alina Reyes

La petite poule d’eau tisse son nid, comme l’humain tisse son livre

Une femme qui la regardait m’a dit : « je suis là depuis un bon moment, elle n’arrête pas. » Puis elle est partie, en ajoutant : « elle doit faire ça toute la journée. » À mon tour je suis restée là un bon moment, et elle n’a pas arrêté ses allées et venues extrêmement affairées, sans répit, soignées, choisissant dans la verdure environnante herbes et feuilles avec rapidité et métier, parfois se ravisant, en rejetant une après deux ou trois pas et revenant en arrière en prendre une meilleure, traversant et retraversant l’allée en jonglant s’il le fallait entre les gens qui passaient et regardaient les grenouilles du bassin sans la voir, elle, la petite poule d’eau toute à sa tâche, à sa mission, déposant son matériau, brin après brin, dans le secret d’une touffe de verdure au milieu de l’eau, puis repartant, cueillant, revenant, ainsi de suite inlassablement, à se demander comment un si petit animal peut déployer autant d’énergie, et à se dire que seule la vie, la vie qui toujours vient et revient, peut motiver et rendre possible une telle dépense, un tel don de soi, pour la construction d’un abri où elle pourra être accueillie et se développer. À la bibliothèque Buffon où je venais de passer, il y avait une petite exposition sur la végétation et le livre, liés à l’origine comme le sont par l’étymologie le texte et le tissu.

 

poule d'eau 1

poule d'eau 2

poule d'eau 3

poule d'eau 4

poule d'eau 5

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poule d'eau 7

poule d'eau 8

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poule d'eau 10

poule d'eau 11

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poule d'eau14

poule d'eau 15

liber

cet après-midi au Jardin des Plantes et à la bibliothèque Buffon, photos Alina Reyes

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Mwasi et Nizar Kabbani. Contre la politique de la séparation

La polémique autour du festival afroféministe Nyansapo non-mixte accueilli cette année par le collectif Mwasi est un triste symptôme d’une tendance grandissante à la ghettoïsation de notre société. Directement inspirée du modèle américain, la lutte communautaire opère toujours plus de division et de séparation dans la population. Les problèmes de racisme et de sexisme, pour plus d’efficacité dit-on, sont traités en non-mixité. S’il est vrai que des espaces et des temps dédiés uniquement à telle ou telle catégorie de personnes peuvent aider à libérer la parole, le recours rigide à une telle solution finit par s’avérer dangereux et contre-productif. Le danger est celui du repli sur soi et d’une culture de l’apartheid réactivée. Pourquoi ce festival non-mixte, dont l’essentiel est réservé aux femmes « noires » compte-t-il parmi ses organisatrices une femme non noire, Sihame Assbague, l’une des piliers de Mwasi et organisatrice du « camp d’été décolonial », également non-mixte, de l’année dernière ? Pourquoi Houria Bouteldja, du PIR, non-Noire dont elle est proche, conseille-t-elle, toujours au nom de l’antiracisme, aux Noirs de se marier entre eux, aux Noires de ne pas épouser des non-Noirs ? Pourquoi la sociologue Nacira Guénif, non-Noire elle aussi, est-elle une proche du collectif Mwasi ? Que font ces non-Noires à conseiller aux Noirs et aux Noires de rester entre eux ? Il y a dans cette pratique quelque chose d’enfoui qui n’est pas dit, qui sans doute reste inconscient, quelque chose de dévastateur qui est au fondement de l’Amérique et qui a compromis l’Europe : le trafic d’esclaves et l’esclavage. Autrement dit, il y a un moment où le combat contre le racisme replonge dans l’histoire créée par le racisme de façon très dangereusement ambiguë.

Cette affaire me rappelle celle de la Grande mosquée de Paris, où j’allais prier avant 2013, année où les femmes furent reléguées dans une salle à l’entresol parce que certaines personnes avaient protesté du fait que des femmes étaient trop bruyantes dans la grande salle de prière. En fait ce sont surtout certaines Sub-sahariennes qui étaient pointées du doigt, beaucoup d’entre elles étant peu rigides dans la pratique de la religion, mais très vivantes et animées, vêtues de magnifiques couleurs… et le plus souvent à part des croyantes d’origine maghrébine, peu enclines à se mélanger. J’ai observé et connu à la mosquée une culture de la séparation. Séparation des hommes et des femmes, d’abord manifestée par un rideau tendu entre les uns et les autres dans la grande salle de prière, puis par l’expulsion des femmes de cette salle et leur relégation à l’entresol (alors que du temps du Prophète, hommes et femmes priaient dans un même espace). Et culture d’une certaine séparation ethnique (voire nationale) – en contradiction totale avec l’enseignement de l’islam.

