Un joli sein, quelques remarques sur l’hôpital et des dessins

 

Opérée vendredi, j’ai découvert ce dimanche matin, quand l’infirmière a retiré le bandage, mon nouveau sein, tout joli, rond, souple, plein, légèrement pesant, exactement comme l’autre, le naturel. Après avoir gardé un expandeur (prothèse provisoire, sans souplesse, destinée à détendre la peau après mastectomie pour la préparer à recevoir la prothèse définitive) pendant près d’un an, me voici pourvue par le travail impeccable du chirurgien d’un nouveau sein, presque plus joli que l’ancien et très bien accordé à l’autre (alors que l’ancien, le naturel, était légèrement plus petit). La cicatrice, qui était devenue quasi invisible, le redeviendra, et il ne restera plus qu’à tatouer un téton, technique très bien développée aujourd’hui.

Ces deux ou trois derniers mois je m’étais appliquée à perdre les cinq kilos pris ces dernières années afin de retrouver mon poids de forme, que je garderai désormais, et de ne pas obliger le chirurgien à me faire un sein plus gros. Me voici parfaitement contente de mon corps retrouvé.

À la Pitié-Salpêtrière, malgré la gentillesse des soignants, j’ai pu constater un peu les difficultés de l’hôpital. Les Urgences y sont toujours en grève. D’autre part, à la sortie du bloc opératoire, je suis restée trois heures dans une salle de réveil surchargée de patients, dont certains poussent des cris de douleur, s’étouffent etc. Normalement j’aurais dû être remontée dans ma chambre au bout d’une heure, c’est un infirmier qui en passant a regardé ma fiche a eu « pitié » et « honte », et a fait le travail qui n’était pas fait, faute de brancardiers. Dans l’ascenseur qui montait aux chambres, se trouvait avec nous un anesthésiste qui remontait un patient, lui aussi par pitié pour lui, toujours faute de brancardiers. Une amie dont la mère est infirmière dans un autre hôpital me dit que parfois les patients sont laissés quasiment une journée entière dans la salle de réveil, bloqués sur leur brancard sans pouvoir bouger.

À la Salpêtrière les chambres ne sont pas climatisées, avec la canicule qui s’annonce cela va être très éprouvant – j’y étais l’année dernière pendant la canicule, c’est rude pour les soignants comme pour les patients. Hier soir entre onze heures et plus d’une heure du matin, un groupe d’hommes discutait et riait très bruyamment juste sous les fenêtres de l’hôpital, impossible de dormir. Personne n’est intervenu pour leur demander un peu plus de discrétion, et de ma chambre je ne pouvais pas le faire, la fenêtre type vasistas ne pouvant que s’entrouvrir par le haut. Dans mon souvenir, quand on entrait dans un hôpital il y avait des panneaux « Hôpital – Silence » pour demander le respect des patients, il semble que cela ne soit plus de mise. Pas de discipline à l’école, pas de discipline une fois dans la vie adulte ? Si les pouvoirs publics abandonnent l’enseignement et la santé, que restera-t-il de la société ?

Samedi, le lendemain de l’opération, quand j’ai retrouvé un peu mes forces, j’ai passé une bonne journée à lire, écrire quelques lignes dans mon cahier, dessiner dans mon carnet et aller faire un tour dans le jardin de l’hôpital. Voici mes images.

