Ecce Homo

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magazine ELLE, 3 août 1998, photo Jean-Marie Périer

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photo Bernard Matussière, en ouverture de notre livre NUE, éd Fitway 2005

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magazine Playboy, novembre 2005, photo Christophe Mourthé

C’est chaque fois moi qui ai demandé à poser nue – comme aussi pour la couverture d’un autre livre, La Vérité nue – et j’ai dû vaincre quelques réticences (sauf à Playboy) pour cela.

Nue, telle que je suis venue au monde, telle que nous venons au monde.

Le corps vivant est une pensée, et il pense

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Let’s tweet again

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Kuzma Petrov-Vodkin, Fantasia, 1925

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Que dire de ceux qui poussent les autres à commettre l’ignoble, tout en restant, eux, à l’abri des conséquences ? Tout en n’assumant rien ?

La fin ne justifie jamais les moyens. Des moyens faux sont la preuve que la fin annoncée n’est pas la vraie.Malheur aux semeurs de division.

Lisant « Le fromage et les vers » de Carlo Ginzburg : la secte catholique éternelle, avec sa capacité à détruire des vies et des familles.

Loin de la France, de plus en plus d’écrivains, 145, protestent contre le prix accordé par le PEN à Charlie Hebdo. Je me sens moins seule.

J’ai publié + de 30 livres, mais la pensée unique sévit, impossible de publier mon livre sur la fascisation, Charlie.

Ni terrorisme ni racisme ne sont civilisations. Il n’y a pas de guerre de civilisations,la guerre arrive quand on abandonne la civilisation.

Révolution permanente : révélation continue.

« Surveiller et punir », « Histoire de la folie »… Si actuel Michel Foucault.

Valls, qui désire voir plus de « Blancos » dans sa ville, rejette les Roms, fit chasser les sdf de sa rue etc – veut nous surveiller. Ça pue.

Ce n’est pas l’État qui doit surveiller le peuple, c’est le peuple qui doit surveiller l’État, comme nous veillons à notre santé,notre état.

« Paternalisme lubrique » dénoncé par des journalistes politiques femmes et loi Renseignement votée aujourd’hui :voyeurisme et abus de pouvoir.

Ménard risque 5 ans de prison pr avoir fiché des enfants musulmans.Combien d’années pour Valls&les députés qui ont voté de quoi nous ficher?

Eh oui, le 11 janvier, convoqué par l’État, préparait le coup d’État du 5 mai.

#PJLRenseignement Les terroristes ont gagné,disent certains.Ou bien c’est que le terrorisme le + dangereux ne vient pas de ceux qu’on croit.

J’ai publié plus de 30 livres,mais aucun éditeur ne veut prendre le risque de publier mon livre sur la fascisation en cours:j’ai donc raison.

Avec #PJLRenseignement l’homme comme la baleine aura ses parasites,mais ils ne lui serviront à rien, n’étant rien que de vils veules voyeurs.

Thousands tweets in France against new liberticidal law #PJLRenseignement, or « Je suis Charlie »,similar to NSA.Where are our democracies ?

Le 11 janvier, organisé par l’État, accouche du 5 mai #PJLRenseignement« Je-suis-Charlie-et-je-vous-ent…be ».Hollande, Valls et 438 députés.

Se savoir surveillé provoque une haine inextinguible envers les représentants de la surveillance.Elle montera en ts les citoyens conscients.

According to Patrick Pelloux,columnist at #Charlie Hebdo, Big Brother #PJLRenseignement is « not a liberticidal law ». Who thinks CH is left ?

« En faisant la chasse aux fantômes, j’avais conscience d’aider un peu,moralement,les meilleures d’entre nous. »Germaine Tillion, »Ravensbrück »

Écrire c’est passer à l’acte, et laisser une trace concrète de cet acte.

Par la parole et toutes actions possibles, nous avons à saboter les systèmes de domination et d’intimidation comme le #PJLRenseignement.

Privez les hommes de parole, ils reviendront avec des fusils.

