La vie en rose. Henri Michaux, lecture d’une lithographie de Zao Wou-Ki

reproduction de la  lithographie n°8 de Zao Wou-ki dans "Lecture de huit lithographies de Zao Wou-ki" par Henri Michaux

reproduction de la lithographie n°8 de Zao Wou-ki dans « Lecture de huit lithographies de Zao Wou-ki » par Henri Michaux

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sur la toile blanche du monde

il va faire quelque chose

il est décidé
pour le moment
il marche
quoique indubitablement oiseau et fait pour voler

mais le vol n’est pas à l’horizon
pas pour lui

sur sa droite
en l’air
un insecte à deux paires d’ailes
l’asticote d’idées d’ascension

vraiment ?
est-ce qu’une petite sauterelle
ses leçons de vol pourraient profiter à une outarde ?

non

aussi ne tourne-t-on pas la tête

on va plutôt prendre conseil d’un arbre
(plus réaliste un arbre
plus à l’essentiel
à tenir d’abord
à s’enraciner)
d’un arbre
pour qui
sucer la terre et le dur gravier
c’est déjà la vie en rose

Mur écrit, mariage pompier, Lézarts à la librairie, doigt escargot etc.

rsf

mur écrit

mariage pompier

lézarts librairie

doigt coquille

hier et aujourd’hui à Paris 13e et 5e, photos Alina Reyes

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tandis que ma thèse, avec son cortège de chants, avance comme une reine, se rassemblant comme par miracle, remplissant mes journées de joie de l’aube au soir

(et que je dois m’obliger à me lever de ma sainte table pour sortir, manger, et faire deux ou trois autres bonnes choses)

(ce qui est long c’est de faire les notes de bas de page etc.)

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Essence et thèse

these en couleurs 0

 

Hier, aujourd’hui, dès cinq heures le matin et pour de longues rapides heures écrivant ma thèse, dans l’effervescence et la joie. Ma méthode : commencer par les gestes, le dessin, les actions poélitiques, porte ses fruits. Le moteur est lancé, le véhicule a fait le plein d’essence, le pays défile – voyage exaltant. Ce que je veux, je l’est (non, ce n’est pas une coquille. Quoique…)

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俳句 Haïku des vacances : en images et en mots

Rues et jardins vides

Ville en vacance d’été

Les lotus fleurissent

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fougères

lotus et feuilles

lotus

poisson rougeCet après-midi au Jardin des Plantes, photos Alina Reyes

Haïku en mots : trois segments de 5-7-5 syllabes

Avec 4 photos, nous avons 7 segments, et 4 phrases en plus, 11 segments

Mes 10 doigts de pied repeints de frais dans mes tongs rouge de Chine neuves, je me sens très haïku (pour voir tous mes haïkus, c’est ici)

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Lire, écrire

ruecet après-midi à Paris 5e, photo Alina Reyes

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Allée chez Gibert vendre quelques livres. Ils n’ont voulu ni de La Possibilité d’une île ni des Bienveillantes, en exemplaires pourtant comme neufs. L’industrie du livre fabrique désormais des best-sellers bien plus éphémères que les jeux vidéos. Mais ils ont repris Montaigne et quelques classiques, et en ajoutant deux euros aux douze que j’ai retirés de la vente j’ai acheté, d’occasion, un Précis de grammaire pour les concours (où j’ai d’ailleurs pu vérifier encore une fois  que j’avais raison avec mes locutions adverbiales lors d’un oral où mes affirmations ont été considérées comme de pitoyables monstruosités – même les professeurs agrégés ne sont pas à l’abri d’une erreur ou d’une hésitation, un peu moins de hauteur serait parfois bienvenue !) Bref, me voilà équipée pour mieux me préparer aux épreuves que je vais sans doute repasser. Pour le reste, j’emprunte toutes les œuvres au programme en bibliothèque. N’est-ce pas, à défaut de préparation encadrée, en passant et repassant l’agrégation qu’on apprend à passer l’agrégation, et à la passer sans se renier ? Tout jeu répété finit par lasser, mais je peux y trouver du goût encore une fois.