Comme toujours, pour décoincer les esprits engagés sur des voies de garage, il faut faire appel aux poètes.  Voici un texte du grand poète syrien Nizar Kabbani, texte que j’ai trouvé sur la page facebook d’une militante afroféministe, Ndella Paye :

 

Ne vous en déplaise,
J’entends éduquer mes enfants à ma manière; sans égard pour vos lubies ou vos états d’âme…
Ne vous en déplaise
J’apprendrai à mes enfants que la religion appartient à Dieu et non aux théologiens, aux Cheikhs ou aux êtres humains.
Ne vous en déplaise
J’apprendrai à ma petite que la religion c’est l’éthique, l’éducation et le respect d’autrui, la courtoisie, la responsabilité et la sincérité, avant de lui dire de quel pied rentrer aux toilettes ou avec quelle main manger.
Sauf votre respect,
J’apprendrai à ma fille que Dieu est amour, qu’elle peut s’adresser à lui sans intermédiaire, le questionner à satiété, lui demander ce qu’elle souhaite, loin de toute directive ou contrainte.
Sauf votre respect,
Je ne parlerai pas du châtiment de la tombe à mes enfants qui ne savent pas encore ce qu’est la mort.
Sauf votre respect,
J’enseignerai à ma fille les fondements de la religion, sa morale, son éthique et ses règles de bonne conduite avant de lui imposer un quelconque voile.
Ne vous en déplaise,
J’enseignerai à mon jeune fils que faire du mal à autrui ou le mépriser pour sa nationalité, sa couleur de peau ou sa religion est un grand pêché honni de Dieu.
Ne vous en déplaise,
Je dirai à ma fille que réviser ses leçons et s’investir dans son éducation est plus utile et plus important aux yeux d’Allah que d’apprendre par cœur des versets du Coran sans en comprendre le sens.
Ne vous en déplaise,
j’apprendrai à mon fils que prendre le prophète comme modèle commence par adopter son sens de l’honnêteté, de la droiture et de l’équité, avant d’imiter la coupe de sa barbe ou la taille de ses vêtements.
Sauf votre respect,
je rassurerai ma fille que son amie chrétienne n’est pas une mécréante, et qu’elle cesse de pleurer de crainte que celle-ci n’aille en enfer.
Sauf votre respect, je dirai qu’Allah a interdit de tuer un être humain, et que celui qui tue injustement une personne, par son acte, tue l’humanité toute entière.
Sauf votre respect,
J’apprendrai à mes enfants qu’Allah est plus grand, plus juste et plus miséricordieux que tous les théologiens de la terre réunis, que ses critères de jugement diffèrent de ceux des marchands de la foi, que ses verdicts sont autrement plus cléments et miséricordieux.
Sauf votre respect …

Nizar Kabbani

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tacoafro600

source de l’image

 

Objets à la rue

Ils ont été laissés là, oubliés, perdus, jetés ou abandonnés. Séparés de leur fonction usuelle, ils en deviennent singulièrement visibles, ou invisibles. Comme les bouteilles à la mer ils portent un message au gré des flots des passants, mais sans que personne n’ait envoyé délibérément ce message. Inanimés, aveugles, muets, ils le portent d’eux-mêmes, sans le vouloir nous adressent la parole, nous regardent. Témoignant de l’être vivant auquel ils ne sont plus attachés, que nous ne connaissons pas, que nous pouvons imaginer, auquel nous pouvons les rattacher, jusque auquel nous pouvons, par eux, remonter en pensée. Exposant, hors de leur cadre, leur étrangeté, renvoyée en miroir à l’humanité : c’est nous qui les avons faits, et voilà que, comme des créatures, ils se retournent vers nous et nous demandent : que fais-tu de ta vie ? où sont les êtres à qui je te relie ? où es-tu ?

« Tout est permis au théâtre : incarner des personnages mais aussi matérialiser des angoisses, des présences intérieures. Il est donc non seulement permis, mais recommandé de faire jouer les accessoires, faire revivre les objets, animer les décors, concrétiser les symboles. De même que la parole est continuée par le geste, le jeu, la pantomime qui, au moment où la parole devient insuffisante, se substituent à elle, les éléments scéniques matériels peuvent l’amplifier à leur tour. » Eugène Ionesco, Notes et contre-notes

 

 

accordéon

chaussette bébé

sac de couchage

demi vélo

tongue

doudou,

street art involontaire

street art caisse livres

chaise

à Paris, photos Alina Reyes

Madame Terre à Chessy, là même où est né Babar

babar

Je n’ai pas lu les aventures de Babar, enfant. Les histoires d’un roi, qui plus est soupçonné de colonialisme, ne faisaient pas partie de la culture communiste. Mais laissons tomber les lectures politiques de ces contes inventés par Cécile Sabouraud pour les enfants du couple qu’elle formait avec le dessinateur Jean de Brunhoff, qui les mit en images. Ce qui véritablement éclate dans leur grâce intemporelle, c’est que la véritable royauté dont ils parlent, c’est celle de l’enfance. L’enfance reine, dans son humanité et son animalité non séparées, dans cet état qu’il est urgent pour l’humanité de protéger dans l’enfant et de remettre au jour dans l’adulte.