Remise du prix PEN : Khadija Ismayilova, journaliste d’investigation d’un grand courage, méprisée par l’assemblée.

Censure du journaliste qui racontait comment les gens avaient méprisé le 2e lauréat du PEN lors du prix.

Le prix du PEN, si politique et si conformiste.Against Russia, against islam… Wonderful United States of Occident.

Quand le PEN récompensera-t-il Edward Snowden ou Julien Assange ? Ne sont-ils pas utiles à toute l’humanité, et réellement très courageux ?

Autrefois les médecins de campagne soignaient gratuitement les pauvres. Ainsi font beaucoup de militants, artistes, auteurs etc sur internet.

Pendant ce temps le monde continue de s’empiffrer de cochonneries qui le rendent malade, et ne confie sa santé qu’aux charlatans.

Valls critique Todd, Valls critiqua Houellebecq, Valls critiqua Dieudonné…Un premier ministre, c’est pas représentant de tous, impartial ?

Valls se prend pour un critique littéraire. Vu sa tendance à l’autoritarisme, il a plus qu’à se faire voter une loi l’autorisant à censurer.

« Il faut leur apprendre à être humble, simple et avoir un cœur d’enfant ». Le djembé, en vrai (raconté par mon frère).

Cet après-midi, passant devant une librairie africaine, j’ai éprouvé un vif désir d’être un auteur africain, moi aussi. D’être africaine.

Le parlementaire Ph.Baumel,sur les viols commis par des soldats français en Centrafrique : » si ces faits ont été connus…euh, commis » (1/3)

…En fait les viols d’enfants étaient sus depuis août 2014 mais c’est seulement une fois rendus publics qu’on fait mine de s’indigner (2/3)

« …Si ces faits se sont produits,il faudra que les soldats coupables soient renvoyés de l’armée ».C’est tout?Pour des viols d’enfants ?(3/3)

France : on vote la loi Renseignement. EU : on déclare les écoutes illégales.Snowden a raison,la vérité a tjs raison.

Patriotisme et patriarcat, deux mots proches qui peuvent engendrer des maux proches : xénophobie donc racisme, machisme donc sexisme.

Valls montre les dents contre Dieudonné, Houellebecq,Onfray, Todd…Hého reste à ta place, ton job c’est pas chien policier de la pensée !

Encore un peu et Valls ouvre des goulags pour y mettre tous ces artistes et auteurs qui ne pensent pas droit (moi j’suis déjà au placard).

Histoire de deux libertaires, Font et Val. Le 1er tomba pour viols d’enfants, le 2d comme bien d’autres monta comme… néofacho ? Vieux con.

Viens de revoir « Les tricheurs » de Carné (1958).La fille très « libre » à St Germain des Prés avec un foulard sur la tête.Que fait la censure?

Le Cran demnde réparation à A-E Seillière pr la traite négrière par lq ses ancêtres ont fait la fortune dt il a hérité.Bravo.Qu’il rembourse.

Armes et trafic de drogue à St-Ouen.On envoie la police agresser des zadistes,des manifestants pacifiques,mais on laisse le crime prospérer.

Deneuve déplore qu’il n’y ait plus de stars, la faute à internet. Avait refusé de saluer une « star » de téléréalité. Se prend pr une déesse ?

« L’Église envisage un pardon exceptionnel pour les croyantes ayant avorté ». De quel droit ils leur en veulent ? D’aucun.

« La Cour suprême de Suède rejette l’appel de Julien Assange ». De quel droit les hommes punissent-ils ceux qui disent la vérité ? D’aucun.

« Esclavage: pour Hollande, la seule dette à régler est de faire avancer l’humanité ».Bande de voleurs.L’humanité n’avance que par la justice.

C’est ça que Hollande appelle « faire avancer l’humanité »? De + en + de gens à la rue et des riches de + en + riches ?

Shame on French newspapers denouncing French muslim girls because of their skirts !

La première liberté est d’avoir le temps. Si nous ne l’avons, prenons-le.

