Journal de déconfinement (2). Voisins et enfants

J'ai pris cette photo le 31 mars 2019 au Jardin des Plantes, où les cerisiers sont sans doute en fleur aussi ces jours-ci

J’ai pris cette photo le 31 mars 2019 au Jardin des Plantes, où les cerisiers sont sans doute en fleur aussi ces jours-ci

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Dans mon immeuble, situé entre la rue Mouffetard et la place d’Italie, entre le Quartier Latin et les grands quartiers de Street Art du XIIIe arrondissement, près du Jardin des Plantes, de la Pitié-Salpêtrière et de la Grande mosquée (comme le savent celles et ceux d’entre vous qui ont vu mes photos ici au fil des ans), les gens ne sont pas riches et tout le monde ou à peu près est resté là. En fait il s’agit de deux immeubles avec une petite cour entre les deux. Côté cour, côté rue, comme on dit à peu près au théâtre. Deux immeubles vieillots, pour ne pas dire vétustes – raison pour laquelle les loyers y sont deux fois moins chers qu’ailleurs à Paris. Depuis un ou deux ans de nouvelles familles sont arrivées, plus jeunes, d’origines plus diverses, avec des enfants. Un bonheur pour moi de voir les poussettes accumulées au bas de l’escalier, de croiser de temps en temps des enfants dans l’escalier (il n’y a pas d’ascenseur).

Maintenant que nous sommes confinés nous ne nous voyons plus (il n’y a pas de balcons) mais j’entends, de l’appartement du dessous, monter la musique africaine que ma jeune voisine écoute et les comptines qu’elle passe à son adorable fillette, les mêmes que je passais à mes enfants quand ils étaient petits. Deux sortes de sons très charmants (d’autant qu’elle veille à ne pas les mettre trop forts) et que j’aime particulièrement entendre quand je fais mon yoga, se superposer à ma propre musique d’accompagnement ou bien seuls, paisibles, joyeux et pleins de vie.

Il y a aussi, au-dessus, la vieille dame de quatre-vingt-dix ans qui monte ses quatre étages vaillamment. Depuis le confinement elle ne sort plus mais O s’est assuré auprès de sa fille qu’elle avait toujours de la visite – elle n’en manque pas. Comme nous avons eu le virus, nous ne sortons, alternativement, que rarement et précautionneusement, n’étant pas sûrs, jusqu’à ces derniers jours du moins, de ne plus risquer d’être contagieux. Mais je continue à entendre aussi la vieille dame – on entend tout dans cet immeuble, comme si les murs étaient en papier – quand elle se lève vers six heures du matin, quand elle allume la lumière (oui, dans le silence j’entends parfaitement l’interrupteur de l’appartement du dessus), quand elle marche sur le parquet… La vieille dame habite ici depuis quasiment toujours, parfois elle raconte (enfin, elle racontait, avant le confinement) la vie d’il y a longtemps dans le même lieu.

Je ne vais pas parler de chacune et chacun de mes voisins mais même si je les connais peu, même si les uns ou les autres sont parfois emmerdants (comme nous pouvons l’être parfois pour eux aussi), je les aime bien, forcément. À vivre comme ça les uns à côté, au-dessus ou au-dessous des autres. Je ne peux pas dire, comme certains, que le confinement renforce les relations de voisinage, puisque chacun plus que jamais reste chez soi, au point qu’on sursaute presque quand on entend un pas dans l’escalier. Ce qui me rappelle le temps où je vivais en ermite dans ma grange et où je filais me cacher les rares fois où j’apercevais la silhouette d’un humain dans la montagne. Sauf que c’était pour préserver ma solitude alors que là l’isolement est imposé, ce qui fait toute la différence – et je suis étonnée que tant de « romantiseurs » du confinement ne la fassent pas, comme s’ils ignoraient dans leur chair la différence entre un choix délibéré et un état contraint, entre la liberté et la servitude, fût-elle consentie comme dans le cas de ce confinement sanitaire.

