Mots du jour

Couchée sur le dos, mes tempes entre mes genoux.

Courant dans la rue, au jardin courant toujours.

Traduisant Homère, je songe au moly, qui met Ulysse au lit.

Verticale en chandelle, Atlas à l’envers.

Les roues de mon vélo tournent même quand je tourne.

Préface : quand on préfère préfaire.

Traductions, mes ablutions.

Remueurs de queue, serviteurs du pire

En traduisant le passage où les loups ensorcelés par Circé se tiennent autour des hommes comme de gentils toutous et « les flattent en remuant leurs longues queues », je pense à l’édito de Serge Raffy dont j’ai vu quelques passages sur Twitter (je ne vais plus du tout, depuis longtemps, sur le site de l’Obs), édito dans lequel, encore une fois, il tourne énamouré autour de Macron d’une façon telle que, comme dit un twitto, « un tel léchage de bottes, ça ne peut pas se faire en respectant les gestes barrière ». J’avoue, ma comparaison n’est guère scientifique, car d’une part je doute que Serge Raffy ait jamais été un loup, et d’autre part j’ignore tout de la longueur de sa queue, et de sa capacité à la remuer aussi vigoureusement qu’un chien remue la sienne.

Mais d’un autre côté, notre Emmanuel ne tient-il pas d’une Circé, d’une ensorceleuse, pour susciter tant de flagornerie ? Voyez ses mines, entendez ses formules (si vous supportez encore de l’entendre et de le voir), n’essaie-t-il pas constamment de subjuguer les humains ? Sans doute, mais alors il est bien moins doué que Circé, car si ça « marche » encore avec quelques professionnels de la chose comme Raffy et quelques vieux bourgeois, la catégorie dans laquelle il recrute ses fans depuis l’enfance, pour plus de gens sans doute il est plutôt le valet d’antichambre d’une autre sinistre sorcière qui attend à la porte de l’Élysée. Continuez à lui cirer les pompes, JDD et autres Nouvel Obs, vous ne faites que dégoûter encore plus de lui. Et ainsi servir le pire.

Quand je pense que Serge Raffy, en 1998, avait tenu à parler de mon livre Poupée, anale nationale, et à me donner la parole sur mes inquiétudes quant à la montée du Front national. Comment peut-il avoir sombré dans ce macronisme pitoyable ? Lui et ses pareils des médias ont non seulement porté Macron au pouvoir, mais certains continuent à le soutenir après la catastrophe de ses quatre ans au pouvoir ? Voilà comment s’avancent les régimes fascisants, par la démission intellectuelle, la compromission politique, l’aveuglement porté par une vie confortable, tout cela germant sur des choses plus louches encore, plus intimes, plus cachées. Tous ces gens qui chutent et essaient d’entraîner le plus de gens possible dans leur chute.

Il y a toujours des inquisiteurs qui croient pouvoir arriver à leurs fins par la torture.

À mon seul désir

sur le site du "livre scolaire", ce passage du chant 10 juste expurgé de l'énigmatique phrase sur les proches chemins de la nuit et du jour - surtout, évitons de réfléchir et de faire réfléchir les élèves !

sur le site du « livre scolaire », ce passage du chant 10 juste expurgé de l’énigmatique phrase sur les proches chemins de la nuit et du jour – surtout, évitons de réfléchir et de faire réfléchir les élèves !


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Rêvé cette nuit que je démolissais complètement le bureau d’une espèce de fonctionnaire de la littérature, le mettant littéralement en pièces, sous ses yeux et ceux d’une foule de gens assis dans un immense amphithéâtre, pulvérisant tiroirs et autres morceaux sans exception, tout en me félicitant d’avoir musclé mes bras ces mois derniers.

En fait je ne pense pas que le moment soit venu pour dévoiler le sens, resté inconnu depuis près de trois mille ans, que j’ai annoncé la dernière fois avoir trouvé à l’énigmatique pays des Lestrygons. Ni le moment, ni l’endroit, tant que traînent des saccageurs de littérature et de vérité. Je suis comme les animaux qui, traqués par les humains, sont obligés de se retirer de plus en plus haut dans les montagnes. Mais mieux vaut vivre libre au désert qu’esclave en société – tant pis si ça exaspère les esclaves qui se prennent pour des maîtres.

Je continue à traduire, toujours avec le même bonheur. Et j’ai trouvé en avançant d’autres preuves, toujours solides et non tirées par les cheveux, du sens que j’ai découvert à ces fameux si « proches chemins de la nuit et du jour ». Tout cela est à la fois infiniment simple et subtil, et décidément oui, mieux vaut attendre, pour le donner, de pouvoir donner le tout, le livre entier.

barque-à-la-licorne-min1Si je ne donne plus ni analyses ni traductions sur ce blog, où il n’y a déjà plus les photos depuis que je les mets sur mon compte Instagram, nous verrons bien à quoi il pourra servir. À noter mes rêves ? Pourquoi pas.