Réveillée à l’aube par le chant du merle et le désir d’écrire, les phrases se déroulant dans la tête comme de jeunes fougères. Salut à tous!

Les martinets de retour à Paris, leurs cris dans l’espace où ils virevoltent.Un jour je fis l’amour sur les toits,ils écrivaient ds le ciel.

Les hommes qui se ressemblent s’assemblent. Et ceux qui ne ressemblent à personne ? Par leur seul être, lanceurs d’alerte.

Ceux qui s’assemblent pour lutter contre un autre groupe dépendent de ceux avec lesquels et de ceux contre lesquels ils sont assemblés.

Pour ne pas dépendre il faut transcender.Passer les frontières,horizontales et verticales.La liberté est solitude et non-séparation,totalité.

Qui sème l’intimidation récolte le terrorisme.

« Femmes d’Alger »,le tableau le +cher au monde,sent pas un peu son colon exploiteur de femmes?Picasso + fric que cœur.

Muslim women unveiled.Isn’t it significant this painting is,since today,the most expensive of the world?colonialism?

Qd vous êtes capable d’écrire dans la journée plusieurs pages d’érotisme puissant, vous savez que vous êtes pleinement vivant,et donnez vie.

D’après BHL, « les morts » « fuient la misère africaine ».Sa fortune repose sur le pillage de l’Afrique. »D’où viennent les morts ? »De sa bouche.

Avant de semer le chaos en Libye et dans toute la région, BHL fut esclavagiste en Afrique.

Si un intellectuel,par exemple, est menacé,il est protégé.Les femmes violées et menacées,elles,peuvent aller mourir.

Qd il n’y aura plus d’abeilles, l’homme n’en aura plus pour longtemps.

Infâme discours à Cannes sur « la femme » .

Ce BHL,le voir gesticuler de la jambe et de la parole, gexticuler pour le paraphraser,pdt des années, fait songer aux ravages de la drogue.

Toujours lisant des livres sur BHL.Ses pressions, ses menaces envers ceux qui enquêtent sur lui.Visage si vil des hommes de quelque pouvoir.

Le style de BHL,une sorte de momie du romantisme,suranné comme le charme de son épouse,un truc né vieilli et qui s’écoute et s’aime lui-même.

Nakba, rançon de la nuit européenne imposée à l’innocente Palestine.

CharlieHebdo commence à virer ses journalistes qui veulent partager les 30 millions d’euros »Je suis Charlie » échu à 3 d’entre eux #ElRhazoui

La misère des élites ou autres qui ne connaissent que la vie empoisonnée empoisonne aussi le monde et y étend la misère.Ils sont coupables.

La facture de tél de BHL se monte à plsrs milliers d’euros/mois. La mienne à 2 euros. Mes livres n’en sont pas moins beaux ni moins utiles.

L’actualité est trop triste. Tout le temps, mais par moments encore plus.

Richard Malka, avocat de Charlie Hebdo, DSK, Valls, Clearstream, Marek Halter, Baby Loup, Caroline Fourest, Carla Bruni-Sarkozy.

« DSK accro au sexe?Et qd bien même? Lrsq V.Hugo est mort,les putes ont dit: Ct nuit,c’est gratis » R.Malka, avocat de C.Fourest, féministe(?)

« vivre maintenant comme devraient vivre les êtres humains,au mépris de ce qu’il ya d’hostile(…)est en soi une victoire merveilleuse »H.Zinn

Je cherche en vain une condamnation, au moins une réaction française, suite à la condamnation à mort de l’ancien président élu M. Morsi.

« Afoot and light-hearted I take to the open road, Healthy, free, the world before me… » Walt Whitman

M. Morsi et une 100aine d’autres condamnés à mort par l’armée qui l’a destitué. La France se tait. Vend des Rafale à l’Égypte et au Qatar.

Silence honteux de la France vendeuse de Rafale à l’Égypte sur la condamnation à mort du président élu Morsi destitué par l’armée.

Silence honteux des éditeurs « progressistes » qui refusent de considérer mon livre sur la montée du fascisme en France.