 

Le jour se lève sur l'hôpital et sa chapelle

Le jour se lève sur l’hôpital et sa chapelle

pitie salpetriere 2-minAu fond du jardin, je vois ce champignon qui a poussé la terre pour sortir, et d’autres sur des arbrespitie salpetriere 3-min

pitie salpetriere 4-minSix feutres, six crayons de couleur, un stylo et un crayon à papier, je dessine dans mon carnet une figure d’homme, un ange et un arbre à yeux

pitie salpetriere 5-min*

Loving Vincent

 

Ils ont mis en vente l’arme avec laquelle Van Gogh a été tué, et quelqu’un l’a achetée. Les traiter de porcs serait insulter les porcs. L’autre putain de milliardaire français qui est encore plus milliardaire est un de leurs princes, encroûté dans ses milliards de merdes comme ils rêvent de l’être, comme le faux souteneur de planète, vrai souteneur de putains dans son genre, voudrait que les jeunes rêvent de l’être : toujours plus morts. Les Obama quittent leur villa de richards en Avignon, que voit-on ? Un défilé de corbillards. La sécurité. Belle sortie en famille.

Ça les arrange, la masse des connards et des connasses de toutes classes, de colporter que Van Gogh était fou et suicidaire. Qu’ils bouffent les vers qui les bouffent avant d’attendre qu’ils soient morts, ça occupera leur bouche.

J’ai regardé ce soir le film Loving Vincent, c’est un beau film et un beau titre, qui peut s’entendre dans tous les sens.

Le Suicidé de la société a vécu vivant, lui. Les autres, les voyeurs, les exhibitionnistes de leur enflure creuse : du bétail à hublots.

 

Dada dodo dada

Bon temps dada à vous en compagnie de ce doc Viva Dada, de ces galets et coquille dada dodo et de ces haïkus en série de trois comme d’hab mais dada.

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galets peints 6-mingalets peints 5-minRecto et verso, longueur 4,5 cm

galets peints 7-mingalets peints 8-minRecto et verso, longueur 6,5 cm

coquille peinte 1-mincoquille peinte 2-minRecto et verso, longueur 2 cm
Coquille et galets peints hier

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dada dodo da

da dodo dada dodo

dada dodo da

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da dodo dada

dodo dada dodo da

da dodo dada

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dada dodo da

da dédé didon doid’ho !

do ré mi fa da

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Le doc est en italien, pas moyen de le voir autrement en ligne, mais après tout dada ça se comprend dans toutes les langues.

Et pour plus de dada, c’est .

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Nouveaux galets et silex peints. Apporter sa pierre

Le silex (à gauche de l'image en haut et en bas) sur ses deux faces, et les galets, en haut sur leur face peinte récemment, en bas sur la face peinte il y a quelque temps (ce furent mes tout premiers galets peints)

Le silex (à gauche de l’image en haut et en bas) sur ses deux faces, et les galets, en haut sur leur face peinte récemment, en bas sur la face peinte il y a quelque temps (ce furent mes tout premiers galets peints)

©Alina Reyes

©Alina Reyes

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Marchant dans les rues où s’était déployé un vide-grenier dans mon quartier, je vois soudain sur une table quatre pierres. Enfin quelque chose d’intéressant. Je m’arrête aussitôt, je les prends dans mes mains. Ce ne sont pas des pierres extraordinaires, mais ce sont des pierres. Le vendeur s’approche et me dit : « j’ai tout juste commencé à les déballer, j’en ai d’autres ». Et il sort de son sac, une à une, trois dizaines de pierres fines brutes enveloppées dans du papier journal, les dispose sur son étal. Je me saisis de chacune à mesure, l’admire sous toutes les coutures qu’elle n’a pas, lui demande le prix. Faites votre choix, me répond-il, on verra (finalement ce ne fut pas cher, trente euros pour les cinq que j’ai choisies). J’ai pris une rhodonite, une bornite, une améthyste dans sa gangue, une aigue-marine dans sa gangue, et un quartz ocre pour sa forme de montagne ou de construction fantastique – comme les autres, toutes choisies aussi en fonction de leur forme, afin qu’elles puissent composer sur ma table, avec mes plantes, un paysage ou une cité imaginaires. Côtoyant ma pierre de lave embaumant les épices sur lesquelles elle est posée, quelques coquillages, des cailloux naturellement colorés et mes galets et silex, bruts ou peints. Reprenant ensuite ma lecture du merveilleux La ville de sable de Marcel Brion, je suis arrivée, comme par hasard aussi, à un chapitre entièrement consacré aux pierres fines brutes qui fascinent le narrateur, appelé à trouver celle de son destin ou de son être.