Ce qui me rapproche de mes voisins, dans cette situation inédite, c’est quelque chose d’invisible. Le sentiment de notre commune condition humaine. Ce sentiment qu’ils éprouvent aussi, je le sais, même s’ils ne le disent pas non plus. Ce sentiment que nous éprouvons tous, et qui s’avère plus profond quand il s’exerce de façon sensible, envers des personnes proches, et pas seulement nos proches mais les personnes que le hasard, disons, a placées dans le lieu où nous sommes aussi, que nous les appréciions ou non. C’est beau d’avoir de grands idéaux de communauté humaine, de se sentir proche de tout être humain où qu’il soit sur la planète, mais c’est assez facile ; justement, l’éloignement rend la chose facile. Moins facile est de supporter au quotidien les gens en chair et en os plutôt qu’en idéal. Nous sommes des animaux solitaires autant que sociaux, avec des variations selon les individus, les uns ayant besoin de davantage de socialisation, d’autres de davantage de solitude. Et le confinement nous rend la fréquentation d’autrui et la séparation d’autrui plus difficiles parce que non choisies, ni même imposées par une noble cause comme par exemple la lutte pour la liberté, mais seulement pour éviter, souvent dans la peur, la propagation d’une maladie.

De temps en temps, un petit enfant descend dans la cour et y tourne en rond sur son tout petit vélo sans pédales. Tout joyeux, comme le sont malgré tout les enfants. Heureusement, moi non plus je n’ai pas perdu ma joie enfantine, et nous sommes un certain nombre d’adultes dans ce cas – les adultes graves ne nous voient pas mais notre joie chasse le mal, jour après jour, instant après instant.

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Coronavirus : Onfray lamentable et autres puissants détrônés

Le pape quitte la place Saint-Pierre déserte, où il a célébré une bénédiction urbi et orbi sans personne, ce 27 mars

Le pape quitte la place Saint-Pierre déserte, où il a célébré une bénédiction urbi et orbi sans personne, ce 27 mars

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Onfray sombre plus que lamentablement dans le racisme compulsif et la haine, spectacle le plus pitoyable de tous ceux qu’on a vus jusque là déclenchés par la pandémie et la peur de la mort qu’elle suscite. Oubliez les Darrieussecq, Slimani, Dombasle, BHL, Madonna et compagnie, Onfray fait pire qu’elles toutes réunies.

Que dire de tous ceux qui s’en prennent à ceux des jeunes de banlieue qui ne se confinent pas assez mais ne disent rien de ceux des jeunes des villages ou des petites villes de province bien blanches qui font de même, ni des citadins aisés qui sont partis infester des îles, ou qui déambulent en famille dans les beaux quartiers ? Qui ne disent rien non plus du rassemblement évangélique qui a massivement propagé le coronavirus dans toute la France, jusqu’en Guyane ? Qui ne disent rien, non plus, de tous ces gens qui vivent dans des banlieues pauvres et bossent à Paris ou dans d’autres villes pour subvenir, au péril de leur vie, aux besoins vitaux de l’ensemble de la population ? Que dire de tous ceux dont cette crise révèle ou démultiplie l’indignité ? De tous ceux à qui la peur fait perdre toute raison et toute humanité ? De tous ceux qui, s’étant toujours crus maîtres, perdent pied, cœur et tête à l’idée de l’immaîtrisable ?

Si Onfray avait pris le RER régulièrement à six heures du matin pour aller au travail, comme je le fis pendant quelques mois avant d’en tomber malade, il saurait que ceux sur qui il crache sont les mêmes, ou leurs amis ou parents, que ceux qui remplissent les RER à cette heure. Ceux qui accomplissent, pour un pauvre salaire, toutes les tâches ingrates qu’il ne voudrait pas accomplir. Sans eux, il ne pourrait pas vivre. L’inverse n’est pas vrai, pourtant ils ne l’ont jamais agressé, eux. Mais pourtant n’est pas le mot qu’il faut. Onfray insulte les pauvres, il n’y a pas à dire que pourtant ils ne lui ont rien fait. Car dans le monde d’Onfray, dans son monde de dominants, de petits maîtres, il n’y a aucune sorte de réciprocité entre privilégiés et défavorisés. Onfray comme ses pareils a bien de la morgue, mais aucune dignité.