De nouveau une masse de lectures à faire, donc, et il me semble que cela ne m’empêchera pas tout à fait de continuer à avancer dans ma thèse et dans mon roman, malgré ou avant le poste de prof à la rentrée, avec mon CAPES tout neuf. Lecture et écriture sont comme les courses de fond (ponctuées de sprints), plus on les pratique plus on en est friand (à en rêver la nuit et à s’en réveiller à l’aube, de désir de littérature).

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Bilal Berreni, Nicolas Bouvier et autres êtres aux semelles de vent : de la grande jeunesse

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Je l’ai déjà dit ici, pour moi Bilal Berreni, alias Zoo Project, est un Rimbaud du street art. Et je soutiens de tout cœur l’initiative de ses amis pour mieux le faire connaître et lui rendre hommage.

Qu’est-ce que la jeunesse, sinon la mémoire vivante du haut et grand âge dans lequel nous sommes nés ?

À Prilep en Macédoine (voir note précédente), Nicolas Bouvier décrit des « vieux plaisantins » pleins de légèreté et de joie enfantine, tels que j’en ai vu aussi dans le Sud marocain un demi-siècle plus tard : « semblables à ces bonshommes que les enfants dessinent sur les murs ».

« Seuls les vieux ont de la fraîcheur, une fraîcheur au second degré, conquise sur la vie.

Dans les jardinets qui ceinturent la ville, on tombe ainsi au point du jour sur des musulmans aux barbes soignées, assis sur une couverture entre les haricots, qui hument en silence l’odeur de la terre et savourent la lumière naissante avec ce talent pour les moments bien clos de recueillement et de bonheur que l’Islam et la campagne développent si sûrement.

(…)

Un autre matin que j’étais accroupi dans le jardin municipal en train de photographier la mosquée, un œil fermé, l’autre sur le viseur, quelque chose de chaud, de rugueux, sentant l’étable, se pousse contre ma tête. J’ai pensé à un âne – il y en a beaucoup ici, et familiers, qui vous fourrent le museau sous l’aisselle – et j’ai tranquillement pris ma photo. Mais c’était un vieux paysan venu sur la pointe des pieds coller sa joue contre la mienne pour faire rire quelques copains de soixante-dix-quatre-vingts ans. Il est reparti, plié en deux par sa farce ; il en avait pour la journée.

Le même jour j’ai aperçu par la fenêtre du café Jadran un autre de ces ancêtres en bonnet fourré, quelques pépins de passa-tempo dans la barbe, qui soufflait, l’air charmé, sur une petite hélice en bois. Au Ciel pour fraîcheur de cœur !

Ces vieux plaisantins sont ce qu’il y a de plus léger dans la ville. À mesure qu’ils blanchissent et se cassent, ils se chargent de pertinence, de détachement et deviennent semblables à ces bonshommes que les enfants dessinent sur les murs. Des bonshommes, ça manque dans nos climats où le mental s’est tellement développé au détriment du sensible ; mais ici, pas un jour ne passe sans qu’on rencontre un de ces êtres pleins de malice, d’inconscience et de suc, porteurs de foin ou rapetasseurs de babouches, qui me donnent toujours envie d’ouvrir les bras et d’éclater en sanglots. »

Nicolas Bouvier, L’Usage du monde

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L’islam en Macédoine en 1953, vu par Nicolas Bouvier

Prilep dessiné lors de ce voyage par Thierry Vernet

Prilep dessiné lors de ce voyage par Thierry Vernet

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En 1953, Nicolas Bouvier et son compagnon de voyage Thierry Vernet résident quelques semaines à Prilep, « une petite ville de Macédoine, au centre d’un cirque de montagnes fauves à l’ouest de la vallée du Vardar », alors en Yougoslavie. Après avoir vu le pasteur puis le pope et son église où il trouve « Quelque chose de chaud et de vaincu : comme si le péché, l’enfance et la faiblesse humaines constituaient un capital dont Dieu, par le pardon, touche les intérêts », il fréquente les Turcs de la ville et passe un dimanche à festoyer avec eux. Voici son témoignage, qui commence par une comparaison entre la mosquée et l’église :

 

prilep-old-mosquee*

« La mosquée des Turcs exprime plus de placidité dans l’adoration. C’est un bâtiment trapu, encadré par deux minarets où nichent les cigognes. L’intérieur est crépi à la chaux, les dalles couvertes de tapis rouges, les murs décorés de versets coraniques en papier découpé.

