La femme du futur

 

A., 17 ans, est avec son petit ami. Un garçon de leur âge et de leur lycée balance en passant une blague raciste au petit ami (franco-asiatique). Ni une ni deux, A. envoie son poing dans la figure du connard (en modérant toutefois sa force de sportive de combat, sans lui casser de dents). Commentaire de son jeune oncle, S., 24 ans : « Très bien. Ça lui apprendra, au raciste. Voilà la femme du futur. »

Mes quatre fils, mes petites-filles et petit-fils, sont tous magnifiques d’esprit (et de corps, car sportifs) : je mourrai en paix car je continuerai à vivre, femme du futur, mieux accomplie que je ne le suis, dans ma descendance.

J’avais demandé à recevoir une invitation à la prochaine prière islamique mixte, dont j’ai parlé ici. Je l’ai reçue. Et finalement je ne désire pas y aller. D’après l’invitation, je trouve que ces personnes se la jouent premiers chrétiens dans les catacombes : l’adresse, changeante, ne sera donnée qu’au dernier moment, par sécurité, et il faut s’engager à ne pas la diffuser. Et puis en fait il n’est plus question de salat ni de prière, mais d’ « office ». Comprenant notamment un temps de conversation après la prière. Mais je n’ai nulle envie de converser après la prière. Je veux juste la pure prière islamique, parfaite et suffisante en elle-même. Je suis pour le prêche en français ou dans la langue du pays où l’on est, mais je me méfie de leur façon d’éviter les expressions en arabe, de dire « que Dieu vous bénisse » plutôt que «barakatou Lahi », comme pour effacer la somptueuse langue originelle du Coran, à la façon dont les catholiques ont effacé, avec leur latin, la langue grecque des Évangiles. Bref, avec quelques autres détails, je pressens que l’affaire ressemble à une entreprise sectaire soft, comme le sont certaines fraternités soufies ou les entreprises inspirées du « développement personnel » (qui récupèrent entre autres le yoga, hélas). Pire qu’à la mosquée normale, où tout le monde est bienvenu, quoique je continue à déplorer que les femmes y soient séparées des hommes et de la qibla. Ce n’est pas là, en fait, que je trouverai des femmes du futur selon mon sens : des femmes libres avec des hommes libres. Comme nous le vivons à la maison, ici et maintenant.

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Journée du patrimoine et de la manif climat-gilets jaunes

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Quand je suis arrivée aux Gobelins, la manif s’y annonçait aussi. Police partout (justice nulle part). Mais je m’en suis tenue à ma décision de ne pas faire de photos, contrairement à mon habitude. Et je suis partie visiter ce bâtiment romantique à deux rues de là, dit le « Château de la Reine Blanche », ouvert en cette journée du patrimoine. Une guide était en train de nous expliquer toute son histoire et celle du quartier, en remontant aux Romains – très intéressant. Mais de plus en plus il fallait faire abstraction des énormes détonations qui retentissaient à mesure qu’étaient lancées, à quelques dizaines de mètres, grenades lacrymogènes et autres sur les manifestants. Et puis le nuage de lacrymo nous a rejoints. Sages visiteurs, nous avons essayé de continuer à passer outre, un mouchoir sur le nez, mais ça piquait fort et au bout d’un moment certains sont partis, d’autres comme moi, certains avec enfants, se sont réfugiés à l’intérieur, dans la tour du petit château. Songeant à ce que devaient prendre les gens qui étaient directement dans la manif, alors que c’était déjà difficile pour nous qui étions dans une rue à l’écart. Quelle tristesse d’en être là, de réprimer les manifestants pour éviter de faire de la politique réelle.

Je suis rentrée chez moi en passant au milieu de dizaines et dizaines de policiers qui bloquaient tel passage, autorisaient tel autre. Plus tard, en fin d’après-midi début de soirée, j’ai parcouru l’avenue des Gobelins pour photographier, quand même, les traces laissées par la manif, tags, affiches, et quelques détériorations au sol.

 

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Ces gilets jaunes-là ne sont pas des manifestants mais des agents de nettoyage

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tags manif 29-minAujourd’hui à Paris 13e, photos Alina Reyes

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Sur la sortie du livre de Tariq Ramadan

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paris 13e 6-minCes jours-ci à Paris 13e, photos Alina Reyes

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Tariq Ramadan veut ignorer que les relations sado-masochistes impliquent l’entente explicite des partenaires, chacun et ensemble en recherche de jeux codifiés. Lui décide seul de violenter des femmes. La façon dont ces dernières décrivent toutes son changement soudain de visage au moment de passer aux actes me rappelle le changement de visage que j’ai aussi mentionné pour le personnage de Sad Tod quand il passe aux violences psychiques dont lui se contente, dans mon roman Forêt profonde, occulté par les médias parce qu’un parrain du milieu littéraire s’y reconnaissait (alors qu’aucun indice ne permettait d’identifier mon ou mes modèles ; et pourquoi les gens sont-ils fâchés quand ils se reconnaissent dans une fiction ? S’ils s’y reconnaissent, c’est sans doute que le portrait est ressemblant. Sinon, qu’ils ne s’y reconnaissent pas, c’est tout).