La morgue des puissants en prend un sacré coup, en ce moment. Voyez les gouvernements débordés, les chefs d’État qui n’en peuvent mais, les religieux ramenés à leur juste mesure de petits humains obligés de se plier aux exigences de la survie et d’admettre sans le dire que leur construction de domination ne vaut rien, qu’un virus suffit à vider aussi bien La Mecque que le parvis de Saint-Pierre de Rome, que Dieu ne les préfère ni à d’autres humains, ni à d’autres vivants en cet univers.

 

La-Mecque-vide

Force de l’esprit vs mécanique du crime

Jésus marchant sur les eaux, par Gustave Doré

Jésus marchant sur les eaux, par Gustave Doré

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« Arrachez de votre île ces pestes publiques, ces germes de crime et de misère. Décrétez que vos nobles démolisseurs reconstruiront les métairies et les bourgs qu’ils ont renversés, ou céderont le terrain à ceux qui veulent rebâtir sur leurs ruines. Mettez un frein à l’avare égoïsme des riches ; ôtez-leur le droit d’accaparement et de monopole. Qu’il n’y ait plus d’oisifs pour vous. Donnez à l’agriculture un large développement ; créez des manufactures de laine et d’autres branches d’industrie, où vienne s’occuper utilement cette foule d’hommes dont la misère a fait jusqu’à présent des voleurs, des vagabonds ou des valets, ce qui est à peu près la même chose.
Si vous ne portez remède aux maux que je vous signale, ne me vantez pas votre justice ; c’est un mensonge féroce et stupide. » Thomas More, L’Utopie, trad. Victor Stouvenel

Par la fenêtre de mon ordinateur, j’observe et j’enquête. Comme aux questions « Qui a tué le petit Grégory ? » ou « Qui a tué John Kennedy ? », à la question du crime en lui-même il faut trouver des éclaircissements et des réponses. Le crime est là où sont les appâts du gain, du pouvoir, de la vanité, là où l’on se complaît dans leur bourbier verni.

Par la fenêtre de mon appartement, j’écoute crier un invisible vol de mouettes. Grâce au yoga, ma respiration est lente et calme (12 à 13 cycles à la minute assise à mon bureau, 9 la nuit couchée dans mon lit), ma tension basse (11), mon esprit, dans tout cet espace-temps libéré, rapide et paisible. « Le yogi, dit Iyengar, mesure la durée de sa vie non pas en nombre de jours mais en nombre de respirations. Puisque dans le pranayama la respiration est allongée, cela prolonge la vie. »

Le monde est l’un de ces Titanic dont nous ne voulons plus, pollueur et vain, insuffisamment pourvu en canots de sauvetage, sauf pour les plus riches. Et ce sont les pauvres, les travailleurs, toutes celles et ceux qui, au péril de leur santé ou de leur vie, sont à l’œuvre sur de petits bateaux, qui sont en train de l’empêcher de couler. Que celles et ceux qui sont confinés renforcent leur esprit pour le jour de chaque jour et pour celui du retour. Car les riches, les gâtés, n’ont pas de force d’esprit, ils ne peuvent sauver qu’eux-mêmes, ou même pas eux-mêmes. Pour que leur pesanteur ne fasse pas couler l’humanité, nous avons à rassembler toute notre vitalité.

Le yoga est une danse, dit Travis Eliot. Par la danse de l’esprit et du corps, nous avons pouvoir de marcher sur les eaux.

 

 

Coronavirus et autres dangers mortels. Le yoga, la guerre et la paix.