Une fraîcheur affable et une absence de gravité qui n’exclut pour autant pas la grandeur. Rien comme dans nos églises ne suggère le drame ou l’absence, tout indique entre Dieu et l’homme une filiation naturelle, source de candeur dont les croyants sincères n’ont pas fini de se réjouir. Une pause dans cette demeure, les pieds nus sur la laine rugueuse, fait l’effet d’un bain de rivière.

Ici, les Turcs sont peu nombreux mais bien organisés. C’est par Eyoub, le barbier, que nous sommes entrés dans leur société. Il a notre âge et sait quelques mots d’allemand. On s’est lié. Depuis qu’on lui a dit aimer Smyrne dont sa famille est originaire, il insiste pour nous raser à l’œil. Tous les deux jours, nous allons donc nous étendre, la gueule pleine de savon, dans le fauteuil aux cuirs crevés, face aux chromos de Stamboul qui encadrent la glace. De fil en aiguille, on se fait admettre et l’autre jour, Eyoub et ses copains nous ont invités à passer le dimanche aux champs avec eux. Vin, musique, noisettes… on irait en charrette… il y aurait un chamois braconné par le meunier. Tout cela, il nous l’explique par gestes, son allemand ne va pas si loin dans le merveilleux.

Au point du jour, nous nous sommes retrouvés à la sortie de la ville avec quantités d’inconnus qui nous connaissaient – c’est ça « être étranger ». Salaams enroués, complets bleus, cravates à pois énormes, bonnes têtes ensanglantées par le rasoir matinal, et une carriole remplie de mangeailles entre lesquelles on avait coincé un violon et un luth. À l’écart, un gamin tenait deux vélos verts et violets empruntés par Eyoub pour nous honorer. Une fois la compagnie au complet, chacun – comme c’est l’usage ici le dimanche – a lâché la colombe qu’il avait apportée, et nous avons pris la route de Gradsko sur nos vélos versicolores suivis par une charretée de fêtards.

[Je passe le récit des festivités – ripailles, musique, raki – « C’était un dimanche très réussi »]

Le chamois nettoyé jusqu’à l’os, on s’est tous allongés dans le trèfle pour une de ces siestes où l’on sent la terre vous pousser dans le dos. Vers six heures, comme aucun des dormeurs ne bronchait, nous sommes rentrés à Prilep. Nos vélos jetaient mille feux. Les jambes coupées, mais la tête claire, et grande envie de travailler. C’était satisfaisant, cette gonflée rustique sur ces ventres pleins, et rien ne vaut le spectacle du bonheur pour vous remettre en train.

Les Turcs faisaient bien de profiter du dimanche et des champs parce qu’à la ville, les Prilepois leur menaient la vie dure. Les Macédoniens, qui se disaient exploités par Belgrade, se rattrapaient sur cet Islam dont autrefois ils avaient tant pâti. À tort, évidemment ; les quelques Turcs de la ville constituaient une famille candide et très unie dont l’âme était moins troublée que la leur.

Entre leurs minarets et leurs jardins salvateurs, ils formaient un îlot agreste bien défendu contre le cauchemar ; une civilisation du melon, du turban, de la fleur en papier d’argent, de la barbe, du gourdin, du respect filial, de l’aubépine, de l’échalote et du pet, avec un goût très vif pour leurs vergers de prunes où parfois un ours, la tête tournée par l’odeur des jeunes fruits, venait la nuit attraper de formidables coliques.

Les Prilepois préféraient pourtant les tenir à l’écart, se priver de leurs services et les brimer discrètement comme toutes les populations qui, ayant trop souffert, se font justice avec retard, à contre-temps et sans souci de leur propre intérêt. »

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