Eurêka

eureka,-min
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En train, à mesure que j’avance, d’ouvrir l’Odyssée comme ces livres découpés pour enfants, qui jaillissent en relief quand on ouvre leurs pages. Traduisant cette nuit les vers énigmatiques sur les chemins du jour et de la nuit dans le pays des Lestrygons (chant X, v .86), j’ai cherché ce qui s’en disait et j’ai trouvé cet article reprenant les nombreuses tentatives de réponse, insatisfaisantes, faites jusqu’à maintenant. Je n’ai pas tout lu, mais vous pouvez aller voir vous-mêmes ici pour avoir une idée de la question et des réponses. Et donc, arrêtant de lire, j’ai concentré ma pensée sur le texte d’Homère. Et au bout de quelques minutes, J’AI TROUVÉ ! C’est tellement fort ! Et d’une simplicité aussi désarmante que le sens que j’ai trouvé dans l’épisode des Cyclopes, dont je parlais l’autre jour (sens qui est la clé de tout le poème et que je n’exposerai pas ici, comme je l’ai dit). J’étais soufflée, j’avais envie de pleurer de joie. Cette fois, je vais l’expliquer. Dans quelques heures. Le temps que je l’écrive, et que, si la question vous intéresse, vous y réfléchissiez d’abord vous-mêmes.

J’ai trouvé les images de livres découpés ici

Tapie, réunions non mixtes, running, travail quotidien…

Dans la rue ces jours-ci à Paris, photo Alina Reyes

Dans la rue ces jours-ci à Paris, photo Alina Reyes

Screenshot_2021-04-05 Le parquet de Paris reprend l'enquête sur le cambriolage du couple TapieMacron appelle Tapie parce qu’il a été cambriolé. Ceux que Tapie a « cambriolés », nous tous les contribuables, personne ne les a appelés. Manquerait plus que le lascar ait monté le larcin pour faire marcher les assurances, avec lui on peut s’attendre à tout.

C’est quoi ce pays où certains veulent faire interdire les associations qui pratiqueraient des réunions non mixtes ? Je suis toujours prudente par rapport aux possibles dérives idéologiques de tout activisme, mais enfin comment peut-on seulement songer à interdire ce genre de réunions ? « La question elle est vite répondue » : on peut y songer quand ce ne sont pas des Blancs qui sont concernés. La non-mixité, il y en a partout, on la pratique partout -associations et autres clubs spécialisés, congrégations religieuses et autres, sans parler de la non-mixité informelle, avec des lieux de pouvoir souvent presque exclusivement masculins et blancs), c’est seulement quand il est question de gens non blancs qu’elle pose problème, aux Blancs évidemment. Comme quoi les antiracistes ont d’excellentes raisons de parler de temps en temps entre personnes touchées par le racisme. Les réunions en non-mixité sont un bon outil d’émancipation pour toutes les catégories sociales qui subissent des discriminations, un outil connu et utilisé depuis au moins la Révolution française. Vouloir les interdire aux personnes racisées est une indignité scandaleuse.

En fait l’actualité n’est qu’un fatras d’indignités. Pourquoi parler de celle-ci ou de celle-là plutôt que de telle ou telle autre ? Parce qu’au fond n’importe laquelle fait l’affaire pour rappeler la folie du monde, la nécessité de la combattre mais aussi de s’en détacher, de ne pas la laisser accaparer notre vie.

Courir est l’un des excellents moyens pour ça. J’ai très peu couru cet hiver (je m’y suis mise seulement à la fin de l’été dernier, alors que je n’avais pas couru depuis le lycée), mais je m’y remets ces jours-ci, avec bonheur. Mon appli de sport m’a proposé de relever le défi de courir 30 km entre le 1er et le 30 avril, je m’y suis mise. Ce vendredi 2 j’ai couru 2,8 km en fractionné, hier dimanche 2,4 km en footing continu . Au début, en août dernier, je tenais à peine 200 mètres d’affilée, puis j’ai couru trois ou quatre fois par mois jusqu’à la fin de l’automne, où je suis arrivée à 1,5 km d’affilée, à mon petit rythme. Maintenant j’ai juste hâte d’y retourner, je sens que je peux de nouveau progresser – pas aujourd’hui quand même, je veille à ne pas me faire mal, et puis je pratique d’autres sports.

J’ai trouvé l’autre jour une toile dans la rue et j’ai le projet de la repeindre, quand je sentirai que j’ai besoin d’une pause dans ma traduction. Pour l’instant le désir de traduire me réveille chaque matin, et comme je me couche tard, du coup je dors souvent peu mais la joie du travail qui avance me tient éveillée. Là je commence le chant X, Ulysse et ses compagnons arrivent chez Éole, roi des vents.

