Odyssée, Chant III, v. 63-101 (dans ma traduction)

Toujours en guise de déconfinement (en tout cas c’en est un pour moi), je vous propose de continuer à voyager avec Télémaque, parti sur les traces d’Ulysse en compagnie d’Athéna, que nous avons entendue la dernière fois, prononçant une prière que, merveille, elle exauce elle-même.
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Puis elle passe à Télémaque la belle double coupe
À pied évasé, et le cher fils d’Ulysse prie de même.
Quand les bons morceaux sont grillés et retirés du feu,
On distribue les parts et on mange le glorieux festin.
Dès qu’est contenté le désir de boire et de manger,
Le cavalier Nestor, de Gérènos, prend la parole :

« Voici le moment parfait pour interroger nos hôtes,
Leur demander qui ils sont, maintenant qu’ils sont rassasiés.
Étrangers, qui êtes-vous ? D’où, par les routes mouillées,
Naviguez-vous ? Est-ce pour une affaire ou errez-vous
Vainement, en pillards égarés aux esprits agités,
Apportant le malheur dans les pays où ils pénètrent ? »

Ainsi lui répond à haute voix le sage Télémaque,
Hardiment ; car Athéna a placé la hardiesse
Dans son âme, pour qu’il s’informe sur son père parti
Et gagne une noble renommée parmi les hommes.

« Ô Nestor, fils de Nélée, grande gloire des Achéens,
Tu demandes d’où nous sommes. Eh bien je vais te le dire.
C’est d’Ithaque, sous le mont Néios, que nous venons.
Pour une affaire privée, non publique. Je m’explique :
Je cherche à m’informer sur mon père à la gloire fameuse,
Le divin Ulysse à l’âme courageuse, qui, dit-on,
Combattant avec toi, détruisit la ville de Troie.
De tous les autres qui guerroyèrent contre les Troyens,
Nous savons où chacun a péri d’une triste mort.
Mais de lui, le fils de Cronos laisse inconnue la mort.
Non, nul ne peut dire clairement le lieu où il est mort,
Ni s’il a été dompté sur terre par des ennemis,
Ou bien en pleine mer par les flots d’Amphitrite.
C’est pourquoi je viens à tes genoux te supplier,
Si tu veux bien, de me dire quel fut son triste sort,
Que tu l’aies vu de tes yeux ou que tu l’aies entendu dire
Par un autre errant. Car sa mère l’enfanta misérable.
N’adoucis pas les choses par pitié, pour me ménager,
Mais dis-les moi exactement comme tu les as vues.
Je t’en prie, si jamais mon père, le vaillant Ulysse,
A, par la parole ou l’action, mené à terme ses plans
Dans le peuple de Troie, où vous avez souffert, Achéens,
Souviens-t’en pour moi maintenant, et parle-moi vrai. »

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le texte grec est ici
et dans ma traduction le Chant I entier , le Chant II
à suivre !

L’Odyssée, Chant III, v. 1-62 (dans ma traduction)

au square René Le Gall à Paris ces jours-ci, photo Alina Reyes

au square René Le Gall à Paris ces jours-ci, photo Alina Reyes

Aujourd’hui j’ai couru 1500 mètres d’affilée, certes pas bien vite mais je me sens pousser des ailes ! Quand je me suis mise à courir, à la fin de cet été, alors que je n’avais pas couru depuis le lycée, depuis plus de trois décennies donc, je devais tenir tout juste 200 ou 300 mètres sans m’interrompre pour marcher avant de recourir. J’ai dû courir en moyenne une fois par semaine, donc une dizaine de fois depuis août, et je sens que je peux continuer à progresser beaucoup – il faut juste que je veille à ne pas aggraver la tendinite d’Achille qui me fait un peu mal après l’effort depuis que je cours plus longtemps – baume du Tigre et quelques jours de repos, puis ça repart.

Mais revenons à Télémaque, parti pour son premier voyage, en compagnie d’Athéna qui a pris l’apparence d’un compagnon d’Ulysse, Mentor. Nous voici au début du Chant III, ils arrivent chez Nestor, fils de Nélée, où se tient une grande cérémonie en l’honneur du dieu Poséidon. Je vous laisse découvrir la scène, et le merveilleux dernier vers sur lequel je me suis arrêtée.
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Le soleil s’élance, quittant une splendide mer d’huile,
Dans le toit d’airain du ciel, pour éclairer les immortels
Et les humains mortels sur les terres fécondes.
Ils arrivent à Pylos, la citadelle bien bâtie
De Nélée. Sur la plage les gens offrent un sacrifice
De taureaux tout noirs à l’ébranleur de terre aux cheveux noirs,
Poséidon. Il y a neuf rangs de bancs, cinq cents hommes
Par rang, et devant chaque rang neuf taureaux.
Ils viennent de manger les entrailles et font brûler les cuisses
Pour le dieu, quand les Ithaciens abordent au rivage.
Ils carguent les voiles de la nef bien proportionnée,
Jettent l’ancre et débarquent. Télémaque descend, suivant
Athéna aux yeux brillants de chouette, qui parle en premier :