La façon dont ce parrain a été soutenu par son milieu me rappelle aussi la façon dont Tariq Ramadan a été soutenu par nombre de musulmans – dans le déni des faits. C’est humain, moi non plus je n’aime pas voir tomber des gens que jusque là j’avais appréciés. Cela blesse à la fois notre esprit de solidarité et notre égo, mécontent de s’être fait avoir et préférant le nier. Mais persister dans cette attitude est criminel. Si la justice n’avait pas entendu les femmes qui témoignent contre Ramadan, il serait toujours porté par la croyance en son innocence, ou en sa moindre culpabilité. Or les affaires de ce type ne peuvent pas toutes être portées devant la justice, certaines ne laissant pas suffisamment de traces. C’est donc notre responsabilité, individuelle et commune, de chercher ce qui se rapproche le plus de la vérité, notamment en ne se contentant pas d’écouter une seule des parties concernées. La vérité n’a rien à craindre du livre de Tariq Ramadan qui paraît aujourd’hui, à cette date qui doit contenter le sadisme de l’auteur, voire comporter une menace subliminale et dérisoire. J’ignore ce qu’il contient, mais puisque la justice l’a autorisé à paraître, il doit exposer sa version des faits sans comporter d’éléments passibles de poursuites – Ramadan fait partie des gens trop malins et bien conseillés pour cela. La version des femmes s’étale dans les médias depuis des mois. Quels que soient ses griefs contre ces femmes, dans l’aveuglement de Ramadan quant au mal qu’il est coutumier de faire nous pouvons voir un aveu de sa culpabilité, malheureusement indélébile.

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Sur les mosquées mixtes et la prosternation

Hier boulevard Auguste Blanqui à Paris, photo Alina Reyes

Hier boulevard Auguste Blanqui à Paris, photo Alina Reyes

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L’argument de ceux et celles qui sont favorables à une séparation des hommes et des femmes pendant la prière à la mosquée est qu’il y a quelque impudeur, ou quelque indécence, voire quelque manque d’élégance, à ce que les hommes puissent voir le derrière des femmes quand elles se prosternent. Argument ridicule. Quand on se prosterne, on a le front contre le sol, on ne voit rien. Ou bien c’est qu’on relève la tête par indiscrétion. Dans un cours de yoga – les cours sont mixtes bien qu’à l’origine le yoga fût réservé aux hommes et il s’y trouve des personnes de diverses corpulences – on se prosterne et l’on montre ses fessiers dans différentes postures maintes fois, et cela ne pose de problème à personne, on n’y pense même pas une seconde. Tout simplement parce qu’on n’est pas là pour regarder le cul des autres.

La majorité des fidèles viennent à la mosquée paisiblement, pour rencontrer Dieu et partager entre humains. Mais certains et certaines semblent y venir moins pour prier que pour essayer de séduire. Certaines jeunes femmes dûment voilées y viennent ultra-apprêtées et maquillées, certains hommes y ont les regards coulissants. D’autres, des deux sexes, ont tellement peur de la possibilité de séduire qu’ils et elles se composent des figures fermées, hostiles. Le voilà, le problème. Il ne se réglera pas en refusant la mixité, mais en changeant les mentalités. Des hommes et des femmes obsédés par l’interdit (que leur désir soit de le respecter ou de le transgresser, il est tout aussi aliénant) ne feront jamais des personnes spirituellement accomplies, ni en islam ni ailleurs – le problème n’est pas seulement celui de l’islam, il est universel.

Deux jeunes femmes imames travaillent à rendre à l’islam le bon sens. J’irai voir comment ça se passe, inch’Allah. En attendant, je leur souhaite la meilleure continuation.

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23 septembre 2019 : finalement, voici ce qu’il en est.

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Polanski, Moix et les botoxé·e·s du cerveau

 

Le monde mondain est une pourriture, mais c’est aussi une grosse farce qui peut faire rire. N’est-il pas amusant de savoir que Polanski se compare à Dreyfus, qui n’a jamais commis de crime, et que Moix accuse tout le monde de relayer les révélations de ses amis d’extrême-droite à son sujet ?

Je ne l’ai pas regardée mais en lisant le compte-rendu de sa prestation entre potes sur ONPC je ris moins en apprenant qu’il accuse son frère de mentir (encore une gifle qu’il lui envoie), qu’il prétend ne pas avoir mentionné son frère dans son livre parce qu’il était aussi une victime (alors que c’est parce qu’il avait peur des révélations qu’il pourrait faire sur son nazisme) et en rajoute sur les « tortures » qu’il dit avoir subies, alors qu’avant ce livre il disait avoir été souvent battu, mais pas au point d’être un enfant martyr. Au moins, Polanski ne va pas à la télé essayer de faire pleurer sur son enfance dans le ghetto de Cracovie et faire acte de contrition indigne dans l’espoir de sauver sa peau. Et surtout, il n’est pas que de ce monde : il est aussi, souvent, un grand artiste.

J’ai lu cette semaine dans le magazine Cerveau & Psycho, à la bibliothèque, que les injections de botox et autres opérations de chirurgie esthétique, en rendant certains muscles inertes, empêchaient certaines émotions. Les médias sont le botox des cerveaux. Appelons ce produit le botul. Botoxé·e·s et botulé·e·s ont décidément la vue et le jugement aussi troubles que leur marigot. Comme dit le titre du magazine, cerveau et psycho vont de pair, et une psychologie pourrie donne une pensée pourrie.

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Je reviens très bientôt avec de merveilleux textes du moine-artiste Ikkyû, que je lis tout en continuant à faire chaque matin au lever une bonne heure de yoga. Juste un de ses poèmes, en attendant :

Le Sentier Dépouillé
N’est qu’un chemin
En-dehors du monde flottant.
Pourquoi dissipe-t-il
Les poussières dans le cœur ?