Silence honteux de tous ceux qui dénoncent des faits seulement quand cela les arrange et se font donc les complices de ceux qu’ils dénoncent.

« Interdit d’écrire »,Denis Robert pourchassé par Malka l’avocat de Clearstream(et de Charlie Hebdo)s’est mis à peindre.

Départ de Val avec le magot, main basse de 3 d’entre eux sur le fric fait avec caricatures racoleuses,et ça continue.

Let’s keep child spirit. Sans attendre Godot,Totoro.Garder tjrs l’esprit d’enfance,de poésie : la vraie intelligence.

Le terrorisme masculin contre les femmes, c’est tout le temps, et plus meurtrier que le terrorisme et les guerres.

Les dominants sont violents parce qu’ils vivent dans la peur de perdre leur domination. Les dominants sont dominés par leur peur.

Les dominants vivent dans la peur de la vérité : la vérité est que leur domination est illégitime, qu’ils n’ont pas de légitimité.

Ceux dt la position est illégitime,acquise par spoliation de biens matériels ou culturels,sont assis sur le néant qu’est leur tas mal acquis.

Ceux qui règnent assis sur le néant, sans réelle légitimité,craignent ceux qui marchent dans la vie et craignent sans cesse d’être renversés.

Ministres ou critiques de livres (Todd etc) et de films?Quand on a le pouvoir,de critique à censeur,le pas est aisé.

Distribuant bons et mauvais points aux artistes et écrivains,nos socialistes combinent les méfaits du libéralisme et du stalinisme culturels.

Jeunesse sacrifiée. #ziedEtBouna, policiers relaxés. Pas de justice, pas de paix.

Les donneurs de leçons,politiques ou religieux qui ne font pas ce qu’ils disent,perpétuent l’injustice dans le monde.

Toujours et toujours plus d’actualité malheureusement, »La grande illusion, Figures de la fascisation en cours »,en pdf.

Can Inquisition defend free speech ?

Femen,seins à l’air,sexe enfermé:esthétique de la sirène,femme-mère interdite,dangereuse.De+ stigmatisée signes morbides.Anti-femme épanouie.

La préférence nationale expliquée par JM Le Pen : « je préfère ma fille à mes amis » (dit-il en 2006). On voit où ça l’a mené, l’endogamie.

« Enfermons-les dans des asiles confortables et distrayants(…)tous ceux qui prétendent(…) à quelque pouvoir(…) castrons-les. » A.Thirion

@aAlinaReyes

« Nus devant les fantômes, Milena Jesenska et Franz Kafka » (8)

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image trouvée ici

*

Mon père m’a envoyé une deuxième carte postale de Prague. Des vues de « notre petite mère » peintes dans un style romantique. J’en ai pleuré, c’est idiot. Car maintenant j’en ris : je sais que c’est un signe. Prague vient à moi parce qu’elle veut que je revienne à elle.

Je regarde ces images, rien n’est plus merveilleux : je pénètre à l’intérieur, je connais chaque rue, chaque ruelle, chaque façade, chaque pont, je me promène dans ma ville. Un jour je serai de retour.

La mort provoque des mirages, comme la soif. J’en ai vu beaucoup ici, tomber en extase à l’heure de mourir, et prononcer des paroles fantasques, les yeux rivés sur leur vision. Mais je ne délire pas. Ce qu’il faut, pour ne pas mourir, c’est conserver la mémoire, la lucidité. Et aussi de la joie, même si cela semble impossible.

*

Quand j’étais au lycée Minerva, avec Stasa et Jarmila, l’un de nos sujets de conversation favoris était bien sûr l’amour, et spécialement l’amour charnel. Quand allions-nous le rencontrer ? Comment cela se passerait-il ? Nous étions toutes les trois hostiles au principe, transmis par nos mères, du devoir de nous garder « pures » jusqu’à notre nuit de noces. Nous étions, comme on l’est à cet âge, toutes vibrantes d’un désir d’absolu et de pureté – mais d’une autre sorte de pureté, celle de nos sentiments, de notre vérité propre, et de notre aspiration à la liberté et à la transcendance.