Ulysse, le Cyclope, Poséidon et les #pasdevague

La réaction furieuse du Cyclope quand Ulysse lui dévoile qui il est me rappelle celle de ma mère quand, alors que j’avais sept ans, elle me demanda, de toute sa hauteur, « pour qui tu te prends ? », et que je lui répondis : « pour quelqu’un d’intelligent ». Je crois bien que comme Poséidon, le dieu de la mer, le fit avec Ulysse, elle m’a poursuivie de sa vengeance toute sa vie – mais sans le savoir, elle. Ce n’était pas seulement la revendication de mon intelligence qui l’avait choquée, mais sans doute aussi le fait que j’aie dit « quelqu’un ». Quelqu’un, c’est le contraire de personne. Ma mère n’a pas été la seule à se venger de moi pour la même raison. Toute volonté de domination se sentant, stupidement, menacée par un petit être qui s’affirme, s’acharne à s’en venger.

Symptomatique est ce reproche largement fait à Ulysse de n’être pas parti du pays du Cyclope sans rien dire. Parti sans rien dire, il aurait pu continuer peinard son chemin. C’est ce que font tant de gens, et notamment tant de responsables et de petits chefs, adeptes du #pasdevague et du souci de faire bonne figure. Les sales coups, ils en font, mais planqués, sans rien risquer. Comme le Cyclope dans son antre. Or leur lâcheté ne les préserve pas toujours, et il leur arrive de perdre en fin de compte même ce qui leur était le plus précieux, leur inique et illusoire domination, et avec leur unique œil, l’image qu’ils se faisaient d’eux-mêmes et présentaient d’eux-mêmes.

Je l’ai dit à mes élèves et j’espère qu’ils l’ont bien entendu, qu’ils ne l’ont pas oublié : vous êtes intelligents. Puissent-ils ne pas perdre leur intelligence en se pliant comme tant d’adultes à l’attrait d’une vie d’apparences et de souci du regard des autres. Un jour, immanquablement, les masques tombent, et le visage risque de tomber avec.

Ulysse et le Cyclope

Les cerisiers sont en fleur ces jours-ci au jardin des Plantes. Photo Alina Reyes

Les cerisiers sont en fleur ces jours-ci au jardin des Plantes. Photo Alina Reyes

Je finis de traduire le chant IX, où se trouve l’épisode des Cyclopes. Récit polysémique comme tout le reste de l’Odyssée, mais dont j’ai trouvé le sens le plus profond avec beaucoup d’émotion, sens épuré d’une simplicité absolue que d’autres ont sûrement trouvé aussi – mais je n’en ai jamais entendu parler, tant la peur fait souvent aux hommes fermer la porte de la simplicité, pourtant libératrice. Je n’en dirai rien ici parce que ce n’est pas l’écrin qui convient, surtout dans un monde de brutes cyclopéennes.

Les chrétiens annoncent aujourd’hui la résurrection du Christ. Très bien, mais je préférerais qu’on annonce la mort du diable, et que ce soit vrai. La vie des humains, comme toute vie, est bien assez difficile, elle n’a nul besoin de ce parasite pour lui compliquer les choses. Les complications sont le contraire de la complexité, qui est un synonyme de la vie et de la simplicité.

J’ai été satisfaite de planter le Cyclope. Dans une vision des choses basique – œil pour œil, dent pour dent -, il s’en tire bien avec seulement l’œil crevé pour avoir mangé des humains. Mais Homère et ses prédécesseurs inventeurs de l’histoire savaient que dans certains cas, laisser en vie le criminel est un plus grand châtiment que de le tuer.

Comme on le répète, si Ulysse s’était abstenu de le narguer en partant, il n’aurait pas eu à subir la vengeance de Poséidon. Mais comme il le dit lui-même, Ulysse n’est pas un lâche. Tous ceux qui le traitent de menteur, confondant mensonge et fiction, sont aussi les mêmes qui le critiquent quand il clame la vérité, quel que soit le prix qu’il ait à en payer. C’est parce que les gens confondent mensonge et fiction que le diable sévit, et c’est parce que le diable s’ingénie à leur faire confondre toujours plus mensonge et fiction que le monde est malade. Le mensonge, c’est le diable ; la fiction, c’est l’esprit sain et saint. Faire passer une fiction pour une réalité, c’est du mensonge, c’est le diable. Dire que la fiction est du mensonge, c’est jeter la confusion dans les esprits, c’est ce que font les esprits soumis au diable, au mensonge – les esprits lâches.

Athéna et sa projection Ulysse incarnent l’intelligence et le courage. Il n’y a pas de courage sans intelligence, et une intelligence sans courage n’est qu’une mécanique infernale, fatalement vouée à se perdre dans le mensonge. Poséidon sait qu’il ne pourra pas perdre Ulysse, qui est protégé par les dieux, c’est-à-dire par son intelligence et son courage. Le Cyclope, fils de Poséidon, incarne le défaut d’intelligence humaine de ce dieu. Le caractère humain des dieux de l’Olympe chez Homère n’est pas un défaut mais un outil de l’Intelligence, un véhicule pour sa manifestation. Qui n’a vraiment pas fini de se produire, Dieu merci.