 

J’en témoigne parce que cela peut servir à d’autres : O, qui me connaît bien et pas seulement au sens biblique du terme, dit toujours que le yoga m’a métamorphosée, après que je m’y suis mise l’année dernière, en sortant de plusieurs opérations et d’un cancer récidivant. Et maintenant que nous avons eu le coronavirus à la maison, et qu’il m’a très peu atteinte, il dit aussi que le yoga m’a sauvée. Je ne dirai pas que le yoga est une panacée mais il aide, beaucoup. Physiquement et psychiquement. Sans avoir les effets secondaires néfastes des religions, même s’il peut être plus ou moins récupéré par les nouvelles religions new age, de coaching, etc., ou par certains gourous fort douteux.

J’encourage celles et ceux qui voudraient tenter l’aventure à le faire. Il est bon de suivre d’abord quelques cours en salle, mais il est possible de s’en passer, surtout si on a déjà pratiqué d’autres formes de gymnastiques ou danses et qu’on connaît la nécessité d’être attentif à éviter les fautes dans les mouvements, qui peuvent blesser. Et avant de vouloir suivre des cours gratuits en ligne, je conseillerais de se procurer, soit en librairie soit en bibliothèque soit chez le marchand de journaux, des livres et des magazines dans lesquels les mouvements de hatha yoga sont détaillés précisément. De les étudier, patiemment. Après avoir pratiqué un peu en salle, c’est ce que j’ai fait. Pendant plusieurs semaines, j’ai étudié et pratiqué seule les postures à la maison, chaque jour. Puis, quand je me suis sentie prête, j’ai exploré les cours en ligne, différentes formes de yoga. Et maintenant, selon les jours, selon ce que réclament mon corps et mon esprit (qui ne font qu’un dans le yoga), soit je suis tel ou tel cours, soit je construis mes séances moi-même. Séances qui sont à la fois exercice physique et exercice psychique.

Le yoga n’est bien sûr pas seulement une gymnastique, et j’ai accompagné mon étude des postures d’une étude des textes sur le yoga (j’en ai parlé à plusieurs reprises). Jusqu’à ce que, comme le corps finit par intérioriser les postures, l’esprit finisse par intérioriser l’esprit du yoga. Un esprit d’apaisement dont nous avons grand besoin, spécialement par temps de pandémie et de confinement. Mais aussi un esprit de guerre calme, claire et déterminée (contrairement à la « guerre » indéfinie, pleine de confusion et de carences, menée par Macron et son gouvernement). L’esprit de la Bhagavad-Gita, où le dieu active l’esprit du yoga chez le guerrier comme notre dieu intérieur active nos défenses immunitaires. Ce sont elles qui font réellement la guerre, et ce n’est pas nous qui les commandons. Notre rôle est de les seconder, en suivant le principe de vie qui les anime, en apprenant à connaître et respecter notre propre corps et en étendant cette connaissance et ce respect à tout le corps social, et par-delà encore, à tout le corps vivant.

La guerre et la paix. La guerre pour vaincre (même si la victoire ne peut être assurée), la paix pour accepter la bonne règle.

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Politique du confinement, les méfaits de la contrainte

 

Certes il faut accepter et sérieusement respecter le confinement pour ralentir la propagation du virus, puisque rien n’a été fait pour éviter d’en arriver là. On peut supporter vaillamment et même calmement le confinement, comme tant d’autres obligations – cela dépend de nous et aussi, beaucoup, des conditions dans lesquelles nous nous retrouvons confinés. Mais le confinement forcé n’est bon pour rien. Pour rien de ce qui est bon. Il n’y a rien à retirer de bon d’une situation de contrainte.

Le confinement des humains peut seulement être bon pour les animaux et pour la nature, parce qu’il peut alléger le confinement que les humains leur imposent. C’est tout. Que ce soit dans la sphère privée ou dans la sphère publique, réfléchissons davantage avant d’imposer telle ou telle contrainte, à nous-mêmes, à nos proches, à nos concitoyens.

Une fois que nous serons sortis de là, n’oublions pas ça : la contrainte est signe d’une mauvaise politique, qu’elle s’exerce à l’encontre des humains ou des autres animaux. N’oublions pas de vivre en sorte d’éviter, à nous-mêmes et à autrui, autant que possible, les contraintes inutiles. N’oublions pas d’être libres.