Les événements de notre vie se déroulent rarement comme on les avait imaginés. Mais l’espoir qu’on avait mis en eux, même s’il se trouve déçu, peut aider, à condition d’être suffisamment positif, à en apprécier l’inattendu, et à y reconnaître une autre saveur, un autre intérêt.

Ainsi en est-il de la première fois où nous nous livrons à l’acte de chair. Pendant des années, nous l’avons volontiers rêvée merveilleuse ou terrifiante. Et puis cette première fois arrive, souvent à un moment où on ne l’attendait pas, et elle n’est ni merveilleuse ni terrifiante, elle est comme la vie, à la fois ordinaire et unique, imparfaite et inaccomplie. Un tempérament enthousiaste y voit de la beauté, alors qu’une personnalité moins indulgente avec son corps et celui d’autrui n’y trouve que confusion, et même honte.

Ainsi en fut-il de ma « première fois ». Elle ne ressemblait pas vraiment à ce que j’avais imaginé – je te raconterai cela -, et sur le moment je n’en fus pas fière ; mais ensuite j’appris à considérer les choses différemment.

C’est ce que j’ai voulu dire l’autre jour en répondant assez rudement à une bourgeoise tchèque qui venait me fatiguer avec un tas de niaiseries à propos du mariage annoncé de sa fille. J’étais malade, étendue épuisée sur ma paillasse, et dans sa rêverie imbécile elle me débitait toutes ces âneries pitoyables sur la virginité de sa fille, le mariage, la fidélité, que sais-je encore – le fatras dont on farcit la tête des filles, comme si on voulait que leur désillusion soit encore plus cruelle, et leur vie amoureuse encore plus malheureuse.

Je manque sans doute de patience ou de diplomatie, mais j’avoue qu’il y a certaines choses, qu’elles tiennent du domaine privé ou de la question politique, que je ne supporte pas d’entendre. L’auto-aveuglement satisfait me fait bouillir. Que faut-il donc faire pour que certaines personnes acceptent d’ouvrir les yeux sur leur propre vie comme sur le monde qui les entoure ? Au bout d’un moment, je lui ai dit franchement ce qu’à son âge elle aurait dû savoir, si elle avait été honnête :

Quand votre filles aura eu une dizaine de bonshommes, elle aura peut-être un peu appris de son expérience avec la gent masculine, et pourra vivre à peu près heureuse avec le onzième…

Cela a beaucoup amusé Grete, qui assistait à la scène.

Sais-tu dans quelles circonstances j’ai donné mon premier baiser ? C’était tout à fait inattendu, aussi bien pour celui qui le reçut que pour moi-même. J’avais quatorze ans. Mon père avait un ami, le conseiller Maltus, un célibataire élégant, sportif, excellent valseur, très séduisant, et avec cela ou malgré cela, honnête et courageux. Un jour qu’il était hospitalisé pour une cataracte, j’achetai un petit bouquet de violettes et lui rendis visite.

Je le trouvai sur son lit d’hôpital, les yeux bandés. Il risquait de devenir aveugle, et ne pouvait pas voir le bouquet que je lui avais apporté. Mue par une inspiration subite je me dirigeai vers son visage, les fleurs à la main, et l’embrassai sur la bouche, avant de me retirer vivement.

J’étais si confuse que je l’avais d’abord embrassé sur le nez, puis sur le menton, avant de lui donner un vrai baiser. Une petite scène aux détails dignes de tes récits, Franz, qui sont toujours illustrés de ces gestes étranges, précis et signifiants que l’on fait bien souvent malgré soi…

Il n’était pas rasé, sa peau piquait. Cela avait été très troublant, mais pas très agréable. J’essayai piteusement de trouver quelques mots pour lui faire comprendre qu’il ne fallait rien voir là de sérieux ni de compromettant, je me sentais si mal que les larmes commençaient à couler sur mes joues, mais il me mit tout de suite à l’aise, avec une délicatesse parfaite.