« Télémaque, tu ne dois pas être timide, pas du tout :
Car tu as navigué sur la mer pour te renseigner
Sur ton père, savoir quelle terre le cache, quel sort
Le poursuit. Allons droit chez Nestor, le dompteur de chevaux !
Voyons quelle pensée il renferme dans sa poitrine.
Supplie-le de te parler avec sincérité.
Il ne mentira pas, car il est très réfléchi. »

Ainsi lui répond à haute voix le prudent Télémaque :

« Mentor, comment irai-je ? Et comment l’aborderai-je ?
Je n’ai pas l’expérience des sages discours
Et un jeune homme n’ose pas questionner un ancien. »

Ainsi lui réplique Athéna aux yeux brillants de chouette :

« Télémaque, d’une part tu y songeras dans ton cœur,
Et d’autre part, un dieu t’inspirera, car tu n’es pas né
Ni n’as été élevé, je pense, en dépit des dieux. »

Ayant ainsi parlé, Pallas Athéna va de l’avant
Promptement. Et Télémaque suit la trace du dieu.
Ils arrivent au lieu où les Pyliens sont assemblés.
Là sont Nestor et ses fils, et autour d’eux les compagnons
Préparent le repas, grillant des viandes, en perçant d’autres.
Dès qu’ils voient les étrangers, ils vont tous ensemble vers eux,
Les attirent de la main, les exhortent à prendre place.
Pisistrate, fils de Nestor, s’approche le premier,
Les prend tous deux par la main et les fait asseoir au festin
Sur des toisons moelleuses posées sur les sables marins,
Auprès de son frère Thrasymède et de son père.
Puis il leur donne des portions d’abats et leur verse
Du vin dans une coupe d’or. La levant, il salue
Ainsi Pallas Athéna, fille de Zeus porteur d’égide :

« Ô étranger, prie maintenant le roi Poséidon :
Car pour lui est le festin auquel vous venez vous asseoir.
Après avoir fait les libations et prié dans les règles,
Donne à ton ami la coupe de vin doux comme le miel,
Qu’il en verse à son tour, car lui aussi, je pense, prie
Les immortels : tous les hommes ont désir et besoin des dieux.
Mais comme il est plus jeune, à peu près de mon âge,
C’est d’abord à toi que je donne cette coupe. »

Sur ces mots, il lui met en mains la coupe de vin doux.
La sagesse et la justesse de cet homme réjouissent
Athéna, à qui il donne en premier la coupe d’or.
Aussitôt avec force elle prie le roi Poséidon :

« Écoute, Poséidon qui tiens et entoures la terre,
Ne refuse pas à ceux qui te prient l’accomplissement
De leurs vœux. Mais tout d’abord glorifie Nestor et ses fils !
Puis sois favorable à tous les autres habitants de Pylos,
En récompense de cette magnifique hécatombe.
Enfin, donne à Télémaque et moi le retour et le but
Qui nous fait voyager sur notre vive et noire nef. »

Ainsi dit-elle sa prière, qu’elle exauce elle-même.

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le texte grec est ici
le premier chant entier dans ma traduction est
le deuxième
à suivre !

Autant en emporte le temps

"Autant en emporte le temps", collage et peinture sur papier fort 17x20 cm

« Autant en emporte le temps », collage et peinture sur papier fort 17×20 cm

Les Grecs et les Turcs se sont rapprochés après le tremblement de terre qui a endeuillé leurs deux pays ces jours-ci. En France, les musulmans et les catholiques se sont rapprochés pour la Toussaint après le meurtre de trois personnes dans une église de Nice par un terroriste islamiste. Que les uns et les autres, Grecs et Turcs en Orient (les deux pays sont orientaux à mes yeux), musulmans et chrétiens en Occident et dans d’autres terres, se rendent compte qu’ils seraient plus forts en coopérant, en faisant alliance, même !

Les librairies sont fermées. Des employés de librairies demandent qu’on cesse de demander leur réouverture et de les mettre ainsi en danger. Pour ma part, il y a longtemps que je ne vais plus en librairie (les bibliothèques et les ebooks m’apportent tout le nécessaire). Les seuls livres que j’y ai achetés ces deux dernières années sont celui de François Ruffin, Ce pays que tu ne connais pas – en fait c’est O qui l’a acheté – et celui de Vanessa Springora, Le consentement. Deux textes de témoignage. L’un d’un honnête homme sur Macron, l’autre d’une honnête femme sur Matzneff, deux personnages emblématiques de l’état de la France : un pays abusif. Les livres que j’aurais pu publier depuis dix ans ne se trouvent pas en librairie car j’aurais dû, pour les publier, accepter une contrainte abusive. Je ne l’ai jamais acceptée, elle s’est donc accentuée, on a voulu me rééduquer comme certains veulent convertir de force les homosexuels à l’hétérosexualité, ou les fidèles d’une religion à une autre, ou les esprits libres à la dictature. Il y avait dans ces livres que je n’ai pu publier, que vous ne trouverez pas en librairie, de quoi participer à pacifier le monde. On a préféré soutenir ceux qui s’échinent à provoquer des guerres de civilisation. Autant en emportent les tremblements de ciel.