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Les hommes (avec Manu Dibango et un frère de Bilal)

 

Je vois sur Internet des stars en tous genres que le coronavirus rend vaches folles – dont il révèle en fait le chaos ordinairement caché derrière leur façade lissée, et l’inanité profonde. Il y a aussi, et ce sont souvent les mêmes, celles et ceux qui profitent de la crise pour faire leur promotion, de façon plus ou moins obscène, plus ou moins habile. Il y a enfin celles et ceux qui font sincèrement de leur mieux pour partager, donner de leur présence. Et je salue celle de Manu Dibango, emporté par le virus et malgré son départ si présent, si humain, si réellement génial.

 

 

J’ai téléchargé quelques-uns des ebooks gratuits proposés par la Fnac. Notamment l’Utopie de Thomas More, la Bible et le Coran. Le Coran ayant été, de façon amusante, pourvu du nom d’auteur Allah, se trouve être le premier livre sur ma liseuse, où ils sont classés par ordre alphabétique d’auteurs. Cette nuit, avant d’entamer l’Utopie, j’ai relu la première et la dernière sourate, L’Ouvrante et Les hommes. De même que l’Odyssée commence par les mots « Dis-moi l’homme », de même que Pilate dans les évangiles présente Jésus au peuple par les mots « Voici l’homme », l’humain est la matière du Coran, dans sa faiblesse face au mal mais aussi dans son possible dépassement (en dansant, par exemple) de l’  « humain, trop humain » (je fais sans cesse référence à ce mot de Nietzsche car il est si vrai).
Screenshot_2020-03-25 Google ActualitésJe trouve émouvante cette image (je ne l’ai pas trouvée en plus grand format) de cet homme en Afrique appelant aux précautions contre l’épidémie ; on dirait Bilal faisant l’adhan.

Nous sommes tout à fait remis du passage du coronavirus chez nous et en cette troisième semaine de confinement pour nous une paix royale règne à la maison, malgré la dure privation de sortie. Je songe aux cerisiers du Jardin des Plantes, que pour la première fois lorsque je suis à Paris je ne verrai pas en fleur. Et je n’oublie pas qu’il y a bien plus grand drame dans le monde.

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Épidémie et banalité de la barbarie (avec Brian Catling)

Face à l’incurie hallucinante du gouvernement révélée par la pandémie, incurie d’autant plus flagrante quand on la compare à l’efficacité avec laquelle elle a été gérée par les pays asiatiques ou aux mesures responsables mises en place par le gouvernement allemand, je pense à ce passage de Vorrh, roman de Brian Catling inspiré de Raymond Roussel que je lis en ce moment (l’ayant emprunté en bibliothèque numérique) :

 

Vorrh« Plus ils deviennent incapables de travailler, plus les aïeux pèsent sur cette économie pauvre. Une fois impotents, on les livre au bon vouloir des dieux du printemps en les plaçant devant leur maison avec à manger et à boire – de quoi tenir trois jours. À cette période-là de l’année, à l’inverse du déluge d’automne que nous venons d’endurer, la pluie est douce et constante. Les anciens restent assis sur place en silence, conscients qu’aucun dialogue, aucune supplique n’y changera rien : autant économiser leurs forces. Après le temps imparti, on les accueille de nouveau à l’intérieur pour les rendre à leur lit d’angoisse. Ils trouvent cette épreuve plus civilisée, moins cruelle que celle qu’imposaient leurs aïeux. Lors de ces lointaines périodes de famine, on les emmenait sur les falaises et les forçait à rentrer seuls. Les dieux s’engraissaient de leur charpie. Un quart d’entre eux mourra au cours des semaines à venir : fièvres nocturnes, grippes ou phénomènes d’intervention divine. Ceux qui restent seront célébrés, nourris et honorés encore une année. »

Brian Catling, Vorrh, Fleuve Éditions, 2019 ; trad. de l’anglais par Nathalie Mège

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