Quelques heures plus tard, je reçus à la maison un superbe bouquet de lilas – comme il sentait bon ! Avec une carte où était écrit « Mademoiselle » (Mademoiselle, tu te rends compte?), et un mot pour me remercier du « plus beau cadeau que puisse recevoir un malade » ! J’étais fière et folle de plaisir.

Ça, c’est un vrai gentleman, m’avait dit mon père. Exactement ce qu’il aurait aimé être, lui. Mais je crois bien qu’il n’en était pas capable. Jan Jesensky était un homme brillant, doté de prestance et d’un grand pouvoir de séduction, et cependant il lui manquait une certaine sérénité pour être un gentleman.

Depuis toujours mon père courait après le temps, courait si vite qu’il le laissait derrière lui et ne le voyait plus passer. Il se préoccupait tant de son apparence qu’il arrivait à paraître plus jeune que son âge, s’entretenant avec des méthodes spartiates : lever aux aurores, suivi d’un bain froid et d’une promenade de santé avec nos deux grands chiens au jardin Kinsky – où il était bon de se montrer, même s’il y passait peu de monde à cette heure -, vêtu d’une tunique impériale, avec son chapeau claque et le monocle vissé sur l’œil.

Toute sa vie était basée sur l’apparat : nul ne devait ignorer que le Pr Jesensky avait un poste à l’université Charles, et qu’il était un grand spécialiste de la chirurgie maxillaire. Il avait un cabinet luxueux dans la Ferdinandgasse, et il y faisait chaque jour son entrée comme un acteur interprétant un rôle.

Pourquoi tant de vanité ? Peut-être parce qu’il avait dû, comme ton père, travailler dur pour conquérir sa place dans la société. Mais dans le cas de Jan, il s’agissait plutôt d’effectuer une reconquête, puisqu’il venait d’une vieille famille bourgeoise que des revers de fortune avaient ramenée à la pauvreté.

Il y avait donc un désir de revanche dans son attitude, le sentiment obscur d’avoir été spolié et de devoir récupérer son dû, en imposant à la société sa véritable valeur. Là où ton père se gargarisait de son mérite tout en affichant son mépris d’autrui, le mien faisait le paon, jouait le gentleman-né, tout en se parant de vertus aussi rigides qu’improbables. Or, comme bien des goujats de son espèce, il était charmant en société et odieux en privé.

Peut-être y avait-il trop d’amour entre mon père et moi. Trop d’amour entre un père et une fille n’est pas une bonne chose. Mais non, ce n’était pas de l’amour, c’était de la passion. J’ai appris, plus tard, à reconnaître et aimer l’amour, qui est le sel et le sucre de la vie, et à détester la passion, qui est un poison. Jeune ou immature, on exalte volontiers la passion. Mais elle n’est qu’aveuglement, destruction ou autodestruction, vertige facile et dangereux. Et il n’y entre pas forcément de l’amour.

Je l’adorais, autant que je le détestais. Comment un enfant n’aimerait-il pas son père et sa mère, même s’ils lui font du mal ? Les enfants ont besoin d’amour, et s’ils n’en reçoivent pas assez, ils en produisent davantage encore ; leur petit être fabrique comme une sorte de cancer, une prolifération de cellules malignes, l’amour justement dont ils manquent et dont personne ne veut, un amour destructeur, monstrueux, démesuré, chargé de haine de soi et de l’autre. Les parents savent cela, et en jouent. Je comprends ta position, Franz, quand tu estimais que les enfants ne devraient pas être éduqués au sein de leur famille !

Que de douleur. D’affrontements. De colères. De violence. J’étais insolente, indisciplinée ; mon père entrait dans des rages folles ; me frappait.

Un jour, je devais avoir quatre ans à peine, il m’enferma dans le coffre à linge sale. Je crus y mourir. Comme toi lorsqu’au même âge, pour te punir, ton père te boucla dehors sur le balcon, dans le froid, en pleine nuit. Bien sûr nous étions des enfants, et nous avions donné une dimension terrible à des châtiments qui ne durèrent que quelques minutes et qui, du point de vue des adultes, semblaient anodins. Mais il n’est pas d’objectivité dans l’angoisse, et il est des blessures qu’aucun raisonnement ne saurait guérir.