Sur le territoire de la commune a été implanté Eurodisney – cela fait deux conceptions de la culture, disons. Je préfère la poésie, et Babar en est. Voici les images faites par O en chemin vers Chessy, puis au village avec l’école sise juste en face de la maison des parents de Babar et portant le nom du précepteur des enfants de Babar et Céleste, Cornelius. Ensuite l’enregistrement de l’adaptation musicale de l’histoire de Babar par Francis Poulenc, portée à merveille par la voix de Jacques Brel.

 

en chemin (à vélo), des usines, la Marne…

babar marne

babar fabrique

…puis l’arrivée au village et son magnifique chêne

babar petit cirque

babar chêne

babar chêne et village

et la maison de naissance de Babar

babar maison,,

babar maison

babar portail

babar mme terre la muscadelle

babar mme terre

babar prise de terre

babar mise de terre

l’école…

babar ecole cornelius,

babar ecole

babar ecole cornelius

et Madame Terre posée sur Cornelius, sous les regards médusés des enfants jouant par là

babar cornelius

babar enfants

babar cornelius mme terre

au loin Eurodisney, dont nous saurons nous passer

babar eurodisney

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Madame Terre à Arronville chez d’Astier de la Vigerie puis à Menouville chez un marchand de mort

Les actions poélitiques avec Madame Terre ont repris au printemps. Hier O a fait pas moins de 115 km à VTT aller-retour depuis Paris pour aller rendre hommage au résistant Emmanuel d’Astier de la Vigerie, enterré à Arronville. Cet « homme qui ne ressemblait à personne », selon Pierre Viansson-Ponté, fut l’auteur de l’inoubliable Complainte du Partisan, reprise notamment par Leonard Cohen – voir à la fin de la note.

Sur le chemin de retour, il est passé par Menouville, où il a photographié les ruines d’une ferme faisant partie d’un château où vécut « le plus grand marchand de mort des temps modernes », comme l’appelait Romain Gary : Basil Zaharoff, malhonnête, traître et pourri qui s’enrichit et fut décoré de la Grand-Croix de la Légion d’honneur et Chevalier grand-croix de l’Ordre de l’Empire britannique – ce qu’on appelle un homme qui a réussi, dans la philosophie de la réussite de notre nouveau président et de ses pareils.

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mme terre et les vaches

mme terre en chemin

mme terre patriam servando

mme terre cimetiere arronville

cimetiere arronville

puis Menouville…

menouville

menouville maison

menouville ferme

menouville mme terre

menouville charron

eglise 12e siecle arronville

menouville pigeonnier

menouville plafond pigeonnier

menouville ruine

menouville vieux tourne disque

menouville escalier ruine

et il est temps de repartir :

menouville petit âne gris

chemin

et de réécouter la Complainte du Partisan mise en musique par Anna Marly et interprétée par Leonard Cohen


Leonard Cohen – The Partisan par RollingPat

Ramadan

Grande mosquée de Paris, vue de la bibliothèque des chercheurs du Museum, au Jardin des Plantes. Photo Alina Reyes

Grande mosquée de Paris, vue de la bibliothèque des chercheurs du Museum, au Jardin des Plantes. Photo Alina Reyes

 

En cette veille de Ramadan, la sortie de la mosquée était un véritable enchantement. Beaucoup de monde, et tout le monde s’était fait beau. Les hommes souvent en longue tunique blanche, les femmes coiffées de ravissants foulards, les Africaines en boubous multicolores tous plus magnifiques les uns que les autres. Comme l’année dernière, je participerai cette année à ma façon, sans jeûner du matin au soir mais en me passant, sauf les jours des concours, de tout aliment et toute boisson comportant des sucres ajoutés – et je tâcherai aussi de respecter mentalement ce temps de paix, de partage, de communion. J’ai déjà fait un ramadan selon la règle originelle et je sais que c’est beaucoup plus agréable et gratifiant que de se priver de sucre pendant un mois, mais que c’est aussi très fatigant. Or je dois travailler, et je choisis la formule qui m’apporte ce que je cherche, à la fois rupture dans la vie ordinaire et respect des droits de la vie ordinaire : nous sommes libres, même si les religieux veulent faire croire le contraire.

Pour mieux comprendre l’esprit de Ramadan, plus souple qu’on ne le croit trop souvent, on peut lire ces trois brèves notes d’après les Quarante Hâdîths authentiques de Ramadân choisis et commentés par le Dr Al Ajamî

Et mon texte Ramadan, écrin de la Nuit du destin

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