Je n’ai plus (mais il réapparaîtra un jour) mon tout premier texte publié, une courte nouvelle intitulée « Cailloux » paru vers 1984 dans la revue Les cahiers du Schibboleth sous un autre nom d’auteur. Voici l’une des illustrations qu’en avait faites pendant ses études la graphiste Camille Jaubert (qui elle non plus ne dispose plus du texte, à l’époque distribué à ses élèves par leur professeure).

 

©Camille Jaubert

©Camille Jaubert

Chaque note ici comme un caillou sur le chemin des lecteurs et lectrices, chaque livre écrit comme une pierre, une étoile ajoutée à la construction de la maison où chaque humain est appelé à vivre, en toute joie, toute grâce, toute beauté.

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De quelques subtilités de l’emploi de « seul » adverbial (un peu de philosophie par le style)

 

En consultant hier les sujets du bac philo et du bac de français, songeant à mes élèves de l’année dernière qui passent l’un ou l’autre cette année, j’ai été heurtée par la façon dont a été rédigé le premier sujet de l’épreuve de philosophie pour la section Technologique : « Seul ce qui peut s’échanger a-t-il de la valeur ? » Mes recherches en ligne sur l’usage de « seul » dans une interrogative de ce type n’ayant rien donné, je livre quelques remarques personnelles sur la question.

L’intention de ce sujet est de demander si ce qui est peut avoir une valeur autre qu’une valeur d’échange. Mais la formulation incertaine de la question risque d’entraîner une confusion de la pensée dans les réponses qui peuvent y être données, comme nous le voyons dans le « corrigé » de Vincent Cespedes proposé dans les médias, qui commence (je n’ai écouté que le début) en portant sur une autre question, qui pourrait être ainsi formulée : « ce qui peut s’échanger a-t-il forcément de la valeur ? »

« Seul » est ici adjectif adverbial antéposé au sujet « ce qui peut s’échanger ». La construction « Seul ce qui peut s’échanger a-t-il de la valeur ? » sonne aussi mal que « Uniquement ce qui peut s’échanger a-t-il de la valeur ? » Car « seul » adverbial ne s’emploie pas indifféremment en fonction d’apposition dans une affirmative ou dans une interrogative.

De même que l’on peut dire
« Seule reste cette belle plante » (pour « Il reste seulement cette belle plante »)
et non « Seule reste-t-il cette belle plante ? »
mais « Reste-t-il seulement cette belle plante ? » « Ne reste-t-il plus que cette belle plante ? »

 

ou que l’on peut dire
« Dieu seul le sait » (pour « Il n’y a que Dieu qui le sache », « C’est seulement Dieu qui le sait »)
et non « Dieu seul le sait-il ? »
mais « Qui le sait, sinon Dieu ? » ou « Dieu lui-même le sait-il ? »

 

on peut dire
« Seul ce qui peut s’échanger a de la valeur » (pour « C’est seulement ce qui peut s’échanger qui a de la valeur »)
et non « Seul ce qui peut s’échanger a-t-il de la valeur ? »
mais « Est-ce seulement ce qui peut s’échanger qui a de la valeur ? » ou, plus élégamment « Ce qui peut s’échanger a-t-il seul de la valeur ? » ou  encore « N’y a-t-il que ce qui peut s’échanger qui ait de la valeur ? »

Par ailleurs, si « seul » était employé non comme adverbe mais comme adjectif apposé, c’est-à-dire suivi d’une virgule : « Seul, ce qui peut s’échanger a-t-il de la valeur ? », la question porterait sur la valeur de ce qui peut s’échanger quand il n’y a pas de possibilité de l’échanger.

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