Je pense à mon petit frère, mort en bas âge alors que j’avais trois ans. Je pense à tes deux petits frères, le premier mort avant ses deux ans, l’autre à six mois, alors que tu avais à peine cinq ans. Nos seuls frères, à l’un comme à l’autre. Et le poids du chagrin et de la culpabilité que nous avons dû porter, après leur décès.

D’abord ils avaient détourné l’affection de nos parents, et puis provoqué la douleur générale. Nous laissant seuls alors que nous avions commencé à chérir ces petits êtres dans lesquels nous avions reconnu des rivaux, mais qui s’annonçaient aussi comme de futurs alliés : une échappatoire affectueuse au triangle mortel parents-enfant. Nous laissant seuls avec la honte de n’être pas morts à leur place, et le sentiment exacerbé d’être de trop.

Oui, je pense à nos petits frères. Nous sommes tous comme eux, aujourd’hui. Toi emporté par la tuberculose, tes sœurs Elli et Valli déportées avec leurs maris respectifs au ghetto de Lodz, moi à Ravensbrück, et Ottla… Quand les Allemands ont déporté les juifs de Tchécoslovaquie, Ottla s’est trouvée protégée par son statut d’épouse d’un aryen. Tu connais ta petite sœur : entière, droite, courageuse, déterminée. Elle a refusé de se servir de son mariage comme d’un privilège. Par honnêteté morale, elle a divorcé : elle se mettait ainsi à la merci des autorités. Elle a été enlevée à son mari et à ses deux enfants, déportée à Terezin. De là, elle s’est portée volontaire pour accompagner un convoi d’enfants à Auschwitz. Leur apporter son réconfort, jusqu’au bout. Ils sont entrés ensemble dans la chambre à gaz.

Comment ne pas se laisser broyer par l’horreur du camp ? Ce ne sont ni les privations ni la maladie qui tuent le plus vite, ici. C’est l’abandon de soi. Certaines détenues déclinent si vite qu’elles ne ressemblent à plus rien d’humain, ni physiquement, ni moralement. Ne trouvant rien ni personne à qui se raccrocher, elles se transforment en squelettes ambulants et se laissent mourir de solitude. On les appelle, par antiphrase, Schmuckstük, les « objets précieux »…

Pendant longtemps, Grete et moi avons employé le temps que nous pouvions passer ensemble à nous raconter notre vie, échanger nos souvenirs. Je me rappelle lui avoir demandé : Est-ce que, quand tu étais enfant, les billes de pierre, avec leurs veines de toutes les couleurs, t’ont fascinée autant que moi ? Est-ce qu’elles ne t’apparaissaient pas comme quelque chose de totalement surnaturel ?

J’étais âgée de trois ans, je n’avais rien à faire, on ne m’emmenait pas souvent en promenade, et les journées s’écoulaient, interminables, dans le grand appartement aux meubles sombres.

La vie avait une espèce de saveur mélancolique, qui parfois se transcendait en une vision lumineuse, surréaliste, de mon petit univers. Mon père était un homme absent, qui ne rentrait le soir à la maison qu’après avoir perdu son argent aux cartes. Ma mère était fragile, continuellement malade, et jusqu’à sa mort, qui survint alors que j’avais treize ans, mon père estima qu’il était de mon devoir de lui servir de garde-malade, tandis que lui se distrayait en ville en joyeuse compagnie.

J’aimais tendrement ma mère, qui me le rendait bien. C’était une artiste, quand elle en avait la force elle travaillait de ses mains, inventait et fabriquait des meubles et des objets de décoration, faisait de la gravure sur bois. Mais son anémie ne fit qu’empirer au cours des années, et sa mort, malgré le profond chagrin que j’en éprouvai, me libéra de cette maison où je me sentais depuis trop longtemps prisonnière.

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à suivre (le principe est exposé en première note de cette catégorie)